C’est le premier mouvement social d’enfants à l’échelle mondiale. Il y a un an en Suède, Greta Thunberg, adolescente de 16 ans, commençait une grève hebdomadaire, seule, devant son lycée. Progressivement, ce sont des milliers de jeunes qui lui ont emboîté le pas et sont entrés en grève tous les vendredis. Ils sont aujourd'hui des millions à s’engager dans les Fridays for Future, Youth for Climate et autres Climate Strikes.
Portrait d’une génération qui refuse d’être sacrifiée.“Quand je passais le brevet des collèges, je demandais à mes parents quel était le but de passer des examens, puisque de toute façon on va vers un effondrement”, raconte Sylvain, vingt ans, de Youth for Climate Marseille. Certains n’en sont pas à leurs premiers faits d’armes : Petr, dix-huit ans, impliqué dans Fridays for Future à Prague, est déjà passé par plusieurs autres mouvements, comme Mladí zelení (les jeunes Verts Tchèques) ou Limity jsme my, qui dénonce l’extractivisme par le blocage de mines de charbon. Linus a quinze ans et est engagé en Allemagne dans les grèves hebdomadaires de Fridays for Future. Avec Jakob, dix-huit ans, ils évoquent leur militantisme au quotidien : animation de rencontres nationales, répartition des groupes de travail, recherche de financements, gestion des relations avec les médias (“y compris les vieux médias, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas en ligne”)… Entre 400 et 500 groupes locaux participent aux grèves toutes les semaines, représentant jusqu’à 300 000 personnes lors de la journée d’action du 15 mars 2019. Sans prétention ni fausse modestie, Linus et Jakob sont pleinement conscients que l’ampleur de ce succès s’explique notamment par l’hyperconnexion de cette génération digital native. Les réseaux sociaux ont un rôle d’“agent de socialisation”, permettant de se retrouver plus vite, même dans des groupes hétérogènes, selon les propres termes de Sylvain. Nathan raconte : “J’ai travaillé pendant des mois avec des gens sans les voir, ce n’était pas si frustrant. Mon père m’a dit que lui ne pourrait pas”. Tous ces jeunes partagent un même langage, les revendications comme l’arrêt des énergies fossiles sont aisément mises en commun, la nécessité de sortir du productivisme, ainsi qu’une préoccupation pour les inégalités. Il faut dire que tous s’accordent sur le caractère systémique du problème du changement climatique, et la diversité des problématiques que cela implique. Mahaut déclare ainsi : “On ne peut plus dire “j’aime l’écologie et j’aime l’industrie” comme me l’a dit un militant du parti communiste, ce n’est plus possible”. Sylvain affirme carrément : “Si je peux ne pas travailler, ça me va très bien, le plein emploi c’est du bullshit !”. Nils, membre de l’exécutif de la Fédération des Jeunes Verts Européens, quand on lui demande comment réagissent certaines figures politiques des Verts à ces mouvements, s’agace : “Dans une interview qu’il a donné cet été dans Die Zeit, Daniel Cohn-Bendit dit que les revendications portées par Fridays for Future sont impossibles à réaliser. Mais ce n’est pas à un homme de soixante-dix ans de dire aux jeunes ce qu’ils doivent faire !”.
Rosalie SALÜN