texte de Sophie Chauveau (http://www.lesauvage.org/)
Mais pourquoi font-ils tant d’enfants ?
Le plus souvent sans réfléchir.
Par automatisme pour faire comme leurs parents.
Par conformisme, tout le monde en fait, non ?
Parce que « c'est une loi de nature ».
Par négligence. Ils ne l’ont pas fait exprès. N’ont pas fait attention.
Pour avoir quelqu’un de plus faible à dominer et sur qui se passer les nerfs.
Par peur du vide, pour avoir un but dans la vie : gagner de quoi nourrir ses mômes.
Pour avoir quelqu’un à aimer. Et surtout qui les aime.
Pour les alloc’, la sécu et la retraite. Dans la majeure partie du monde, seules les générations suivantes assurent les vieux jours de ceux qui ne peuvent plus travailler.
Ou parce que vraiment ils n’aiment pas les chiens.
Y pensent-ils seulement avant de se retrouver devant le fait accompli ?
Personne ne peut ignorer que 18 000 enfants meurent CHAQUE JOUR de faim; sans parler de ceux qui meurent de soif, de maladie, de maltraitance, de guerres accompagnées ou non de génocides ou autres petites tueries …
Il est impensable que la peur de les voir mourir n’arrête jamais les futurs parents.
On ne donne pas la vie impunément. Ça dure longtemps un enfant. En moyenne le temps d’une vie. Enfin normalement. Et ça demande bien davantage que des soins, une attention unique, des projets extravagants, des rêves inouïs, un luxe de temps, d’amour…
L’Occident qui prétend attacher tant de prix à l’enfant devrait se doter d’outils d’apprentissage à la parentalité afin d’éviter que se commettent toutes les horreurs que la presse débite chaque jour, ou dont témoigne le sadisme ordinaire des scènes de rues… Partout dans l’espace public, l’on entend des parents mal parler à leurs enfants sous prétexte que ce sont les leurs, et qu’ils sont trop petits pour les planter là, leur crier dessus, les insulter, les humilier voire les frapper. De la banalité du dressage.
Argument suprême de cet autre couple qui hante nos cités, la mendiante tenant dans ses bras un bébé ou un enfant très petit, morveux et haillonneux, de préférence au sein, le plus souvent endormi, dans les bras de sa pseudo-mère, tout aussi sale et misérable, avec pour légende muette « Pour nourrir mes enfants, s’il vous plaît». Au lieu d’avoir honte de les tenir en de si misérables postures, elles les exhibent ! Ce leur est un sujet d’orgueil, un argument pour exiger l’aumône.
Ce cri du cœur enfermé dans nos poitrines meurtries par ce spectacle, « quand on ne peut pas les nourrir, on n’en fait pas » personne n’ose le pousser.
D’autant que nourrir n’a jamais suffit. Mieux vaudrait commencer par ne pas les exposer dans les rues ou les métros à tous les vents du mépris et de la misère.
À la façon qu’ont certains, même pas à la rue, de brandir leur bébé, on dirait que ça n’est pas de leur faute, que ça leur est tombé du ciel.
Se retrouver enceinte n’a rien d’inéluctable. Je parle pour l’Occident, en espérant que l’Orient l’imite au plus vite. Mais partout dans le monde, et même en Orient, aucun homme n’est obligé de pratiquer le coït, encore moins le coït non protégé, non interrompu. Qui ne préférerait l’abstinence à voir mourir son enfant ?
En prime, aujourd'hui, personne ne peut ignorer les nombreux moyens contraceptifs, et si tous ont échoué, les moyens abortifs.
Depuis la nuit des temps, des femmes moins informées, moins instruites que celles de notre époque, ont su toutes seules éviter d’avoir des enfants non voulus. Et vous, vous ne sauriez pas !
Etaient-elles moins soumises aux hommes que vous le seriez aujourd'hui ? Étaient-ils moins violeurs ? Moins terrorisants ? Que diantre, ne vous êtes-vous pas libérées ?
La pulsion érotique n’impose pas la maternité, au contraire. L’éros est aux antipodes de la reproduction. Le plaisir n’est pas synonyme de surpopulation, il préfère le silence et les chemins de traverse.
L’enfant ne donne pas de droit. Et ne saurait être un argument pour ne rien faire de sa vie.
Au XXIe siècle, il ne devrait plus être loisible de donner la vie sans l’avoir mûrement réfléchi. Se reproduire n’est pas un droit de l’homme ni de la femme. En tout cas il faudrait le compter loin, très loin, derrière les droits de l’enfant. S’opposent trop souvent le droit de mal faire des enfants, voire d’en abuser, de ne pas les protéger contre qui les instrumentalise…, aux vrais Droits des enfants[1].
On ne peut pas à la fois essuyer une larme devant le moindre enfant mort, blessé ou abandonné, comme ces bébés d’Haïti que l’Europe entière après le dernier cataclysme se précipite pour adopter, ou ceux réifiés, torturés, assassinés par des Dutroux et autres pédophiles meurtriers qui défient la raison, et dans le même mouvement, si mal les élever à coup de correction, de roustes, branlées, dérouillées…, histoire de leur apprendre la vie ! Le tout assorti de phrases plus sadiques les unes que les autres, « non mais qu’est-ce que tu crois ? t’es pas là pour t’amuser ? C'est pas la vie, ça ! », et sans fléchir ni réfléchir plus avant, les enfermer des l’aurore de la crèche à l’école, en passant par l’armée, l’usine, le bureau, pour finir au mouroir…
Pour arriver à ces vies-là, c'était pas la peine.
Donner la vie ?
Quelle vie ?
Nos sociétés d’abondance, de liberté, de consommations excessives et de plaisir érigé en loi, démontrent à l’envi que le bonheur n’est pas inclus dans l’emballage. La preuve, il leur en faut toujours plus et ça ne marche pas. Ça transforme juste la planète en égout.
Alors que franchement, n’était ce goût pour la joie, le plaisir, le partage de minutes heureuses, l’odeur des freesias, la beauté du chat qui passe, la naissance du printemps et quelques singuliers émois, il n’y aurait plus personne à embrasser.
Le plus petit commun dénominateur de l’espèce n'est-il pas encore ce goût immodéré pour le bonheur ? Celui-là, qu’on s’entête à le sauvegarder et à le transmettre, je comprends. C'est d’ailleurs pour lui, pour le simple bonheur de jouir de la beauté, que je m’insurge contre cette affolante, affolée démographie.
J’ai souvent une pensée souriante et même envieuse pour les enfants qui n’ont pas vu le jour et ne connaîtront donc pas les misères qui affligent, torturent, assassinent…, les vivants. Qui n’ont pas eu la chance d’avoir été avortés, empêchés, ou n’ont pas su s’escamoter d’eux-mêmes à des âges non-viables.
C'est au nom du bonheur que je réclame un moratoire sur les bébés.
C'est par amour pour les enfants désirés et heureux que je voudrais qu’on arrête d’en produire à la chaîne, sans conscience ni contrôle.
Arrêtez de vous reproduire, toutes, tous.
Arrêtez deux ans.
Cinq ans ce serait mieux.
Arrêtez de faire naître des enfants sans y avoir réfléchi.
Deux ans, cinq ans de réflexion, et les trois quarts des problèmes d’environnements, de ressources, d’écologie, d’économie… seraient sinon réglés, du moins notablement diminués. Atténués.
Alors… Non je ne vais pas énumérer ce que chacun pourrait faire durant ces années sans bébé. Chacun ses rêves, et les vôtres sitôt que vous vous serez libérés du prétendu diktat de la Nature, seront aussi riches que nombreux.
Ôtez les bébés de vos perspectives immédiates, et reprenez vos rêves là où les a plombés le conformisme, là où les a fait dévier le mimétisme du courant dominant…
Ceux qui naîtront ensuite seront plus heureux. Et vous aussi.
Je n’irai pas jusqu’à dire le monde sera sauvé, mais je pense qu’il sera plus beau, plus léger et se portera mieux.
Sophocle ne disait-il pas déjà en son temps où nous étions légèrement moins nombreux « Ne pas être né est peut-être un grand bienfait ».
[1] on peut le trouver dans la Convention internationale des droits de l'enfant, qui n’a que 54 articles, faciles à mémoriser