David : Quelle est la différence principale entre les deux protagonistes ?
Sylvia Zappi : Parlons d'abord de leur ressemblance. Ce sont deux personnalités initialement extérieures à Europe Ecologie-Les Verts (EELV), deux personnalités "d'ouverture" que les écologistes sont allés chercher, pensant ainsi élargir leur audience. Ils ont en quelque sorte sous-traité leurs candidatures. Cela dit, il y a un positionnement différent entre les deux principaux candidats : l'une, Eva Joly, défend une "écologie de combat", estimant que pour imposer le changement de société qu'elle défend, il faudra s'affronter à un certain nombre d'intérêts économiques et de lobbys ; Nicolas Hulot, lui, défend une "écologie heureuse", dont il espère convaincre les électeurs à travers des exemples positifs et de la pédagogie.
Benhuriet : Pourquoi ne pas parler des deux autres candidats ?
C'est vrai que cela peut paraître injuste, mais tout le monde sait que dans cette primaire, c'est d'abord un duel dont il s'agit, celui entre Eva Joly et Nicolas Hulot. Les deux autres candidats savent, même s'ils s'en défendent, qu'ils sont là pour faire de la figuration. L'un, Henri Stoll, s'est présenté plusieurs fois aux élections internes de désignation de la candidature à la présidentielle. C'est une manière pour lui de faire exister l'élu local alsacien d'une petite commune de 3 000 habitants, et une écologie de terrain.
L'autre, Stéphane Lhomme, avait clairement prévenu qu'il se présentait pour combattre Nicolas Hulot et éviter qu'il ne soit désigné. Stéphane Lhomme, ancien responsable du réseau Sortir du nucléaire, a en effet fait de la conversion tardive de l'ex-animateur de TF1 en opposant à l'atome, un de ses chevaux de bataille.
Les trois débats qui ont eu lieu leur ont permis à tous les deux, clairement, de s'opposer à Nicolas Hulot.
Arthur33 : L'après-primaire sera-t-il si difficile que ça ? Joly et Hulot sauront-ils travailler ensemble en oubliant leurs échanges musclés ?
Il ne faut pas exagérer le caractère tendu des échanges. Ce n'est en effet que lors du troisième débat à Lille que les deux principaux protagonistes se sont attaqués l'un l'autre. Tout cela est resté fort raisonnable dans le cadre d'un affrontement politique.
Les deux entourages se parlent régulièrement, et l'un et l'autre ont assuré qu'ils soutiendraient celui ou celle qui sera désigné.
Ils ont suffisamment insisté sur la nécessité du rassemblement pour se retrouver à l'issue du scrutin et faire campagne ensemble.
Samy Khaldi : La critique portée sur le vote électronique aura-t-elle des conséquences, une fois le candidat désigné, sur son éventuelle légitimité (représentativité des écologistes et sympathisants) ?
C'est vrai que le vote électronique, qui est un des deux modes d'expression des votants avec le vote par correspondance, est un mode assez étonnant chez les écologistes, qui l'ont toujours critiqué pour les élections nationales. Estimant à juste titre qu'il n'y avait pas d'assurance totale de sécurité des votes.
Cela dit, la direction du mouvement a assuré qu'elle avait vérifié l'existence physique des personnes inscrites via mail. Que cela soit par la photocopie d'une pièce d'identité, la réalité des adresses postales, l'IP des adresses Internet, ou la vérification de l'authenticité des paiements par Carte bleue. Elle s'estime confiante sur l'absence de contestation. Mais les écologistes nous ont souvent habitués à des contestations juridiques. Il ne faut pas exclure une surprise.
Poulos12 : Stéphane Lhomme soutiendra-t-il vraiment Nicolas Hulot si celui- ci était choisi?
Quand je parlais d'engagement de soutien au candidat désigné, je pensais essentiellement à Eva Joly et à Nicolas Hulot, qui s'y sont engagés. Stéphane Lhomme l'a déjà dit, il combat la candidature de Nicolas Hulot, l'estimant illégitime, jugeant que l'animateur de Ushuaia est trop lié à certains de ses mécènes comme L'Oréal, EDF ou TF1. Il a déjà dit qu'il ne le soutiendrait pas comme candidat, puisqu'il le combat dans ce scrutin.
Max : Pourquoi Nicolas Hulot se présente-t-il ? Et ne se contente-t-il pas soutenir les Verts grâce à son charisme ?
Nicolas Hulot a longtemps pensé qu'il pouvait, grâce à son aura médiatique, suffisamment influencer les décideurs pour faire passer un certain nombre de ses idées. Il en a vu les limites en 2007, avec la signature de son pacte écologique, mais également avec le Grenelle de l'environnement, qui a été depuis un an largement vidé de sa substance.
Il est persuadé qu'il ferait un meilleur candidat que quiconque à EELV, en s'appuyant sur sa capacité à convaincre, comme il le faisait lors de ses émissions, sur sa popularité, et sur le fait qu'il n'a jamais été engagé politiquement. Il pense qu'il peut élargir, vers le centre notamment, l'audience d'une candidature écologiste et convaincre des gens qui n'ont jamais pensé voter écolo.
Florian: Quand je vois l'intitulé de ce chat et les commentaires, je me demande si les primaires ne sont pas faites d'abord et peut-être avant tout, pour les journalistes, ou en tout cas pour la politique spectacle. Qu'en pensez-vous?
L'intitulé d'un chat est comme un titre d'article, il résume une idée pour essayer aussi d'attirer l'attention. C'est forcément réducteur, mais c'est le jeu.
Les primaires ont d'abord été voulues par les écologistes, et non par les journalistes, pour populariser leurs idées et mettre en scène des conceptions différentes et les porter. C'est Europe Ecologie qui a décidé d'organiser trois débats publics et de les diffuser sur le Net. C'est une manière judicieuse de faire suivre non seulement par leurs électeurs inscrits, mais par le plus grand nombre, les débats qui la traverse. C'est aussi une manière d'exister avant que la primaire socialiste ne démarre.
Tim : Le deuxième tour de la primaire risque-t-il de s'envenimer ?
Il n'est pas sûr qu'il y ait un deuxième tour. Si l'un ou l'autre des candidats est élu avec plus de 50 %, il sera définitivement désigné. Et sa campagne pourra démarrer. S'il y a un deuxième tour, il doit y avoir un seul débat de prévu. Cela laisse peu de temps pour se déchirer. En revanche, cela donnera une occasion supplémentaire à l'un et à l'autre de montrer leur conception différente, de faire campagne, d'exposer les axes sur lesquels ils entendent l'appuyer, et les alliances qu'ils pourraient dessiner. Le jeu se resserrerait, mais peut-être aussi le débat serait-il ainsi plus clair.
Poulos12 : Le fait qu'il ne se positionne pas clairement à gauche, et notamment sur sa profession de foi, n'est-t-il pas un handicap dans le scrutin des primaires?
C'est vrai que Nicolas Hulot s'en est plusieurs fois expliqué : s'il fait siennes certaines valeurs de la gauche, il n'entend pas rallier un camp. Il explique qu'il n'y a pas de "deal" possible avec la majorité gouvernementale actuelle, mais n'exclut pas une alliance avec Jean-Louis Borloo. Je ne sais pas si c'est un handicap, il estime lui, sûrement, que c'est au contraire un atout, puisqu'il veut élargir vers le centre, l'audience et l'électorat d'Europe-Ecologie. Il ne s'en cache pas. C'est là la différence avec Eva Joly.
Guest : Quelles seront les conditions de ralliement d'EELV avec les socialistes ?
EELV a clairement dit qu'ils étaient en discussion avec les socialistes à la fois sur un accord législatif et sur un contrat de gouvernement. La première condition d'un tel accord au deuxième tour sera l'engagement du ou de la candidate socialiste pour une sortie du nucléaire, assortie de la fermeture des centrales les plus vétustes, et d'un vaste plan d'économies d'énergie et de développement des renouvelables. Ils ont aussi clairement demandé l'introduction d'une dose de proportionnelle.
Ils ont par ailleurs des revendications dans d'autres domaines, mais qui ne sont pas présentées comme des conditions sine qua non. Elles relèvent plus d'une négociation entre forces politiques pour la rédaction du contrat de gouvernement.
Philippe : Peut-on rappeler les préférences (Hulot ou Joly) des différentes personnalités d'EELV ?
Eva Joly, ayant démarré tôt sa campagne, a reçu très vite le soutien des principales personnalités du mouvement. C'est vrai des parlementaires européens comme Yannick Jadot, Karima Delli, Hélène Flautre, Pascal Canfin. Des parlementaires nationaux comme Noël Mamère ou François de Rugy. Et des personnalités comme Dominique Voynet ou Marie Blandin.
Nicolas Hulot a, lui, un soutien moindre en termes de figures écolos. Il peut compter sur Yves Cochet, Jean Desessard, Jean-Paul Besset, Denis Baupin et, plus récemment, José Bové.
Cécile Duflot, qui s'était d'abord engagée auprès d'Eva Joly, puis qui avait assuré de sa neutralité, n'arrive plus à cacher dorénavant sa nette préférence pour Nicolas Hulot. Mais elle évite toute déclaration trop voyante, sachant que l'ensemble du mouvement, et ses proches en particulier, sont très divisés, entre ceux qui soutiennent la députée européenne et ceux qui préfèrent l'ancien animateur de télévision.