Greenpeace reste profondément discrète sur son fonctionnement. Les " activistes " font parler d'eux mais ne parlent jamais d'eux. Mais six d’entre eux ont accepté de raconter* leur engagement, à visage découvert. Ils se félicitent d'avoir démontré durant cinq longues heures la vulnérabilité de la centrale de Nogent-sur-Seine. « Quand on t'appelle pour te demander si tu peux te libérer quatre ou cinq jours, tu ne sais pas où se passera l'action et même quelle en sera la durée exacte » , racontent les activistes. A l'origine de l'engagement, il y a un sens très développé de la désobéissance civile et beaucoup de courage. Les activistes sont formés pour participer à des opérations de confrontation non violent. La priorité pour Greenpeace est de pouvoir poser une image sur ce qu'elle veut dénoncer. L'exploit physique des grimpeurs, capables de s'accrocher en quelques minutes sur une façade de ministère, à un pont ou à une grue de chantier, impressionne toujours. Protester n’intéresse pas Greenpeace, l’organisation a une culture du résultat.
Résister à la pression, rester zen, c'est ce qu'apprennent les futurs activistes. 80 % de cette formation porte sur la non-violence lors du stage de base, le Basic Action Training, le " BAT ". Les personnes doivent être prêtes à endurer des situations de stress, physique et psychologique. Les militantes ont vite fait de se faire cracher dessus, traiter de "pétasse", de "salope", tu es formée pour sourire, ne pas répondre. Pas toujours facile, mais c'est la condition pour devenir activiste. Alice Daguzé, activiste parisienne, a sa méthode. " Quand tu as un policier en face de toi, si tu t'adresses à son uniforme, c'est l'uniforme qui te répondra, explique-t-elle. Il faut parler à l'homme.
Les têtes brûlées ne sont pas les bienvenues. Chaque initiative est minutieusement préparée avec des repérages, des briefings durant lesquels sont présentés le contexte politique de la campagne, l'action elle-même et ses conséquences judiciaires éventuelles. Quand les militants partent pour participer à une action, les voyages sont payés en espèces, les puces des téléphones sont retirées, ils ne doivent pas être tracés. Se taire pendant la garde à vue, connaître le numéro de l'avocat, n'est pas le propre des militants de Greenpeace. Tout militant confronté actif sait cela. L'adrénaline et l'intensité de chaque action créent de la complicité. Les activistes forment une grande famille, une communauté contente de se retrouver et de se mobiliser. Océan, déforestation, nucléaire, transition énergétique, pollution, chacun puise dans l'une des nombreuses campagnes de Greenpeace sa motivation. Et tous se souviennent de moments forts, se félicitant et s'étonnant parfois de leur réussite.
Aujourd'hui, le problème pour Greenpeace est de renouveler le vivier de ceux engagés dans les opérations. La multinationale militante compte quelque 2 500 salariés dans le monde, 70 en France. Le nombre de cotisants, supporteurs ou adhérents atteint quelque 3 millions, dont 170 000 en France. Les militants réguliers sont quelque 25 000 à 50 000 dans le monde, dont 1 000 à 1 500 activistes. En France, ils ne sont que 500 militants répartis dans 25 groupes locaux. Et les activistes français seraient moins de 100. Ce nombre limité explique aussi le recours fréquent aux groupes étrangers, grimpeurs ou plongeurs…
* MONDE Magazine, 21 janvier 2012
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