10/27. Italie, surpopulation en voie d’extinction

Chaque jour nous publions un des 27 chapitres du livre de Michel SOURROUILLE

SURPOPULATION Afghanistan, France, Royaume Uni…

aucun pays n’est à l’abri

https://librairie.edilivre.com/essai/33438-surpopulation-9782414634231.html

Selon l’Institut national de la statistique (Istat), le solde naturel démographique de la péninsule est passé en 1993 pour la première fois de l’histoire du pays en négatif. Le gouvernement de Giorgia Meloni entend donc aujourd’hui relancer les naissances face à ce que certains appellent l’« hiver démographique »1. C’est d’ailleurs la première des vingt-cinq mesures de son programme pour « relever l’Italie ». L’intitulé du « ministère de la famille » a été complété par « et de la natalité ».

C’est pour conjurer cet « hiver démographique », une expression passée dans le langage courant des Italiens, que les « états généraux de la natalité » ont été créés. La troisième édition s’est tenue à Rome en mai 2023 en présence de la présidente du conseil, Giorgia Meloni et du pape François. Responsables politiques, économiques, syndicaux ou religieux, tous ont dressé le constat d’un pays vieillissant, où les retraites seront de plus en plus difficiles à financer. Le tableau présenté se veut apocalyptique :

– Les chiffres donnent le vertige. En 2022, l’Italie a donné naissance à moins de 400 000 enfants selon l’Institut national de statistique (Istat), tandis que, sur la même période, le pays enregistrait plus de 700 000 décès.

– La Péninsule, qui compte 59 millions d’habitants en 2023, pourrait en perdre 12 millions à l’horizon 2070 si rien n’est fait pour enrayer la chute des naissances.

– Le ministre de l’agriculture Francesco Lollobrigida. : « Il existe une culture, une ethnie italienne, qu’il faut protéger. » 

En mai 2021, le Pape avait déjà appelé à faire « tout le possible pour vaincre cet hiver démographique en Italie qui va contre nos familles, contre notre patrie, et aussi contre notre futur » :

« Comment est-il possible qu’une femme ressente de la honte pour le plus beau cadeau que la vie puisse offrir ? Ce n’est pas la femme, mais la société qui devrait avoir honte, car une société qui n’accueille pas la vie cesse de vivre… Les enfants sont l’espoir qui donne naissance à un peuple ! Nous sommes appelés à transmettre la vie… Nous ne serons pas en mesure de nourrir la production et de protéger l’environnement si nous ne prêtons pas attention aux familles et aux enfants. La croissance durable vient d’ici… Le taux de natalité dramatique et les chiffres effrayants de la pandémie appellent au changement et à la responsabilité… Il faut des politiques familiales de grande envergure, fondées sur la croissance du bien commun à long terme… Il est urgent d’offrir aux jeunes des garanties d’emploi suffisamment stable, la sécurité de leur foyer… Et sans taux de natalité, il n’y a pas d’avenir. C’est un défi non seulement pour l’Italie, mais aussi pour de nombreux pays, souvent riches en ressources, mais pauvres en espoir. »2

Ce discours est significatif de la tentation religieuse de régenter dans un sens nataliste le choix de faire des enfants. Or un pape ou n’importe quel autre dignitaire religieux n’a rien à dire sur l’organisation de la vie civile dans un pays qui se veut démocratique. C’est au peuple de décider, les arguments d’autorité n’ont pas lieu d’être. Le pape François ne peut accuser des femmes de ne pas avoir d’enfant, c’est leur liberté de choix d’avoir ou non un enfant qui serait vraiment désiré. Un pape est un célibataire sans enfant. Pourquoi refuser aux autres ce qu’il s’autorise pour lui-même ?

Le langage papal est d’autant plus inadapté qu’il s’agit d’un pays qui compte 60 millions d’habitants et une densité de 200 hab./km2. Cela veut dire que chaque Italien n’a à sa disposition qu’un carré de 70 mètres sur 70 mètres avec lequel il devrait pouvoir à la fois faire son potager, nourrir son bétail, construire sa maison, trouver du pétrole, et même laisser un peu d’espace pour la nature sauvage. Quand la surpopulation est avérée, sauf à croire au miracle, on ne peut ignorer les réalités biophysiques. Les prix alimentaires ont accéléré leur hausse à 9,8% en 2023, contre 8,8% en 2022 : trop de besoins, pas assez de production. Comme dans d’autres pays européens, la crise du logement s’aggrave en Italie : manque de construction ou trop de gens à vouloir un toit ? Le taux de chômage est élevé, à 13,4 % en novembre 2023 : trop de demandeurs d’emploi, pas assez d’offre. L’état de surpopulation est avéré, offre et demande sont déséquilibrées dans tous les domaines. Les Italiens commencent à réfléchir et se projeter dans l’avenir. Avec 1,27 enfants par femme en 2020, les Italien(ne)s font donc preuve de sagesse. Malgré tous les efforts des natalistes de tous bords, la baisse de la natalité ne peut que se poursuivre.

Ajoutons qu’un chrétien ne peut s’appuyer sur les livres sacrés ; Ancien et Nouveau testament ne disent rien sur le niveau de population soutenable dans un territoire donné. Malthus, un pasteur anglican dont le patronyme est entré dans le dictionnaire (« malthusien ») donne cette interprétation judicieuse de la Bible :

« La première objection est que mes principes (de limitation de la fécondité humaine) contredisent le commandement du Créateur, ordre de croître, de multiplier et de peupler la terre. Je suis pleinement persuadé que c’est le devoir de l’homme d’obéir à son Créateur, mais ce commandement est subordonné aux lois de la nature dont il est l’auteur. Si, par une opération miraculeuse, l’homme pouvait vivre sans nourriture, nul doute que la terre ne fût très rapidement peuplée. Mais comme nous n’avons aucune raison de compter sur un tel miracle, nous devons, en qualité de  créatures raisonnables, examiner quelles sont les lois que notre Créateur a établies relativement à la multiplication de l’espèce. Si nous prétendons obéir au Créateur en augmentant la population sans aucun moyen de la nourrir, nous agissons comme un cultivateur qui répandrait son grain dans tous les lieux où il sait qu’il ne peut pas croître. Je crois que l’intention du Créateur est que la terre se peuple ; mais qu’il veut qu’elle se peuple d’une race vertueuse et heureuse ; non d’une race souffrante et misérable. »3

Quelles réponses faire à tous ces gens qui se comporte comme des anti-malthusiens ?

La croissance durable (désirée par le pape François) est devenue impossible sur une planète dont l’activité humaine a déjà épuisé les richesses les plus accessibles.

Comment demander des « garanties d’emploi » dans un contexte où tous les indicateurs économiques et écologiques virent au rouge ?

Donner naissance à un enfant ne dit rien en soi sur sa vie à venir, le « droit à la vie » est une revendication soumise à contraintes multiples.

Le bébé n’est pas un cadeau, il a un coût culturel et financier pour les parents, sans compter son empreinte écologique, importante pour un bébé italien.

Trop d’enfants nuit gravement à l’environnement, en particulier réduit fortement l’espace dévolu à toutes les autres espèces animales.

Les raisons qui sous-tendent la baisse de la natalité en Italie sont donc beaucoup plus puissantes que quelques agitations politiciennes religieuses ou post-fascistes. Le grand nombre multiplie les difficultés. Qui a envie de naître dans un monde avec des perspectives amoindries pour les générations futures ? Où trouver l’enthousiasme pour élever des enfants supplémentaires avec l’inflation, les crises de logement et du travail, la guerre aux portes de l’Union européenne, le dérèglement climatique ? Comment permettre à la société de trouver un nouvel équilibre entre sa population et ses ressources ?

Voilà les questions qu’il faudrait affronter en face. Sinon la transition écologique va se faire de manière violente. Des dirigeants vraiment responsables ne penseraient pas à accroître la population, mais à préparer un avenir meilleur avec une population moindre : moins nombreux, plus heureux.

2 http://www.vaticannews.cn/fr/pape/news/2021-12/pape-francois-familles-hiver-demographique.html

3 Malthus, Essai sur le principe de population (Flammarion 1992, tome 2, page 341 à 347)

4 réflexions sur “10/27. Italie, surpopulation en voie d’extinction”

  1. on n'arrête pas le progrès !

    La solution pour l’Italie, le Japon et j’en passe :

    – « Dans une interview publiée dans la revue Science and Stuff, Hashem Al-Ghaili, biotechnologue, explique que l’EctoLife pourrait permettre à 30 000 bébés de naître chaque année. Selon lui, la question de l’utilisation d’un utérus artificiel se trouve bloquée par des questions plus éthiques que scientifiques, car le procédé d’utérus artificiel existe déjà, mais se heurte aux consciences. Cependant, il affirme que la société évolue et que l’utérus artificiel pourrait même remplacer les naissances traditionnelles pour les femmes inquiètes des complications d’une grossesse par exemple. Il pourrait surtout être une solution pour les couples infertiles ou en attente d’adoption, une procédure qui peut parfois durer des années. »
    ( Déclin démographique : un biotechnologue invente une « usine à bébé » pour faire naître 30 000 enfants par an – neozone.org/ 15 décembre 2022 )

  2. Je doute que Giogia Meloni soutienne ce discours. J’imagine aussi l’embarras de nos pseudo malthusiens, uniquement obsédés par le « surnombre » des Autres.
    C’est déjà là qu’ON mesure toute l’absurdité de ce discours. À commencer par ces déclarations au sujet du pape, qui n’a rien à dire sur l’organisation de la vie civile dans un pays qui se veut démocratique (sic), etc. etc. Ridicule !!! Comme si un pape n’était pas un homme politique. Et depuis un bon moment déjà. Comme tout le monde peut le vérifier, il n’aura pas fallu attendre François pour qu’il en soit ainsi. Autrement dit, et qu’ON le veuille ou non, ainsi soit-il !
    (à suivre)

    1. Esprit critique

      suite) Tout aussi ridicule, les fumeuses questions qu’il faudrait affronter en face (sic).
      Comme si ON ne connaissait pas les causes de cette baisse de natalité, ici ou là.
      Comme si le manque de confiance en nos politiques (entre autres), l’éco-anxiété, la grosse fatigue, l’incapacité de penser un avenir autre que catastrophique… comme si tout et n’importe quoi se devait d’être ramené obligatoirement au Surnombre (« surnombre »).

      – « Le tableau présenté se veut apocalyptique : [blablabla et patati et patata] »
      Entre un tableau apocalyptique et un tableau catastrophiste… lequel est le mieux ?
      C’est la question que les Malthusiens feraient bien d’affronter en face.
      – Baisse de la démographie : n’oublions pas la responsabilité des éco-activistes !
      (actionecologie.org/2024/01/17)
      – Une société qui n’a pas confiance dans l’avenir est-elle condamnée à disparaître ?
      ( lecercledeseconomistes.fr 18 janvier 2025 )

      1. Esprit critique

        – « Ajoutons qu’un chrétien ne peut s’appuyer sur les livres sacrés ; Ancien et Nouveau testament ne disent rien sur le niveau de population soutenable dans un territoire donné.»

        Par contre Malthus, lui il peut.
        Et le comble c’est que Biosphère nous cite son interprétation judicieuse de la Bible » :
        – « Je crois que l’intention du Créateur est que la terre se peuple ; mais qu’il veut qu’elle se peuple d’une race vertueuse et heureuse ; non d’une race souffrante et misérable. »
        Voilà donc que que notre pasteur croyait…
        Et moi je crois que sur ce coup il n’avait pas forcément tort. Comme quoi…
        En effet il suffit de poser la question à ChatGpt pour avoir quelques pistes de réflexion :
        – « Conclusion : Bien que les textes bibliques ne parlent pas explicitement de la « population soutenable », ils offrent des principes de gestion responsable des ressources, de soin pour les autres et de respect de la création. Ces principes peuvent être appliqués aux discussions modernes sur la durabilité et la gestion des populations. »

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