Chaque jour nous publions un des 27 chapitres du livre de Michel SOURROUILLE
SURPOPULATION Afghanistan, France, Royaume Uni…
aucun pays n’est à l’abri
https://librairie.edilivre.com/essai/33438-surpopulation-9782414634231.html
Le Liban est assez symptomatique d’une très vieille région qui a vu passé toutes les civilisations depuis les mésopotamiens. Elle a pour culture historique la confrontation violente : guerres civiles, insécurité, société divisé en communauté religieuses, émigration économique et immigrations politiques, ingérence des pays limitrophes ou régionaux, crises économiques ou financières… Entre 1960 et 2022, le nombre d’habitants au Liban est passé de 1,80 millions à 5,49 millions, soit une multiplication par trois en 62 ans seulement. Cependant ce nombre est fluctuant, 6,6 millions d’habitants en 2018 par exemple. Le Liban a connu la plus forte augmentation démographique en 2013 avec 6,78 % et la plus forte baisse a été enregistrée en 2019 avec -2,84 %. Ces variations démographiques sont le signe des perturbations de tous ordres qui touchent le Pays du Cèdre et ses environs. Tous ces chiffres ne sont d’ailleurs qu’approximatifs, le dernier recensement date du mandat français… en 1932.
De toute façon ce qui importe pour juger d’un état de surpopulation n’est pas le nombre global d’habitants, c’est la densité. Le Liban avait 547 hab./km² en 2021, ce qui veut dire que 5 à 6 personnes n’ont à leur disposition qu’un seul hectare, soit un carré de 100 mètres de côté. Pour être encore plus précis, il faut considérer la densité par superficie cultivable. Or le Liban a un potentiel agricole limité. Ce pays est pour ainsi dire une montagne débouchant sur la mer Méditerranée. Une rocade côtière est le seul axe de circulation et d’unification longitudinal. Le mont Liban est le plus élevé des montagnes littorales de l’est de la Méditerranée, dépassant 3 000 mètres et la plupart des terres ne sont pas arables. Les maronites avaient transposé dans le massif montagneux leurs techniques agricoles minutieuses de la plaine, et notamment le système des terrasses, faisant du mont Liban une montagne « reconstruite ». La rançon du développement de cette puissante civilisation agricole fut en revanche le déboisement quasi total de la montagne. Si au Moyen Âge le mont Liban n’était déjà plus un grand producteur de bois d’œuvre, il alimentait encore en bois de feu et en charbon de bois les plaines voisines. Cette ressource a totalement disparu à l’époque moderne. Aujourd’hui le secteur agricole peine à survivre sur un marché régional concurrentiel. Et les pratiques agricoles ont entraîné l’érosion et l’appauvrissement des sols, l’épuisement des ressources en eau souterraines, la pollution de l’eau et l’utilisation de pesticides avec des incidences sur la santé. L’insécurité alimentaire ne peut que s’accroître.
Les habitants, majoritairement citadins (89 % de la population en 2022), se concentrent sur l’étroite plaine littorale. La capitale, Beyrouth, dépasse 1 million d’habitants, elle entasse 20 % de la population du pays. Dans Tripoli, la seconde ville la plus peuplée, 85 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et les laissés-pour-comptes n’ont d’autres options que de se tourner vers la charité. Les villes ont de tous temps et dans tous les lieux été subventionnées par les campagnes, ce qui leur permet d’atteindre une densité de population très élevée, trop élevée. Qu’un blocage interne ou international survienne, et les habitants des principales villes libanaises risquent fort d’éprouver la famine et les conflits interethniques.
La population est culturellement hétérogène. Cela joue un rôle central dans l’équation démographique. La surpopulation résulte souvent d’une compétition entre ethnies par le nombre de nouveaux-nés. En France on s’inquiète sans preuves d’un éventuel « Grand remplacement » des Français de souche par les migrants. Au Liban, les musulmans, chiites notamment, en état d’infériorité économique mais de plus en plus nombreux, veulent rivaliser avec leurs compatriotes chrétiens. Entre 1932 et 2018, le nombre de ces derniers aurait triplé, tandis que celui des musulmans aurait été multiplié par neuf. La création d’Israël a provoqué dès 1948 un afflux de Palestiniens. Une guerre civile interconfessionnelle a ravagé le pays de 1975 à 1990. La recherche de la puissance par le nombre accroît le poids du nombre. Comme l’écrivait le philosophe Gaston Bouthoul, la guerre est un infanticide différé. Après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et le bombardement intensif de Gaza par les forces israéliennes s’est instauré une « drôle de guerre » entre l’État juif et le Hezbollah libanais. Comme si les dissensions internes au Liban ne suffisaient pas.
Ce pays, toujours régi par des institutions multiconfessionnelles, voit son fonctionnement démocratique gravement entravé. La Chambre des députés est censée refléter le poids des différentes communautés du pays, mais c’est ingérable. Aux élections législative de mai 2022, les fractions sont innombrables, Hezbollah, mouvement Amal, Forces libanaises, Courant patriotique, etc. En juin 2023, aucun des deux candidats à la présidentielle n’a obtenu le nombre de voix suffisant, alors que le Liban était sans président depuis plusieurs mois déjà. Il est difficile d’obtenir un système véritablement démocratique avec une population trop nombreuse, à plus forte raison dans une société culturellement divisée.
Aujourd’hui c’est une crise économique foudroyante qui s’ajoute aux crises politiques. Le Liban a toujours été l’un des pays les plus inégalitaires au monde, mais ces dernières années la tendance s’est accélérée. Selon les Nations Unies, 10 % de la population possède désormais plus de 70 % des richesses. La livre libanaise a perdu 95% de sa valeur. Près de 80 % des Libanais vivent désormais sous le seuil de pauvreté, avec moins de 6 dollars par jour. Avec un État en faillite incapable d’assurer les services de bases comme l’électricité, la sécurité sociale ou la retraite, le système clientéliste se substitue au service public. Une région, une nation est surpeuplée lorsqu’elle n’arrive pas à subvenir aux besoins énergétiques de sa population, c’est-à-dire à son alimentation et à ses besoins en combustible pour la cuisson, le chauffage, le transport et les activités industrielles. Le Liban s’approche d’une tlel stuation.
Concluons. L’usage de la contraception et la démocratie restent le meilleur vaccin contre le chaos. L’économiste et philosophe indien Amartya Sen a reçu le prix Nobel d’économie en 1998. Dans un discours du 15 juin 1999, il constatait :
« Il est tout à fait remarquable, quand on étudie les famines dans l’histoire, de voir que celles-ci ne surviennent pas dans les démocraties. En effet, il n’y a jamais eu de grande famine dans un pays démocratique, quel que soit son degré de pauvreté. C’est dû au fait que les famines sont, en réalité, faciles à prévenir, pour peu que le gouvernement s’y emploie ». Pendant la grande famine en Irlande au XIXe siècle, le pays continuait à exporter des denrées alimentaires !
Une surpopulation se révèle explicitement par l’occurrence de famines, de guerres ou d’épidémies, mais l’origine est souvent très complexe. Nous avons montré que les signes de surpoids démographique résultent d’un nombre élevé de facteurs enchevêtrés qui tous convergent vers des difficultés sans nombre. Prenons pour le Liban un dernier exemple, historique. Entre 1915 et 1918 le tiers de la population libanaise est mort d’une famine provoquée à la fois par une invasion de sauterelles, par le blocus imposé au Liban par la Triple-Entente et surtout par le blocus terrestre imposé par le gouverneur ottoman Djemal Pacha. A l’heure actuelle, la situation est complexe et difficile, mais on n’y meurt pas encore de faim comme dans d’autres pays. Cependant l’avenir est compromis. L’absence de souveraineté alimentaire, les conflits interethniques, l’instabilité politique et la crise économique et financière rendra la vie de plus en plus insupportable dans ce pays de 6 millions d’habitants qui en comptait seulement 600 000 vers 1910.

– » De toute façon ce qui importe pour juger d’un état de surpopulation n’est pas le nombre global d’habitants, c’est la densité. » (Biosphère)
Ce qui n’est qu’une évidence. C’est comme pour juger de la surcharge d’un navire (d’un bus, d’un camion etc.) ce n’est pas le poids global qui compte, mais la charge utile.
Autrement dit le poids maximum qu’il peut transporter, afin de respecter la législation et ne pas se mettre en danger. Et évidemment plus le navire est gros, plus il peut transporter de charge. Du moins théoriquement…
L’épisode 8/27 était consacré au Ghana. Le comble aurait été que le hasard désigne Gaza.
Parce que si le Liban est surpeuplé, avec ses 547 habitants au km2… que dire alors de ce petit territoire où la densité s’élève à 6 090 ? Contre environ 450 en Israël.
Et quelque chose comme 20.000 à Monaco. Mais bon, un rocher c’est super solide. 🙂
Avant de parler de démographie, et notamment sur cette région du monde, mieux vaut d’abord parler de complexité. C’est d’ailleurs ce que Biosphère fait, parce qu’il faut bien reconnaître que le Liban est un très bon exemple. Bien qu’ON puisse parfois leur faire dire n’importe quoi, tout le monde sera d’accord pour admettre que les chiffres servent à décrire la réalité. Je ne sais pas d’où Biosphère tire ses données, je note toutefois qu’il reste prudent. Déjà en disant que tous ces chiffres ne sont qu’approximatifs (sic), et en utilisant le temps du conditionnel (aurait triplé… aurait été multiplié par 9).
– « Au Liban, les musulmans, chiites notamment, en état d’infériorité économique mais de plus en plus nombreux, veulent rivaliser avec leurs compatriotes chrétiens. Entre 1932 et 2018, le nombre de ces derniers aurait triplé, tandis que celui des musulmans aurait été multiplié par neuf. »
(à suivre)
(suite) Une autre réalité :
– « Malgré la rareté des données statistiques, Wissam Raji dégage les grandes tendances de la démographie libanaise. Le dernier recensement officiel au Liban date de 1932 et indique que la population comptait 875 252 personnes dont environ 53 % de chrétiens. [etc.] Le taux de fécondité joue un rôle important dans le rééquilibrage de la démographie au Liban. Alors qu’il diminue progressivement depuis la fin des années 70 dans la communauté chrétienne, il connaît un déclin abrupte vers 2004 dans la communauté musulmane. [etc.] »
( La réalité démographique au Liban – revuepolitique.fr 22 mars 2021 )
Voir également le Tableau 2 – Projections. Bref, les chiffres de Wissam Raji n’indiquent nullement cette multiplication par 9. Mais peu importe.
La réalité… c’est que, selon les sources, la façon de compter etc. la population du Liban varie actuellement entre 5,8 et 9,6 millions. Et vu la complexité de la situation dans cette région, bien malin celui qui se voudrait plus précis. (à suivre)
(suite) De toute façon ce qui importe n’est pas la religion de ces gens là.
De plus le problème du Liban (pas que lui) n’est pas tant le Nombre, mais la Guerre.(Compétition, Domination, Expansion etc.)
Et qu’ON ne vienne pas me raconter que cette guerre, qui dure depuis des lustres, c’est à cause du Surnombre. Si Israël a un problème avec la Palestine, c’est déjà parce que la Palestine est une terre. Avec des richesses etc. Et puis des palestiniens qui vivent dessus, depuis des lustres. Et qui d’une manière ou d’une autre dérangent les plans expansionnistes de certains. Comme ceux de Trump avec sa «Riviera du Moyen-Orient», le même qui lorgne sur le Groenland. Eh oui tout est lié.
– Pousser les Gazaouis à abandonner leur terre, l’objectif de plus en plus assumé du gouvernement israélien (Le MONDE 24 juillet 2025 )
Et j’ose même aller plus loin. Quand l’idée (le plan, l’objectif) est d’exterminer un peuple jusqu’au dernier… alors il faut utiliser le mot qui convient. Génocide.
(à suivre)
(et fin) Comme celui des Ouïghours, qui se déroule actuellement et depuis près de 20 ans au Xinjiang (Chine). Là encore dans l’indifférence quasi totale. Ou encore comme cette «campagne du stérilet», pratiquée à la fin des années 60 par des médecins danois sur la moitié des Groenlandaises en âge de procréer.
Concluons… tout est lié, tout est compliqué, c’est entendu. L’usage de la contraception et la démocratie restent le meilleur vaccin contre le chaos (sic Biosphère)… admettons. Sauf que la démocratie est mal en point.
Et si entre 1915 et 1918 le tiers de la population libanaise est mort d’une famine provoquée à la fois par une invasion de sauterelles, le blocus imposé par l’un, celui imposé par l’autre… alors il faut se dire que c’est comme les victimes de la route.
À la fois à cause de la vitesse, de l’alcool, du mauvais état des véhicules, des routes, etc. Et là encore, bien malin celui qui se voudrait plus précis.