2019, psalmodierons-nous encore croissance-croissance

Dans la médiatisation ambiante, la nécessité de la croissance écrase sous une chape de plomb toutes les autres considérations. La recherche des profits nous rend collectivement aveugles à la société, à l’environnement et à l’état général du monde, souligne dans sa chronique* Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ». La croissance peut être considérée comme une illusoire défense face à l’altération du lien social et de l’environnement. L’idée de ce cercle vicieux est simple : ce qui était fourni gratuitement par les structures sociales et la nature est remplacé par des biens et services marchands, dont le développement érode à son tour le lien social et l’environnement… Un chercheur américain précise : « La recherche empirique menée au cours de la dernière décennie suggère que la santé physique s’améliore et que la mortalité décline lorsque l’économie s’affaiblit de manière momentanée. Une part de cela est due à la réduction de circulation automobile (…), et à la réduction d’autres risques environnementaux, comme la pollution. La nature même de la croissance a changé depuis la fin des années 1990. Elle n’est plus génératrice de bien-être, elle est en grande partie tirée par les dépenses engendrées par la pollution et le changement climatique. » La croissance et tout son cortège d’indices économiques falsifiés nous rendent aveugles à la société, à l’environnement et à l’état général du monde. Des plus grands États aux plus petites communes, la religion est la même : croissance, croissance, croissance !

C’est ce que soulignait déjà Stéphane Foucart en octobre 2017. La croissance nécessite la destruction de la biosphère. L’érosion des services écosystémiques est, quelle que soit la valeur qui peut leur être attribuée, l’une des conditions déterminantes de l’accroissement du produit intérieur brut. En un mot, la destruction de la nature et de la biodiversité est absolument nécessaire à la croissance. Dans la revue Ecological Economics, Stefano Bartolini et Luigi Bonatti décrivaient ainsi ce phénomène en 2002 : « Nous présentons dans cet article une vision de la croissance différente du paradigme dominant. Nous modélisons la croissance comme un processus dirigé par les réactions de défense des individus face aux externalités négatives générées par le processus de production. » En termes clairs, si des études alarmantes sur la dégradation de la biodiversité ne suscitent aucune réaction adéquate, c’est parce que cette destruction dope la croissance. Plus un écosystème est précieux, plus il peut être rentable, pour maximiser la croissance, de le détruire. La disparition des abeilles n’est pas pour certains économistes une si mauvaise nouvelle, puisqu’elle conduit au développement et à la commercialisation de solutions techniques de pollinisation. Plus globalement, l’activité économique dégrade à la fois l’environnement Et le tissu social. Les services que rendent gratuitement l’environnement social (garder vos enfants, aller vous chercher du pain à la boulangerie, réparer votre système d’exploitation Windows, etc.) ou naturel (polliniser vos cultures, maintenir la fertilité des terres agricoles, etc.) s’érodent. Pour pallier la disparition de ces services gratuits, les agents économiques ont recours à des services marchands. Mais pour y avoir recours, ils doivent disposer de moyens financiers plus importants et doivent donc accroître leur activité économique. Et, ainsi, contribuer à nouveau, un peu plus, à la dégradation du tissu social et environnemental, etc. La boucle est bouclée.

Tant que les responsables politiques seront obnubilés par la quête de la croissance du PIB (produit intérieur brut), il n’y aura pas de solution aux désastres écologiques en cours. C’est ce que nous démontrons sur ce blog depuis quatorze ans maintenant. C’est ce que révélait déjà en 1972 un rapport scientifique intitulé « Les limites de la croissance », à se procurer toutes affaires cessantes et à poser sur la table de travail des politiques que vous connaissez. La décroissance est notre destin, nous aurions préféré qu’elle soit maîtrisée, ce sera comme d’habitude dans notre système croissanciste une crise qui s’apparentera bientôt à la grande dépression de 1929.

* LE MONDE du 23-24 décembre 2018, « La croissance économique peut aussi avoir des effets indésirables »

** LE MONDE du 17-18 octobre 2017,« La destruction de l’environnement est-elle une condition de la croissance ? »

5 réflexions sur “2019, psalmodierons-nous encore croissance-croissance”

  1. Oui on est condamné au toujours plus. En occident, peu de gens sont formés pour maîtriser leurs émotions, car ça implique de se faire violence soi-même pour consentir à se frustrer aux plaisirs diverses. Parfois l’individu y arrive, mais que ponctuellement, et encore sous condition c’est à dire par une autre émotion qui va faire contre-poids par exemple tu adores la vitesse et les voitures de luxe, je te propose de prêter la mienne, il y a de fortes chances que tu acceptes. Mais si tu te rends compte que mes pneus sont mal gonflés, alors l’émotion de la peur peut t’aider à renoncer ponctuellement, et malgré tout tu te renseigneras quand même sur le moment voir s’il n’est pas possible de regonfler les pneus dans l’immédiat, en l’occurrence tu vas quand même rechercher des moyens à te procurer ce plaisir de vitesse à travers cette voiture. L’être humain est génétiquement conçu aussi pour réfléchir afin d’étendre son expansion de plaisir, sinon les ingénieurs n’existeraient pas. Par exemple, avant d’inventer les skis, un jour un homme a peut-être glissé sur la neige en tombant et glissant sur ses fesses, il a trouvé agréable la sensation, alors sa partie lymbique du cerveau a stimulé sa partie rationnelle du cerveau pour réfléchir à des moyens plus pratique de se procurer à nouveau ce plaisir de glisser sur la neige. Au même titre que la partie lymbique du cerveau qui ne voulait pas renoncer à la voiture a stimulé la partie rationnelle pour trouver une solution à ces pneus dégonflés. La partie lymbique fait tout pour ne pas que tu renonces et stimules l’autre partie du cerveau afin de solutionner.

    Oui, on va vers le crash, d’autant que tout est fait en parallèle pour exciter l’appétit des gens, comme Mac do qui diffuse des odeurs de nourriture dans l’air pour attirer les gens… Mais il y a aussi la ^publicité omniprésente (ribambelle de prospectus, matraquage à la télé, spot sur les pages internet, boîte mail blindée) ainsi que tous les people et stars du foot qui se goinfre en millions de dépenses en voiture de luxe, plusieurs villa, piscine, champagne, ainsi que toutes les filles pour couronner le tout avec une bouteille de champagne dans la main. On ne peut pas contenir la population dans ces conditions…. Peut-être que si on divisait par 4 le salaires des ministes et des footballers, les gens commenceront à se poser des questions, et se diront que même si ces gens là du pouvoir commencent à baisser leur train de vie pour le climat alors peut être que vraiment que ça craint pour qu’ils en arrivent à prendre une telle décision… MAIS,ce n’est pas le cas, les salaires des footballers battent de nouveaux records du monde chaque année, alors bon les gens ne voudront pas s’infliger un serrage de ceinture alors qu’ils ont déjà presque rien comparativement à ceux du sommet. Quand il y a beaucoup de pauvres, alors l’exemple écologique ne peut venir que du sommet…

  2. C’est bien ce que je disais récemment, à partir du moment où d’une part, n’importe qui s’autorise à raconter n’importe quoi (au sujet du climat, des émissions de CO2, des volcans, des dinosaures, du fonctionnement du cerveau, de la génétique et Jean Passe) et que d’autre part personne ne puisse ni l’interner de force, ni ne serait-ce que lui clouer le bec… alors nous sommes con damnés à patauger dans le grand n’importe quoi, toujours plus. Misère misère !

  3. Bah si, c’est inscrit dans nos gènes, le cerveau est capable de traiter ce qui est agréable pour lui, il y a des points agréables communs entre les cerveaux mais aussi des points agréables singuliers au cerveau. Ca peut être la sensation du chocolat que le cerveau traite comme une récompense, mais aussi sensation de vitesse, sensation de pouvoir voler, sensation de chanter, sensation à la musique, et bien d’autres sensations…. Or pour se procurer toutes ces sensations la partie rationnelle du cerveau sait très bien qu’il faille passer par des intermédiaires matériels pour obtenir toutes ces sensations sur le corps et le cerveau. Donc, génétiquement le cerveau aspire à l’agréable, bien être, et va donc conduire à l’expansion de plaisir et cette fois-ci c’est la partie du lymbique qui va empêcher tous les individus à réprimer ses envies de plaisir, puisque la partie du cerveau gère les émotions, et quand c’est agréable on a des émotions, et les bonnes émotions donc le plaisir la partie lymbique du cerveau en redemande (d’ailleurs lui qui est aussi déterminant sur les achats de coup de cœur), si le cerveau en redemande alors les plaisirs deviennent addictifs. Mais le cerveau comprend qu’il lui faille passer par des intermédiaires matériels pour obtenir ses sensations de plaisir, donc c’est bien inscrit dans les gènes humains.

  4. Je n’ai pas attendu Biosphère pour m’en convaincre, la croissance (des chiffres d’affaires, des parts de marché, des bénefs, des profits, du Pouvoir d’Achat, du PIB…) est à la base de tous nos problèmes.
    Le plus grave étant certainement cette folie dont souffrent tous ces malheureux frappés par l’obsession de toujours plus. Tous ceux qui vouent un véritable culte à la sacro-sainte Croissance et qui n’ont que ce mot à la bouche : Croissance, croissance, croissance.

    Maintenant, LE Problème est-il la Croissance en elle-même, avec tous ses ravages, ou bien cette folie connue depuis longtemps, l’hubris ? Et là c’est un peu comme l’énigme de la poule et de l’œuf.

    Nous entendons parfois dire que cette tare serait inscrite dans nos gènes. Seulement il ne suffit pas de dire et/ou d’affirmer une chose pour qu’elle soit vraie, ou seulement digne du moindre intérêt… non, faut-il encore être capable de l’expliquer et de le prouver. Alors, un généticien… mais un vrai, un pur, sain de corps et d’esprit, pas un taré… pourrait-il nous éclairer ? Non ? Ah bon.

    Nous entendons parfois dire qu’en étant moins nombreux sur cette Terre, nous pourrions alors nous bâfrer, justement comme nous le faisons aujourd’hui dans les pays dits « riches » (Jancovici dit que nous disposons de 500 esclaves par têtes de pipes, misère misère). Que voulez-vous, faut comprendre, il est tellement agréable notre mode de vie de petits-bourgeois occidentaux.
    Selon cette sinistre théorie nous pourrions alors continuer à « vivre et à penser comme des porcs » (Gilles Châtelet) sans que cela pose le moindre problème. Toujours plus et en même temps l’air pur, les petites fleurs et les petits zoziaux. Misère misère.

  5. Les autorités ne feront rien et poursuivront la croissance. Lutter contre la croissance et c’est la population qui est dans la rue. Déjà baisser 5 euros d’allocs, le gouvernement est confronté à la rue, augmenter de 3/4 centimes le carburant puis le gouvernement est confronté à la rue. Donc, la décroissance ira à un rythme vraiment lent, et ne s’accéléra que par la contrainte pas autrement. Les dirigeants ne veulent pas passer par la guillotine dont ils sont déjà menacés pour le 3/4 centimes de carburant. En l’occurrence, les dirigeants poursuivront le cap de la croissance, quitte à refiler la pomme de terre brûlante aux dirigeants qui leurs succéderont les mandats d’après, aucun ne se mouillera, et tous se déroberont… Vous ne pouvez pas lutter contre l’expansion de plaisirs des individus, et plus le nombre d’habitants augmente sur la terre, et plus il y’ a d’individus qui lutte pour leur expansion de plaisir. Le poids démographique est une bombe….

Les commentaires sont fermés.