« C’est pas moi, c’est lui », dit l’élève qui vient d’être pris à parler en cours. Un membre de l’espèce humaine a non seulement l’art de mentir avec aplomb, mais (d’essayer) de faire toujours porter la responsabilité d’une faute sur autre chose que lui-même. Il en est de même pour les multinationales qui nous conditionnent. Saisi de la plainte déposée par les villes de San Francisco et Oakland contre cinq compagnies pétrolières, le juge Alsup avait ordonné aux parties de faire son « éducation » en lui présentant « les meilleures informations scientifiques disponibles actuellement sur le réchauffement climatique ». Le juge a informé le public qu’il avait revu le film d’Al Gore (Une vérité qui dérange, 2006), notamment sur la question du rôle du CO2 à l’âge glaciaire. « Moi aussi », a renchéri l’avocat de Chevron, Theodore Boutrous. Au nom des compagnies, cet avocat a voulu montrer qu’on aurait tort de ranger les compagnies pétrolières dans le rang des climatosceptiques. Il n’y a pas de contestation, a-t-il affirmé : « Chevron accepte le consensus de la communauté scientifique sur le changement climatique. » Et de citer les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « nous ne contestons pas la science ». Étonnés, les écologistes attendaient la suite du développement. Ils en ont vite compris la logique. Le GIEC, a souligné l’avocat de Chevron, ne conclut pas que c’est la production et l’extraction d’énergies fossiles qui causent l’augmentation des émissions. C’est la croissance économique, l’augmentation de la population « et la manière dont les gens vivent ». Les compagnies ne faisant que produire, et non utiliser le combustible, elles ne peuvent être rendues responsables d’émissions de gaz à effet de serre qui ne sont dégagées que par la combustion, a-t-il avancé. Autrement dit : l’activité humaine est responsable du réchauffement, pas « Big oil ».*
Donc, si on comprend bien, ces entreprises ont volé les richesses de la Terre en perforant ses entrailles, mais comme le fruit de ce viol a été dilapidé par d’autres, il faut oublier qui est premier dans la chaîne des causalités. Comme si le voleur et le receleur n’était pas considéré légalement comme complices. Notons qu’en termes juridiques, la personne coupable de recel risque les mêmes peines que le voleur, il y a coresponsabilité de la faute. Tout consommateur qui brûle du pétrole, que ce soit dans sa chaudière pour se chauffer (fuel), dans sa voiture pour rouler (essence ou gas-oil), dans l’avion qui le mène vers le paradis (le kérosène)… est responsable d’émissions de gaz à effet de serre, donc doit être déclaré coupable au même titre que les grande compagnies pétrolières. L’humanité ne doit pas continuer à être ce mauvais élève qui se déresponsabilise à bon compte sur le dos d’autrui, sinon le réchauffement climatique atteindra des sommets et les générations futures payeront au prix fort notre inconscience actuelle.
La religion autrefois avait le mauvais goût de nous culpabiliser sur tout et n’importe quoi. Aujourd’hui le libéralisme socio-économique et la pression du confort nous font oublier notre part de responsabilité dans la dégradation de la biosphère : responsable, mais pas coupable. Contre nos mauvais penchants, l’écologie doit devenir punitive, par exemple par la généralisation de la taxe carbone, les jugements pour crimes et délits environnementaux, le regard mauvais que nous porterons sur tous ceux qui ont un comportement de gaspillage, etc. L’écologie n’est pas un luxe de bobos parisiens, elle demande d’énormes efforts de chacun d’entre nous. Nous sommes tous concernés, sans exception, individus, entreprises, gouvernements, négociateurs internationaux…, car nous sommes tous coupables.
* LE MONDE du 23 mars 2018, Climat : San Francisco attaque les géants du pétrole
@Anonyme
Confondre la science et le marketing, voilà bien un signe d’immaturité profonde.
@Michel C
Et que dire de ces messes de l’ « information » où sans transition, on passe d’un sujet (ton grave de rigueur, c’est aussi ça le théâtre des news) sur la disparition des espèces, à un reportage (ton cocorico, pour insister sur la puérilité du spectateur) sur la construction d’un navire de croisière, le plus grand et le plus futile que notre monde ait été capable de produire?
La crise écologique est un problème de rapport au monde, de modèle de représentation du monde. C’est donc la science la coupable, incapables de changer ce modèle.
Tous responsables voire coupables, certes, mais plus ou moins tout de même ! On ne peut pas d’un côté déplorer nos émissions et de l’autre se réjouir de la croissance de telle ou telle activité à l’origine de ces émissions. La liste serait longue, constructions et ventes d’avions, de bagnoles, courses de bagnoles, de motos, J-O et jeux du cirque en tous genres, « bons » chiffres du tourisme etc. etc. Il ne nous reste plus qu’à juger les hypocrites et là aussi il y aura du monde.