Bertrand Piccard croit au miracle : « Grâce aux progrès technologiques, la lutte contre le réchauffement climatique n’est plus une contrainte. Nous pouvons parvenir à une croissance propre et qualitative. Saviez-vous que les bâtiments peuvent maintenant être si bien isolés qu’ils sont neutres sur le plan énergétique ? Ou que l’énergie nécessaire au chauffage peut être divisée par quatre et celle nécessaire à l’éclairage public et privé par dix ? Nous sommes même capables aujourd’hui de dessaler l’eau de mer avec l’énergie solaire. Le plastique biodégradable peut être produit à partir de protéines de lait. Les émissions de méthane de vache peuvent être réduites de 30 % avec un simple additif alimentaire. Ce ne sont là que quelques exemples de technologies propres. Je suis convaincu que nous pouvons décarboner nos économies bien avant 2050. Mieux encore, nous avons l’opportunité d’une transition vers une croissance durable à l’échelle mondiale. Les solutions technologiques d’aujourd’hui sont logiques autant qu’elles sont écologiques. »*
Trop beau pour être vrai cet exercice de technophilie. Prenons les rots et pets des vaches. Une étude de 2015 voulait démontrer que des bovins émettaient 30 % de méthane en moins grâce à un complément alimentaire. Mais les différentes molécules testées tardent à sortir des stations de recherche. En cause notamment, des impacts potentiels sur la santé de l’animal. Reste la question du coût d’une telle molécule ; les éleveurs laitiers sont dans une telle situation qu’ils ne peuvent pas se payer un inhibiteur de méthane. De toute façon l’efficacité énergétique dans les autres domaines indiqués par Piccard a non seulement un coût en énergie et en métaux rares, mais des innovations ponctuelles ne sont pas à l’échelle de la division nécessaire par quatre ou cinq de nos émissions de gaz à effet de serre. Par leur optimisme sans preuve et leur discours hors sol, Piccard et consorts empêchent que notre société aborde de front la véritable transition énergétique qui peut se résumer ainsi : réduire nos besoins, recycler, relocaliser, mais aussi démondialiser, désurbaniser, dévoiturer, mais aussi miser sur les technologies douces adaptées aux hommes et à la planète, ce qui exclut toute technique complexe et gourmande en ressources naturelles. Quelques compléments d’analyse avec les commentateurs sur lemonde.fr :
ALAIN LE COMTE : C’est beau l’optimisme !! …Ma grand-mère, à moins que ça ne soit Einstein, disait « la technologie ne peut pas réparer les dégâts de la technologie » !!
ChP : C’est noël. Il nous ont sorti le ravi Helvète, qui s’esbaudit et lève les bras au ciel,dès qu’il entend innovation, croissance verte ou durable. Réjouissez vous mes frères, la lutte contre le réchauffement climatique n’est plus une contrainte mais une joie. Le Grand Technologue nous a envoyé son messager dans son avion aux grandes ailes blanches. Prions, car Satan a réuni ses pires serviteurs à Katowice ! Le beau rêve risque de s’effondrer, la belle promesse va s’évanouir dans les vapeurs du réchauffement.
Balzamine : J’espère que les « groupes de pression » (pro pétrole, pro charbon, pronucléaire, j’en passe et des pires) ne feront pas obstacle à la circulation et au développement de ces innovations technologiques que nous promet M. Piccard !
le sceptique @ Balzamine : Comment cela pourrait être le cas ? Ce qui marche se diffuse. Cela fait 20 ans que je lis de ci de là des propos vaguement complotistes comme quoi on aurait des sources d’énergie ou des machines énergétiques super-efficaces mais que ces inventions seraient brimées par les magnats du pétrole (ou autres). Le problème : c’est juste faux, après examen, les trucs « super » ont un gros défaut, genre ne savent pas stocker une énergie fatale, coûtent 2 fois plus cher que leur équivalent thermique, etc. Par ailleurs, déposer un brevet sur une bonne idée et ne pas l’exploiter est parfaitement stupide si l’idée est plus rentable que son propre business. La propriété intellectuelle peut retarder parfois des démocratisations d’invention, mais depuis deux siècles qu’elle existe, il faudrait être assez aveugle pour prétendre que l’innovation technologique a été ralentie !
* LE MONDE du 5 décembre 2018, Bertrand Piccard : « Grâce aux technologies, la lutte contre le réchauffement n’est plus une contrainte »
C’est quoi l’progrès ?
Le progrès, c’est tenter de remédier aux z’emmerdements du « progrès » précédent…
100% d’accord avec D. Barthès. Le fond du problème ne serait il donc pas que l’homo sapiens est une espèce colonisatrice ? Colonisation de l’espace, aussi bien géométriquement qu’activement. Plus d’activités/PIB, plus de gens, plus de technologie démultiplicatrice, plus de convives, consommation et/ou natalisme, la pulsion/religion est la même, il lui FAUT occuper l’espace.
Mettre des limites à l’expension puis gérer la limitation, voila l’empleur de la tâche, et le discours naïvement technophile -pas possible de faire plus consensuel- de B. Piccard ne nous aide pas à tendre vers plus de sagesse.
Bonjour Didier Barthès.
Cette fois je suis entièrement d’accord avec vous. Comme quoi 😉
Juste un détail, au lieu de « 15 milliards d’habitants » j’aurais écrit « 15 milliards d’automobilistes ».
Je pense que le cas Piccard (qui hélas n’est pas un cas isolé) dépasse la simple naïveté. Nous sommes là dans le cadre d’une véritable croyance d’ordre religieux (le Scientisme).
Ajoutons-y un zeste (ou une bonne louche) de déni de réalité et je laisse à ceux qui en ont encore les moyens, le soin de mesurer toute l’ampleur du Problème.
Autant on peut admirer l’aventurier Bertrand Piccard,autant sa réflexion est désespérante de naïveté. Tout au long de l’Histoire de l’humanité et c’est encore vrai maintenant, la technologie a été synonyme de pouvoir de l’Homme et ce pouvoir lui même synonyme de plus de destruction. Tous les ans d’ailleurs, nous détruisons plus. Et il faudrait croire que le sens de la corrélation, technologie -destruction de la nature va s’inverser brutalement !
Monsieur Piccard ne comprend pas une chose, c’est que la technologie même quand elle apparait moins polluante localement ne fait que nous permettre de plus nous étendre sur la planète. Si les voitures roulaient par miracle et sans polluer, alors en 10 ans la planète serait entièrement macadamisée, si nous pouvions nourrir les hommes sans polluer alors en 100 ans la planète aurait 15 milliards d’habitants et la nature n’existerait plus.
Il faut prendre un peu de recul, aimer la technologie, être fasciné par sa sophistication est une chose, lui attribuer le pouvoir de nous sauver en est une autre et celle-là relève de la plus extrême naïveté.