de la pauvreté à la misère

Le livre « Quand la misère  chasse la pauvreté » de Majid Rahnema (Fayard, 2003) démontre que la pauvreté choisie est la condition de lutte contre la misère.

 

Il y a les insupportables privations subies par une multitude d’humains acculés à des misères humiliantes et la misère morale des classes possédantes. Cette misère résulte d’un système économique dont l’objectif majeur est de transformer la rareté en abondance, une économie productrice de besoins engendrant de nouvelles formes de rareté et, par conséquent, modernisant la misère. La misère fait son apparition lorsque les gens perdent le sens du partage. Quand vous arrivez en ville, vous n’avez plus personne avec qui partager. Les ouvriers des agglomérations urbaines ont compris que leur subsistance les liait désormais aux nouvelles institutions économiques et sociales, il leur fallait courber l’échine devant le nouvel ordre. Dans ce système le riche est aussi mécontent que le miséreux : le défavorisé voudrait devenir millionnaire, et le millionnaire multimillionnaire. L’économie occidentalisée a fini par nier sa fonction première, servir les personnes qui en avaient le plus besoin.

 

Il y a d’un autre côté la pauvreté consentie dans des sociétés conviviales dont le mode de vie simple et respectueux de tous a compté pour beaucoup dans le maintien des grands équilibres humains et naturels au cours de l’histoire. Si chacun ne conservait que ce dont il a besoin et se contentait de ce qu’il a, nul ne manquerait de rien. Toutes les sociétés vernaculaires dites « pauvres » développent en leur sein des mécanismes destinés, d’une part, à contenir l’envie et la convoitise, de l’autre à maintenir une tension positive entre ce qu’il est personnellement possible de vouloir et d’avoir et ce qu’il est collectivement possible et raisonnable de produire. Cette tension leur a permis de développer leurs capacités productives sans qu’il y ait rupture entre les besoins et les ressources.

 

Le monde actuel est au bord d’une catastrophe. Il faudrait donc se donner comme objectif la destruction des centres de production de la rareté, cette mondialisation qui détruit les économies de subsistance, cette lutte contre « la pauvreté » qui définit un seuil de pauvreté de façon relative, un niveau qui progresse continuellement avec la courbe de la croissance économique. La mesure essentielle pour éviter la catastrophe consiste pour chacun de nous à une prise de conscience de nos capacités individuelles d’action et en un ré-apprentissage de la simplicité volontaire. Comme le disait Gandhi,  « La civilisation, au vrai sens du mot, ne consiste pas à multiplier les besoins, mais à les réduire volontairement, délibérément ».

La Biosphère approuve.