Un des neufs points du programme* de Jean-Luc Mélenchon pour 2012 porte sur la planification écologique. Il portait déjà cette idée dans sa contribution générale au Congrès de Reims de novembre 2008 (chapitre intitulé « Proposons la planification écologique »). Il était alors au PS ! Jean-Luc exprimait alors le fait que le programme socialiste devrait être celui d’un « Etat organisateur du temps long ». C’est là une évidence que François Hollande semble avoir oublié. Jean-Luc constatait : « Chacun sent bien que la catastrophe écologique s’avance ». C’est là une évidence que François Hollande semble avoir oublié. Jean-Luc concluait que la planification écologique réintroduira la logique de l’intérêt général. Mais voyons ce que ces généralités deviennent maintenant que Jean-Luc représente le Front de gauche aux présidentielles 2012.
Jean-Luc Mélenchon n’a pas changé, il mobilise les mêmes thèmes : « Nous le savons désormais, la catastrophe écologique remet potentiellement en cause les conditions même de la vie sur Terre… Nous proposons de redéfinir nos modèles de production, de consommation et d’échange en fonction de l’intérêt général de l’humanité. » Mais il est bien obligé de rentrer dans les détails. Jean-Luc se situe alors toujours du côté de l’offre d’énergie, faisant confiance à une main mise de l’Etat sur le secteur de l’énergie : un pôle 100 % public comprenant EDF, GDF, Areva et Total renationalisé. Or, public ou privé, les ressources de pétrole ou de gaz ne vont pas augmenter pour autant. Dans le domaine du nucléaire civil, il reste dans le flou en promettant un référendum. On retrouvait la même désinvolture dans la proposition 38 de Mitterrand en 1981, en plus précis : « Le programme nucléaire sera limité aux centrales en cours de construction, en attendant que le pays, réellement informé, puisse se prononcer par référendum. » Depuis les socialistes n’ont jamais donné la parole au peuple sur la question nucléaire… Mélenchon a été et reste un bon Mitterrandien ! Du côté de la demande d’énergie, Jean-Luc saupoudre son texte de « sobriété énergétique », mais sous réserves : « La nécessaire réduction des consommations ne peut conduire à réduire le niveau de vie des classes populaires ». L’écran plat et le dernier iPad sont-ils des consommations nécessaires ? On voudrait savoir ! Si le programme prévoit beaucoup pour réactiver le rail, rien n’est dit contre la voiture individuelle. Or c’est la voiture qui fait la faiblesse du rail.
On trouve encore quelques mesurettes comme l’interdiction des OGM en plein champ ou la limitation de la publicité dans l’espace public, mais c’est toujours le grand flou pour la mise en oeuvre. Quant à la lutte contre les gaz à effet de serre, on se garde bien d’évoquer la taxe carbone pour simplement instaurer une taxe kilométrique « de manière à réduire les transports de marchandises évitables » !? La planification écologique se termine par la constitution d’un grand service de l’eau. On nous fait donc croire que quand l’énergie et l’eau seront gérés par l’Etat, tous les problèmes de raréfaction de la ressource seront résolus. Autant dire qu’on croit encore aux vertus de la planification impérative de feu l’Union soviétique ! En 2008 comme pour 2012, selon Mélenchon, « seules les politiques qui oseront remettre en question le dogme anti-Etat permettront de lutter efficacement contre la destruction de notre environnement ». Ce n’est pas un programme politique, c’est dans le registre de l’incantation.
En fait ce programme de gauche traditionaliste, basée sur le rôle renforcé de l’Etat central, hésite à se prononcer sur la croissance économique dont on sait pourtant qu’elle est la cause de la dégradation de notre environnement. On trouve l’expression « croissance réelle » (p.35), « développement humain durable » (p.36), ou « un nouveau type de croissance » (p.49), mais c’est toujours pour y voir une création d’emplois et un facteur d’égalité sociale, jamais pour envisager le déséquilibre des écosystèmes. « L’ humain d’abord » est d’ailleurs le sous-titre de ce programme ; cette expression est significative d’un oubli flagrant de ce qui fait nos véritables richesses, l’existence de ressources naturelles dont Mélenchon ne perçoit nullement l’épuisement (pic pétrolier, stress hydrique, etc.).
Un point est à remarquer dans ce programme qui se veut écologique sans y parvenir, l’IPH ou Indicateur synthétique de progrès humain. Là, on fait tellement fort qu’on en oublie totalement le rôle de l’économie et du PIB. Il s’agit de prendre en compte quatre critères, l’épanouissement personnel et l’émancipation, la sociabilité et la cohésion sociale, l’égalité et la justice sociale, le respect de l’environnement. Rien sur les rapports conflictuels entre économie, écologie et progrès social !
* NB : le programme du Front de gauche (L’humain d’abord) pour 2012 est en vente en librairie pour 2 euros…
Il n’y a jamais eu de referendum sur le nucléaire, mais il n’y en a pas eu non plus sur l’éolien, qui a été imposé par la gauche plurielle sans le moindre débat public et l’accord PS-EELV a d’ores qui a déjà ôté tout sens à un débat public sur le nucléaire, puisque les décisions à prendre sont déjà actées. Et ce document n’a même pas été rendu public! Quelle splendide leçon de démocratie pour des gens qui s’en réclament constamment dans leurs discours!
Comme je ne suis pas sourd, j’ai entendu parler de « planification écologique ». Ah quelle jolie expression ! Un peu de pédanterie détendra l’atmosphère : elle est polysémique. Ce qui veut dire, pour être très poli, qu’elle a d’évidence plusieurs sens. Si l’on veut être aussi mal élevé que je le suis, on écrira qu’elle est en soi un joli foutoir. Le mot planification fera en effet plaisir au public des anciens communistes si longtemps amoureux de l’industrie lourde stalinienne.
Fabrice Nicolino