Ce qui doit arriver, c’est la perte de pouvoir d’achat

Il paraît que le gouvernement se prépare pour l’année 2025 (séminaire gouvernemental de 4 heures le 19 août). Le président Hollande y cite Bergson : « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire. » Vaste question qui n’est pas philosophique du point de vue écologique : nous savons de source sûre que le pétrole va bientôt manquer, donc nous devons dès à présent préparer politiquement la civilisation de l’après-pétrole. LE MONDE* prend comme une nouveauté l’annonce par le ministre de l’écologie Philippe Martin d’une « contribution climat énergie ». Il ne nous donne pas la mémoire de l’événement, l’instauration d’une telle taxe n’est pas seulement une revendication d’EELV.

– 2007, le terme « contribution climat-énergie » est utilisé par Nicolas Hulot dans son pacte écologique et validé par les présidentiables Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

– 1er juillet 2009, le secrétariat national du PS avait validé, après intense réflexion d’un groupe de travail, une contribution climat-énergie universelle (CCEU).  Le groupe de travail était composé de parlementaires socialistes (dont Philippe Martin) et de responsables nationaux. Il avait auditionné un certain nombre d’experts (Jean-Marc Jancovici, Alain Grandjean, Pierre Radanne, la CGT, le Medef, l’OCDE).

– juillet 2009, conclusion de la commission Rocard (mise en place par Sarkozy) : « Il faut atteindre en 2030 un prix du gaz carbonique émis de 100 euros la tonne en démarrant à 32 euros. »

– novembre 2011, l’accord programmatique entre PS et EELV prévoyait le retour de la taxe carbone en évoquant une « contribution climat-énergie ». Rien de bien précis.

– janvier 2012 : dans ses 60 engagements pour la France, François Hollande reprend l’idée d’une Contribution climat-énergie « aux frontières de l’Europe » ; rien sous la rubrique réforme fiscale comme taxes écologiques au niveau national.

– avril 2013 : des parlementaires proposent officiellement une résolution « pour une fiscalité écologique  au cœur d’un développement soutenable ». Ils déclarent que l’énergie la plus propre et la plus économique est celle que l’on saura ne pas consommer. La principale mesure envisagée, qui permet de taxer l’ensemble des dépenses d’énergie, est la contribution climat énergie (CCE). Il  leur paraît opportun de la mettre en place dès 2014, au moins dans son volet carbone.

Aujourd’hui Philippe Martin semble très en deçà de ce qu’il faudrait ; il ne donne pas les contours de cette « taxe carbone ». Si cette contribution était présente dès le budget 2014, il y aurait un « débat sur son montant et sur son rythme ». La porte-parole du gouvernement est encore plus en retrait : « Il ne s’agit pas de créer une nouvelle taxe, il s’agit simplement de verdir les taxes déjà existantes sur l’énergie. » Le ministre de l’écologie en rajoute : « Cela doit nous permettre de préserver le pouvoir d’achat des Français, notamment modestes, qui est rongé chaque jour davantage par la hausse du coût de l’énergie. » Le social l’emporte sur l’écologique, aucun politique ne veut expliquer aux Français que la hausse du prix des hydrocarbures est inéluctable et que le pouvoir d’achat va en pâtir nécessairement. On veut faire la transition énergétique sans s’en donner les moyens.

Comme l’exprime l’ex-ministre socialiste de l’écologie Delphine Batho, « l’enjeu pour le gouvernement est de dépasser une vision de l’écologie qui serait seulement sectorielle ou tactique, liée à des équations électorales »**. On ne devient vraiment écolo que quand on a quitté le gouvernement ! Pour terminer de façon constructive, une petite citation : « Pour que les rapports sociaux soient placés sous le signe de l’équité, il faut qu’une société limite d’elle-même la consommation d’énergie de ses plus puissants citoyens. (Ivan Illich, énergie et équité, 1973) »  Le pouvoir d’achat des plus riches devrait bien sûr diminuer d’ici 2025 de façon bien plus rapide que celui des catégories qui peuvent encore s’acheter une petite voiture individuelle.

* LE MONDE du 24 août 2013, aux journées d’EELV le ministre de l’écologie a annoncé la création d’une « contribution climat énergie »

** LE MONDE du 22 août, Delphine Batho : « L’écologie n’est pas un enjeu sectoriel »

1 réflexion sur “Ce qui doit arriver, c’est la perte de pouvoir d’achat”

  1. « ras-le-bol fiscal », résultat des illusions socialistes
    L’idée de contribution climat-énergie est confrontée au « ras-le-bol fiscal » des Français qui affole Pierre Moscovici et l’Elysée*. On a tapé sur les doigts de Philippe Martin, « Ce n’est pas le moment de mettre un impôt supplémentaire ». Il est vrai que Bercy doit encore trouver quelque 6 milliards d’euros d’impôts nouveaux pour réduire le déficit budgétaire en 2014. Des prélèvements supplémentaires seront bientôt décidés pour financer de la future réforme des retraites. Encore une fois l’urgence écologique (entre autres le réchauffement climatique et l’épuisement des hydrocarbures) est occultée par la conséquence de l’imprévoyance de notre passé politique qui a dépenser sans compter pour faire croire à des « avantages acquis pour l’éternité ». Les socialistes dans l’opposition gueulaient contre la réforme des retraites, ils vont payer aujourd’hui le prix de leur imprévoyance.
    Quand il n’y aura plus de pétrole, il sera de toute façon quasi impossible de faire du social à crédit. Comme l’exprime Jancovici, « ce que nous appelons création de richesses n’est en fait qu’une transformation de ressources naturelles, et tout notre système économique ne consiste qu’à utiliser ces ressources pour en faire autre chose. Etudiants et retraités, employés de la Sécu et chercheurs, vacanciers et informaticiens… sont tous des enfants de l’énergie abondante à prix décroissant. La contrainte sur l’approvisionnement énergétique futur aura pour conséquence que le niveau relatif des retraites baissera, et que l’on va probablement pour partie revenir à un système de gestion des personnes âgées économe en énergie, c’est-à-dire… les garder chez leurs enfants. La question n’est pas de savoir si cette organisation est désirable ou non. Les bons sentiments sans kilowattheures risquent d’être difficiles à mettre en œuvre ! »
    * LE MONDE du 25-26 août 2013, Le risque d’un « ras-le-bol fiscal » inquiète les responsables PS

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