Une journée d’été d’EELV, prospérité sans croissance

 Le titre de la plénière des JdE était prometteur : « Prospérité sans croissance et Villes en Transition ». Enfin ! 3 ans après le vote d’une motion au CNIR demandant que « Les Verts.. se doivent d’initier ou de mener à terme l’éclosion de territoires en transition en France. Les Verts décident d’intégrer la résilience aux crises dans leur programme et leurs objectifs politiques, en s’inspirant des principes appliqués dans les territoires en transition« , 3 ans après l’invitation de Tim Jackson, l’auteur de « Prospérité sans croissance », EELV resservait enfin une plénière complète à ces principes. Mieux vaut tard que jamais, comme on dit.

Hélas, quelle désillusion. Le texte de l’annonce aurait dû attirer mon attention: on évoquait un « nécessaire découplage entre richesse et consommation énergétique« ,  découplage que Tim Jackson estime improbable , de même que les acteurs anglais des « villes en transition ». Mais, bon, on verrait pendant le débat. Et on a vu.

Était invité un économiste américain, Skip Laitner,  travaillant pour Jeremy Rifkins sur la Troisième Révolution Industrielle (TRI),  qui nous a expliqué que, grâce à la technologie (les smartgrids, réseaux d’hydrogène, NTIC,  …)  la croissance de l’activité économique mesurée par le PIB pourrait tripler d’ici 2050 (*). Quid de la prospérité sans croissance ? Il a ensuite dit tout le bien possible de la région Nord-Pas de Calais, qui avait la bonne idée de payer Rifkins pour une étude sur la TRI, et dont 2 des élus EELV participaient justement à la plénière. Il faut préciser a ce stade que les villes en Transition prennent l’hypothèse exactement inverse de la TRI, i.e. que la technologie ne permettra PAS de compenser la déplétion des ressources fossiles (comme le rappelle d’ailleurs la motion du CNIR qui critique le « technocratisme scientiste ») et qu’il faut anticiper, organiser la décroissance de l’activité économique.

Après une bonne présentation d’Agnès Sinaï des analyses de l‘Institut Momemtum (qui développe une expertise sur la résilience, les limites des ressources,   les limites du découplage« , les quotas énergétiques  … ), vinrent sous forme de « bilan de mandat » les expériences municipales de Jean François Caron (maire de Loos-en-Gohelle, et promoteur de la TRI en NPdC)  et Dominique Voynet. Expériences intéressantes  et remarquables, certes,  mais sans réel rapport avec les fondements de l’approche des Villes en Transition, qui sont proches du mouvement de la décroissance, et utilisent une pédagogie de « catastrophisme éclairé » (lire Luc Semal,  « Politiques de la catastrophe » ). Aucun mot par exemple sur une possible fin de la croissance, la résilience au pic pétrolier, la permaculture, … De pédagogie,  on aurait pu croire que Philippe Meirieu allait en parler. Mais on a entendu a la place un discours, intéressant au demeurant,  traitant essentiellement du système scolaire.  Discours  identique à celui publié dans le journal de la motion majoritaire d’EELV.

Ma conclusion est que,  loin d’être un débat pour « faire des villes Françaises des villes en Transition« , comme l’annonçait l’affiche, cette plénière avait pour but principal de faire valoir un courant du parti, en vue du congrès, en utilisant et détournant les concepts et principes de prospérité sans croissance et villes en transition, étrangers à ce courant. Entendons-nous bien : les débats entre une écologie politique « positive, concrète … »  (tel que développé par les motions issues de « Maintenant ») et une écologie prenant davantage en compte les limites des ressources, l’éducation citoyenne et l’inéluctabilité de la décroissance sont utiles, et nécessaires !

On peut, on doit débattre pour choisir entre l’approche de Rifkin de « 3e révolution industrielle » ou l’approche anglaise des villes en Transition, entre une vision d’un avenir technologique ou « low tech », entre un discours techno-optimiste socialo-compatible ou du « catastrophiste éclairé », entre du « top-down » et du botton-up, …   Mieux, on doit comprendre ce qui rapproche, différencie ou rend complémentaire ces approches pour en tirer une approche EELV, adaptée à notre pays et chaque situation, combinant les deux avec intelligence pour convaincre les citoyens, guider et rendre cohérente nos actions et nos prises de position  (par ex. sur Linky…),  et barrer la route au FN.

Mais le débat doit être honnête pour être constructif, sans récupération ni déformation du sens des mots-clefs, sans blocage des discussions au niveau des commissions, sans utilisation de la position hégémonique au sein du parti pour créer de la confusion, manipuler les concepts dans le but de maintenir cette position hégémonique et accaparer les lieux de pouvoir. Ça n’a pas été le cas, et on ne peut que le regretter. Combien d’années encore pour comprendre que « la prise de conscience du pic pétrolier et de ses conséquences pourrait être un formidable moyen d’accélérer la transformation écologique, permettant aux citoyens de se mobiliser autour d’un projet alternatif de société, porteur de nouveaux modes de démocratie participative. »  (extrait de la motion CNIR) ?

Tel sera un des enjeux du prochain congrès, peut-être, et qu’à la suite la campagne municipale prendra réellement la voie des villes en Transition, et développera ainsi un discours en rupture avec la technophilie croissantiste du PS et UMP qui, de mon point de vue, nous conduit dans le mur.

2 réflexions sur “Une journée d’été d’EELV, prospérité sans croissance”

  1. De l’article de Nicaise: « Mes amis grognons décroissancistes […] »

    🙂

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