1/2) La publicité, c’est le règne des marchands
– Selon certains, le consumérisme résulte uniquement du « choix libre » des individus. On se refuse généralement à s’admettre influençable. Il est toujours plus facile de faire croire aux gens qu’ils sont libres et souverains que de leur faire comprendre que ce n’est pas si simple.
– Une publicité n’est pas censée être l’expression libre d’une personnalité, elle suit rigoureusement les indications de commerciaux.
– La publicité peut être définie comme un processus de communication orienté émanant d’une organisation, structurée de façon à favoriser l’émetteur du message, dans le but de convaincre la cible d’aimer et d’acheter un produit et un service.
– Par définition, la publicité est laudative. Au service des pouvoirs économiques (et politiques) qui disposent du capital requis pour s’offrir ses coûteuses prestations, son rôle est de redorer leur blason en propageant des bobards qu’ils voudraient que les populations gobent.
– Le terme de réclame fut abandonné pour celui de publicité, positivement connoté puisqu’il évoque le « bien public ». Mais annonceurs, publicitaires, afficheurs, etc. sont des entreprises privées. La seule chose publique dans la publicité, c’est le public importuné !
– Dans la publicité, il ne s’agit ni d’échanger, ni de confronter des idées. On veut imposer des « images ». C’est une communication à sens unique. N’admettant de réponse qu’en termes d’achat, la suggestion publicitaire est de l’ordre de l’hypnose.
– C’est justement parce que les gens cherchent à l’éviter que la publicité doit les harceler. Car tel est bien le terme approprié pour cette pression indésirable de tous les instants.
– La création artistique au Moyen Age était au service du pouvoir féodal et de la religion. Aujourd’hui l’imagerie publicitaire est au service de la religion consumériste et de ces nouvelles puissances féodales que sont les marques.
2/2) La publicité, c’est de la propagande
– Si la publicité c’est de la communication, c’est au même titre que la propagande. En effet, on retrouve dans le phénomène publicitaire tout ce qui caractérise la propagande : manipulation, désinformation, aveuglement, idéologie confinant à l’idolâtrie religieuse et même tendance totalitaire.
‘ Selon Hitler, pour attirer l’attention des masses, la propagande doit « se limiter à un petit nombre d’objets et les répéter constamment ». « Son action doit toujours faire appel au sentiment et très peu à la raison. » « Son niveau spirituel doit être situé d’autant plus bas que la masse des hommes à atteindre est plus nombreuse. »
– La publicité a même techniquement surclassé la propagande du passé. Fondé sur les sciences humaines, elle a dépassé le stade du bricolage empirique, ce qui la rend plus efficace.
– John B. Watson, fondateur du behaviorism et vice-président d’une des premières transnationales de la publicité, disait vouloir éliminer les « attitudes sociales qui résistent à la consommation. »
– Il serait faux de croire que le pouvoir publicitaire annule notre liberté. Le problème, c’est qu’il lui assigne un champ unique, la consommation. En cela, il se révèle totalitaire en un sens qui n’a rien à voir avec les totalitarismes violents. Il est totalitaire en ce ce qu’il détourne, en en inversant le sens, toutes les valeurs et tous les imaginaires vers le consumérisme. Le naturel fait vendre de l’artifice, le sport de l’obésité, l’écologie de la pollution, l’artisanat des marchandises industrielles, la liberté de la dépendance.
Source : De la misère humaine en milieu publicitaire (comment le monde se meurt de notre mode de vie) groupe Marcuse – éditions La Découverte, 174 pages, 8 euros (2004, réédition 2010)