De la self reliance au savoir-quoi-faire de sa vie

Matthew Crawford exprime l’idée que nous avons besoin d’un savoir-faire, notion encore plus importante que celle de self-reliance. En résumé :

« Nous avons de moins en moins l’occasion de nous montrer directement responsable face à notre propre environnement physique. Les voitures haut de gamme, chez Mercedes par exemple, ne contiennent même pas de jauge pour pouvoir vérifier où en est l’huile. Au lieu de cela, on vous envoie un e-mail lorsque votre niveau d’huile commence à baisser. La self-reliance, cela consiste simplement à prendre soin de nos propres affaires. Cette sensibilité semble être de moins en moins présente : nous nous complaisons dans la dépendance, que ce soit vis-à-vis de technologies ou d’autres personnes… qui peuvent nous lâcher en cours de route. Mais il faut dire aussi que cette idée a été pervertie. Pour le Tea party, une self-reliance serait celle où il n’y aurait pas de filet de sécurité, aucune sécurité sociale, des pensions privatisées… C’est donc une notion parfois employée à l’encontre de l’esprit collectif.

L’idée à défendre est donc plutôt celle de savoir-faire : observer les effets directs de nos actes dans le monde, et savoir que ces actes sont véritablement les nôtres. La question du « Que faire ? » est à rattacher à la question de ce qu’il faut considérer comme important ; mais c’est une question à laquelle on répond constamment à votre place, depuis les haut-parleurs de ceux qui on un intérêt commercial à vous insuffler une réponse. Dans la culture consumériste, on nous offre sans cesse des choix. Cela s’inscrit dans une anthropologie moderne pervertie qui insiste sur « l’autonomie »  en supposant que plus on reçoit de choix, plus on est libre. Mais dans la pratique du savoir-faire, tout le superflu disparaît : lorsque vous cuisinez un repas, toute votre attention est là, dans la cuisine, sur les légumes, les couteaux, ce que vous en faites. Nous avons véritablement soif de ce genre d’expériences, car ce type de concentration est primordial. Il s’agit de se tailler un espace à l’abri des écrans et du bruit.

Les pratiques de savoir-faire peuvent nous aider à structurer notre vie, elles constituent un secours face à cet excès de « liberté » dans un monde consumériste. »

Source : L’Ecologiste n°41, automne 2013, Qu’est-ce que l’autonomie ?

A lire : Made in local de Raphaël Souchier, Eyrolles 2013, 313 pages

1 réflexion sur “De la self reliance au savoir-quoi-faire de sa vie”

  1. Ce grignotage de notre autonomie au profit (ou plutôt par le fait d’) automatismes apparemment anodins a déjà commencé depuis quelques temps.
    Cela a commencé par les lunettes qui se teintent toutes seules (mais qui nous dit que nous avons toujours envie du même obscurcissement en fonction de la luminosité), puis des essuie-glaces qui se mettent tout seuls en route. On nous vante même le réfrigérateur qui commanderait automatiquement au super marché quand il n’y a plus yaourt à l’intérieur. Et si on a envie de changer de parfum ? Ou de ne plus manger de yaourts ? Le pire est que tout cela nous est vendu comme progrès et que si peu de gens semblent le remettre en cause. Les agences matrimoniales promettent même (ce n’est pas nouveau, il est vrai) de dire qui nous convient. Quelle prétention du progrès de régler la complexité du monde, la multiplicité des déterminants et la liberté fondamentale de ne pas réagir de manière identique à une cause apparemment comparable ! C’est là un autre volet de l’impasse dans laquelle nous conduit une foi aveugle dans la technologie. Nous oublions qu’elle est infiniment moins subtile que tout ce qui est vivant, nous oublions que la notion de liberté lui est étrangère, elle devient au contraire l’outil de notre dépendance.

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