Etonnant cet article sur l’immigration* de Nicolas Hulot qui sort de son rôle d’écologiste pour endosser celui de l’humanitaire. Voici son discours et ce qu’on peut lui répondre.
Nicolas Hulot : Cinq ans de conflits en Syrie, 5 millions de réfugiés dans les pays voisins, 1 million de personnes ayant traversé l’Europe, et cela s’ajoute à l’inexorable exode des damnés de la terre qui fuient l’Afrique, ses conflits et la désertification…
Biosphere : Il y avait environ 200 millions d’Africains en 1950 et 1,2 milliards en 2015. A fécondité constante on arriverait à 16 milliards en 2100. Autant dire que le conflit syrien apparaîtra un jour comme bénin et que l’Afrique sera invivable. Déjà 37 % des jeunes adultes en Afrique subsaharienne déclarent vouloir émigrer vers un autre pays. Alors, combien l’Europe pourra-t-elle accueil de migrants économico-politiques ? Un million, cinq millions, cent millions ? Où est la limite ? Le pape François héberge trois familles de migrants, peut-il en recevoir chez lui dix, cent ou mille ? L’écologie repose fondamentalement sur le sens des limites.
Nicolas Hulot : Peut-on distinguer dans cet entrelacs ce qui procède du traitement au long terme, notamment la fin du conflit syrien, et de la misère en Afrique, de l’urgence humanitaire pure, et s’y concentrer prioritairement ?
Biosphere : Le second critère d’une option écologique, c’est de ne pas distinguer action à court terme et vision à long terme. En se concentrant « prioritairement » sur l’urgence humanitaire immédiate, il y a multiplications des camps de réfugiés qui deviennent ingérable, ce qui commence à être le cas à l’heure actuelle. On ne peut agir dans le court terme que dans la perspective du long terme, sinon on accroît les problèmes au lieu de les résoudre.
Nicolas Hulot : Nous devons ouvrir des couloirs humanitaires pour substituer aux voies irrégulières massives de passage des voies régulières à la hauteur. Tout cela n’exonère pas la maîtrise des frontières et la lutte contre les passeurs.
Biosphere : Dire qu’il suffit d’ouvrir des couloirs humanitaires pour éradiquer l’immigration clandestine, c’est mal connaître la faculté humaine de jongler entre ce qui est autorisé et ce qui est interdit. D’autant plus que, comme on l’a montré précédemment, les flux migratoires doivent être encadrés, ce qui entraînera nécessairement des filières clandestines. La France a aussi connu son marché noir et ses passeurs pendant la guerre.
Nicolas Hulot : Ne peut-on organiser une coordination Etat, régions, territoires, communes pour évaluer les capacités de chacun à se partager l’accueil
Biosphere : Cela se fait déjà, chaque pays de l’Union européenne (UE) se voit attribuer un quota de répartition de référence théorique (exprimé en pourcentage des demandes d’asile dans l’UE), prenant en compte sa taille et son PIB, mais aussi les efforts qu’il fait déjà pour accueillir des demandeurs d’asile depuis des pays tiers**. Remarquons que le pape François** n’a condamné ni le refus d’accueillir des réfugiés de certains Etats membres (Hongrie, Pologne, Slovaquie…), ni l’accord, très contesté, sur le retour des réfugiés syriens en Turquie, signé entre Bruxelles et Ankara en mars.
Nicolas Hulot : Ce qui nous fait défaut, ce ne sont pas les moyens, c’est la compassion.
Biosphere : On ne répond pas aux crises structurelles avec de bons sentiments, on ne peut pas résoudre durablement au niveau européen des problèmes démographiques qui ont des origines locales. Compassion n’est pas raison. Il ne suffit pas d’ouvrir ses frontières, encore faut-il procurer un emploi, un logement hors des camps de rétention et mettre en place un processus d’intégration. L’immigration de masse ne permet pas une telle prise en charge.
Nicolas Hulot : J’ai conscience qu’on ne répond pas aux crises avec de bons sentiments. Plus encore, j’ai conscience de l’extrême complexité, de la gravité de la situation et d’être incapable d’esquisser un scénario de résolution.
Biosphere : La troisième caractéristique de l’écologie est en effet la perception de la complexité des situations. Nicolas exprime clairement cette contradiction qui existe entre les bons sentiments et la résolution des problèmes. Comme l’exprimait Malthus de façon prémonitoire, « L’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée ».
* LE MONDE du 1-2 mai 2016, Nicolas Hulot : « Avec les migrants, où est passée notre humanité ? »
** LE MONDE du 5 mai 2016, Bruxelles présente son plan contre la crise migratoire)
*** LE MONDE du 7 mai 2016 Le pape plaide pour un « nouvel humanisme européen »
Bonjour monsieur Barthès,
Il ne faut pas oublier que la répartition des richesses est plus inégale que l’on ne puisse imaginer. Ces quelques quatre cents personnes, aussi peu nombreuse soient-elles, sont plus riches que le reste de l’humanité réuni.
On l’oublie communément, mais l’écart de revenu entre un membre des classes moyennes supérieures occidentales et Serge Dassault est beaucoup plus gros, aussi bien en taux qu’en valeur absolue, que l’écart entre un membre des classes moyennes supérieures occidentales et la personne la plus pauvre du monde.
Cesser de faire des cadeaux au grand patronat et reprendre ceux qui ont déjà été accordés pourrait permettre d’améliorer considérablement le niveau de vie des sept milliards de gens peuplant le globe, mais aussi de faire en sorte que la contraception soit accessible (ce qui n’est actuellement le cas nulle part, pas même en en Europe), et donc de mener à bien sans avoir à instaurer de dictature la lutte pour la non-hausse de la population, non-hausse qui me semble être ce au nom de la défense de quoi votre blog « Économie Durable » a été créé.
Bonjour Invité2018,
Hélas 0,000 005 % de la population mondiale ne représente que 350 personnes. Il est bien improbable qu’en dépouillant ces 350 personnes nous puissions régler les problèmes du monde, ce serait trop facile.
Si nous estimons globalement que 1 milliard de personnes vivent à peu près correctement, 4 milliards plutôt pauvrement et 2 milliards très pauvrement, on voit bien que les masses en jeu sont telles que ce n’est pas en privant les premiers (et moins en encore les 350 plus riches) que l’on pourra facilement donner beaucoup aux seconde et troisième catégories, il y a bien un problème d’ordre de grandeur.
Nous ne donnerons jamais accès à un niveau de vie élevé à beaucoup de gens, c’est une obligation physique liée à la taille de la planète et cette contrainte-là, aucun choix de société ne pourra la dépasser.
En fait, il est parfaitement possible de s’adapter aux limites physiques sans remettre en cause ni principe humanitaire ni aucune liberté fondamentale. Pour cela, il faut tout simplement, d’une part rendre la contraception réellement accessible, afin de stopper la croissance démographique, et d’autre part mettre fin à la confiscation des biens des travailleurs du tiers-monde, laquelle confiscation ne bénéficie qu’aux industriels milliardaires et engendre la pauvreté, laquelle pauvreté pousse (aussi bien par elle-même que par les guerres qu’elle enfante) à l’émigration un grand nombre d’Africains et d’Orientaux qui auraient préféré ne pas avoir à quitter leur région natale.
Il ne faut pas oublier que de telles mesures nécessitent la remise en cause du dogme capitaliste accordant à quelques individus ne constituant pas plus de 0,000005% de la population la propriété exclusive sur la quasi-totalité des sols et ressources de la planète, remise en cause refusée par l’ensemble des politiciens, y compris par le pape François, y compris par Hulot, et y compris par beaucoup de militants classés à la gauche radicale.
Ce ne sont évidemment pas les bons sentiments que l’on peut reprocher à Nicolas Hulot, cela, ce serait plutôt sympathique. Non, ce qu’on peut lui reprocher c’est la non prise en compte des ordres de grandeurs qui rend son discours sur l’humanitaire absolument irréaliste.
Sans aller en effet jusqu’aux prédictions de l’ONU d’une Afrique à fécondité constante qui conduirait à 16 milliards d’habitants, les seules prédictions relevant de l’hypothèse moyenne (supposant déjà une sérieuse baisse de la fécondité) conduisent à une Afrique dépassant les 4 milliards d’habitants en 2100, sur un continent dont le tiers de la surface est constituée de déserts et qui, comme le reste du monde, va se trouver à court d’énergie fossile. Dans ces conditions là, compter sur l’émigration et sur l’accueil des autres continents est une impasse, d’autant que cela se traduira (et se traduit déjà) par un sentiment de rejet de la part des populations d’accueil.
Je préfèrerais franchement que Nicolas Hulot, comme l’a fait Nicolas Sarkozy récemment, et comme devraient le faire tous les leadeurs politiques, écologistes compris (surtout même écologistes), prennent le problème à bras le corps et s’occupent de la cause fondamentale de ces désordres : la démographie.
Au fond de lui, je ne suis pas certain que Nicolas Hulot soit persuadé que les COP soient en mesure de sauver le monde, je propose donc avec l’association Démographie Responsable, que se mettent en place les conférences suggérées par l’ancien Président de la République, conférences ayant pour objet de proposer des mesures pour lutter contre l’explosion démographique. A ces conférences là, Nicolas Hulot serait le bienvenu.