Primaires citoyennes, une tentative manquée

La primaire de l’écologie a désigné Yannick Jadot pour la présidentielle 2017, la droite finalise sa primaire, la gauche s’y mettra en janvier… Faire de la politique autrement passe-t-il par l’organisation de primaires hors partis ? Voici un condensé de ce qu’on peut dire des primaires alternatives « de citoyens » :

– LE MONDE 18 juillet 2016, Qui se cache derrière les primaires citoyennes ?

Permettre à des citoyens ordinaires de se porter candidats à l’élection présidentielle : telle est l’ambition de plusieurs projets de primaires portés par des politiques ou des entrepreneurs du numérique. Derrière ces organisations, des personnalités pas aussi anonymes que les candidatures qu’elles encouragent. Les organisateurs de La Primaire des Français sont ceux qui ont l’expérience en politique la plus importante. Ainsi de Corinne Lepage, ancienne ministre de l’écologie d’Alain Juppé, aujourd’hui à la tête de Cap 21. La majorité des organisateurs de ces primaires sont toutefois issus de la société civile, et malgré leurs expériences électorales, ils ne vivent pas de la politique. Une partie d’entre eux, enfin, sont des entrepreneurs qui réfléchissent à d’autres manières de faire de la politique, notamment en ayant recours aux nouvelles technologies. La Primaire.org est ainsi organisée par les fondateurs de Democratech, association qui entend mettre « la technologie au service de la démocratie », mais dont le premier projet est cette primaire. La Vraie Primaire est, elle, organisée en partenariat avec Synopia, think tank initié par l’entrepreneur Alexandre Malafaye, dont l’ambition est de travailler sur les systèmes et stratégies de gouvernance. Elle est alliée pour cela à D21, plate-forme de vote innovante, et DCLYC, qui revendique la création d’une plate-forme de démocratie participative à destination des jeunes.

– LE MONDE du 12 novembre 2016, Les primaires citoyennes peinent à s’imposer

A l’heure du dénigrement des professionnels de la politique et des procès en manque de représentativité des élus, l’idée de faire émerger des personnalités sans appartenance partisane a fait son chemin. Un certain nombre de candidats déclarés ou presque à l’élection présidentielle s’en sont emparés, Emmanuel Macron en tête. Un mode de scrutin appelé « jugement majoritaire » a ensuite été utilisé pour départager les finalistes. Chaque votant devait attribuer une mention aux candidats (de « insuffisant » à « très bien »). Lors du dépouillement, le classement a été établi à partir de la mention qui permettait à chaque candidat d’obtenir au moins 50 % des votes. La somme du nombre de voix récoltées par cette mention et les mentions supérieures faisait ensuite foi. En avril, trois primaires citoyennes se sont invitées dans le paysage, mais depuis juin le mouvement bat de l’aile. L’écrivain Alexandre Jardin a claqué la porte de « La Primaire des Français » en juin, arrivant à la conclusion que la méthode n’était pas la bonne. « Le projet reprenait la même grammaire que les partis traditionnels qui sont discrédités », explique-t-il.

Trois commentaires perspicaces sur lemonde.fr :

– Le détournement du mot « citoyen » pour cet usage est une tromperie. Je ne connais qu’un seul citoyen, celui qui est égal aux autres citoyens quand il met un bulletin de vote. Ceux qui usurpent le nom des citoyens devraient plutôt être appelés militants, sympathisants, activistes, adhérents/dirigeants de mini-partis etc., enfin tous les mots qui les désigneraient clairement pour ce qu’il sont et non pour ce qu’ils voudraient paraître.

– Ces primaires ne sont qu’une caricature de suffrage universel, mais il est vrai que la politique devient caricaturale, il est donc normal que la caricature engendre la caricature.

– Mieux vaudrait organiser une conférence de citoyens plutôt qu’une primaire ouverte à tous les vents…

6 réflexions sur “Primaires citoyennes, une tentative manquée”

  1. Le jugement majoritaire rend caduc le vote utile ainsi que le vote blanc.
     » Ce nouveau scrutin donne plus de liberté aux électeurs en leur demandant de juger et non de voter : ainsi, avec douze candidats, le premier tour du scrutin usuel ne donne que treize possibles expressions d’opinion (nommer un candidat ou voter blanc) ; le « jugement majoritaire » en donne plus de deux milliards.  »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/25/rendre-les-elections-aux-electeurs-le-jugement-majoritaire_1512385_3232.html

  2. Je n’ai pas nié que cette méthode n’eût eu que des avantage par rapport au mode de scrutin actuel. Je disais juste qu’il était impératif qu’elle vienne en plus de la pleine reconnaissance du vote blanc, et non pas en remplacement.

    Par ailleurs, il faudrait aussi que le candidat dont la médiane des notes est la plus élevés ne soit élus que s’il a reçu la note 10/10 de la part de la majorité absolue des électeurs inscrits, faute de quoi l’élection doit être recommencer avec impossibilité pour les candidats battus de se représenter.

    Bien sûr, changer le mode de scrutin ne sera pas suffisant, et le fait d’avoir trouver le meilleur mode de scrutin possible ne remplacera aucunement la nécessité des révoltes collectives et des actions illégales contre le système

  3. @ Invité2018
    Le candidat élu serait plus exactement celui dont la médiane des notes est la plus élevée.
    Vous trouverez toutes les explications sur le net ( déjà sur Wikipédia)
    Je parlais de « débat » au sujet du vote blanc… en fait il n’y en a pas. Ce que nous appelons « débats » ne servent la plupart du temps qu’ à faire diversion et à éviter de parler d’autre chose de plus important.

    Ceci dit ce n’est pas moi qui propose ce système, mais Rida Laraki et Michel Balinski. Moi j’en parle à l’occasion, je ne dis pas qu’il serait la panacée, mais je dis qu’il ne présente que des avantages par rapport à notre mode de scrutin actuel. J’invite ainsi les citoyens à s’informer et en discuter. Parce qu’il ne faudrait tout de même pas être naïf et croire que nos élus, d’aujourd’hui ou de demain, réformeront d’eux-mêmes nos « démocraties » dans ce sens.

  4. Vous écrivez : « Le vainqueur serait celui qui terminerait avec la meilleure moyenne ». Donc dans ce « jugement majoritaire », il demeurerait impossible qu’aucun candidat ne gagne, et donc le risque d’élection d’un candidat illégitime persisterait.

    Vous écrivez également « Ce système mettrait un terme au débat sur la prise en compte du vote blanc ». Que je sache, pour mettre un terme au débat sur la prise en compte du vote blanc, il faut justement que le vote blanc soit reconnu, et que si aucun candidat n’obtient dès le premier tour la majorité absolue des suffrages (donc vote blancs compris) l’élection soit recommencée sans que nul candidat battu puisse s’y représenter.

    Autrement dit, le système que vous proposez peut peut-être être pertinent, mais à condition qu’il vienne en plus de la prise en compte du vote blanc, et non qu’il remplace cette même prise en compte.

  5. Ces primaires ressemblent davantage à du grand n’importe quoi plutôt qu’à quelque chose de réellement démocratique.
    Quand on songe que des sympathisants de gauche sont prêts à aller voter aux primaires de la droite et du centre, afin qu’untel ou untel (ça dépend des jours) se retrouve face à leur favori ; et ceci dans le plus grand mépris de la fameuse charte (je m’engage à partager les valeurs de la droite et du centre)… en dit déjà long sur l’esprit de citoyenneté de ce pays.
    Comme si ça ne suffisait pas, ces primaires ne font que compliquer encore plus le processus démocratique. Les élections et particulièrement les présidentielles, sont devenues une affaire de stratégies, de coups fourrés, une sorte de jeu du « maillon faible » aussi complexe que malsain. De quoi dégoûter encore un peu plus ce malheureux citoyen qui voudrait agir concrètement … et qui est contraint d’aller mettre un bulletin dans une urne, tout simplement pour maintenir son sentiment d’avoir accompli son « devoir de citoyen ».

    Il y a un mode de scrutin dont on parle peu, c’est le « jugement majoritaire ».
    Ce système a été proposé par Rida Laraki et Michel Balinski. Chaque candidat serait évalué sur une échelle allant de « très bien » à « à rejeter ». Le vainqueur serait celui qui terminerait avec la meilleure moyenne.
    Ce système très simple est certainement le plus démocratique qui puisse l’être. S’il était adopté nous assisterions déjà à une baisse importante de l’abstention. Ce système mettrait un terme au débat sur la prise en compte du vote blanc, ainsi qu’à toutes ces stratégies et magouilles plus ou moins opaques, aux « votes utiles »… et surtout au dilemme d’avoir à choisir entre la peste et le choléra. Bref que des avantages.

    Les conférences de citoyens sont également une bonne idée.

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