Voici un rappel historique sur un néomalthusien inoubliable, Paul Robin.
En 1871, la France se retrouve au quatrième rang démographique en Europe alors que l’Allemagne continuait de voir sa population croître. Le repopulateur Jacques Bertillon fonde l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française en 1896. Parallèlement, le néo-malthusien Paul Robin fonde en 1896 la Ligue de la régénération humaine dont la devise sera « bonne naissance-éducation intégrale ». Elle se propose de « répandre les notions exactes de science physiologique et sociale permettant aux parents d’apprécier les cas où ils devront se montrer prudents quant au nombre de leurs enfants, et assurant, sous ce rapport, leur liberté et surtout celle de la femme ». Paul Robin est aussi connu comme l’un des fondateurs de la pédagogie moderne. La nouveauté réside dans la coéducation des sexes, avec mixité et enseignement identique aux filles et aux garçons. Il va montrer qu’il y a une réelle convergence entre l’éducation et l’émancipation sociale des plus défavorisés, en particulier les femmes. Cela passe obligatoirement par le contrôle de la natalité, car seul un enfant désiré et élevé dans des conditions matérielles et morales suffisantes peut devenir un homme libre et responsable. Pour Paul Robin, parler de sexualité devient impératif dès la puberté des enfants afin de les préserver des grossesses non désirées et des maladies. Il introduit aussi la notion de plaisir féminin, la sexualité ne devant plus demeurer une jouissance uniquement masculine.
Paul Robin, isolé et sans moyens, entame une œuvre de propagande qui rencontre le plus souvent l’indifférence, voire railleries et injures. Même les théoriciens anarchistes de l’époque ont condamné et combattu sa doctrine, seuls les pédagogues libertaires sympathisent. Paul sème inlassablement les ferments du néo-malthusianisme dans les milieux les plus divers, socialistes, féministes, francs-maçons, etc. En 1902, sa rencontre avec Eugène et Jeanne Humbert, qui prennent en main l’organisation matérielle de la Ligue, apporte une impulsion nouvelle à son militantisme : une équipe d’orateurs brillants et populaires multiplie les conférences publiques. Mais la rupture survient entre Robin et Humbert en 1908 qui fonde son propre groupe, « Génération consciente ». Paul Robin saborde alors la Ligue de la régénération humaine, puis choisit en 1912 de se suicider : une fin digne d’un anarchiste en avance sur son temps, qui avait même tenté de créer un syndicat de prostituées et une agence d’union libre.
En définitive, plus portés par des individus que par des forces sociales, les néo-malthusiens ont été peu entendus. L’absence d’unité du mouvement le rend fragile face à une opposition des milieux conservateurs et cléricaux plus solide et moins divisée. L’arrivée de la première guerre mondiale met le mouvement en veilleuse. La propagande antinataliste est alors considérée comme une trahison. Les néo-malthusiens avaient plus de chances d’être suivis sur la notion d’éducation sexuelle. Le néo-malthusianisme prépare donc l’émergence du féminisme. Le Planning familial, le Mouvement de libération des femmes (MLF) et le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) doivent beaucoup à Paul Robin.
Bonjour
Ce texte est plein de bon sens, je l’accorde, seulement c’est trop facile à dire.
Si … chaque homme et femme devaient attendre « sagement » le bon moment pour enfanter, nous ne serions pas nombreux sur Terre. Et peut-être même, notre espèce n’existerait plus depuis longtemps. En périodes de guerre, de famine, de chômage… bref en ces périodes où les lendemains ne paraissent guère réjouissants, la sagesse dicterait donc de s’abstenir de procréer. En 1944 par exemple, faire des gamins revenait à les condamner à une vie misérable… Or il se trouve qu’ils ont été cette génération « bénie » qui suscite aujourd’hui bien des jalousies, notamment de la part des plus jeunes qui eux sont nés pendant une période où tout semblait rose.
Quoi qu’il en soit , c’est facile aussi de dire «Cela dépend de vous, vous êtes absolument maîtresses de votre destinée ». Cela nous renvoie à l’idée que nous nous faisons de notre liberté. Celle de choisir entre 50 marques de lessives, de voitures, de télés etc… ou alors de ramer à contre courant, de ne pas consommer, de vivre dans la simplicité, d’apprendre à faire la part de nos vrais besoins… Bref , tout ça nous renvoie à notre aptitude à rompre nos chaînes. Vieille histoire ! (Le loup et le chien , de La Fontaine)
Paul Robin était avant tout un anarchiste, et comme tous les anarchistes il pensait que la liberté est à portée de main, qu’il s’agit simplement de vouloir… et pour ça d’éduquer les esclaves, de les sortir de leur caverne… C’est bien joli, moi-même j’aurais envie de le croire, parce que cette idée finalement me plait bien, et qu’elle m’arrange… Hélas je ne suis absolument pas convaincu que la sagesse et la liberté soient dans les capacités de tous.
un texte de 1896 de Paul Robin : Femmes, sœurs bien-aimées !
« Si vous jugez que votre santé, votre situation matérielle ou les circonstances ne vous permettent pas d’avoir un enfant dans de bonnes conditions, de lui donner les soins de toute nature et l’éducation attentive dont il aurait besoin, vous avez le droit et le devoir de vous abstenir d’être mères. Si vous avez déjà des enfants, vous pourrez mieux les nourrir et les élever qu’en ajoutant imprudemment à leur nombre. Si vous n’en avez pas encore, choisissez sagement le temps où vous et votre conjoint, vous vous trouverez dans des conditions favorables de santé, de bien-être et de sécurité.
Cela dépend de vous, vous êtes absolument maîtresses de votre destinée. Il ne faut pas que vous ignoriez, ni vous ni vos compagnes de souffrance, que la science vous a émancipées de l’épouvantable fatalité d’être mères contre votre volonté. »
Sur l’histoire des mouvements malthusiens en France je recommande aussi les livres de Francis Ronsin, un historien spécialiste de la question
Néo-malthusianisme et eugénisme sont inséparables.
Paul Robin fut certes un personnage intéressant. Le féminisme doit certainement beaucoup à la doctrine néo-malthusienne et aux idées de Paul Robin.
Dans cette éloge à Paul Robin on oublie juste de dire que c’est lui qui a introduit les idées eugénistes en France. L’eugénisme a été dès le départ la solution prônée par le néo-malthusianisme. Le véritable objectif étant l’amélioration de la QUALITÉ de la population, et cela devant passer en PRIORITÉ par la limitation du nombre des naissances chez les « inférieurs », les « dégénérés », qu’il s’agissait d’empêcher de se reproduire (eugénisme « négatif »). Paul Robin était clairement partisan de la stérilisation de ces « dégénérés ».
Je pense que ces idées sont à manipuler avec beaucoup de précautions… Et justement, le principe de précaution nous indique qu’il vaut mieux ne rien faire, que de faire des bêtises.