L’immigré pour un sociologue n’est qu’un faire-valoir

En sociologie, il y aurait d’un côté les « analytiques » et de l’autre les « combatifs »*. En d’autres termes de vrais scientifiques à comparer aux militants engagés. En fait c’est un faux débat. La socio«logie» qui se contente de faire des constats n’est pas un logos, mais une simple description (comme le font les démo«graphes»). Le sociologue qui prend parti dans un débat de société en ne présentant qu’un aspect de la complexité sociale n’est plus sociologue. Quand Boudon privilégie le facteur individuel (vive le libéralisme) alors que Bourdieu met en évidence la contrainte sociale (à mort le conditionnement), il y a un biais. La réalité sociale est faite de l’interaction constante entre l’individu et le collectif, c’est le mécanisme de l’interaction spéculaire. En fait la sociologie, c’est ce sur quoi Boudon et Bourdieu sont nécessairement d’accord. On ne peut plus raisonner comme le faisaient les marxistes : ceux qui sont d’accord avec moi sont des scientifiques, ceux qui sont contre moi sont des idéologues. Toutes les « sciences » humaines comme la sociologie, l’économie ou la politique s’intéressent à une réalité mouvante dont les constructions un jour peuvent être déconstruites un autre jour. A une époque d’ailleurs, on ne disait pas « sciences » économiques, mais économie politique. Mais la spécialisation en différentes disciplines a rigidifié les statuts ; économistes et sociologues ont voulu faire croire à la prééminence de leur discipline particulière. La sociologie (comme l’économie) n’est pas une science mais une subjectivité construite qui veut prendre sa part du pouvoir.

Après ces généralités, considérons le cœur de l’article de Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde », en ce qui concerne l’immigration. Dans un texte d’Olivier Galland « La sociologie du déni », l’auteur affirme que la grande majorité des enquêtes des sociologues qui travaillent sur les immigrés sont construites « autour d’une conception victimaire ». Ces études disent beaucoup sur ce que les immigrés, leurs enfants et petits-enfants subissent, très peu sur ce qu’ils pensent de la France, du mode de vie occidental, du statut de la femme, de la religion, de l’homosexualité, etc. – comme si les immigrés formaient une entité déresponsabilisée par la discrimination. Nathalie Heinich dans un livre de 2009, Le Bêtisier du sociologue, moquait déjà les idéologues de l’observation sociale. Elle qui a fait sa thèse avec Pierre Bourdieu s’en prend aux enfants du maître : « Ils font du Bourdieu mal digéré. Ils sont si orientés, si habités par la culpabilité colonialiste, qu’ils ne découvrent rien, ne voient rien, ne veulent pas le voir, sont juste au chevet du parc des opprimés qu’il ne faut jamais heurter. » Ainsi, nous aurions peu d’études sur la montée de l’antisémitisme chez les musulmans, l’échec du multiculturalisme, les zones de non-droit dans les banlieues, la façon dont la religion a fait disparaître la mixité de l’espace public, etc. Nathalie Heinich l’a constaté à ses dépens : « Poser des questions, c’est être qualifié d’islamophobe ou être mis dans les filets de l’extrême droite. » Dialoguer devient impossible, « Nous vivons une époque de sommations. Si on n’est pas d’un côté, on est de l’autre. »

Notre société qui théoriquement favorise les pensées universalistes se fragmente au contraire en groupes inconciliables. D’un point de vue écologiste, la question des migrations pose le problème de la capacité de charge des différents territoires, des niveaux différenciés de surpopulation et d’activité économique et recouvre en outre bien d’autres contraintes géopolitiques. Mais la commission « immigration » d’EELV (Europe Écologie Les Verts) se contente d’être un relais des associations de sans papiers. Quand on leur demande de se poser la question de la venue d’une masse de personnes chassées de leurs terres et des effets de seuil pour un accueil décent, ils vous traitent de raciste et xénophobe. Ils devraient lire Malthus qui se plaçait déjà dans une perspective holistique au début du XIXe siècle : « L’émigration est absolument insuffisante pour faire place à une population qui croît sans limite… L’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée. »

* LE MONDE du 11 novembre 2017, La guéguerre des sociologues

4 réflexions sur “L’immigré pour un sociologue n’est qu’un faire-valoir”

  1. Dans le dernier numéro de la revue « Le Débat », Gérald Bronner et Etienne Géhines écrivent que la sociologie de la domination de Pierre Bourdieu fournit « un récit idéal » pour déresponsabiliser l’individu. Extraits : « Certains sociologues qui s’autodésignent comme « critiques » se multiplient pour dire et redire qu’à cause du « système », des « structures », de la « culture » (dominante), etc., les individus ont moins une histoire qu’un destin. Il est évident que si elle est défendue inconditionnellement, cette représentation du monde dévitalise les notions de mérite, de responsabilité ou de moralité. Même sous une forme affaiblie, elle pourrait promouvoir de facto une « culture de l’excuse » car elle offre un récit idéal pour tout individu tenté d’expliquer ses défaillances, ses fautes ou ses échecs par l’action fatale de causes (sociales, psychologiques ou biologiques) sur les­­quelles il n’a pas de prise. »

  2. @Invite 2018:
    peu me chaut le sort des « migrants  » (terme de journapute politiquement correct) dont la plupart sont économiques ( les familles des clandestins ne savent pas prendre en charge leur ponte excessive , d’ où , émigration en Europe) : je doute que peu viennent ici pour échapper aux bombardements , celui de mes compatriotes en proie à des immigrés et des clandos afromuzz crapuleux me préoccupe lui beaucoup plus .
    J’ ai bien une idée de la façon de les traiter mais je ne puis les exprimer tant elles sont « musclées » (cfr Duterte aux Philippines).

  3. Evidement d’accord avec les généralités de la première partie, également d’accord avec le reste, notamment pour déplorer cet air du temps où l’on ne semble plus avoir le droit d’aborder tous ces sujets qui fâchent.
    Où sont donc aujourd’hui les successeurs de tous ces grands penseurs qui ont marqué les siècles et qui nous ont révélé tant de choses importantes, et ceci jusqu’à il y a tout juste quelques décennies ?

    Aujourd’hui ceux que nous nommons « intellectuels » se contentent d’enfoncer des portes ouvertes depuis longtemps , ou de nous « révéler » ce que nous savons déjà.
    Par hasard… cette obsession du consensus n’y serait-elle pas par pour quelque chose dans cette défaillance de la pensée actuelle ?
    ( « Les animaux malades du consensus » – Gilles Châtelet )

  4. Que tant d’Africains et d’Orientaux soient contraints de quitter leur terre natale puis de migrer en masse vers l’Europe est un fléaux qu’il faut éradiquer. Afin de pouvoir mener cette même éradication, il est impératif :
    -que cessent tous les bombardements militaires et qu’immédiatement les troupes occidentales se retirent d’Afrique et du Moyen-Orient
    -que les peuples du tiers-monde puissent disposer des ressources qui sur leurs sols sont présentes, et donc que sans être indemnisés les industriels milliardaires soient expropriés
    -de mettre fin à la folie consistant à vendre de l’armement à prix d’or à la dictature saoudienne, dictature qui soutien le terrorisme islamique, lequel terrorisme forcent énormément de citoyens à fuir vers l’Occident

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