A connaître, «âge de pierre, âge d’abondance»

Le point de vue des écologistes ne pourra s’affirme que si une connaissance de base se diffuse dans la population. Il y a des expressions essentielles, à retenir et à diffuser, entre autres l’analyse de Marshal Sahlins qui déconstruit l’idée de société d’abondance.

Michel Sourrouille : « j’ai lu « âge de pierre, âge d’abondance », LE livre de Marshall Sahlins. La virgule peut prêter à interprétations. En fait cette étude démontrait que l’âge de pierre (les sociétés premières), c’était vraiment l’âge d’abondance : sans désir de superflu, il n’y avait pas sentiment de manque. Autrefois, aux temps de la chasse et de la cueillette, on vivait un sentiment de plénitude car on limitait les besoins… et donc le travail… pour avoir plus de temps libre… et être heureux. Aujourd’hui l’intérêt du moment change, de plus en plus vite. Il y a toujours un nouveau match à la télé. II y a toujours un machin de la dernière génération qu’il faut posséder et bientôt jeter à la poubelle avec l’apparition d’une nouvelle « fonctionnalité ». La période contemporaine fait courir la plupart d’entre nous derrière l’illusion de l’abondance… à crédit. »

Thierry Sallantin : « En octobre 1968, je découvre l’ethnologie en tombant dans « Les Temps Modernes » sur une communication de Marshall Sahlins en 1966 : « La première société d’abondance ». Cet ethnologue y parle de la vie agréable, en travaillant presque pas, au sein des peuples actuels vivant de pêche, chasse et cueillette. J’adhère en 1969 à l’association « Atipaya » de soutien aux indiens Wayana créée par Christian Delorme, future figure de la non-violence et de l’écologie. L’article de Sahlins ne sera republié qu’en 1976 dans « Age de pierre, âge d’abondance » (Gallimard). Je pense que l’ethnologie, en revalorisant les modes de vie « primitifs » de peuples estimés « en retard » par rapport aux « races supérieures » ou estimés « sous-développés », apporte la solution à l’impasse de la modernité. A 15 ans, je sais déjà que le mode de vie occidental est insoutenable et qu’il se répand hélas partout par ce moyen criminel de « persuasion clandestine » (Vance Packard et Stuart Ewen). »

Hervé Kempf : Guillaume Sarkozy, ex vice-président du Medef, m’avait dit un jour publiquement d’un ton vif : « Je ne crois pas une seconde qu’on puisse mobiliser les gens en disant « vous allez vivre moins bien qu’aujourd’hui ». Et demain, vous allez retourner à la bougie sans votre téléphone portable ? ». Je répliquai : « Si ceux qui ont le plus de capacité et de richesse ne reprennent pas notre destin par rapport à la crise écologique, nous irons précisément à un état de chaos social qui ne sera peut-être pas celui de l’âge de pierre, mais qui serra extrêmement négatif. Donc, s’il vous plaît, monsieur Sarkozy, employons des arguments sérieux, et ne nous envoyons pas des bougies et des blocs de pierre à la figure. » Cette anecdote illustre la propension de l’oligarchie à répondre aux questions qui dérangent par des images éculées. Jacques Attali recourut au même procédé. On l’interrogeait sur les conséquences écologiques qu’aurait la croissance forte qu’il préconisait : « La meilleure façon de ne pas polluer, répondit-il, est de revenir à l’âge de pierre ». Je ne sais si cette réponse est stupide ou méprisante.

PS : Marshall Sahlins est mort le 5 avril 2021, à l’âge de 90 ans. Il était sans conteste le plus grand anthropologue contemporain de l’Océanie. Savant inclassable, homme de terrain et infatigable pourvoyeur d’idées, il a lancé certains des plus grands débats de la discipline. En 1974, il devient professeur à l’université de Chicago, où il fera le reste de sa carrière. C’est aussi l’année où il publie Stone Age Economics (Age de pierre, âge d’abondance, Gallimard, 1976), dans lequel il déconstruit l’image fantasmée du « sauvage ». A partir de l’analyse de sociétés paléolithiques et de chasseurs-cueilleurs, il démontre que plus une société est marquée par des progrès technologiques, moins ses membres disposent de temps à accorder aux loisirs ou à la culture. Avec cet ouvrage majeur, il relègue définitivement au rayon des théories surannées l’évolutionnisme linéaire qui assimilait avancée technique et progrès social.

4 réflexions sur “A connaître, «âge de pierre, âge d’abondance»”

  1. L’humain grimpe à l’échelle de l’évolution depuis le zygote et continue de grimper par l’apprentissage au cours de son enfance avancée (25 ans?) en formant son cerveau.
    L’âge de pierre n’était pas une période d’abondance mais d’ignorance.
    Ceux qui veulent se ravaler à ce stade ne le peuvent pas et au lieu de rêver d’un monde idéalisé, allez voir la misère des peuples retournés à l’état sauvage comme à Madagascar ou en Afrique.
    Tout cela dit avec gentillesse et pour remettre en perspective les affirmations de cet article.

  2. 2ème partie: Avec la crise « financiaro-monétaire » des dettes imputées à la surprenante « politico-crise-covid » qui vas nous plonger dans une faillite version « dépression à la Grecs- 2011 ». Cette « décroissance monétaire- pouvoir d’achat » vas nous obliger à apprendre à gérer une « décroissance » soutenable, culturellement et socialement… ça vas sérieusement secouer :
    falundafa.org/

  3. 1/: L’humain à oublier qu’il devait toujours choisir, entre ÊTRE DANS une société matérialiste dont les individus-posséder courent toujours après d’autres biens matériels, qui les enferment toujours plus dans une spirale chronophage de « l’avoir » et à protéger, dont les forces induites les enferment, donc ils n’ont plus le temps pour « être »…Ou apprendre à choisir de profiter du temps qui leur passe entre les doigts pour « lâcher prise » et développer une qualité d’esprit (lit :Spirituelles, culture de l’esprit) qualifié «d’être »…ou choisir celle « d’avoir »qui enferme dans la spirale « possédé par ce que l’on possède », tel est le dilemme moderne décrit par des philosophes antiques entre celle du « dieu Mammon » qui est une prison mortifère, de plus en plus d’une actualité sidérante…c’est la version actuelle du « perdre sa vie à la gagner… » ou l’adage « Le 21-ème siècle sera spirituel ou ne sera pas …

  4. En ces temps là les humains avaient certes beaucoup de temps libre, du moins c’est ce qu’on raconte. Quand ils n’étaient pas occupés à chercher de quoi se remplir le ventre ils passaient leur temps à tailler des outils (travailler ?), peindre les parois des grottes, discuter, raconter des histoires, et rire et pleurer aussi sûrement. Mais qui peut dire s’ils avaient le sentiment de vivre au Paradis ? Je pense qu’à cette époque déjà il y avait de tout. Des clans qui se la coulaient douce et d’autres moins. Certains qui connaissaient la faim, le froid, ou la peur bien plus que d’autres. C’est d’ailleurs ce que nous observons dans le milieu animal. Pour une même espèce certaines populations sont mieux loties que d’autres.
    De part leurs responsabilités, plus que quiconque les Guillaume Sarkozy, Attali, Séguéla (la Rolex à 50 ans), Macron (les Amish) et Compagnie auraient besoin de Décoloniser leur imaginaire.

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