à mégamachine, mégacrise

LeMonde économie* s’interroge : « Et si les effets des mégachocs devenaient insurmontables ? ». Le journal évoque la mégacrise comme résultante du  blocage simultané des différents systèmes socio-économiques « en raison de la désintégration des réseaux d’interdépendance qui les relient ». Mais le dossier est centré sur « qui va payer la facture », pas sur les déterminants fondamentaux et les solutions réelles.

 Ulrich Beck résume le problème : « L’extension des risques est consubstantielle à la mondialisation de l’économie industrielle ». Mais c’est l’archéologue Joseph A.Tainter** qui nous donne la bonne interprétation, la complexité croissante. Il a examiné la croissance et le déclin de nombreuses civilisations afin de découvrir ce qu’il y a de commun dans leurs trajectoires fatales. Sa thèse principale est que confrontées à de nouveaux problèmes, ces civilisations accroissaient la complexité de leur fonctionnement en investissant plus encore dans les mêmes moyens qui avaient permis leur éclosion. Par « accroissement de la complexité », il faut entendre la diversification des rôles sociaux, économiques et politiques, le développement des moyens de communication et la croissance de l’économie des services, le tout soutenu par une forte consommation d’énergie. Le gain marginal d’une complexité croissante décline alors jusqu’à devenir négatif. Lorsque le taux marginal devient négatif, tout accroissement de la complexité (et de ses coûts) entraîne la diminution des bénéfices sociaux. L’effondrement économique et social est alors probable. L’empire romain, par exemple, fut confronté à l’augmentation de sa population, à la baisse de sa production agricole et au déclin de l’énergie par habitant. Il tenta de résoudre ces problèmes en élargissant encore son territoire par de nouvelles conquêtes afin de s’approprier les surplus énergétiques de ses voisins (métaux, céréales, esclaves…). Cependant cette extension territoriale engendra une multiplication des coûts de maintenance et des communications, des garnisons, au point que les invasions barbares ici, ou les mauvaises récoltes là, ne purent plus être résolues par une nouvelle expansion territoriale. La dissolution non intentionnelle de l’empire fut de se fragmenter en petites unités locales.

                A mégamachine, mégacrise, c’est-à-dire effondrement de la société thermo-industrielle. Face aux mégachocs actuels que sont la crise financière, la descente énergétique prochaine, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, etc., nous voyons l’avenir dans les communautés intentionnelles ou territoires de résilience, qui cherchent à retrouver une autonomie alimentaire et énergétique au niveau local. Cette perspective  nous est décrite dans le Manuel de transition de Rob Hopkins. Il y aura nécessairement démondialisation*** et abandon progressif des prérogatives étatique au profit des collectivités locales. Cela ne se fera pas sans heurts… Mais les sociétés qu’on appelle « immobiles » sont en fait celles qui apprennent à vivre au mieux en accord avec les rythmes de la biosphère.

* LeMonde, édition du 22 mars 2011

** The Collapse of Complex Societies (analyse en français) de Joseph A.Tainter (1988)

*** démondialisation : La multiplication par vingt du commerce mondial depuis les années 1970 a pratiquement éliminé l’autosuffisance. Joseph Tainter note cette interdépendance en prévenant que « l’effondrement, s’il doit se produire à nouveau, se produira cette fois à l’échelle du globe. La civilisation mondiale se désintégrera en bloc ».

3 réflexions sur “à mégamachine, mégacrise”

  1. bonjour gerard
    L’optimisme et le pessimisme sont deux paris sur l’avenir. Nous ne jouons pas, nous analysons. Nous disons simplement qu’une société complexe, et la nôtre a été au maximum de la complexité possible, est d’une fragilité extrême car il y a des effets en chaîne possible. Le tsunami financier a été un exemple, un choc pétrolier structurel serait un autre exemple.

    Dans ce contexte, une adaptation globale quand elle est préparée serait très difficile, mais nous ne nous préparons pas. Nous agissons au coup par coup sans rien résoudre au fond : la spéculation financière a recommencé comme si de rien n’était et on veut ignorer le pic pétrolier mondial qui a déjà eu lieu…
    Nous répétons que la résilience ne sera possible que s’il y a relocalisation de l’activité… mais les occidentaux préfèrent lâcher quelques bombes sur la Libye !

  2. Bonjour,

    votre article est très intéressant. Néanmoins, je pense qu’il est très à la mode d’être alarmiste. Si votre article soulève un grand nombre de points essentiels (économies instables, surpopulation, déséquilibres écologiques, etc) je pense qu’il est très réducteur d’affirmer que notre civilisation va se désintégrer comme le soulignent certains auteurs et analystes.

    Nous sommes dans une époque pessimiste, ce qui est normal, mais il ne faut pas sous-estimer la capacité de l’homme à innover, à changer, à s’adapter. Un peu comme le font les animaux et les plantes soumis à des changements radicaux de leur environnement.

    Gérard L.

  3. Bonjour,

    votre article est très intéressant. Néanmoins, je pense qu’il est très à la mode d’être alarmiste. Si votre article soulève un grand nombre de points essentiels (économies instables, surpopulation, déséquilibres écologiques, etc) je pense qu’il est très réducteur d’affirmer que notre civilisation va se désintégrer comme le soulignent certains auteurs et analystes.

    Nous sommes dans une époque pessimiste, ce qui est normal, mais il ne faut pas sous-estimer la capacité de l’homme à innover, à changer, à s’adapter. Un peu comme le font les animaux et les plantes soumis à des changements radicaux de leur environnement.

    Gérard L.

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