Actualisation de la question malthusienne

La réponse démographique ne peut pas être définie comme une solution universelle aux problèmes de la croissance économique actuelle. On peut penser, pêle-mêle et de façon non exhaustive, au rapport des sociétés contemporaines au vivant sous toutes ses formes, aux logiques de domination et d’exploitation induites par le capitalisme, à la déstructuration des rapports sociaux par leur monétisation, au caractère univoque de la concurrence comme mode de relations entre les humains, aux impératifs de rentabilité, de performance, de profit… ou encore à la montée en puissance du solutionnisme technologique, à l’amenuisement des formes collectives de délibération et de prise de décision, à la question de l’autonomie, etc. La question démographique mérite d’être prise en considération, c’était l’objet de notre série d’articles sur MALTHUS. Mais cette question ne peut être traitée qu’en lien avec toutes les autres problématiques, la question sociale, les diktats économiques, les inerties politiques. Elle n’a donc de réelle chance d’être considérée qu’au terme d’une transformation profonde de notre rapport à la science, à la technique, au vivant, bref, de notre rapport au monde. Sinon nous pourrions renouer avec les sombres impasses de la résurgence des totalitarismes et des guerres. C’est pourquoi nous pensons sur ce blog biosphere que l’humanité devrait adopter un nouvel imaginaire dont nous proposons ici quelques caractéristiques.

Il est indispensable de pratiquer la sobriété partagée et de contribuer ainsi à un décroissance économique maîtrisée, il est de même absolument nécessaire de maîtriser la fécondité humaine pour la faire correspondre étroitement aux capacités durables des écosystèmes. N’oublions jamais que le nombre d’automobiles est en rapport direct avec le nombre d’automobilistes. Autre point, s’il était positif que soit établie une déclaration universelle des droits des citoyen(ne)s, il est aussi incontournable de reconnaître que nos droits s’accompagnent toujours de devoirs. Le droit individuel à avoir un enfant va de pair avec nos devoirs envers la société. En France, la Charte de l’environnement était approuvée par les parlementaires français réunis en Congrès  le 28 février 2005 pour lui donner une valeur constitutionnelle : « Aux côtés des droits de l’homme de 1789 et des droits sociaux de 1946, et au même niveau, nous allons reconnaître les principes fondamentaux d’une écologie soucieuse du devenir de l’homme ». Cette Charte énumère plusieurs de nos responsabilités, par exemple : « Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.« Art. 3. – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »

La question démographique est apparemment absente de ces formulations, mais réfléchir sur nos actes de procréation, c’est bien également « prévenir les atteintes à l’environnement ». Il nous faut adopter le message essentiel de Malthus. Le rapport du nombre d’humains aux ressources alimentaires devient en langage moderne « vivre des fruits de la Terre sans porter atteinte au capital naturel ». Il ne faudrait causer aucune blessures inutiles à notre environnement, il nous faudrait respecter chaque élément de la Biosphère. En fin de compte, si une nouvelle spiritualité moins anthropocentrique pouvait se développer, si un humanisme pouvait s’élargir à l’ensemble des autres éléments de la trame du vivant, ce serait une bonne nouvelle. L’impératif d’aimer son prochain comme soi-même nous semble constituer un sous-ensemble du précepte d’aimer la planète comme soi-même : notre Terre-mère, disent certaines sagesses ancestrales. Rappelons en guise de conclusion le préambule de la Charte de l’environnement :

« Le peuple français, Considérant que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ; que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ; que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ; que la diversité biologique et l’épanouissement de la personne sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles… Proclame : « Art. 1er. – Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé… »

A nous d’en tirer les conséquences…

Pour une vison globale de MALTHUS, notre série d’articles :

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)

28 août 2020, MALTHUS, un scientifique éclairé en 1798 (9/13)

29 août 2020, MALTHUS, un religieux en dehors du dogme (10/13)

30 août 2020, MALTHUS réfute avec rigueur les critiques (11/13)

31 août 2020, Actualisation de la question malthusienne (12/13)

12 réflexions sur “Actualisation de la question malthusienne”

  1. La solution démographique n’est pas la panacée au sens où elle ne peut résoudre tous les problèmes, sans doute.
    Toutefois, c’est un élément incontournable. Sans réduction de nos effectifs par la baisse de la fécondité alors nous irons à l’échec et tous nos autres efforts ne serviront à rien, voilà pourquoi il faut la mettre au premier plan.
    Bien sûr on peut échouer avec une population plus petite. Qui pourrait parier sur un succès certain ? Simplement, on est sûr d’aller à l’échec avec une population plus grande. Cette asymétrie justifie la priorité à donner à la diminution du nombre des hommes. Et l’humanisme aussi justifie qu’on l’organise en favorisant une baisse volontaire de la fécondité plutôt qu’en attendant de se soumettre aux conséquences du heurt de l’humanité aux limites de la planète. Dans ce choc là il n’y aura plus guère de place pour les commentaires, juste pour l’effroi.

    1. Un élément incontournable, sans doute. Nous sommes donc d’accord sur l’essentiel. Du moins sur ce que j’entends par ce mot, essentiel.
      Par contre je me refuse toujours de le mettre au premier plan. Du moins s’il s’agit d’en faire le problème N°1.

      1. Séparer la démographie du reste de l’activisme humain, c’est comme vouloir séparer le corps et l’esprit.
        C’est pourtant ce que font certains décroissants comme Vincent Cheynet et son mensuel « La Décroissance ». Cette attitude est incompréhensible.
        Maîtriser la fécondité humine ET planifier la décroissance économique sont deux éléments primordiaux des politiques à mettre en œuvre, on ne peut parler ni pour l’une ni pour l’autre de problématique « seconde » ou « secondaire », elles vont de pair. Serge Latouche en est désormais convaincu, lire sa préface du 20 août 2020 :

        1. On peut effectivement le voir comme ça. Seulement le débat sur la décroissance démographique est pipé, plombé. Vincent Cheynet dit qu’il est «miné» (voir l’article 8/13). Autrement dit il ne peut pas y avoir de débat sur ce thème, même entre écolos décroissants. Dès lors se pose une série de questions.
          Comment faire pour aborder et parler du problème démographique ? Quelle serait la bonne fréquence ? Une fois par an, par mois, par semaine, par jour ? Avec qui en parler, du moins essayer d’en débattre ? Pas avec n’importe qui tout de même !? C’est à juste raison que Vincent Cheynet parle du «caractère pathologique» de certains.

        2. ( Suite) De toute façon, étant donné que comme pour notre grave problème de boulimie, d’imaginaire colonisé, de connerie congénitale, nous n’avons toujours pas de baguette magique ou de remède miracle… se pose alors la question de l’intérêt de parler de ce problème. Ne pas en parler veut-il dire qu’on ignore, qu’on nie, ou qu’on sous-estime le problème ? En quoi en parler ferait-il avancer le Schmilblick ? Cela ne risque t-il pas d’être contre-productif, d’en rajouter aux problèmes, au Problème ? etc. etc.

  2. La «réponse démographique» ne peut donc pas être vue comme la Panacée.
    Autant dire que ces théories visant à démontrer que le «surnombre» est le «problème N°1», la «cause de tous nos maux» etc. sont fausses, invalidées. Pour commencer il me semble donc indispensable que ces «arguments» soient abandonnés, ils ne font que renforcer et envenimer les clivages.
    En disant que l’humanité devrait adopter un nouvel imaginaire, Biosphère rejoint finalement Serge Latouche. Très bien.

    Bien sûr, la lecture de Malthus, l’étude de sa pensée plutôt, ne peut que participer à cet énorme chantier de décolonisation, de démolition. De Malthus et bien d’autres ! La liste est énorme. Bien sûr l’œuvre de Malthus, de Marx, de Pierre Paul ou Jacques ne doit pas devenir une bible.

    1. Malthus a vu lui aussi l’intérêt de l’éducation des peuples. Nous semblons avoir oublié ce qu’est l’éducation, son véritable but. L’éducation a été réduite à la formation (formatage) de producteurs-consommateurs, la liberté a été réduite à pouvoir choisir entre 50 marques de bagnoles ou de smartphones, quand ce n’est pas entre la peste et le choléra.

      En avant toutes vers la décolonisation des imaginaires, vers la liberté !
      Et dieu sait qu’il y a du boulot ! 😉

    2. Ben si la <> peut être vue comme la Panacée !

      Désolé mais comment fais tu pour régler les problèmes de l’Égypte sans réduction des naissances par exemple ? L’Égypte qui est largement en surpopulation de manière très ostentatoire, car si on regarde le Caire, la ville est arrivée au stade absurde où il est impossible d’améliorer la vie sur place, en effet si on veut construire un immeuble tout neuf, on ne peut plus, car il faudrait détruire un autre immeuble, même si on veut détruire un vieux et petit immeuble pour le remplacer par un grand et neuf immeuble, c’est devenu impossible car ça implique de déplacer des populations déjà en manque de logement, il n’est même pas possible de loger une population temporairement ailleurs.

      1. En outre, en Égypte, ils bâtissent de nouveaux immeubles sur des terrains agraires, du coup la production alimentaire agricole diminue. Alors, les égyptiens bâtissent une nouvelle capitale en plein milieu du désert, mais ça implique de brûler des énergies fossiles pour produire de l’eau potable… ce n’est pas durable !

        1 naissance = 1 bébé qui va devenir un futur adulte = 1 adulte devenant 1 consommateur = 1 consommateur qui voudra 1 logement + 1 voiture + 1 télévision + 1 ordinateur + 1 smartphone = mais aussi 1 futur adulte qui voudra plusieurs naissances = soit multiplier toute la chaîne de l’équation !

        1. Encore une fois, je me demande si nous (toi et moi) comprenons ce que nous lisons de la même façon.
          Biosphère a écrit : «La réponse démographique ne peut pas être définie comme une solution universelle aux problèmes de la croissance économique actuelle. »
          Je le traduis par : «La «réponse démographique» ne peut donc pas être vue comme la Panacée. »

      2. T’ inquiète , ils vont se casser la gueule sous peu !
        Les dirigeants soutiennent le contrôle démographique en Egypte mais les masses islamisées (= lobotomisées par ce livre ) continuent à pondre ad infinem .
        La population ne veut pas changer de cap’ eh bien qu’ elle assume ce que dame nature va lui réserver : famines, batailles pour l’ eau , épidémies ravageuses .
        Bien fait pour leur tronche .
        Je suppose que le moralisateur à la petite semaine du site va déchirer sa tunique de fausse indignation humaniste !!🤣

        1. Comme aurait pu dire Malthus (article précédent), la plupart des attaques contre mon point de vue sont moins des réfutations que des déclamations ou des injures qui ne méritent aucune réponse. Je me contente donc d’un copié-collé.
          Une nouvelle fois, ces «arguments» d’une extrême rigueur (et/ou vigueur vont certainement participer à réhabiliter Malthus, ils vont nous aider à mieux comprendre la pensée complexe de ce grand incompris, ce précurseur, en avance sur son temps etc. J’imagine que Biosphère en sera ravi 🙂
          Je suggère que le titre de membre d’honneur du blog Biosphère soit décerné à notre malthusien autoproclamé, MARCEL. Misère misère !

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