Animal, une facette trop ignorée de notre humanité

J’avais affirmé à ma petite fille de 6 ans, Zoé, que l’homme était un animal parmi d’autres. Réaction spontanée de l’enfant : « Mais papi, les animaux ne sont pas comme nous, ils ne parlent pas ». Ainsi commence l’anthropocentrisme, l’idée d’une supériorité de la race humaine puisque nous nous jugeons différents, dans le sens « supérieurs », inégaux. Je lui ai appris ce qui ne va pas de soi pour un enfant, la richesse du langage chez les animaux. Par exemple, la maman dinde a une incroyable gamme vocale pour s’adresser à ses petits. Et les petits comprennent. Elle peut les appeler pour qu’ils viennent se blottir sous ses ailes, ou bien leur dire de se rendre à tel endroit. Je lui ai fait trouver par elle-même que le veau buvait le lait de sa mère, comme Zoé quand elle était petite. Nous sommes des mammifères, comme les vaches. Il y a 4000 espèces de mammifères, dont plusieurs centaines sont aujourd’hui menacées de disparition… par la faute du mammifère humain ! Nous devons abandonner notre anthropocentrisme destructeur pour mieux respecter les autres formes du vivant. Un insecte possède un cerveau, bien plus petit que celui d’un humain sans aucun doute, mais un cerveau quand même. L’escargot est également doté d’un ganglion cérébral, et d’un cœur avec une seule oreillette et un seul ventricule, mais un cœur tout de même. J’ai montré une coupe de l’escargot à Zoé. Le schéma d’organisation du vivant est assez similaire d’un bout à l’autre de la planète, homo sapiens ne constitue pas une exception !

Dans mon petit Larousse, il y a trois définitions du mot « Animal » :

1) être vivant, généralement capable de se mouvoir, se nourrissant de substances organiques.

2) être animé, dépourvu du langage (par opposition à l’homme).

3) Personne stupide, grossière ou brutale.

On peut donc répondre aussi bien que l’homme est bien un animal selon la première définition, que l’homme n’est pas un animal selon la seconde et que, d’après la troisième l’homme n’est pas un animal, bien qu’il soit traité d’animal ! Pour s’y retrouver, mieux vaut dire que celui qui veut différencier l’homme de l’animal fait preuve d’anthropocentrisme (les humains avant tout) alors que celui qui voit la proximité étroite entre l’homme et l’animal témoigne d’une humilité qu’on peut appeler biocentrisme : Homo sapiens est une forme de vie parmi d’autres, apprenons à vivre en harmonie avec toute la chaîne du vivant. C’est là une pensée fondamentalement écologique. La culture asiatique n’a jamais adhéré à la conception chrétienne de la primauté de l’humain et le shintoïsme comme le bouddhisme tendent à considérer que toutes les entités vivantes, y compris les plantes, existent sur un même plan. Dès lors qu’on reconnaît qu’il y a unité du vivant, la stratégie cartésienne de supériorité de l’homme sur les autres espèces ne fonctionne pas. Aucune comparaison des différences n’implique une hiérarchie : on peut étudier des différences et des parentés, mais non pas construire une hiérarchie téléologique. Toutes les espèces qui vivent aujourd’hui sont nos contemporains, issues du même processus d’évolution. Nous pouvons faire des différences entre les hommes et les femmes, entre les noirs et les blancs, entre les animaux et les végétaux, mais il n’y a pas en soi d’inégalités entre les espèces, pas de supériorité en soi de l’espèce humaine… Considérons enfin que si l’humanité peut vivre sans les baleines, les baleines pourraient bien mieux vivre sans les humains. Mettons-nous parfois à la place des non-humains, raisonnons comme un arbre ou un requin, nous comprendrons mieux notre insertion dans le monde des êtres vivants. Nous naissons animal, nous croyons devenir humain, nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres, plus vorace que les autres.

(extraits de « On ne naît pas écolo, on le devient », Michel Sourrouille aux éditions Sang de la Terre)

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