anthropocentrisme, bio- ou écocentrisme, que choisir ?

Un insecte possède un cerveau, plus petit que celui d’un humain sans doute, mais un cerveau quand même. L’escargot est également doté d’un ganglion cérébral, et d’un cœur avec une seule oreillette et un seul ventricule, mais un cœur tout de même. Le schéma d’organisation du vivant est assez similaire d’un bout à l’autre de la planète, homo sapiens ne constituant pas une exception ! Pourtant certains croient encore à la spécificité humaine, fabulant que l’Homme est à l’image de dieu et la Terre au centre de l’univers. Ils font preuve d’anthropocentrisme, l’homme (anthrôpos) au centre. Contre ce nombrilisme qui oppose l’homme à la nature, une autre éthique est possible, le biocentrisme : on accorde une valeur intrinsèque à chaque être vivant (bio-), qu’il soit d’ailleurs animal ou végétal. Pour une petite minorité de gens éclairés, il faut aller encore plus loin. Parce qu’ils constatent que nous faisons partie de la même communauté biotique, nous aurions des devoirs aussi bien à l’égard de ses différentes composantes vivantes que de la communauté considérée comme un tout. Cette éthique est dite écocentrique (oikos, la maison, la Terre). Qu’en penser ?

Les humains et les non humains ne sont concrètement que des nœuds relationnels sur le réseau du vivant. Au niveau social, les individus se constituent par leurs relations aux autres, et ne sauraient exister par eux-mêmes, sans ces relations aux autres. Il en est de même de l’être humain qui est inséré dans un écosystème et en étroite interrelation avec lui. Oublier cela, c’est oublier l’essentiel. Le circuit économique entre ménages et entreprises n’est valide que si on considère que la circulation entre revenus et consommations dépend des richesses accordées ou non par la nature. Faisons un parallèle. L’unité de base des formes de vie, la cellule, est enfermée dans une membrane munie d’une multitude de portes microscopiques qui lui permettent d’échanger avec son milieu. L’échange se fait parfois au détriment de la cellule, ou à son avantage. En retour la cellule transforme aussi le milieu dans lequel elle évolue. Le milieu est partie constitutive de l’identité de la cellule comme la Nature est partie constitutive de l’identité humaine. Même entre le vivant et l’inerte, il n’y a pas de frontières rigides. A l’échelle atomique, ce sont par exemple les mêmes éléments qui constituent l’eau et environ 56 % du corps humain à l’âge adulte (40 litres d’eau pour une personne de 70 kilos). Mais les humains n’ont pas de relation obligée avec leur milieu, ils sont obligés de réfléchir pour savoir ce qui est le mieux. Et ce n’est pas évident pour eux !

Nous avons exprimé plusieurs millénaires durant que les humains n’étaient pas tous frères et sœurs alors que nous appartenons tous, blonds ou bruns, blancs ou noirs, à la même race « homo sapiens » ; nous avons considéré pendant des milliers d’années qu’il existait une différence fondamentale entre l’homme et la femme alors que l’égalité aurait pu aller de soi depuis longtemps ; nous valorisons notre propre ethnie ou notre nation comme le centre de ce qu’il faut reproduire et défendre alors que nous devrions essayer de vivre en symbiose avec tous, humains et non-humains. L’anthropocentrisme est une notion du passé, avant que Galilée démontre que la terre tourne autour du soleil et non l’inverse, avant qu’on ne découvre que plumes, écailles et dents proviennent tous du même tissu épithélial, dépendent tous du même répertoire génétique. Les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale. Et homo sapiens est une invention  très récente de l’histoire géologique. Nos ancêtres directs,  des mammifères, ne sont apparus qu’il y a 150 à 200 millions d’années sous la forme d’un petit rongeur… Par la suite, il y a quelques 20 millions d’années, un singe arboricole possédait une colonne vertébrale assez rigide pour lui assurer une station temporaire sur ses deux jambes… mais l’histoire véritable des hominidés ne remonte approximativement qu’à 7 ou 8 millions d’années… et homo sapiens sous sa forme actuelle aurait seulement 150 à 200 000 ans. Il nous faut savoir écouter la voix de la Biosphère