Après nous les insectes, ils nous résistent

Plusieurs études suggèrent des réductions de populations d’insectes en Europe de l’ordre de 80 % au cours des deux décennies écoulées. Les dernières données britanniques indiquent une chute de 63 % entre 2021 et 2024. Est-ce inquiétant ?

Philippe Grandcolas : Oui, il est complètement fou que l’on n’en parle pas plus, ou alors sur le mode : « Ah oui, les insectes, pas tous sympas quand même ! » Pourtant il y a 5 % à 80 % de perte de productivité faute de pollinisateurs selon les cultures, non dégradation de la matière organique, non limitation des populations d’autres insectes. Les grandes parcelles d’une même culture, avec un haut niveau de standardisation, attirent toujours en masse les mêmes insectes agresseurs. C’est une loi physique de l’écologie, totalement ignorée des agriculteurs industriels. Un peu comme si l’on mettait tous les malades fragiles et diversement contagieux ensemble dans un même hall d’hôpital… Il y a urgence à changer de modèle agricole, mais les propositions de lois en la matière vont à l’inverse de ce qui est nécessaire.

Le point de vue des écologistes entomologistes

Avec la diminution des insectes, on observe un effet boule de neige : leurs prédateurs meurent de faim. On voit déjà certaines espèces de grenouilles et d’oiseaux disparaître. Ensuite viendra le tour des prédateurs des oiseaux et ainsi de suite jusqu’à bouleverser la totalité de la biodiversité. C’est aussi un cercle vicieux : plus nous utiliserons des pesticides pour améliorer les rendements, plus, au final, nous allons perdre en rendement par la disparition des insectes. Ce déclin des insectes commence au moment de l’industrialisation, apparition des premiers fertilisants synthétiques dans les années 1920, pesticides organiques des années 1950, est mise en circulation des nouveaux groupes d’insecticides des années 1990. Les pesticides tels que les néonicotinoïdes et le fipronil, introduits il y a vingt ans, sont dévastateurs.

Mais de toute façon les insectes s’adaptent, mutent génétiquement, et dès qu’une niche est propice, ils se multiplient. On ne peut rien faire durablement contre les insectes. Avec 40 000 espèces en France métropolitaine et des dizaines de kilos à l’hectare, les insectes sont déjà partout. Ils reviendront partout, regardez la propension du moustique tigre à élargir son territoire…

Lire, Le Printemps silencieux de Rachel Carson (1962)

extraits : « Depuis que le DDT a été homologué pour l’usage civil, un processus s’est mis en place qui nous a contraints à trouver des substances toujours plus toxiques. Les insectes, en effet, dans une splendide confirmation de la théorie darwinienne de la « survie du plus adapté », ont évolué vers des super-races immunisées contre l’insecticide utilisé ; il faut donc toujours en trouver un nouveau, encore plus meurtrier. On a pris tous ces risques – à quelle fin ? Les futurs historiens seront peut-être confondus par notre folie ; comment des gens intelligents ont-ils osé employer, pour détruire une poignée d’insectes indésirables, une méthode qui contaminait leur propre monde ?… »

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Catastrophique, moins d’insectes sur nos pare-brise

extraits : « Mais où sont passés tous les insectes ? » Cette question inquiète les automobilistes de plus de 40 ans qui se souviennent que, jusque dans les années 1990, leur pare-brise était constellé d’impacts de bestioles. Il est aujourd’hui, le plus souvent, immaculé. La science a toutes les peines du monde à quantifier cette disparition continue. Au cours des dernières décennies, seules de très rares mesures de l’abondance des invertébrés ont été conduites….

Les méduses (et les insectes) seront l’avenir de l’homme

extraits :  Sur terre, les insectes étaient là bien avant l’homme, qui a trop souvent tendance à croire que la planète est pour lui et pour lui seul. Sur 1 200 000 espèces animales connues à ce jour, 830 000 sont des insectes. Petits, voire minuscules, les insectes ont su s’adapter à une infinité de milieux particuliers. L’homme pense dominer la planète. Pourtant, à y regarder de plus près, les vrais maîtres du monde à venir sont les insectes… et les  méduses.

un échange significatif sur lemonde.fr

Untel : C’est le troisième article du jour. Mais pas assez pour ce Monsieur Grandcolas. « Il est complètement fou qu’on n’en parle pas plus », dit-il. Merci de consacrer désormais le Monde aux insectes, avec à la fin une page pour le reste de l’actualité.

EricG. @ Untel : Mais quelle bête vous a donc piqué ?

Jeff C : Horreur ! L’interviewé a osé attaquer les pesticides comme cause (entre autres) de disparition des insectes. C’en était trop pour untel, c’est insupportable qu’un scientifique cible les pratiques actuelles des agroindustriels. Il ne faut donc pas en parler, cqfd…

Bertnor : En tout cas , il y’a quelque chose qui ne disparaît pas, c’est les punaises de contribution.

JY REHAULT : Hélas, nos élus écolos semblent plus préoccupés de leurs postures politiciennes que de l’effondrement des populations d’insectes.

Achab : Il me semble à moi aussi que la disparition des insectes et le réchauffement climatique sont entièrement de la faute des écolos. À moins que les immigrés y soient aussi pour quelque chose ? Le RN par contre n’y est pour rien puisqu’il considère que ça n’existe pas et qu’on doit continuer à brûler du pétrole russe et épandre des pesticides dans les champs.

KCF : Nous ne méritons pas cette planète. Vivement le chaos.

Ju-li : Franchement je suis souvent tenté par cette conclusion. Ce qui m’en détourne, c’est que ce sont une fois encore les plus pauvres et les moins responsables de la situation qui vont en payer le prix…

Julibez : Ce champ de colza de l’arrogant pollueur FNSEA pourrit mon environnement à la campagne, l’envie d’une nouvelle jacquerie me reprend subitement.

PU : Je suis sûr qu’il existe des moyens de rendre ses cultures impropres à la vente. Le sabotage, ça marche aussi ! Il faut juste ne pas se faire prendre 🙂

9 réflexions sur “Après nous les insectes, ils nous résistent”

  1. Didier BARTHES

    L’avantage pour les insectes est que si l’on arrêtait les pesticides, ça pourrait remonter très vite car, comme tous les petits animaux, ils se reproduisent très rapidement.
    Encore faut-il donner un fort coup de frein à l’usage de ces poisons.
    Il est vrai que pour nourrir 8 milliards de personnes, il faut des rendements extrêmes et que le moindre insecte qui grignote les feuilles est vu comme un concurrent à éradiquer.

    1. Si encore il n’y avait que les pesticides, à l’origine de leur déclin…
      Mais là encore vous me direz que tout ça c’est à cause du Surnombre. 🙂

      1. Didier BARTHES

        Ah c’est vrai que quand on met du béton pour loger 8 milliards de personnes, il n’y a plus beaucoup de fleurs à butiner pour les insectes, merci de me rappeler cet argument supplémentaire mais hélas tout à fait pertinent.

        1. parti d'en rire

          Et en plus, tout ce béton pour loger ces 8 milliards de personnes risque fort de nous manquer en 2170 pour boucher proprement le Trou de Bure.
          Résultat, là encore ce sera à cause du Surnombre.

  2. – Déclin des insectes : est-ce que les insectes sont vraiment en voie de disparaître?
    ( science.lu 24.06.2022 )

    1. Le problème en résumé, c’est que vu notre Surnombre et l’incapacité de l’agriculture à faire face à nos besoins alimentaires, les médias nous disent que rien n’est perdu, on va manger des insectes.
      Mais comme les insectes sont en voie de disparition à l’état sauvage, on va élever des insectes en batterie.
      Le monde des humains est devenu absurde,
      étonnant que personne ne s’en rende compte…

      1. Parti d'en rire

        Oui mais ça ON l’a déjà dit, et finalement le problème a été réglé. Quoique… disons plutôt qu’ON en a fait largement le tour. Et le contour etc. Et pas qu’une seule fois ! Relisez… le 30 mai 2017 à 19:12 sur “Catastrophique, moins d’insectes sur nos pare-brise”, Didier B ouvrait justement le bal avec cette plaisanterie. Oui c’en est une.
        Et une grosse ! Ce à quoi Michel C 31 mai 2017 à 14:12 a répondu, comme il se doit, en parlant des élevages de bœufs et de bisons. Ce à quoi Invite2018 a répondu, comme il se devait là encore, en parlant des « petites » et des grosses. etc. etc. etc.
        En résumé : 20 commentaires ! Et finalement pourquoi, pour quel résultat ?
        8 ans après ON remet ça !
        Juste pour montrer combien le monde des humains est absurde.

  3. – « Il est complètement fou qu’on n’en parle pas plus » (Monsieur Grandcolas)

    C’est sûr, mais que voulez-vous… le monde est fou. C’est comme ce qui se passe à Gaza, ON n’en parle plus. Ou alors si peu que personne ou presque ne l’entend. Pas ce misérable fou de Netanyahou en tous cas. Remarquez aussi que si tous les jours ON ne faisait que parler de catastrophes il ne nous resterait plus qu’à nous foutre en l’air. Une bonne chose pour la planète diront certains. Entre la corde, le vol plané du haut d’un pont, ou d’une falaise, le train et j’en passe, c’est sûr que pour ça ON a le choix.
    Pour oublier définitivement toute cette merde, et cette misère, ce pauvre KCF peut aussi se soûler au Roundup, ou autre saloperie du genre. Bref, à chacun à came !

    1. Le problème, Michel, c’est que vu notre Surnombre et l’incapacité de l’agriculture à faire face à nos besoins alimentaires, les médias nous disent que rien n’est perdu, on va manger des insectes.
      Mais comme les insectes sont en voie de disparition à l’état sauvage, on va élever des insectes en batterie.
      Le mondes des humains est devenu fou,
      étonnant que personne ne s’en rende compte…

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