ASPAS, protection de la nature sauvage

L’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) avait inauguré le 22 avril 2014, au cœur de la Drôme, la première réserve privée de vie sauvage. Objectif de ce lieu inédit en France : laisser la nature s’exprimer sans la moindre intervention humaine. Sont interdits la chasse et la pêche, l’exploitation forestière et agricole, l’élevage, les feux, les dépôts de déchets, le passage de chiens non tenus en laisse et même la cueillette. Seule la promenade non motorisée, sur les sentiers, est autorisée. Ce niveau de protection très élevé et unique en France correspond à la catégorie 1b (zone de nature sauvage) du classement des aires protégées, réalisé par l’Union internationale de conservation de la nature. Le seul mode de gestion est la libre évolution. Bravo !

En 2020 un article du MONDE titre : « Ils arrivent avec leur pognon et disent : écartez-vous, c’est nous qui allons sauver la nature ». Dans le massif du Vercors en 2019, l’Aspas a racheté 500 hectares, sa quatrième réserve de vie sauvage. L’Aspas avait fait appel à un financement participatif, vous donnez 30 euros pour 200 mètres carrés d’un endroit où on va laisser en paix la faune et la flore. Ce site était auparavant une réserve de chasse… où les animaux étaient nourris. Une manifestation a été organisée fin août 2020 pour dire « non au ré-ensauvagement » ; pourquoi ne pas faire confiance aux « autochtones » pour protéger ces espaces ? L’écologie est un combat, pour et contre s’affrontent sur lemonde.fr :

G. Delaurens : A lire les réactions, on comprend bien que l’homme n’est pas près à lâcher la moindre parcelle de terrain, et que la lutte pour la préservation des espèces n’est qu’un simulacre. Même le droit de propriété dans un pays légaliste ne garantit pas qu’on puisse empêcher l’influence humaine sur un territoire. Nous sommes juste bons à éliminer toute forme de vie évoluée en dehors de nos chiens, chats et espèces végétales « de rendement » !

Ana : l’ASPAS cit « On a toujours été dans une posture de combat ,donc on est un peu en mode bulldozer. » Ainsi parlait une Khmer verte.

Mam : 500 ha, c’est quand même pas le Yellowstone. Il faut une sacré dose d’intolérance au vivant pour ne pas supporter une part aussi infime de sauvage.

Yolanda : Je suis très engagée dans la défense des animaux et je n’approuve pas les méthodes de cette association. Pourquoi l’ASPAS s’oppose-t-elle aux éleveurs en pastoralisme, qui subissent déjà la pression immense de l’élevage intensif ?

Thibaut : Le droit de la propriété est sacré, non ? N’est-ce pas l’argument employé par les agriculteurs pour planter des OGM ou épandre des glyphosates ? N’est-ce pas l’argument employé par les châtelains pour justifier leurs chasses à courre ? Et bien voilà… Les écolos font ce qu’ils veulent chez eux :o)

Revers lifté : De jeunes écolos enfants de bonnes familles, friqués et arrogants, viennent satisfaire leurs fantasmes sans aucun dialogue avec les gens du coin mais en décrétant ce qu’il faut faire et ne pas faire ! On comprend l’opposition des agriculteurs, éleveurs, forestiers…

DFL : Si les agriculteurs et les chasseurs avaient sauvé la nature, on s’en serait aperçu depuis un bon moment

Toto : Le dogmatisme d’écolos venus d’ailleurs, c’est quand même effrayant…

Jean Claude Grange : Quelle plaisanterie ! Combien de centaines de milliers d’hectare a-t’on bétonné pour construire des zones commerciales avec partout les mêmes hangars en tôle et de gigantesques parking en bitume, qui ont littéralement défiguré le paysage français et contribué à la perte de biodiversité. Et on vient se plaindre pour 500 hectares, qui n’est vraiment pas une grosse surface ?

Pierre-marie : Quelle tristesse et quelle incompréhension du bon fonctionnement des milieux façonnés par l’homme depuis la fin de l’âge glacière… Le « rien faire » n’aboutit pas au « retour » enchanteur à la « nature en équilibre »… C’est la ruine de systèmes riches et complexes, en permanente évolution avec l’homme… Un peu comme un potager qui se transforme en friche où les ligneux étouffent les 3/4 de la vie. La flore des prés fauchées sera étouffée. Les arbres (qui ont toujours été cultivés par l’homme) vont dépérir… Un appauvrissement.

CDA : Non, Les arbres n’ont pas toujours été cultivés par l’homme : à l’origine, la nature est sauvage et des milliards d’années d’évolution prouvent suffisamment qu’elle n’a pas besoin de « façonnage » pour prospérer. Un champ cultivé est un système beaucoup moins riche et complexe qu’une forêt primaire. Pierre-Marie confond biodiversité et jardinage. Un petit bout de terrain, ce n’est pas un retour à avant l’intervention de l’homme, pour ça c’est trop tard. Les agriculteurs et les chasseurs doivent comprendre qu’ils n’ont plus le monopole sur ces espaces non urbains et qu’il y a d’autres visions que les leurs pour leur devenir.

Lire aussi La nature sans les humains se porterait beaucoup mieux (21 avril 2014)

18 réflexions sur “ASPAS, protection de la nature sauvage”

  1. Dans ces 500 hectares, on ne fera pas un havre pour de grands mammifères. Trop petit pour une meute de loups par ex. Mais en période de chasse, peut-être une halte et en tout cas un refuge pour des espèces plus petites : renards, hérissons, fouines, blaireaux etc…crapauds et que sais-je encore.
    Pourquoi les pompiers n’interviendraient-ils pas comme dans toutes les forêts en cas d’incendie? Les incendies, il n’est d’ailleurs pas rare( je crois que c’est d’ailleurs le plus souvent le cas) que ce soient les hommes qui en sont l’origine. Pourquoi dites vous que ce sera un jardin? On peut laisser la nature se débrouiller seule dans un carré de 5km de côté, non? C’est ce qui se passe dans les réserves de l’ASPAS depuis 2012.

    1. Bonjour TEYSSEIRE. J’entends «jardin» dans le sens d’artificiel (non naturel). Donc je l’entends comme vous, si j’ai bien compris. Peu importe ici que l’incendie soit criminel, accidentel ou naturel, du moment où l’homme intervient pour l’éteindre cet espace n’est plus naturel.
      En effet cette réserve ressemble plus à un refuge qu’à un jardin (j’aime bien les refuges). Maintenant s’il est clôturé il ressemblera alors à une prison, ou à un parc animalier, genre Thoiry. Sauf qu’à Thoiry on ne mélange pas les lions et les gazelles.

  2. Le parc national de forêts (en Champagne-Bourgogne) est le 11ème parc national français. Créé le 8 novembre 2019 il couvre 242.148 ha dont une zone cœur de 56.000 ha. Si on tient à le comparer avec cette réserve d’ASPAS, on voit déjà que cette dernière ce n’est vraiment pas grand chose. Seulement on pourra toujours dire que ce n’est pas la même chose et qu’il convient de comparer ce qui est comparable. Certes.

    Cette réserve de l’ASPAS amène bien sûr à s’interroger sur l’appropriation de la «nature». Donc sur la question de la propriété privée (dont Proudhon disait qu’elle était le vol, ben oui). Je préfère l’idée de patrimoine mondial (ou de l’humanité) à celle de la propriété privée. Entre les deux nous avons donc les parcs nationaux et les réserves naturelles, gérés par l’Etat ou des Régions.

    1. Bien sûr il existera toujours certains écolos qui trouveront à redire sur telle ou telle façon de gérer ces parcs nationaux et autres réserves naturelles, ils souhaiteront que la nature y soient encore plus protégée, «sanctuarisée» etc. Toujours plus. En attendant que vaut-il mieux, un parc national comme celui-ci ou une réserve comme celle-là ? Les deux en même temps, je sais, merci.

      De toute façon ne nous leurrons pas, petits ou grands, grillagés ou pas, privés ou publics etc. ces «sanctuaires» n’en ont que le nom. L’Histoire est riche d’exemples de sanctuaires en tous genres qui ont été pillés, détruits etc.

      1. Enfin, si ça peut consoler ceux qui déplorent qu’il y a trop d’humains sur Terre… notamment ceux qui pensent que la Nature se porterait mieux sans l’homme, et qui en arrivent même à souhaiter qu’il disparaisse au plus vite («bon débarras !» misère misère)… l’homme ne fera jamais disparaître cette nature sauvage.
        Longtemps après nous elle continuera à tourner et à offrir ses beautés, pour des siècles et des siècles, amen. Souhaitons juste que d’autres organismes vivants seront alors capables de les apprécier, ses beautés. Et aussi ses ravages et ses horreurs. Ben oui. 🙂

  3. Je suis moi-même « propriétaire » de quelques centaines de m2 dans ces réserves, je ne comprends pas la levée de boucliers contre des terrains où les animaux sauvages ont ce qui leur manque le plus : la paix. On n’a spolié personne, ni agriculteur, ni éleveur. Ces terrains ont été vendus volontairement et achetés en toute légalité. Qu’importe que ces prairies ne soient pas fauchées : elles sont l’exception dans une « nature » quasi entièrement au service de la production humaine. La nature n’est pas un jardin , alors tant pis si les ligneux ou d’autres prennent le pas sur les autres…l’essentiel est la notion de sanctuaire : la paix pour les végétaux et les animaux qui se font concurrence, vivent et meurent loin des hommes.

    1. Bravo !
      « La nature n’est pas un jardin »
      Ah si les écologistes pouvaient le comprendre, et si l’on pouvait la laisser tranquille. Elle ne demande pas grand chose pourtant.

    2. – La paix, dites-vous ? Certes les animaux n’auront plus à se soucier de l’homme, mais pensez-vous que le biches seront plus en paix pour autant ? Surtout avec ce qu’il faut de loups pour ne pas qu’elles s’ennuient.
      – La nature n’est pas un jardin… Certes on peut le dire comme ça. Mais c’est quoi la nature ? Les étoiles font-elles partie de la nature ou bien de la Nature ? Et l’homme dans tout ça ? Je vous avoue que je n’ai pas toutes les réponses.
      – Ces terrains ont été vendus volontairement et achetés en toute légalité… Comme ceux de NDL, en somme.
      Ceci dit, je suis plutôt POUR 🙂

      1. Mais s’il y a des loups tant mieux, les biches courront plus vite et les plus faibles mourront. Je ne parle pas de sécurité, je parle de la paix loin des hommes dans un équilibre naturel où les prédateurs ont aussi leur rôle. Qu’il y ait des loups n’a jamais empêché l’espèce » biche » de continuer à exister.
        Je ne sais pas non plus ce qu’est la nature ou la Nature. Je pense que l’homme doit se contenter d’une place bien plus modeste sur la planète, ce qui lui est impossible vu son nombre. Je pense que nous ne sommes qu’un maillon d’une grande chaîne dont nous dépendons. Je suis personnellement inconsolable de la disparition de la beauté , de la diversité, de la richesse de ce qu’était le monde. Bien sûr, ce ne sont pas 500 Hectares de terres préservées qui vont résoudre cet immense perte mais symboliquement , je suis pour, comme vous.

        1. Pour moi la paix ne se résume pas à être loin des hommes. Si j’essaie de me mettre à la place d’une biche, je n’arrive pas à voir si elle préfère la compagnie de hommes ou celle des loups. Je me demande même si elle ne préfèrerait pas vivre à Thoiry plutôt que dans cette réserve.
          Pour qu’une espèce puisse continuer à exister il faut beaucoup de conditions. Des tas d’espèces ont disparu bien avant que l’homme soit là, et ce sera ainsi après nous. En attendant, mieux vaut bien sûr laisser un étang «en paix» si on veut avoir la moindre chance de sauvegarder telle ou telle espèce de grenouille. Maintenant pour des espèces qui vivent dans des écosystèmes plus vastes ça reste plus compliqué. Je ne connais pas de parcs naturels où l’homme ne soit pas obligé d’intervenir pour maintenir un certain équilibre. Celui qui lui va bien, évidemment.

        2. Quant à votre chagrin («Je suis personnellement inconsolable…») croyez bien que je vous comprends. Je vous souhaite sincèrement de trouver le bon remède. Peu importe lequel pourvu qu’il vous fasse du bien, évidemment.

  4. Je crois que ce que fait l’Aspas est la meilleure des solutions, il faut absolument laisser complètement indemne de l’activité de l’homme certaines zones. La nature a montré pendant des centaines de millions d’années (c’est pas mal quand même) son aptitude à perpétuer la vie et à sélectionner les espèces les plus adaptées.
    Nous, en quelques milliers, et plus fort encore en quelques centaines , puis encore plus fort au cours des quelques dizaines d’années passées, nous avons fait exactement le contraire.
    Il faut abandonner l’idée de l’homme gestionnaire, ce sont les règles de la nature les gestionnaires, elles ne demandent qu’une chose, de l’espace et du temps. Donnons leur ces deux conditions.
    Toutes nos activités notamment (même les plantations) perturbent le mécanisme implacable et redoutablement efficace de la sélection et de l’adaptation. Bravo à l’Aspas !

    1. Je ne sais pas si c’est la meilleure solution, ou pas. S’il faut laisser effectivement certaines zones à la nature (ou à la Nature), sans aucune activité humaine, je pense plutôt à des zones comme l’Antarctique ou certaines îles désertes (plutôt rares). Ailleurs je pense que ça va être difficile. Que fait-on en cas d’incendie dans cette réserve de l’ASPAS ? Même à Yellowstone il faut parfois que les pompiers interviennent. Ou en cas d’épidémie ? De toute façon cette réserve est bien trop petite pour qu’elle puisse trouver un équilibre disons naturel. Elle restera donc un jardin, d’une manière ou d’une autre entretenu par l’homme

  5. – «L’écologie est un combat, pour et contre s’affrontent sur lemonde.fr :»

    L’écologie (comme n’importe quoi d’autre), est un combat pour seulement ceux qui ont envie ou besoin de se battre. Je n’ai pas lu l’intégralité des 95 commentaires sur lemonde.fr toutefois je ne les résume pas seulement à un combat entre POUR et ANTi.
    Certains commentaires invitent au dialogue et à la réflexion (par ex. G.M 08/10/2020-09H30 : «Parlez-vous poliment autour d’un bon verre, nom de non !») , pour moi ceux-là sont bien plus intéressants que les autres. On trouve des arguments très pertinents notamment chez ceux qui osent remettre en question ce mythe de la «nature sauvage». Certains pensent qu’ASPAS devrait au moins laisser le paysan faucher ces 30 hectares de prairies, d’autres demandent si en cas d’incendie on laisserait brûler la réserve, etc. Seulement les esprits binaires ne semblent pas aimer pas ce genre de réflexion.

  6. Là encore les POUR et les CONTRE s’affrontent. Que voulez-vous, il faut bien FAIRE quelque chose, en attendant.
    – « Ils arrivent avec leur pognon et disent : écartez-vous, c’est nous qui allons sauver la nature »
    Ceux qui disent ça sont des faux-culs. Dans les 490 ha achetés par l’ASPAS il y a ces 240 ha clôturés qui accueillaient une chasse commerciale. Seuls les chasseurs friqués pouvaient y pénétrer et pratiquer leur activité. Logiquement, ce sont donc ces 250 autres hectares qui posent problème aux ANTi.
    240 ou 250 , 490 ou 500 , comme dit Mam : «500 ha, c’est quand même pas le Yellowstone. »

    1. Sur ce coup qui sont ces ANTi ? Certainement pas ces amoureux de nature «sauvage», de ronces et de jungles, ni ces amateurs et pros de photos animalières etc. Ni tous ces gens disposés à payer cher pour profiter de ces paradis artificiels (eh oui). Ni bien sûr tous ceux qui pourraient tirer profit de cette nouvelle mode et de cette réserve.
      Les ANTi sont tout simplement des «éleveurs, agriculteurs et chasseurs, qui s’estiment mieux placés pour protéger leur environnement.» Admettons.
      Nous ne pouvons alors que nous réjouir que ces ANTi se soucient autant de la protection de l’environnement. Et nous pouvons penser que si au lieu de cette réserve il avait été question d’un aéroport, d’une zone commerciale, d’un parc de loisirs, d’un barrage ou autre, alors ces ANTi le seraient tout autant. Du moins, logiquement. Où est donc le problème ?

      1. Le problème, c’est que tout le monde défend son bout de gras. Le problème c’est que les intérêts des uns et des autres sont généralement inconciliables. Le problème c’est que tout le monde prétend se soucier de l’environnement. Le problème c’est que chacun sait toujours mieux que les autres, etc. etc.
        Qu’est ce que cette réserve va sauver ? Hélas, rien du tout. Surtout pas l’élevage dans le Vercors. 500 hectares c’est rien du tout. L’équilibre qui y sera maintenu n’aura rien de naturel, il restera artificiel. Comme le sont nos campagnes, nos montagnes, nos paysages, façonnés depuis des lustres par la main de l’homme.
        Ceci dit, à choisir entre un aéroport et cette réserve, pour moi il n’y a pas photo.

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