Au-delà des élections, des perspectives

David Van Reybrouck, auteur de « Contre les élections » (Actes Sud, 2014) :

« En français et dans beaucoup d’autres langues, les mots « élection » et « élite » ont la même racine. L’élection est une procédure qui installe une élite, l’aristocratie héréditaire a été remplacée par aristocratie élective. En théorie tout le monde peut se présenter aux élections. Mais quand on regarde la pratique, c’est bien différent. On constate en France que moins de 2 % des électeurs sont membres d’un parti politique. Moins de la moité des encartés sont actifs. Et au cœur de ce tout petit pourcentage, un nombre infinitésimal va se présenter aux élections. Finalement dans ce groupuscule, quelques-uns seront élus. Et nous appelons ça la démocratie représentative ! C’est un peu exagéré, non ? Pour moi, le futur de la démocratie se situe dans de nouvelles formes de représentation de la population.

Avec un référendum ou un sondage, on peut répondre à une question par oui ou par non. C’est tout de même un peu limité. Dans un sondage, on demande aux gens ce qu’ils pensent quand ils ne pensent pas, il serait plus intéressant d’écouter ce qu’ils pensent quand ils ont la chance de penser. C’est ce qu’on appelle la démocratie délibérative : on contacte mille personnes comme avec un sondage, mais on les invite à venir se parler, à rencontrer des experts, à se nourrir d’information sur un sujet, puis, après les débats et les échanges, on leur demande leur opinion à nouveau. Et inévitablement les réponses seront plus avisées. Cette nouvelle forme de démocratie est extrêmement prometteuse.

Il y a une deuxième formule pour créer une représentation du peuple : le tirage au sort. Nos sociétés connaissent ce système dans un domaine limité, les jurys d’assises. Même si ce système n’est pas parfait, on voit que les jurés prennent très au sérieux leur devoir. Ils investissement énormément pour prendre une décision qui sert la justice. C’est un exemple qui montre que des citoyens lambda sont capables de devenir des citoyens alpha, qui se prennent en main et s’occupent du bien être de la société. Des personnes tirées au sort sont capables d’aller au-delà de leur propre intérêt. Elles ont peut-être moins de compétences que les élus politiques, mais elles ont une liberté bien plus grande qu’un parlementaire. Elles ne sont pas pieds et poings liés à toute une série d’intérêts commerciaux ou à leur parti politique. Si on couple le tirage au sort avec la démocratie délibérative, alors on peut arriver à des décisions nettement meilleures que ce que les partis politiques sont capables de faire aujourd’hui. » (Extraits de « Demain, un nouveau monde en marche »)

Dominique Rousseau :

Nous sommes au bout d’un cycle, celui d’une démocratie représentative pensée à la fin du XVIIIe siècle. L’abbé Sieyès pouvait dire en 1789 : « Le peuple (…) ne peut parler, ne peut agir, que par ses représentants ». Mais la « représentation écart » – est déjà inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Les citoyens concourent personnellement ou par leurs représentants à la fabrication des lois. » Avec l’adverbe « personnellement », la compétence normative est inscrite en toutes lettres. En outre, on peut lire dans le préambule que la Déclaration vise à permettre au citoyen de « comparer » l’action du pouvoir politique avec ses droits, afin d’en « réclamer » le respect. Les fondements constitutionnels d’une démocratie continue sont présents dans cette reconnaissance d’une autonomie politique du citoyen. L’espace public est miné par les fausses informations et les bulles des réseaux sociaux où l’on se conforte dans ses propres idées. Pour s’inscrire dans la durée, les mouvements sociaux doivent se prolonger dans l’institution. Sinon, l’énergie citoyenne retombe, l’inventivité se perd. Il ne peut y avoir de démocratie sans institutions. Mais les institutions peuvent aussi étouffer la démocratie.

Je propose, pour fonder une « démocratie continue », d’instituer un « mandat délibératif » du député, des assemblées primaires de citoyens au sein de chaque circonscription, une refondation juridictionnelle du Conseil d’État, un statut de lanceur d’alerte pour dénoncer les dysfonctionnements des institutions et une articulation entre tirage au sort, référendum et rôle de la justice…

Contributions sur lemonde.fr :

Charles Monneron : La participation volontaire des citoyens aux problématiques publiques est un mécanisme de sélection des excités sectaires et des démagogues sans foi ni loi. Seul le tirage au sort des représentants est une alternative viable à la désignation par suffrage.

Keorl : « Nuit debout, les « gilets jaunes », les zadistes, tous ces mouvements sociaux expriment cette nouvelle revendication. » Si c’est ça, le futur de la démocratie, on est mal barrés.

Dump : Cet ouvrage de Rousseau, totalement théorique et hors sol, défend une thèse erronée et complètement démentie par la pratique. Quand on est sur le terrain et non cloué à sa table de travail, que constate t on ? Et bien, en dehors de flambées ou intérêt soudain mais éphémère, on constate les mille difficultés pour réunir les gens, des Assemblées Générales de six personnes (y compris dans de très grandes structures), la difficulté de réunir une poignée de gens pour le travail concret, etc une posture systématique de désintérêt des jeunes, après parfois un fort engouement de nature médiatique, et une apathie de plus anciens, etc. on n’en finit pas de le constater. Les exceptions, assez rares, explicables, ne sont pas la règle. Alors la soif de démocratie, ah ah ah !

Tinos : il y a eu un article dans LE MONDE il y a quelques mois sur quelques villages qui avaient tenté l’aventure de la démocratie participative. Résultat : au bout de quelques semaines, moins de 10% de participation, soit le pouvoir abandonné à une minorité. La question se pose plus de savoir comment reconstruire la confiance dans des représentants élus, voire d’en changer totalement, que d’inventer une espèce d’autogestion permanente citoyenne, qui ne marche pas, et donne le pouvoir, toujours, sans plus aucun contrôle à la toute petite minorité qui n’a rien d’autre à faire. Donc non !

Sarah Py : Toute réflexion sur la démocratie qui oublie la fonction politique est, je suis sévère, sans grand intérêt. Quand de Gaulle, qui a pu constater l’impuissance de la troisième République face à Hitler, puis celle de la quatrième, a élaboré cette cinquième République, il a eu à cœur de lier les principes démocratiques et les exigences propres à un pouvoir exécutif, cette capacité à l’action qui est le but in fine de la démocratie.

Michel SOURROUILLE : les membres de la Convention pour le climat ont travaillé pendant neuf mois pour répondre à une question ambitieuse, « Comment réduire d’au moins 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, dans le respect de la justice sociale ? » Cette réflexion collective a abouti à 149 propositions soumises au parlement, mais, ce qui est moins connue, à un rapport de 600 pages dont voici quelques extraits significatifs de l’introduction : « Citoyennes et citoyens de toutes origines et professions, nous sommes représentatifs de la société ; nous avons été sélectionnés par tirage au sort selon une génération aléatoire de numéros de téléphone, sans nous être portés volontaires préalablement. Nous ne sommes pas des experts, la convention citoyenne reconnaît la capacité des citoyens moyens de s’exprimer sur un sujet d’avenir majeur. » Ce microcosme délimité statistiquement semble bien être une incarnation du peuple. Pourquoi ne pas généraliser une telle procédure ? La démocratie aurait tout à gagner à permettre fréquemment à un panel de citoyens de délibérer sur une thématique. Cette réflexion en petit groupe pourrait même faire l’objet d’émissions de « télé-réalité » en continu qui, pour une fois, serviraient à quelque chose. Reste à déterminer ce que les parlementaires, désignés encore pour le moment par élection, devront faire des résultats obtenus.

7 réflexions sur “Au-delà des élections, des perspectives”

  1. Au-delà des élections ...

    (suite de 20 JUIN 2022 À 15:02)
    C’était alors le “Tout sauf Macron !“ Tout et n’importe quoi !
    Chez d’autres c’était le “Tout sauf Méluche !“ Et chez d’autres encore le “Tout sauf Marine !“
    Quoi qu’il en soit, VOTER devient alors “faire barrage“. C’est comme ça qu’on dit.
    Des fois on parle aussi de « front républicain », quand ce n’est pas de « vote utile ». Et pour moi, tout ça ce ne sont que des conneries !
    Voter, ce n’est pas régler des comptes, ni foutre des coups de pieds, on n’est plus à la maternelle. Même des coups de pieds dans la Fourmilière, ça aussi ça va un moment. Voter ce n’est certainement pas ne regarder que son nombril, ses petits intérêts, pour moi voter c’est réfléchir bien plus loin que ça. Et la meilleure façon de voter, parfois… pour ne pas dire plus… c’est de refuser de voter. Refuser de participer à ce qui finalement n’est qu’une norme Farce.

  2. Perspectives ???

    La démocratie est malade depuis longtemps. Le taux de participation à ces législatives n’en est qu’un indicateur, ou un symptôme. En attendant, notre démocratie me fait penser à une vieille mémé au bout du rouleau. Une mémé dont tout le monde ou presque se fout. Les jeunes notamment. Pour la forme on la vénère, on fait semblant de s’intéresser à elle, on dit qu’on fait tout pour la soigner, on lui souhaite une longue vie… Hypocrisie !
    Faut dire aussi que la vieille fait partie des meubles, ou du folkklore. Et à ce titre on doit reconnaître qu’on y tient quand même, à notre chère mémé. On y tient un peu, beaucoup, passionnément… ça dépend des jours. Et surtout du vent.
    C’est la même chose en Angleterre avec cette vieille reine. Un récent sondage nous dit que les jeunes british n’en ont rien à foot de la monarchie. Faut dire aussi que la relève la foot mal.
    Bref, tout foot le camp, braves gens ! Misère misère !

  3. Mon dieu, parlons pas d’élection, j’ai du voter en me pinçant le nez aujourd’hui, j’avais le choix entre Macron (Barbara Pompili, Ensemble) et Mélenchon ! (Zahia Hamdane, Nupes)…. Vu que je ne vote jamais blanc jamais nul et que je mets toujours une tête, il m’a fallu départager. Alors Macron et Mélenchon, même programme politique, même programme économique, bref dépenser le maximum d’argent publique (à crédit) pour le moins de travail effectué possible. Bon, le seul point que j’ai trouvé pour départager, étant sur la santé, Macron veut m’empoisonner avec ses piquouses covid (comme par hasard, le covid suit le calendrier électoral, il prévoit la vaccination pour la rentrée) et Mélenchon me fout la paix avec les vaccins et ne me prend pas la tête avec le covid…. Alors j’ai voté Mélenchon…

    1. Parti d'en rire

      Si ta Marine apprend ça elle va te tirer les oreilles. Quoique. Elle peut très bien aussi te faire un gros bisou. Et elle aurait bien raison, au stade où en est les gestes barrières on s’en fout ! En attendant, elle t’avait pourtant «clairement» invité à aller à la pêche. Ou à la plage si tu préfères. Elle t’as dit de «ne pas choisir entre les destructeurs d’en haut et les destructeurs d’en bas. […] La France n’est ni une salle de marché, ni une ZAD !» Et puis elle a dit aussi d’«agir en conscience en fonction du sens patriotique de ce candidat». C’était des plus clair, non ?
      Et après ça, Toi, au lieu de voter avec ta tête, tu votes avec tes tripes. Et du coup t’as même pas vu que le bulletin que t’as mis dans l’urne c’était pas Méluche.
      Mais juste un candidat de la Nupes. Un type ou une meuf dont tu n’avais probablement jamais entendu parler jusque là. Comme moi avec le mien d’ailleurs. Bref, pour cette fois je te pardonne. 🙂

      1. A part que le RN n’était pas au second tour dans ma circonscription. La Nupes était à plus de 40% dès le premier tour. Bref, je n’ai fait que de participer à une simple formalité, la Nupes serait passée au second tour de toute façon. Mais une voix c’est une voix, on ne sait jamais. Puis souvent les gens disent « Je ne suis pas rancunier mais j’ai de la mémoire » Ben moi, je suis un rancunier qui a beaucoup de mémoire, et suis fier de l’être ! Je rends toujours mes coups, et même si je dois attendre 50 ans pour rendre un coup de pied qu’on ma donnait en maternel, et ben j’attendrai 50 ans, et oui je suis aussi très patient dans la rancune.

      2. Or Macron et sa clique qui ont voulu me bâillonner de masque, me décrotter le nez à coup de Pcr, me séquestrer à coup de confinement et me piquer de force à coup de poison vaccinal, l’addition est lourde, et vu que je ne crois qu’à la loi du talion en terme de justice, alors oui, je suis prêt à voter n’importe qui pour rendre mes coups…

      3. C’est bien ce que je disais, tu as voté avec tes tripes. Vu que tu ne peux absolument pas voir Macron en peinture, et/ou que tu le ferais brûler… alors tu as fait ce que tu pensais être le mieux juste pour l’emmerder. Remarque, il ne l’a pas volé. Et c’est de bonne guerre comme on dit. Seulement si encore ça pouvait le faire disparaître du Décor…
        Même pas. Quoi qu’il en soit tu n’as pensé aux autres, à la collectivité, aux générations futures etc. non, tu n’as pensé qu’à Toi. Je te rassure, tu n’es pas le seul dans ce cas. C’est juste une question d’équilibre. (à suivre)

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