Augmenter le prix du carbone, le serpent de mer

Le problème du réchauffement climatique, c’est que la politique fait valser les chiffres, ce qui n’intéresse pas nos concitoyens. L’accord de Paris, adopté en décembre 2015 par près de 200 pays, prévoyait de limiter la hausse de la température par rapport à l’ère préindustrielle « bien en deçà de 2 °C » et à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C ». Mais la COP21 laissait libre cours à la bonne volonté de chaque État pour parvenir à cet objectif. Risible ! Cet objectif de 2°C ou 1,5 n’avait d’ailleurs aucune valeur scientifique, c’est un slogan politique en forme de promesse, et on sait ce que promesse politique veut dire. Absolument rien ! La commission Stiglitz/Stern mise en place par la Coalition pour la tarification du carbone (CPLC) rappelle que 87 % des émissions globales ne sont pas tarifées aujourd’hui et que les trois quarts de celles qui le sont, sont couverts par un prix du carbone inférieur à 10 dollars par tonne de CO2. Le rapport de cette commission, publié fin mai 2017, prône une forte augmentation du prix de la tonne de CO2, qui devrait atteindre au moins 40 à 80 dollars en 2020, puis 50 à 100 dollars en 2030, contre moins de 6 dollars aujourd’hui en Europe*. Des chiffres, toujours des chiffres, et les moyens pour imposer une taxe carbone sont laissés au vestiaire : un rapport ne vaut pas décision politique. Prenons l’exemple du Canada.

Ce pays s’était retiré un temps du protocole de Kyoto avec le climato-sceptique Harper. De toute façon le Canada a pris du retard par rapport à ses objectifs initiaux. Entre 2005 et 2015, les émissions ont été réduites d’à peine 2,2 %, alors qu’elles devraient être en baisse de 17 % d’ici à 2020 pour espérer atteindre la cible du 30 % en 2030. Pour réduire davantage ses émissions de GES, le gouvernement a précisé le 18 mai 2017 les modalités de la taxe carbone qui vise les émissions de dioxyde de carbone (CO2) : 10 dollars la tonne en 2018 et ensuite augmentation de 10 dollars par année jusqu’à atteindre 50 dollars en 2022. Bien entendu vous avez déjà comparé ces chiffres avec le rapport CPLC présenté ci-dessus. La ministre canadienne de l’environnement a aussi détaillé le 25 mai un plan visant à réduire les émissions de méthane issues des activités du secteur pétrolier et gazier.** Selon la ministre, « cela équivaut à retirer environ 5 millions de véhicules de la circulation chaque année ». Rassurons les automobilistes, on va juste faire semblant, les mesures s’adresseront uniquement aux industriels. Pour les fuites de méthane, des inspections annuelles seront prévues, mais les entreprises disposeront de délais pour colmater leurs installations. De toute façon les mesures entreront progressivement en vigueur entre 2020 et 2023, d’ici là, deux élections fédérales auront eu lieu, le retour en arrière est toujours possible. Pour les particuliers, la taxe sur l’essence équivaudra à 2,33 centimes le litre d’essence en 2018 et atteindra 11,63 centimes le litre en 2022. Pas de quoi s’affoler !

Soulignons pour conclure que la tarification du carbone, nécessaire pour induire des changements de comportement, doit selon la doctrine officielle se faire « d’une manière favorable à la croissance économique et au développement ». Dans un monde croissanciste, nous irons donc jusqu’à brûler la dernière goutte de pétrole, laissant à nos descendants la responsabilité de s’adapter à la montée des eaux océanes, aux sécheresses à répétitions, à la perte de rendements agricoles, aux déplacements forcés des migrants climatiques chassés de leurs terres et à toutes sortes de malheurs concomitants. Bravo la civilisation thermo-industrielle !

* Le Monde.fr avec AFP | 29.05.2017, Climat : un rapport recommande d’accroître le prix du carbone

** LE MONDE du 31 mai 2017, Le Canada détaille son plan de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre

1 réflexion sur “Augmenter le prix du carbone, le serpent de mer”

  1. Le problème est toujours le même, on veut le beurre et l’argent du beurre. On veut bien lutter contre le réchauffement, les pollutions, la chute de la biodiversité… MAIS sans compromettre le sacro-saint Développement, la sacro-sainte Croissance. Et aussi les sacro-saints profits (Invite2018 sera content de voir que je pense à lui).
    Saletés de riches donc, saletés de gouvernants, saletés d’ hypocrites et de responsables irresponsables qui laissent à nos descendants le plaisir « de s’adapter à la montée des eaux océanes, aux sécheresses à répétitions  » et autres douceurs à venir. Et de leur côté, ceux qui achètent et conduisent les quelques 1,7 milliards de bagnoles qui sillonnent la planète, achètent et utilisent les 3 milliards de smarphones, participent à l’explosion du trafic aérien, de la consommation énergétique, à la raréfaction des ressources etc. etc. etc… bref ces millions de cons-ommateurs (travailleurs esclaves)… ceux-là ne veulent surtout pas lâcher leur sacro-saint petit confort de petits-bourgeois ! Pas touche à mon Pouvoir d’Achat ! Au contraire, TOUJOURS PLUS !
    Remarquons que cet état d’esprit petit-bourgeois n’est pas nouveau, c’ est le même qui animait la plupart des salariés en « lutte » du temps où on se battait encore, ou du moins faisait-on semblant. Là aussi on voulait faire plier le patron, le gouvernement, on voulait en finir des injustices, de l’exploitation… tous ensemble ouai-ouai ! Quant à faire la grève générale… alors là, pas possible !  » Ben oui , tu comprends… je DOIS changer la voiture cette année… j’ai déjà réservé le voyage aux Seychelles … »
    Conclusion : dans ce monde malade, il n’y a plus rien qui tient la route !

Les commentaires sont fermés.