biosphere

USA, l’extrême droite en marche… c’est terrifiant… de bêtise

Nous allons droit vers un désastre climatique, les Américains accélèrent le pas. En voici deux témoignages :

1) Les journalistes arbitrant à la télé les débats présidentiels se sentent obligés d’interroger les candidats sur l’intensité de leur foi en Dieu, et sur l’influence de celle-ci dans leur appréhension de la « théorie » des changements climatiques.

Le fait est que des Constitutions locales historiquement archaïques, conjuguées aux spécificités géographiques raciales et culturelles américaines, rendent la vie dure aux petits partis qui entendraient s’immiscer dans la Bande des Deux (démocrate et républicain). Le Green Party n’existe quasiment pas en Caroline du Nord.

Une alliance stratégique de politiciens, de lobbyistes et de grandes corporations, œuvre à rendre la pensée verte terrifiante, au point que l’ancienne « peur du rouge » du XXe siècle a fait place, dans certaines couches sociales, à une nouvelle « peur du vert ». J’avais déjà repéré ici et là, ces dernières années, des phénomènes inquiétants, telle la nouvelle croisade du mouvement Tea Party contre l’environnementalisme ou le développement durable, tous deux désignés comme  « le nouveau communisme ».

C’est arrivé au Congrès des Etats-Unis début novembre : les députés ont osé voter, à une très large majorité incluant toute la droite et une partie de la gauche, une loi définissant la pizza au ketchup comme un légume digne d’être servi dans les cantines scolaires.

Hélène Crié-Wiesner, texte intégral sur le site JNE

2) A Washington, PNAS, la revue de l’Académie américaine des sciences, publie son pointage : 97 % des chercheurs spécialisés dans le climat aux Etats-Unis attribuent à l’homme la responsabilité du réchauffement. Il en faut plus pour intimider les croisés du Parti républicain. Tous les candidats à l’investiture 2012 clament leur climato-scepticisme.

Le climato-scepticisme est devenu l’un des dogmes républicains, accolé à cette autre conviction : il faut cesser de présenter la théorie de l’évolution comme l’explication des origines de l’homme… et ajouter aux programmes scolaires la thèse créationniste – qui tient que l’humanité a été créée par Dieu telle qu’elle est.

Le parti se comporte comme un mouvement religieux. Ses candidats à la présidence doivent adhérer au credo : non à la théorie de l’évolution, non à la farce onusienne sur le climat, non à la moindre hausse de la fiscalité (directe, indirecte, durable ou momentanée), non à l’abomination « socialiste » qu’est l’assurance santé universelle, non à l’avortement, etc. Il y a aujourd’hui chez les républicains une crispation dogmatique, qui est une manière de fuite devant la complexité de l’époque.

LE MONDE du 2 décembre 2011, l’Amérique, Dieu, la science et Durban

le onzième commandement

De la part de Michel Tarrier, en résumé :

« Où est ce Onzième commandement ? Par exemple La Terre tu respecteras ! Les ressources, les plantes et les bêtes tu honoreras ! Tu aimeras ta planète comme toi-même ! Jamais, dans le confessionnal, je n’ai entendu : Alors, mon fils, as-tu piétiné une plante, écrasé une chenille, t’es-tu réjoui du spectacle du cirque ou du zoo, t’es-tu détourné des beautés de la création ? Seulement : Alors, mon fils, as-tu eu de mauvaises pensées ? As-tu mal agis envers Notre Seigneur ? Confesse-toi, mon fils… ! Quand on a une dizaine d’années et que l’on s’agenouille, on peut toujours avouer qu’on a volé trois sous dans le porte-monnaie de maman, histoire d’en être absout, comme il se doit.

Les péchés branchés étaient ceux en relation avec le génital, la propriété, la vie de l’homme, mais rien qui puisse avoir un quelconque rapport avec le végétal, l’animal ou le paysage. Pour le théocrate, la Nature est une création froide, ne méritant pas l’adoration. La Nature a créé l’humanité, Nature et humanité sont indissociables. Non ? Au sein de l’incommensurable fatras mystificateur de l’Église, ce ne sont pourtant qu’échafaudages pour opposer humanité et Nature. Avant de pénétrer dans l’arène, le torero se signe de la croix, on tue le cochon le jour du saint patron, la messe de la Saint-Hubert consacre la chasse à courre…

Selon les traditions bibliques, les Dix Commandements sont tous exclusivement axés sur une morale anthropocentriste. L’absence d’une onzième parole d’essence environnementale, l’inexistence de toute faute à l’endroit du Vivant et de la biosphère, font que depuis 6 000 ans le judaïsme et le christianisme incitent à une inconduite totale vis-à-vis de la Nature. Cet oubli essentiel du décalogue est posé avec insistance depuis les années 1970. »

Sur ce blog, nous allons plus loin que Michel Tarrier. Nous estimons que n’avons nul besoin des dix commandements de  la tradition biblique, les dix commandements de la Biosphère sont déjà inscrits sur Internet et remplacent avantageusement les vieilles traditions inutiles.

Durban, le climat est mal parti, vive la décroissance

Comme d’habitude, les Etats-Unis d’Obama restent opposé aux négociations climatiques* : Obama-Bush, même combat. Les plus émetteurs de gaz à effet de serre restent les plus égoïstes. Si la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) a accepté une taxation de ses émissions de CO2, le projet de l’UE de taxer les émissions du trafic aérien qui transite par son territoire a été condamné par les Etats-Unis… comme par la Chine. Or ce ne sont pas les plus pauvres qui prennent l’avion ! De toute façon pourquoi faire des efforts quand la Suisse achète 22 avions de chasse** pour 2,6 milliards d’euros. Dans une société de gaspillage énergétique, il n’y a plus aucun frein dans la démesure.

Comme l’écrit Alain Gras***, il y a refus du capitalisme libéral de voir que les limites de la planète sont atteintes. La crise de la dette, c’est une crise d’une politique pour pousser à la croissance sans frein face à l’épouvantail du chômage… c’est donc une accélération du machinisme thermo-industriel qui dissipe sans compter l’énergie fossile … c’est donc potentiellement un choc climatique énorme pour les générations futures… qui devront aussi théoriquement payer la facture de l’endettement. Tout est lié, mais les politiques rassemblés à Durban ne veulent pas le voir.

C’est donc la décroissance subie qui évitera le pire en obligeant à la baisse du pouvoir d’achat. Il arrivera ce que les politiques n’osent pas encore nommer, la récession ou « croissance négative », mais qu’ils seront bientôt obligés d’appeler dépression… comme lors de la grande Crise de 1929 ! La rigueur, l’austérité, ce qui devrait d’ailleurs définir l’économie au sens d’économiser, sera bientôt la loi. Mais Hollande et Sarkozy ne le savent pas encore ! Car personne n’ose expliquer aux citoyens que le rapport Meadows sur les limites de la croissance disait déjà vrai…en 1972.

* LE MONDE du 2 décembre 2011, L’UE déjà isolée à la conférence de Durban sur le climat

** LE MONDE du 2 décembre 2011, le Rafale, encore et toujours trop cher

*** LE MONDE du 2 décembre 2011, La décroissance aurait évité le pire

dialogue avec un partisan des OGM, membre de l’AFBV

Dialogue entre Michel Sourrouille, Journaliste-écrivain pour la Nature et l’Ecologie d’une part et Alain Deshayes, généticien, membre fondateur de l’AFBV (Association des Biotechnologies végétales).

Michel Sourrouille : Alain, j’ai assisté à Paris à la conférence de presse de Vandana Shiva le 19 octobre 2011. Cette militante présentait A Global Citizen Report on the State of GMO. Lors de la conférence de presse, Vandana dénonce les contre-vérités de la bio-ingénierie : « Au lieu d’endosser leurs responsabilités, les Firmes répondent par la propagande. Notre sécurité n’est préservée que parce que l’ignorance est privilégiée. Ce sont les Firmes qui présentent les données sur lesquelles la science peut délibérer ; c’est la fin de la science. » En tant que spécialiste des OGM, qu’en penses-tu ?

Alain Deshayes : J’ai lu ton texte avec attention, et tu ne seras pas étonné si je te dis qu’il m’a « irrité » ! Je connais effectivement Vandana Shiva pour ses engagements anti-OGM, je l’ai rencontrée à l’occasion d’un congrès. C’est une femme qui a du tonus, comme beaucoup de femmes indiennes. Je crois me souvenir qu’elle est physicienne de formation et qu’elle a changé d’activité pour militer en faveur de la biodiversité des variétés traditionnelles contre les variétés « améliorées ». Et,  c’est logiquement qu’elle s’est retrouvée dans le mouvement altermondialiste et qu’elle s’est engagée dans un combat contre les organismes génétiquement modifiés.

Ceci étant comme nombre de ses congénères, elle a dit beaucoup de contre-vérités sur les OGM, les deux principales étant  que les variétés de coton BT n’apportaient en Inde aucune amélioration de rendement et que le coton Bt étaient responsables des suicides de paysans indiens. Sur ces deux points il existe de nombreuses études qui ont montré qu’elles étaient fausses.

Michel Sourrouille : Méfions-nous des études parcellaires. En Chine, 96 % du coton est déjà transgénique. Ce coton Bt est efficace pour détruire une noctuelle, permettant ainsi à une niche écologique de se libérer. Comme la nature à horreur du vide, les miridés (ou punaises) deviennent une infection. On ne sait pas encore si les bénéfices sur l’exploitation du coton n’ont pas été effacés par les dégâts occasionnés sur les autres cultures (LE MONDE  du 15 mai 2010).

La responsabilité des suicides de paysans en Inde repose historiquement sur la révolution verte des années 1970 (semences à haut rendement), mais les OGM en reproduisent aujourd’hui causes et conséquences. Les variétés de semences « améliorées » sont traitées avec des engrais et des pesticides synthétiques. Ces intrants sont coûteux et ces semences doivent être fréquemment remplacées ; c’est inabordable pour la petite paysannerie.

Alain Deshayes : Je t’avais communiqué une étude qui montre clairement la non corrélation entre coton Bt et suicides. Norman Borlaug est considéré comme le père de cette Révolution Verte  pour ses travaux sur le blé, travaux pour lesquels il reçut le Prix Nobel de la Paix en 1970. Et, j’ai souvent dit que cette décision n’avait pas été très judicieuse.

J’ai moi-même, dans des conférences et dans des articles, souligné que les raisons politiques qui avaient été à l’origine de la « révolution verte » avaient conduit à certaines d’insuffisances et d’erreur en raison de la non prise en compte de certaines réalités sociales et économiques locales. Mais il est incontestable qu’à partir de 1960, les rendements ont augmenté dans de nombreux pays (pas dans tous avec la même importance) et amélioré les conditions de vie de nombreux paysans……qui auraient pu passer au communisme !

Michel Sourrouille : La remarque sur le « communisme » est intéressante car elle montre le présupposé idéologique des semences à haut rendement. Avec Borlaug, la révolution verte a reçu le prix Nobel de la paix sous le prétexte que les nouvelles technologies en chimie allait apporter la prospérité, et que la prospérité apporterait la paix. Vandana Shiva l’écrit : « Cela s’est appelé la révolution verte, par opposition à la révolution rouge qui se répandait en Inde, venant de Chine ». Les Américains se sont dit : « Diffusez les produits chimiques et vous éviterez le communisme. Malheureusement ces produits coûtaient cher et nuisaient à l’environnement. Tout cela s’est révélé au bout de dix ans, si bien qu’au lieu d’être en paix et de profiter de la prospérité, les jeunes ont connu une nouvelle pauvreté et pris les armes.  Après la répression très violente par les forces militaires contre les insurgés dans le Punjab, on ne pouvait plus prendre son fusil ; alors les agriculteurs ont commencé à boire les pesticides pour mettre fin à leurs jours. (in Solutions locales pour un désordre global – Actes Sud, 2010) »

La technologie OGM est la continuité d’un modèle mondial d’agriculture industrielle qui n’a pas réussi à donner à manger à ceux qui ont faim et a contribué à la disparition de la paysannerie traditionnelle. Bref, la recherche en milieu fermé est une chose, le développement des OGM par les firmes qui vendent leur insecticide et cherchent à contrôler les semences paysannes, une autre. Monsanto & Al n’œuvrent pas pour le bien de l’humanité !

Alain Deshayes : La culture d’une nouvelle variété végétale, « améliorée », est souvent associée à une pratique culturale nouvelle également ; et on a constaté en Inde ce qui se passe dans beaucoup de pays, à savoir que les potentialités génétiques ne sont véritablement et complètement exprimées que si les pratiques agricoles adaptées sont respectées. Vandana Shiva a reporté sur la technique d’obtention des cotons Bt tous les déboires de certains paysans qui n’avaient pas respecté ces pratiques.

Michel Sourrouille : Cela voudrait dire que les paysans n’appliquent pas les consignes qui leur sont imposées par les semenciers : à production alimentaire industrialisée, pratiques standardisées. Tout est lié, brevetage, génie génétique, concentration économique et dépendance des paysans.

Nous préférons dire que les « potentialités génétiques sont véritablement et complètement exprimées » quand et seulement quand des centaines d’années de sélection des semences par les paysans locaux ont permis d’atteindre un niveau de symbiose le plus grand possible entre une plante et son milieu particulier de vie. Cela, les industriels de variétés végétales « améliorées » ne savent pas faire, les variétés qu’ils vendent sont inadaptées à la plupart des milieux naturels. De plus l’homogénéité génétique rend les cultures plus vulnérables aux changements climatiques brusques, au contraire des semences natives adaptées aux différents microclimats. C’est pourquoi d’ailleurs Vandana Shiva s’est lancée en 1987 dans la défense des variétés locales de graines après la réunion de Bogève à laquelle elle avait assisté.

Comme l’a dit Vandana, les lois qui favorisent le monopole de l’industrie sur les graines sont comparables au monopole sur le sel dénoncé par le Mahatma Gandhi ; celui-ci avait déclenché le Salt Satyagraha, une lutte non violente basée sur la désobéissance civile. Satyagraha, l’étreinte de la vérité. Vandana va lancer à son tour la Bija Satyagraha, une « désobéissance des graines (in Vandana Shiva, victoires d’une Indienne contre le pillage de la biodiversité – Editions Terre vivante, 2011) ».

Alain Deshayes : D’un côté j’aurais envie d’argumenter point par point, de l’autre je me dis que cela ne servirait à rien parce que je sens que tout est déjà figé dans tes propos. Il y a un a priori que « toi et les tiens » seraient les seuls à se poser les bonnes questions et que « moi et les miens » ne seraient que des individus pervers incapables de se poser la question de l’intérêt général ! Mais peut-être que ces deux « populations » sont  non miscibles, les uns parce qu’ils partent de l’a priori que toute action de l’Homme dans la nature ne peut être, intrinsèquement, que néfaste à celle-ci, et les autres parce qu’ils persistent à penser que l’Homme peut utiliser son savoir pour vivre dans et par cette nature, et qu’il peut corriger ses erreurs.

Michel Sourrouille : Nous ne pouvons prêter aux autres nos propres sentiments. Et les sentiment ne sont jamais tout blancs ou tout noirs. Il y a des techniques douces, douces à l’Homme et à la Nature, d’autres qui le sont beaucoup moins. Vaste débat qui n’a jamais commencé si ce n’est dans les écrits d’Ellul ou Illich, bien oubliés. Ce débat reviendra…

Alain Deshayes : Il existe bien un courant de pensée qui tend à opposer les « semences industrielles » – symboles de la sélection variétale, de l’agriculture intensive, de l’appropriation du vivant et de la mondialisation – aux « semences paysannes », apparentées aux savoirs locaux d’amélioration et de conservation de la biodiversité. Les approches qui s’appuient sur la composante génétique  nous semblent mieux à même de répondre aux défis du XXIème siècle qui devra conjuguer l’obligation de nourrir 9 milliards d’individus et la nécessité de réagir aux changements climatiques. Si les défis à relever sont nombreux, ce ne sont pas à la base des problèmes biologiques ; la génétique est sollicitée pour élaborer des réponses sur une scène mondiale où l’homme doit prendre une place centrale.

Michel Sourrouille : C’est aussi cela le problème, la centralité de l’homme, l’anthropocentrisme dominant, la volonté de puissance, l’appropriation du vivant. Croire que la technique (pas seulement génétique) pourra indéfiniment résoudre les problèmes créés par la technique (y compris génétique) est un acte de foi, comme l’Homme à l’image de Dieu.

Il nous semble que les semences paysannes, au plus près du terrain et des femmes, sont plus adaptées que des techniques centralisées oeuvrant pour le profit. Prenons maintenant un  point de vue spécifiquement technique, l’équivalence en substance. Hervé Kempf écrit : « En 1986 sous Ronald Reagan, l’administration élabore un ensemble de règles qui pose le principe qu’il faut évaluer les risques du produit final et non de la technique utilisée. Ce principe dit d’équivalence en substance est crucial : il établit que, si un OGM n’a pas une composition chimique substantiellement différente de l’organisme dont il est dérivé, il n’y a pas besoin de le tester, comme on le fait normalement pour de nouveaux médicaments ou de nouveaux additifs alimentaires, pas plus que de l’étiqueter. Le coût d’autorisation d’un OGM devient moindre que celui d’un dossier d’autorisation de pesticide. (La guerre secrète des OGM  – Seuil, 2003) »

Alain Deshayes : L’équivalence en substance est une question scientifique : Si la composition des deux plantes (la plante d’origine d’une part et la même plante avec un gène supplémentaire) sont comparables, à la différence près de la protéine produite par le gène introduit, pourquoi y aurait-il un risque lié à la plante génétiquement modifiée ? Et donc, pourquoi y aurait-il une restriction à sa culture et à sa consommation par l’animal ou l’homme ? J’ai participé à plusieurs congrès aux Etats-Unis sur ce sujet, et après de nombreuses discussions, un consensus s’est établi pour dire que l’équivalence en substance de deux plantes ne justifiait pas qu’une réglementation spécifique soit appliquée à l’une d’entre elle. Je crois me souvenir que la décision de l’administration étatsunienne sur le principe d’équivalence a été prise en 1995.

Le principe d’équivalence suppose des analyses portant sur la composition chimique du produit. Par contre, dès 1985 (année d’obtention de la première plante génétiquement modifié, il faudra attendre 1987 pour la première expérimentation au champ) les scientifiques considéraient effectivement, qu’un produit, quel qu’il soit, ne devait pas être jugé sur la base de la technologie qui avait été utilisée pour le produire. Nous avions en effet l’expérience des controverses récentes sur les produits alimentaires qui avaient été stérilisés par irradiation aux rayons gamma et c’est cette logique qui a amené l’administration US à la position sur l’équivalence en substance.

Ceci étant, il y a une limite au concept d’équivalence lorsqu’il s’agit de plantes tolérantes à un herbicide ou à un insecticide : faut-il analyser la plante génétiquement modifiée sans que le pesticide ait été appliqué préalablement ou bien faut-il analyser la plante qui a été cultivée en condition agronomique, donc qui a subit un traitement pesticide ? La réalité est que c’est la plante sans application de pesticide qui est analysée. Il y a là une anomalie que nous reconnaissons volontiers.

Michel Sourrouille : Avec l’équivalence en substance, il y a effacement des frontières entre génie génétique et sélection génétique classique, affirmation partisane en faveur du génie génétique. La toxicité des aliments OGM ne peut être prédite à partir de leur composition.

Le concept d’équivalence en substance est directement dérivé des modes de pensée de la science moderne. Ceux-ci sont basés sur un réductionnisme rationaliste dans lequel l’objectivation joue un rôle prédominant. Cette approche s’est avérée à la fois opérationnelle et productive mais le résultat en est que la substance, et non le processus, est devenu le principal et souvent le seul axe d’étude de la science moderne. En d’autres termes, le concept d’équivalence en substance s’adresse aux aliments considérés hors de leur contexte, abstraction faite de la façon dont ils ont été produits et conduits jusqu’au consommateur en fin de parcours. pays d’origine du produit alimentaire, les méthodes agricoles de production, le mode de récolte, les méthodes de conservation et de transformation des aliments, etc. En d’autres termes, l’impact environnemental des filières agroalimentaires devrait être évalué à tous les niveaux du processus, de sorte qu’un bilan environnemental global puisse être établi.

Alain Deshayes : « Pays d’origine du produit alimentaire, etc… » Complètement hors sujet !  «  L’impact environnemental des filières agroalimentaires devrait être évalué à tous les niveaux du processus… ». Confusion totale ! Et voilà comment on passe d’un sujet à un autre en éludant les questions scientifiques et techniques.

Michel Sourrouille : Mais ce sont aussi « les questions scientifiques et techniques » qui doivent tenir compte de tous les autres sujets. La réalité est complexe, globale, interdépendante. Au réductionnisme rationaliste de la science actuelle s’oppose de plus en plus clairement une science holistique qui lie sciences « dures » et sciences « molles », recherche de laboratoire et contextualisation par les sciences humaines, expériences transgèniques et effets sur les structures de l’emploi, de la production et de la commercialisation. Les « questions scientifiques et techniques » ne peuvent être séparés des contraintes socioéconomiques et environnementales.

Au niveau technique, les systèmes de transgenèse s’inscrivent intrinsèquement dans une optique d’uniformisation. Cette tendance est déjà perceptible aux Etats-Unis où l’on cultive actuellement des plantes OGM fortement uniformisées sur de vastes territoires. Or les méthodes de protection phytosanitaire introduites par le génie génétique pour lutter contre les ravageurs reposent sur des mécanismes monogéniques, faisant intervenir un seul gène de résistance. Ces méthodes sont donc vulnérables car elles favorisent la sélection de parasites résistants et devront être remplacées dans le court terme.

Alain Deshayes : Je ne sais quelles sont tes lectures, mais voilà typiquement ce qui résulte d’une incompréhension/méconnaissance d’une réalité scientifique. Le fait que des résistances puissent apparaître et qu’il faille chercher de nouvelles formes de résistance, est un phénomène général, indépendamment des plantes génétiquement modifiées, et qui est bien connu de tous les sélectionneurs.

D’une manière rapide, et donc un peu simpliste, s’agissant du blé : en 1945, fallait-il/aurait-il fallu choisir entre d’une part le maintien des rendements moyens à 12 qx/Ha,  avec les variétés « traditionnelles » qui possédaient une rusticité assurant une stabilité des rendements quelles que soient les années (conditions climatiques, attaque de parasites et de pestes) et d’autre part entreprendre un travail d’amélioration qui a permis (sans OGM) d’augmenter les rendements jusqu’à aujourd’hui d’environ 1 ql/an, avec les risques avérés de voir périodiquement contournées les résistances à des parasites ou des pestes ? Je sais que certains de tes « frères » choisissent/auraient choisi la première voie. Cette question n’est pourtant pas triviale. Je connais de nombreux généticiens qui ont travaillé à l’amélioration de plantes tropicales, notamment  du millet en Afrique, qui se la sont posés. C’est la raison pour laquelle la diversité génétique des variétés locales est d’avantage prise en compte aujourd’hui dans les plans de sélection et de promotion des nouvelles variétés.

Michel Sourrouille : Il te faut admettre que la courses au rendement, avec ou sans OGM, n’est pas durable. Contrairement à la monoculture, les polycultures permettent une résistance naturelle. C’est la biodiversité qui permet la résilience, pas un OGM cultivé sur des milliers d’hectares.

La résistance aux herbicides présente d’ailleurs les mêmes inconvénients que la lutte contre les ravageurs. L’apparition de mauvaises herbes résistantes aux herbicides par dissémination de pollen et croisements interspécifiques imposerait le remplacement à la fois de la semence transgénique portant le gène de résistance et de l’herbicide lui-même. En fait de durabilité, ces méthodes favorisent des systèmes de protection des cultures éphémères, faisant appel à des variétés végétales et des produits phytosanitaires à courte durée de vie.

Alain Deshayes : Baratin en réponse à de vrais problèmes ! L’apparition de plantes résistantes à des herbicides est aussi vieille que l’utilisation des herbicides eux-mêmes ! Tu vas dire que l’argument n’est pas glorieux, dont acte, mais là encore cette question n’est pas directement liée aux OGM.

Michel Sourrouille : Nous sommes d’accord, les OGM se trouvent confrontés aux mécanismes de la sélection naturelle. Mais je répète que le risque est moins grand quand l’agriculture reste paysanne, diversifiée, adaptée à chaque terroir.

Alain Deshayes : Non, nous ne sommes pas d’accord, « le risque n’est pas moins grand », car dans ce que tu appelles « l’agriculture paysanne » il n’y a pas de pesticides. Je ne suis pas et ne raisonne pas dans la même logique. Tous  les agronomes savent que pour nourrir 9 milliards d’humains il faudra augmenter la production agricole globale –selon les hypothèses  sociétales – de 30 à 70 %. Et ce n’est pas l’agriculture paysanne qui le permettra.

Michel Sourrouille : Comment nourrir les hommes en 2050 ? Ca se discute ! Pour Sylvie Pouteau, dont j’ai repris précédemment l’argumentation technique, « la qualité des aliments ne peut être limitée à la seule substance car les aliments agissent sur les êtres humains non seulement au niveau nutritionnel mais aussi au travers de leurs relations avec l’environnement et la société. En sorte que, la question Au delà de l’équivalence en substance appelle en fait une autre question : l’équivalence au delà de la substance. »

Alain Deshayes : Je suis en fait d’accord pour dire que les OGM ne sont rien en soi et qu’ils doivent être positionnés dans une vision de l’agriculture et de sa place dans une problématique de développement. Le problème est que depuis le milieu des années 90, quand la culture des plantes génétiquement s’est développée (Quand même 145 millions d’hectares en 2010 cultivés par plus de 15 millions d’agriculteurs dans le monde !!) le comportement destructeur et, je le dis tout net, anti-démocratique des anti-OGM n’a plus permis aucun débat. Certes le comportement des Monsanto and Co n’a pas non plus facilité les choses.

Michel Sourrouille  : Si tout le monde se trompe, cela n’en fait pas une vérité. De plus, il faut comparer les 15 millions d’agriculteurs OGM qui accaparent les terres et les 2,5 milliards de paysans sur la planète qui se partagent des parcelles ; la balance n’est pas équilibrée.

Il te faut aussi admettre le caractère non démocratique des firmes semencières. Ainsi le traitement statistique de l’étude des effets d’un maïs transgénique par son inventeur et distributeur, la firme Monsanto, avait été publié en août 2005. Mais les données expérimentales brutes, plus d’un millier de pages, avaient été tenues confidentielles par la firme agrochimique jusqu’à ce que Greenpeace en obtienne publicité grâce à la Cour d’appel de Münster. Ce genre de firmes veut être à la fois juge et partie. Ce qui m’a surtout le plus impressionné dans une émission sur Monsanto vu à la télé en 2008, et je l’ai déjà dit sur mon blog biosphere, c’est l’usage par cette firme de tous les procédés d’une dictature : on cache l’information, on ment, on achète les politiques, on achète les opposants à défaut de pouvoir les envoyer en prison,  on licencie les  récalcitrants du jour au lendemain…

Face à cette toute puissance de l’argent, que peuvent faire les citoyens si ce n’est devenir faucheurs volontaires d’OGM ? José Bové agit contre les OGM en pensant que les paysans du Nord sont aussi victime que ceux du Sud du productivisme technicisé agricole. Il écrivait : « Quand les gouvernements encouragent les intérêts privés ou les laissent s’imposer aux dépens de tous et de la terre, il ne reste plus aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit (Pour la désobéissance civique – édition La découverte). » La désobéissance civile est un aspect nécessaire de la démocratie.

Alain Deshayes : En fait la position initiale de José Bové était une opposition au productivisme, mais sans la destruction des plantes au champ, et, c’est sur cette base que j’ai souvent débattu des avancées technologiques en agriculture avec des militants paysans, d’abord des « Paysans Travailleurs » (organisation issue du PSU) puis de la « Confédération paysanne » ; à cette époque des convergences étaient possibles. Mais rapidement JB a glissé sur le terrain des risques pour l’environnement et la santé humaine, et à partir de ce moment là plus aucune discussion n’est devenue possible tellement sa mauvaise fois était patente.

D’ailleurs, on pourrait démontrer que les actions de « José Bové and Co » ont favorisé les grands groupes semenciers internationaux au détriment des petites structures et, dans le cas particulier de la France, des sociétés françaises.

Michel Sourrouille : Si la Confédération paysanne reste minoritaire, c’est pour plusieurs raisons notamment ses positions souvent d’extrême gauche et les avantages que l’on a si on est à la FNSEA.

                Il paraît évident que les grands groupes semenciers n’ont pas besoin de José Bové pour éliminer les petites structures, et, particulièrement, la petite paysannerie. Les OGM ne sont pas faits pour l’autosubsistance, mais pour le marché. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation avait écrit dans un rapport que la libéralisation du commerce « n’est pas plus favorable au consommateur, confronté à une forte hausse des prix, qu’au petit producteur, auquel on paye à un prix de plus en plus faible. En revanche, la chaîne de distribution s’allonge, ce qui contribue à enrichir divers intermédiaires. » L’approche selon laquelle les impacts négatifs résultant du libre-échange seront compensés par les secteurs exportateurs est contestable : « Cette approche, qui établi le bilan des gains et des pertes, n’est pas satisfaisant car les gouvernements ne sont pas en mesure de compenser les impacts négatifs pour leur population ». (Le Monde du 18 décembre 2008)

Alain Deshayes : Nous connaissons bien le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’Alimentation Olivier de Schutter, apôtre de l’agroécologie et grand mystificateur ! Si tu veux m’expliquer que le capitalisme et le libéralisme tel qu’ils se sont développés à partir du milieu des années 1970 n’ont pas entraîné un développement favorable aux populations, alors oui, on peut discuter, mais ce débat ne doit pas être un prétexte pour condamner une technologie qui pourrait être utile, dans certaines conditions.

Michel Sourrouille : Attaquer une personne ne vaut pas raisonnement. Les firmes semencières utilisent à la fois le capitalisme (l’appropriation privée, les brevets) et le libéralisme économique (le marché, son contrôle monopolistique) pour entraîner une évolution défavorable aux populations paysannes. Pourquoi défendre les techniques transgéniques ? Elle déstructure la paysannerie, accroît les inégalités entre ceux qui produisent pour le marché et les autres, ne supprime pas la famine dans le monde.

C’est le savoir actuel, beaucoup trop sophistiqué et compartimenté, qui est foncièrement anti-démocratique : seule une élite peut discuter d’un sujet comme le nucléaire, mais la même élite ne peut pas discuter d’un autre sujet comme les OGM. Le débat est bloqué, structurellement bloqué. Ne devrait-on pas se demander alors si un paysan illettré, mais ayant des connaissances héritées de sa communauté, n’est pas mieux placé qu’un bio-ingénieur pour gérer son avenir de manière durable ?

Alain Deshayes : Pourquoi toujours vouloir maintenir les paysans des pays pauvres dans «  l’autosubsistance ». Cela me rappelle le guide de haute montagne français avec lequel j’ai fait ma première virée en Himalaya : il donnait l’impression d’une grande jouissance interne en constatant « l’authenticité » des conditions de vie de paysans népalais à plus de 3000 m ; on aurait dit que plus les conditions de vie étaient difficiles plus il « aimait » les paysans népalais et vilipendait la société moderne – et cultiver la terre à ces altitudes n’est pas une partie de plaisir et qui rapporte « très peu » en raison, en particulier, des faibles rendements des variétés végétales cultivées.

Améliorer les conditions de vie des paysans népalais passe, entre autre, par une amélioration des conditions de culture et par une augmentation de la production agricole, non seulement pour qu’ils sortent enfin de cet état de d’autosubsistance et qu’ils aient une production telle qu’ils puissent en vendre une partie, non nécessaire à la « subsistance » de la famille, et pouvoir ainsi acquérir le nécessaire pour améliorer les conditions de vie ordinaires.

Michel Sourrouille : Helena NORBERT HODGE a vécu au Ladakh, un désert de haute attitude traversé d’énormes chaînes de montagne. La vie y est rythmée par les saisons, les températures peuvent tomber jusqu’à – 40°C en hiver . La pluie est si rare qu’il est facile d’oublier jusqu’à son existence. Pourtant Helena a admiré les capacités d’adaptation des Ladakhis à la nature, elle en est venue à remettre en question le mode de vie occidental : « Quand je suis entrée pour la première fois dans ce pays, en 1975, la vie dans les villages s’inspiraient encore de principes séculaires. Le manque de ressources de la région, son climat inhospitalier, la difficulté d’y accéder, l’avaient protégé du colonialisme comme du développement.

Mais ces dernières années, des forces extérieures ont fondu sur lui comme une avalanche, provoquant des bouleversements aussi rapides que massifs. Dans une économie de subsistance, l’argent ne joue qu’un rôle mineur. Le travail n’a pas de valeur monétaire, il s’insère dans un réseau complexe de relations humaines. Mais en un jour, un touriste peut dépenser autant qu’une famille ladakhi en un an. Alors les habitants du Ladakh se sentent très pauvres. Au début de mon séjour, des enfants que je n’avais jamais vus venaient m’offrir des abricots ; aujourd’hui, de petites silhouettes affublées de vêtements occidentaux élimés accueillent les étrangers en tendant la main : « Stylo, stylo » est désormais leur mantra. Mais ce que les enfants ladakhis apprennent aujourd’hui à l’école ne leur servira à rien. Leurs manuels sont rédigés par des gens qui n’ont jamais mis les pieds au Ladakh et ignorent tout de la culture de l’orge à plus de 4000 mètres d’altitude. (in Quand le développement crée la pauvreté) » Les OGM peuvent-ils pousser à 4000 mètres d’altitude ?

Alain Deshayes : Pourquoi, toi qui pose une question à faire rire tout agronome (« Les » OGM peuvent-ils pousser à 4000 mètres d’altitude ?) tu aurais raison scientifiquement sur une question que tu ne maîtrise pas ?

La question de savoir si « un » OGM peut pousser à 4000 m, n’a pas de sens. Il n’y a pas « LES » OGM et le reste. Le génie génétique est une technique qui peut être appliquée à tout organisme vivant, microorganisme, plante ou animal. La question est donc de savoir l’intérêt qu’il pourrait exister à introduire tel ou tel gène dans un organisme qui se développe dans un environnement donné. Ceci étant posé, la priorité dans les montagnes himalayennes n’est pas de « penser » génie génétique, mais de s’interroger sur les conditions qui permettraient, compte tenu de la technicité locale, d’augmenter la production agricole globale avec les espèces  existantes. Si des besoins spécifiques sont exprimés et qui ne peuvent être satisfaits avec les techniques disponibles, il sera éventuellement envisageable de recourir à d’autres types de techniques.

Michel Sourrouille : C’est vrai, je ne suis pas généticien, je ne suis que spécialiste en sciences économiques et sociales. Mais nous parlons de développement et de besoins, me voici dans ma « spécialité ». La mondialisation des échanges, à commencer par la commercialisation des denrées agricoles, a été une aberration historique qui remonte à la théorie de Ricardo et ses prétendus avantages comparatifs entre vin du Portugal et drap en Angleterre. Avec le libre-échange, l’Angleterre a gagné sa révolution industrielle, le Portugal a perdu ; depuis les écarts de développement entre pays deviennent de plus en plus grands. Ensuite le libre-échange repose matériellement sur l’abondance des énergies fossiles. Une fraise de Californie (cinq calories de nutrition) brûle 435 calories de fuel pour arriver sur la côte Est.

La descente énergétique qui s’annonce va relocaliser les productions alimentaires. Chaque territoire devra faire de plus en plus avec ce qu’il peut lui-même produire. Le Ladakh d’autrefois était durable, le Ladakh d’aujourd’hui est déstabilisé, le Ladakh de demain sera sans doute assez semblable à celui d’autrefois.

Alain Deshayes : Ce n’est pas parce que le libéralisme, débridé depuis le début des années 80, a produit les effets que l’on observe aujourd’hui dans nos sociétés que je vais abandonner cet idéal qu’un  jour, les conditions de vie de tous les hommes et de toutes les femmes de cette planète pourront être significativement améliorées.

Hier après midi, je faisais du soutien scolaire à des « jeunes du voyage » d’un collège de la région et j’ai beaucoup pensé à ces deux paragraphes. Je pensais aussi à ces jeunes népalais rencontrés au hasard  d’une étape dans un lodge et qui étaient la fierté de leurs parents parce qu’ils savaient lire et écrire. Les retombées financières du tourisme et des trecks ont permis à un grand nombre de famille népalaise d’améliorer considérablement leurs conditions de vie quotidienne : une maison en pierre, avec tout ce que cela peut représenter en « confort » supplémentaire, l’eau courante et chaude grâce à des réservoirs situés sur le toit à côté des panneaux solaires thermiques, et aussi l’électricité avec les panneaux solaires voltaïques. Et en l’espace de trois ans nous avons pu voir que le nombre de tous ces équipements avait augmenté considérablement.

Michel Sourrouille : Le titre du livre d’Helena NORBERT HODGE est parlant : « Quand le développement crée la pauvreté ». J’ose dire qu’une certaine façon d’aller à l’école est pernicieuse, je te rappelle cette phrase d’Helena : « Ce que les enfants ladakhis apprennent aujourd’hui à l’école ne leur servira à rien. Leurs manuels sont rédigés par des gens qui n’ont jamais mis les pieds au Ladakh. »

Cela veut dire qu’il ne faut pas raisonner avec nos lunettes d’occidental, qui fait librement du tourisme mais qui contrôle les migrants dans son pays. Pourquoi avoir besoin d’une maison de pierre et du confort moderne alors que la culture népalaise savait donner la joie de vivre à son peuple. Il nous faut accepter les différences culturelles  et admettre que le mode de vie occidental n’est pas compatible avec les conditions extrêmes de climat. A chaque territoire son mode de vie, nous ne sommes plus au temps des colonies.

Alain Deshayes : Ce qui, fondamentalement, nous sépare c’est une certaine conception de la Nature et des relations que l’Homme entretient avec elle. Pour faire simple, je suis en opposition  avec les thèses de Hans Jonas…et avec celles de Rousseau. Et le texte d’Helena Norbert Hodge illustre bien cette référence au mythe du « bon sauvage » cher à Rousseau et qui est perverti par la société. Qui sont donc ces petits bourgeois qui voudraient que le « bon sauvage » soit maintenu dans sa condition « d’authentique » sauvage, ignorant lui-même qu’il est sauvage ? Il est regrettable que notre enseignement insiste autant sur Rousseau et pas assez sur l’émergence des Lumières.

Ce qui aggrave la situation en France, c’est que nous ne savons pas ce qu’est un « compromis » … Je n’accepte aucun des oukases des écologistes.

Michel Sourrouille : L’émergence des Lumières ne veut pas dire acceptation d’une technique industrielle toute puissante ! Pour en revenir aux OGM,  la déclaration de Bogève qui définissait la position du Sud en 1987, montrait que la biotechnologie est inextricablement liée à la société dont elle est issue : « Comme celle-ci est injuste, la nouvelle technologie servira plus probablement les intérêts des riches et des puissants que les besoins des pauvres. Elle accroîtra probablement les inégalités au sein de la population paysanne, aggravera l’érosion de l’érosion génétique, minera les écosystèmes, accroîtra la dépendance des paysans et la concentration du pouvoir de l’industrie agroalimentaire internationale. (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM)  » Est-ce un oukase que de constater cela ?

Alain, tu es généticien et membre fondateur de l’AFBV (Association des Biotechnologies végétales). Les membres de cette association sont pour la plupart liés à des firmes comme Monsanto, Rhône Poulenc ou Nestlé… autant dire que l’on est en plein conflits d’intérêts. Je crois que tu es au-delà de cette compromission, mais comment échapper à une auto-intoxication induite par sa propre spécialisation ? On peut être trompé par soi-même, et il est alors difficile de s’en apercevoir.

Alain Deshayes : Là tu m’irrites profondément. L’AFBV regroupe des personnes  d’origines diverses, et, parce qu’il s’agit de « technologie », donc d’application et donc d’industrialisation, un certain nombre d’entre elles viennent de l’industrie. Est-ce pour autant que toutes ces personnes défendent des intérêts ? Est-ce pour autant qu’elles pensent toutes de la même façon ? Est-ce pour autant qu’il n’y a pas débat entre elles ? Est-ce pour autant que toutes ces personnes sont incapables de réflexion sur notre société? L’AFBV est l’expression du raz le bol vis à vis des politiques scientifiques et technologiques qui conduisent à marginaliser dans certains domaines notre pays, et l’Europe.

Michel Sourrouille : Esprit d’animosité de ta part ? Non, je te connais, tu sais aussi affirmer : « Ne recommençons surtout pas les erreurs que nous avons commises avec le nucléaire. Ne ratons pas, cette fois-ci, le dialogue science-société. (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM p.103)  » Mais il te faut reconnaître que l’AFBV est une machine de guerre contre ses opposants.

Alain Deshayes : Pas une machine de guerre, une machine à rectifier  les approximations et les mensonges de certains, mais aussi un outil pour promouvoir les biotechnologies végétales.

Michel Sourrouille : l’outil de promotion risque d’étouffer la recherche de la vérité ; à plusieurs reprises l’AFBV avait cherché à jeter le discrédit sur les travaux de G.E. Séralini… Le tribunal de Paris a condamné l’AFBV le 18 janvier 2011.

Alain Deshayes : C’est une manière de voir ! Nos accusations  à l’égard de GES ne sont nullement condamnées: le seul des 8 termes de la plainte de GES qui a été retenu comme diffamatoire  contre l’AFBV est celui qui concerne l’accusation de dépendance à l’égard de Greenpeace! Et donc aucune de  nos critiques sur les travaux de GES n’ont été retenues contre nous.

Michel Sourrouille : Cherchons le compromis, nous sommes tous écologistes. En effet, nous devons veiller collectivement à la bonne marche de notre maison commune, la Terre. Quel est le compromis qui pourrait nous rassembler autour de cet objectif de bonne gestion ? Il faudrait savoir déterminer ensemble les limites de la science appliquée, car toutes les techniques ne favorisent pas une société harmonieuse.

Par exemple la recherche OGM en milieu fermé peut ouvrir des perspectives. Tu avais reconnu que « rien n’a été fait en matière de risque de dissémination. Les industriels ne voulaient pas le faire, et la recherche publique n’y a pas vu d’intérêt suffisant » (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM p.96). Pourtant l’AFBV a demandé récemment aux pouvoirs publics de permettre l’expérimentation aux champs.

Alain Deshayes : Oui, bien sûr, et cela n’est en rien contradictoires avec la phrase que tu cites. A force de ne reprendre que « des fragments  de fragments » de mes déclarations, cela fini pas être tellement tronqué que cela n’a plus de sens. Pendant tout le temps où j’ai été responsable des biotechnologies à l’INRA, cela a été mon principal problème avec les journalistes.

Michel Sourrouille : Bien entendu le texte final de notre échange te sera soumis pour validation. Il n’empêche que l’AFBV développe diverses actions pour contribuer à faire accepter (toutes) les applications des biotechnologies végétales

Alain Deshayes : « Toutes », oui, bien sûr.

Michel Sourrouille :  L’AFBV est donc un lobby, il défend des intérêts particuliers. Quel compromis est-il possible avec les puissances financières ? Aucun, à l’heure actuelle. Mais la marginalisation de la recherche me semble un mouvement inéluctable. La recherche de pointe dans tous les domaines ne va plus avoir les moyens de ses ambitions : les endettements massifs des Etats vont automatiquement réduire les crédits.

Alain Deshayes : Voilà qui a le mérite d’être clair……et qui est bien éloigné d’un débat sur les risques liés à telle ou telle technologie. Ce que nous savions!  Mais autant le dire franchement : il s’agit bien d’une opposition aux sciences.

Michel Sourrouille : La science n’est plus une entité autonome, elle a besoin de laboratoires, d’ordinateurs, de chercheurs super-diplômés, d’un financement, elle est complètement dépendante du contexte social. Que la recherche soit financée par les grandes entreprises n’est pas un gage d’indépendance en soi, au contraire. Notre société devrait délibérer. L’industrialisation de l’agriculture est-elle un objectif durable ? La recherche permanente de la compétitivité internationale est-elle source de bonheur ? L’uniformisation des cultures agricoles permettra-t-elle d’éradiquer la famine ? L’uniformisation des cultures au sens sociologique permet-elle un monde meilleur ? Au cours de nos échanges, j’ai pu me poser toutes ces questions et je t’en remercie.

Alain Deshayes : Tes arguments sur le procès Séralini et ta position de fond sur la recherche montrent bien tous tes a priori idéologiques qui ne supportent aucun compromis. Ceci étant, je ne considère pas comme négatifs les échanges que nous avons eu.

 

Lilian Thuram, entre racisme et spécisme

« Nous avons été conditionné de génération en génération à des croyances sans fondements. » Bien vu. « Il y a beaucoup d’idées fausses et quotidiennes. » Exact. «  Il faut se mettre à distance pour mieux comprendre ce conditionnement, se décentrer.  » Admirable. «  On laisse croire aux femmes qu’elles sont inférieures. Le sexisme est le début de tous les préjugés, la matrice de tous les autres régimes d’inégalités. L’honnêteté est de s’avouer à soi-même ses propres préjugés, les dépasser en les comprenant. » Lilian Thuram* parle bien. Le racisme est infondé en nature. Cette avancée conceptuelle est un des rares acquis de l’Occident qui a enfin compris que le Noir n’était pas le chaînon manquant entre l’homme blanc et le singe. Mais Lilian Thuram serait-il capable d’aller jusqu’au bout de son raisonnement pour abandonner les croyances sans fondements.

Ne devons-nous pas renoncer à ce que Peter Singer appelle le «spécisme» (par analogie avec racisme et sexisme), c’est-à-dire à la préférence absolue accordée aux membres de notre propre espèce, et reconnaître que les autres êtres vivants ont des droits que ne respectent ni nos jeux du cirque ni nos pratiques alimentaires ? Toute réflexion sérieuse sur l’environnement a pour centre le problème de la valeur intrinsèque. Une chose à une valeur intrinsèque si elle est bonne ou désirable en soi, par contraste avec la valeur instrumentale qui caractérise toute chose considérée en tant que moyen pour une fin différente d’elle. Le bonheur a une valeur intrinsèque, l’argent n’a qu’une valeur instrumentale. Une éthique fondée sur les intérêts des créatures sensibles repose sur un terrain familier. Voyons ce qu’il en est pour une éthique qui s’étend au-delà des êtres sensibles. Pourquoi ne pas considérer l’épanouissement d’un arbre comme bon en lui-même, indépendamment de l’usage que peuvent en faire l’espèce humaine ? Entre abattre un arbre centenaire et détruire une vie humaine, n’y a-t-il pas une correspondance intime ?

La défense la plus célèbre d’une éthique étendant ses limites à tous les êtres vivants a été formulée par Albert Schweitzer : « La vraie philosophie doit avoir comme point de départ la conviction la plus immédiate de la conscience, à savoir Je suis une vie qui veut vivre, entouré de vie qui veut vivre. L’éthique consiste donc à me faire éprouver par moi-même la nécessité d’apporter le même respect de la vie à tout le vouloir-vivre qui m’entoure autant qu’au mien. C’est là le principe fondamental de la morale qui doit s’imposer nécessairement à la pensée. Un homme réellement moral n’arrache pas étourdiment des feuilles aux arbres ni des fleurs à leur tige, il fait attention à ne pas écraser inutilement des insectes et n’endommage pas les cristaux de glace qui miroitent au soleil. »

* LE MONDE du 29 novembre 2011 : Lilian Thuram, « le racisme, un conditionnement »

Questions d’éthique pratique de Peter Singer (1993, édition Bayard – 1997)

François Hollande et le peuple de barbares

Nous sommes tout à fait d’accord avec Jean François Mouhot*, il est tout à fait « plausible que les générations futures nous maudissent pour les dégâts irréparables que nous aurons causés à la planète. Sans aucun doute, diront-ils, c’était là un peuple de barbares ». Autrefois l’esclavage semblait tout à la fois normal et indispensable, aujourdhui les esclavagistes sont jugés à juste titre barbares. Aujourd’hui l’esclavage mécanique semble tout à la fois normal et indispensable, faire rouler une voiture, se chauffer confortablement, prendre l’avion… Demain ce mode de vie sera jugé à juste titre comme le fait de barbares qui ont saccagé les ressources non renouvelables (et même renouvelables) pour une frange de la population qui vivait à l’occidentale.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas être d’accord avec la transition énergétique de François Hollande** : beacoup trop mou face aux enjeux : « L’industrie nucléaire sera renforcée »… « Le CEA et Areva seront les fers de lance du renouvelable »… « Il faut préserver le pouvoir d’achat des Français »… Hollande n’est pourtant pas dupe, il sait que le prix de l’énergie va augmenter, mais l’après-pétrole reste totalement absent de son discours. C’est pourquoi il propose des mesures de protection des consommateurs en se gardant bien de préciser ce qui va différencier besoins essentiels et confort dans la facture énergétique. Les entreprises ne seront pas touchées par le coût de l’énergie pour « la préservation de leur compétitivité ». François Hollande veut aussi « ouvrir un grand débat sur l’énergie ». Rappelons que quand il était premier secrétaire du parti, l’énergie n’a jamais été soumis au débat alors que cela était prévu. Les promesses n’engagent pas celui qui les formule. La « sobriété énergétique » dont il parle reste un slogan !

En définitive, François Hollande ne veut fâcher personne, il prend les électeurs pour un peuple de barbares. Nous sommes loin d’une politique qui demande rigueur et efforts pour sauvegarder les générations futures et mettre un terme aux inégalités scandaleuses qui existent dans la consommation mondiale d’énergie. N’oublions pas que si tous les habitants de la Terre avaient une empreinte écolgique comme celle du Français moyen, il nous faudrait déjà plusieurs planètes… ce qui est impossible. Nous avons encore une mentalité d’esclavagistes ! François Hollande ne prépare par l’avenir, il nous maintient dans nos mentalités franco-françaises d’égoïstes. Mais bien entendu avec Sarkozy, ce serait pire… avec lui les barbares sont déjà là !

* Point de vue | LEMONDE.FR | 28.11.11 | Et nos enfants nous appelleront « barbares »

** LE MONDE du 29 novembre 2011, Réussir la transition énergétique

les péchés capitaux des citoyens ordinaires

Notre ami Alain Hervé l’écrit* : La luxure est devenue pornographie, la gourmandise gastronomie, la paresse un savoir-vivre, l’orgueil la réussite sociale, l’envie l’esprit de compétition, l’avarice la spéculation et la colère une saine agressivité. Non seulement nous célébrons les sept péchés capitaux, mais nous en avons inventé d’autres, symptômes du déréglement généralisé actuel :

  • la vitesse fait l’objet d’un véritable culte du record, faisant oublier les bénéfices de la lenteur ;
  • la surconsommation devient une règle absolue, jusqu’à l’obésité ;
  • le luxe reste obscène en ces temps de famine somalienne ;
  • le tourisme du « tout voir sans rien voir » remplace l’amour du voyage ;
  • la médiatisation des faits divers éclipse l’effondrement de notre civilisation ;
  • la productivité forcenée remplace l’art de l’artisan ;
  • la sécurité obsessionnelle mobilise un hélicoptère pour « sauver » une touriste qui s’est foulée la cheville.

    * L’Ecologiste n° 35, octobre-décembre 2011

Sarkozy-Chevènement, même discours, nucléariste

Nos politiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, possèdent des éléments de langage qui leur ont été inculqués depuis plus de quarante ans par le lobby nucléaire. Voici par exemple une comparaison des discours de Chevènement* et Sarkozy** :

Chevènement : Nous assistons au triomphe de « l’idéologie de la peur ».

Sarkozy : A plusieurs reprises, Sarkozy a répété le mot « idéologie » pour qualifier les positions de la gauche.

Chevènement : Les « forces de progrès » sont encore puissantes dans la gauche et dans le pays.

Sarkozy : Face au retour au Moyen-Age, le progrès… On ne va pas retourner à la bougie !

Chevènement : Le triomphe de « l’idéologie de la peur » sur notre continent contraste avec la confiance en eux des pays émergents tournés vers la science et la technologie, ne manquerait pas d’accélérer notre déclin.

Sarkozy :Devons-nous être le seul pays qui tourne le dos au progrès ?

Chevènement : Le Parti socialiste s’éloigne de ses racines.

Sarkozy : Ce choix, ce n’est pas moi qui l’ait fait, il fait l’objet d’un consensus qui réunissait la gauche et la droite quelle que soit la famille politique qui était au pouvoir.

Chevènement : Ce serait un tournant culturel grave pour la France.

Sarkozy : Le nucléaire est l’intérêt supérieur de la France.

Chevènement : Nous nous laissons imposer un choix contraire aux intérêts du pays…

Sarkozy : Notre parc nucléaire constitue une force économique et stratégique considérable pour la France.

Chevènement : les entreprises françaises, qui bénéficient d’une électricité 40 % moins chère que dans le reste de l’UE, perdraient cet avantage comparatif, ce qui aggraverait leur problème de compétitivité.

Sarkozy : Le chef de l’Etat s’est fait le défenseur du pouvoir d’achat avec une électricité deux fois moins chère selon lui qu’en Allemagne et ce, grâce au nucléaire.

Chevènement : Le coût du MW/h du parc nucléaire français est de 42 euros. Le coût de l’éolien terrestre s’élève à 90 euros/MWh, l’éolien marin est à 150 euros/MWh et le solaire photovoltaïque à 250 euros/MWh.

Sarkozy : Je souligne les limites de l’éolien et notamment de son coût ainsi que du photovoltaique « qui représente 5 à 10 fois le coût de production de l’énergie nucléaire ».

Chevènement : L’éolien et le solaire produisent trop peu. Une éolienne terrestre ne produit que 20 à 25 % du temps, une éolienne maritime 30 à 35 % et le solaire photovoltaïque en France 10 à 15 %.

Sarkozy : Les énergies renouvelables sont par nature, intermittentes… Et oui, la nuit, il n’y a pas de soleil.

* LE MONDE du 22.11.11 Nucléaire, non à l’énergie de le peur ! (le point de vue de Chevènement)

** LEMONDE.FR | 26.11.11 | Pour Nicolas Sarkozy, le nucléaire est « l’intérêt supérieur de la France »

Chevènement, des présidentielles pro-nucléaire

Jean-Pierre Chevènement nous présente un point essentiel de son programme pour 2012 :

« Sortir du nucléaire, c’est casser une infrastructure très rentable et la remplacer par une autre, plus polluante, émettrice de CO2. C’est vouloir une augmentation du prix de l’électricité. Le coût du MW/h du parc nucléaire français est de 42 euros seulement, le solaire photovoltaïque à 250 euros/MWh ! L’image d’un monde éclairé par la seule grâce du soleil et du vent que nous présentent les partis écologistes est un leurre, une erreur dramatique. L’éolien et le solaire sont non seulement chers, mais ils produisent trop peu : ce sont des énergies intermittentes, le vent s’arrête, la nuit tombe.

« Sortir du nucléaire serait obéir à la dictature de l’émotion. N’ayons pas peur, Fukushima n’a pas été « l’apocalypse » annoncée dans la panique des premiers jours, ni même un accident nucléaire très grave. L’industrie charbonnière fait 2 500 à 3 000 morts par an en moyenne, Fukushima deux seulement. Ne nous laissons pas imposer par les écolos un choix purement idéologique et contraire aux intérêts de notre beau pays. En octroyant un groupe parlementaire aux Khmers verts, le Parti socialiste s’éloigne de ses racines républicaines ainsi que des valeurs des Lumières héritées du rationalisme cartésien (croyance en la Raison, liberté de la recherche, volonté de progrès, etc.).

« Sortir du nucléaire serait un tournant culturel grave pour la France et pour l’Europe car le triomphe de cette « idéologie de la peur » sur notre continent contraste avec la confiance en eux des pays émergents tournés vers la science et la technologie. Ne succombons pas au mythe du déclinisme de la France, notre nation chérie. Continuons d’être fier de notre chant guerrier, la Marseillaise. Que tous les élèves du primaire reprennent en coeur nos fondamentaux. Soyons prêt, s’il arrive un Tchernobyl en France, à se sacrifier pour notre mère patrie. Construisons des centrales nucléaires, exportons nos EPR.

La sortie du nucléaire, c’est finalement le triomphe du dogmatisme, le triomphe de « l’idéologie de la peur » à la sauce Hans Jonas (« l’heuristique de la peur ») ou Ulrich Beck (« la société du risque »). Cette idéologie a déjà contaminé notre Constitution avec un « principe de précaution » qui n’a rien de scientifique. Car, sachons-le, la Constitution française est d’ordre scientifique ; avec moi, la politique et la science travailleront la main dans la main. Mon camarade François Hollande a succombé au chantage d’Europe Ecologie-Les Verts. C’est un mou, incapable de gouverner… Votez pour moi aux présidentielles, vive Areva, vive la France. »

NB : Pour consulter le texte intégral de Chevènement,

LE MONDE du 22 novembre 2011, Nucléaire : non à l’idéologie de la peur !

un spray nasal pour en finir avec la violence

Formidable, des scientifiques viennent de trouver la manière d’éradiquer toutes les violences. Il suffit d’augmenter notre GABA ou acide gamma aminobutyrique. La concentration de ce neurotransmetteur, une substance chimique permettant aux neurones de communiquer entre-eux, est proportionnelle à la façon dont nous pouvons contrôler nos impulsions ; les jeunes adultes qui possèdent une basse concentration en GABA font preuve d’une plus grande impulsivité.

Cette carence en GABA incite à l’indignation, à la révolte, à l’émeute. En Angleterre, la ministre de l’intérieur Thérésa May estime que le pillage des boutiques à Hackney aurait pu ne jamais avoir lieu grâce à un surplus de GABA, cette substance chimique miracle qui agit sur le cerveau. Un spray nasal, en préparation, pourra calmer les ivrognes et les excités. Le ministre français Claude Guéant s’est déclaré très intéressé par cette découverte scientifique et ses applications pratiques.

Le GABA, un produit chimique dont on n’a pas fini d’entendre parler…

Eva Joly sur la corde raide

Dans la vie politique française, pour exister, il faut paraît-il marcher sur deux jambes : un parti fort, et une présence remarquée à l’élection présidentielle.

C’est pourquoi, dans le système majoritaire français qui tend à la bipolarisaiton, les écolos se sont crus obligés à un partenariat avec les socialistes qui leur promettent des postes de députés. D’où une dépendance affirmée, on ne peut plus attaquer de front les socialistes. Eva Joly en sait dorénavant quelqeu chose. Les écologistes d’EELV ne peuvent donc crier victoire en croyant marcher sur deux jambes.

Le pacte de mandature est donc un sérieux handicap pour qu’Eva Joly puisse affirmer son autonomie aux présidentielles. Un participant à la dernière réunion des instances nationales évoquait même des « éléments de langage » qui avaient « manqué à la candidate Eva Joly » et lui seraient désormais systématiquement « distribués ». C’est du sarkozysme tout craché ! C’est une mise en liberté surveillée ! Un régime extraordinaire pour une ancienne juge de renom !

Mais la situation n’est pas encore perdue si Eva Joly se met dans la peau de René Dumont en 1974 ! Parler d’écologie, encore d’écologie, et toujours plus d’écologie. Pas seulement du nucléaire. Les électeurs écologistes veulent qu’on leur parle biodiversité et pollution, après-pétrole et réchauffement climatique, responsabilités individuelles pour changer de mode de vie et responsabilité du politique pour montrer l’exemple. Il n’y a pas de danger qu’Eva Joly se coupe ainsi de son parti, comme l’indique d’ailleurs l’expression « EELV » : il faut s’ocuper deux fois de l’urgence écologique plutôt qu’une… les postes de députés seront donnés par surcroît. Car la situation est favorable, le PS accepte encore de sous-traiter l’écologie !

l’écologie politique entre idéalisme et pragmatisme

Il est urgent que les écologistes se forgent un discours commun. Mais autant c’est facile quand on s’appuie sur l’écologie scientifique (le réchauffement climatique, le pic pétrolier, le stress hydrique, etc.), autant c’est ardu politiquement. La dernière controverse entre la candidate écologiste aux présidentielles françaises, Eva Joly, et le parti qu’elle représente, Europe Ecologie-Les Verts, en est un exemple navrant.

Eva Joly avait refusé d’afficher dès maintenant son soutien à François Hollande pour le second tour de la présidentielle, créant de fortes turbulences parmi ses amis. Yannick Jadot, son porte-parole, a annoncé illico qu’il démissionnait de ses fonctions. La candidate a rectifié aussitôt sa position en déclarant qu’elle appellera bien « à voter Hollande » s’il est au 2nd tour. La compromission politicienne fait mauvais ménage avec l’idéal politique. Eva Joly portait le projet écologiste d’EELV et ne voulait pas en dévier, sortie du nucléaire, abandon de Flamanville. Le parti EELV porte la nécessité de l’alliance avec les socialistes et a signé un contrat de mandature avec le PS au prix de sa virulence. Eva Joly avait alors répété dans les médias que l’accord PS/EELV ne la faisait pas rêver : « Je ne suis pas rentrée en politique pour accepter les mœurs de ce petit monde, mais pour les changer… La vérité, c’est que les amis de François Hollande se sont révélés archaïques face à la modernité de notre projet. Moi je défends une politique de civilisation. » Maintenant* l’état-major d’EELV se réunit en urgence : pour démissionner Joly ? Non. Son équipe de campagne sera présentée le 1er décembre, comme prévu. Les instances d’EELV ont tranché : « Nous avons un devoir de soutien à Eva sur la base des décisions prises depuis La Rochelle jusqu’au Conseil Fédéral du week-end dernier, et Eva a un devoir de respect de la parole du parti. » La nécessité de resserrer les rangs est évidemment réaffirmée autour de l’idée de « complémentarité »

Il n’empêche. D’un côté on se contente de vouloir battre Nicolas Sarkozy, de l’autre on nous dit qu’il faut produire autrement, vivre autrement. Qui a raison ? La réponse est simple, elle se trouvera dans l’urne. Il y a ceux qui voteront écolo au premier tour en voulant au deuxième que leur candidate soit encore présente. Les autres voteront Hollande au premier tour s’ils sont conséquents avec eux-mêmes. Mais le vote utile qui court après le court terme n’est pas un vote efficace… Eva Joly, je vous en supplie, faites preuve d’encore plus de virulence, parlez écolo, encore écolo, toujours écolo, surtout pas social-démocrate…

* LEMONDE.FR | 23.11.11 | 17h3, L’état-major d’EELV en réunion d’urgence

les décroissants pourfendent Pascal Bruckner, l’écolosceptique

Le mensuel « La Décroissance » donne quelques extraits critiques de notre blog biosphere * sur leur numéro de septembre. Constatons que leur numéro de novembre est bien meilleur que les précédents : ils attaquent ceux qui doivent être attaqués, et non les écolos, NH, Eva Joly, Cécile Duflot… Cette fois leur écotartuffe du mois est François Hollande, bien vu. Mais nous n’avons pas souvenir qu’ils aient déjà attaqués le premier des écotartuffes, Nicolas Sarkozy ! Reconnaissons aussi que les attaques groupés de Pascal Bruckner sont amplement justifiées :

« Bruckner incarne parfaitement irresponsabilité morale de ces sexagénaires post-soixante-huitards (p.2) …Si son livre** est insignifiant comme tout ce qui est outrancier, la place que lui accordent les médias est, comme dans le cas de Claude Allègre, le vrai et important sujet ; sa reconnaissance est la récompense pour ses qualités de chien de garde de la pensée unique, du productivisme et du capitalisme triomphant. Le système médiatique actuel est la première des catastrophes (p.5) … Pascal est professeur de philosophie à la Sorbonne. Il porte beau et aime les femmes… surtout les jeunes (p.12) … Prenons les discours écolophobes et anti-catastrophistes de Pascal Bruckner pour ce qu’ils sont : des symptômes d’une stratégie en cours visant à délégitimer les franges les plus radicales de l’écologie politique afin de faire passer la pilule d’un développement contrôlé par les grandes firmes. On dénonce « l’obscurantisme » des discours décroissants pour mieux préserver le statu quoi d’un monde toujours plus pollué, inégalitaire et injuste (p.13) … »

Rien à dire, le numéro de novembre du journal de la joie de vivre (mensuel La Décroissance) est une réussite !

* http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/09/10/la-decroissance-est-elle-ecolo/

** Le fanatisme de l’apocalypse. Sauver la Terre, punir l’homme.

 

éléphants blancs en Europe et Longue Catastrophe

Un éléphant blanc est une réalisation d’infrastructure plus coûteuse que bénéfique décidée « pour le prestige » par des politiques pour le plus grand profit d’investisseurs sans scrupules. Très connu en Afrique, le phénomène touche aussi l’Europe. LE MONDE* prend l’exemple des folies en Espagne : des dizaines d’aéroport inutiles ont été construits dans des capitales de province, des stades presque oubliés un peu partout, des musées disproportionnés. On a trouvé un facteur commun à tous ces projets pharaoniques, il y a toujours quelqu’un qui a osé dire : « Ceci est de la démesure pour nous ». Mais la majorité est restée muette, on faisait scintiller les milliers d’emplois créés et les millions d’euros engrangés. Dans les pays pauvres, on faisait croire au retard de développement et au mirage de l’usine clé en mai. Dans nos pays occidentaux, on nous joue en plus le chantage à l’emploi.

Ainsi en France, le socialiste J.Marc Ayrault reste un fervent partisan du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes à Nantes. Le groupe Auchan veut bétonner 80 hectares des meilleures terres agricoles à Gonesse (95) près de Roissy pour faire un centre commercial et de loisirs géant, Europa City. Et combien d’équipements somptuaires, coûteux et inutiles réalisés par les maires, les conseils généraux, les présidents de région pour en jeter plein la vue « au nom de l’emploi » et aux frais du contribuable.

Soyons réalistes. La construction d’une infrastructure fortement dépendante de l’énergie fossile – réseau routier, terrain d’aviation, étalement urbain, etc. – doit être immédiatement arrêtée. Il faut préparer l’après- énergies fossiles, la descente énergétique. Comme l’exprime James Howard Kunstler dans La fin du pétrole, le vrai défi du XXIe siècle : « L’ère de l’automobile que nous avons connue va prendre fin. Les superficies asphaltées sont une insulte écologique incalculable. L’infrastructure d’autoroutes qu’on imaginait permanente se révélera n’avoir duré qu’à peine cent ans. Les transports aériens deviendront une rareté ou la prérogative de petites élites toujours moins nombreuses. Les perturbations énergétiques de la Longue Catastrophe vont nous rappeler que le gratte-ciel était une construction expérimentale. La banlieue va perdre une valeur catastrophique. Il n’est pas inutile de répéter que la banlieue généralisée est le plus gigantesque dévoiement des ressources de l’histoire humaine. Les gens qui ont fait des mauvais choix en investissant l’essentiel de leurs économies dans de coûteuses maisons de banlieue vont avoir de sérieux ennuis… »

* LE MONDE du  20-21 novembre 2011, Des folies en Espagne

Yannick Noah, complice des dealers capitalistes

Yannick Noah estime que « la meilleure attitude à adopter est accepter le dopage »*. Nous pensons que pour en finir avec le dopage, il suffit de supprimer le sport-spectacle. Le sport d’élite n’est plus que pharmacopée ambulante pour spectateurs en manque d’efforts physiques personnels. Et la lutte contre le dopage est un éternel recommencement. Le directeur général de l’Agence mondiale antidopage (AMA), le Néo-Zélandais David Howman, vient d’ailleurs d’avertir les Etats : « Nous attrapons les dopés simplets (dopey dopers), nous n’attrapons pas les dopés sophistiqués. » Des chercheurs suisses, par manipulation génétique, viennent de rendre des souris marathoniennnes**, tout est possible. Et l’intégration des sportifs dotés de prothèse est déjà actée.

L’ancien vainqueur de Roland Garros (Yannnick Noah) ne se rend pas compte qu’il a été manipulé par le système compétitif du capitalisme concurrentiel. C’est en regardant un match de tennis que l’Américain Taylor eut l’idée de l’organisation scientifique du travail, l’économie des gestes et pour tout dire, la déshumanisation au travail. La logique du sport de compétition est bien éloignée du jeu ; il est né dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec le triomphe de la révolution industrielle. Tennis, foot, JO, Tour de France… reflètent le fondement du libéralisme économique : individualisme, apologie de la compétition, du rendement et du dépassement de soi, mythe de la croissance ininterrompue des performances. Le sport est bien entendu un empire économique, au service du marché. Le sport sert toujours la stratégie du pouvoir en place, il est du coté de l’ordre établi et de sa logique. Les politiques aiment le sport, Cohn-Bendit  célèbre le foot, Aubry soutient son club de foot et le ministre des sports Douillet a obtenu l’or olympique.

Si les sportifs de haut niveau comprenaient qu’ils sont victimes d’un système pervers, il n’y aurait ni dopage, ni même sport spectacle. Mais ils acceptent de traverser des souffrances physiques et psychologiques énormes parce que l’enfer est pavé de vanité.

* LE MONDE (Sport&Forme) du 19 novembre 2011, « La potion magique », par Yannick Noah.

** LE MONDE Science&techno du 19 novembre 2011, Des souris et des vers « marathoniens ».

acquis ou inné ? l’apprentissage de l’amour (maternel)

La spécificité du cerveau humain fait que l’acquis détermine notre comportement. Les gènes délimitent seulement la multiplication de nos neurones et c’est la confrontation avec l’environnement qui va donner sa densité à nos capacités cérébrales. A l’âge adulte, on estime qu’un cerveau humain contient 10 à 100 milliards de neurones, chacun établissant avec les autres environ 10 000 contacts synaptiques. A comparer avec les 20 000 à 25 000 gènes que contient notre ADN. Le programme génétique ne fixe pas notre destin, c’est notre plasticité cérébrale qui conditionne nos pensées et nos actes. Les gènes en permettant la prolifération de nos cellules cérébrales, desserrent l’étau des comportements innés auxquels sont si étroitement assujettis les autres animaux.

Entre l’inné et l’acquis, la neuroscientifique Angela Sirigu* ne tranche pas, son discours reste très ambigu : « Le rôle des gènes dans l’expression du comportement est aujourd’hui accepté (…) Certains comportements semblent contrôlés par l’action d’un gène unique (…) Exemple, la souris chez qui l’action du gène de l’ocytocine** (OXT) est supprimée, perd tout comportement maternel. Doit-on considérer ce résultat pertinent pour le comportement humain ? Je pense que oui (…) Mais établir de manière certaine des liens entre gènes et comportement reste difficile (…) L’environnement change l’expression des gènes (épigenèse)… » L’exemple de la souris est maladroit, il n’y a pas de comparaison possible entre les capacités cérébrales de cette espèce et la nôtre. La société humaine fait de l’amour maternel ce qu’elle veut. Précisons.

La procréation étant naturelle, on imagine qu’au phénomène biologique de la grossesse doit correspondre une attitude maternelle prédéterminée, instinctive. Sitôt l’agneau venu au monde, sa mère le lèche longuement et le débarrasse du liquide amniotique qui recouvre son pelage. Dans le même temps survient une modification de l’activité des neurones de son bulbe olfactif qui intensifie la mémorisation par son cerveau de l’odeur du petit. Moins de deux heures plus tard, quand il manifestera le désir de téter, la mère le laissera faire. Seul celui qu’elle aura léché – et donc flairé à la naissance – aura  droit à ce privilège. Mais n’importe quel autre nouveau-né ferait l’affaire, pour peu que son odeur soit première ; on pourrait ainsi  trouver une mère adoptive pour n’importe quel agneau. Même si le conditionnement génétique autorise les mères de substitution, la relation mère-agneau est bien inscrite dans le programme biologique de cette espèce animale. Tout comportement universel chez une espèce tend à prouver une détermination génétique. Mais la femme s’éloigne de la femelle, il n’y a pas d’odeur ou de gène qui guiderait son comportement.

Elisabeth Badinter montre que l’amour maternel ne va pas de soi, il est « en plus ». Un lieutenant de police constatait en 1780 que sur les 21 000 enfants qui naissaient annuellement à Paris, mille à peine sont nourris par leur mère, mille autres, des privilégiés, sont allaités par des nourrices à demeure ; tous les autres quittent le sein maternel pour le domicile plus ou moins lointain d’une nourrice mercenaire. Nombreux sont les enfants qui mourront sans avoir jamais connu le regard de leur mère et ceux qui reviendront quelques années plus tard sous le toit familial découvriront une étrangère dans celle qui leur a donné le jour. Cet exemple parmi d’autres contredit l’idée répandue d’un instinct propre également à la femelle et à la femme. Toutes les études faites montrent en effet qu’aucune conduite universelle et nécessaire de la mère ne peut être mis en évidence. Au contraire, on constate l’extrême variabilité des sentiments des mères selon leur culture, leurs ambitions, leurs frustrations.

Il n’y a pas de comportement humain inscrit par la nature, génétiquement programmé. C’est notre liberté, mais c’est aussi le lourd fardeau de notre responsabilité. Une mère peut tuer son nouveau-né, y compris avec délectation. Comme l’espèce humaine peut  éradiquer entièrement une autre ethnie ou une autre espèce animale, avec délectation… Arrêtons de gloser sur l’acquis et l’inné, améliorons notre apprentissage social pour mieux aimer son prochain et la biosphère !

* LE MONDE du 19 novembre 2011, Comportement humain : héritage ou apprentissage ?

biocides : la revanche du vivant

L’espèce humaine attaque le vivant, les autres formes de vie  se défendent. Deux articles du MONDE en témoignent. Non seulement les agents pathogènes résistent aux antibiotiques (tueurs de bactéries)*, mais les adventices (« mauvaises herbes ») résistent aussi aux  herbicides**. Dès 1962, Rachel Carson*** nous avait avertis à propos du DDT : « Vouloir “contrôler la nature” est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal (…) Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue (…) La démarche de pulvérisation (de DDT) semble nous entraîner dans une spirale sans fin. Les insectes, en effet, dans une splendide confirmation de la théorie darwinienne de la “survie du plus adapté”, ont évolué vers des super-races immunisées contre l’insecticide utilisé ; il faut donc toujours en trouver un nouveau, encore plus meurtrier. » Rachel Carson n’a pas été écoutée. Pourquoi ? Rachel Carson donnait déjà la bonne explication il y a cinquante ans :

« Les grandes sociétés de produits chimiques subventionnent abondamment les recherches sur les insecticides dans les universités ; il en résulte des bourses agréables pour les étudiants, et des postes intéressants dans les laboratoires. Personne, au contraire, ne fournit d’argent pour améliorer des méthodes biologiques qui n’offrent pas les fortunes promises par l’industrie chimique. Ceci explique pourquoi, contre toute attente, certains entomologistes se font les avocats des méthodes chimiques ; une rapide enquête permet en général de constater que la poursuite de leurs recherches dépend de la générosité des sociétés de produits chimiques. Nous ne pouvons espérer les voir mordre la main qui les nourrit. » Ce raisonnement vaut autant pour les entomologistes que pour les bioingénieurs qui défendent les OGM ou même les syndicats dans le nucléaire qui défendent leur réacteur dernière génération. Nous sommes victimes de l’impérialisme de la technoscience qui manipule depuis des années les travailleurs et les politiques. Le système actuel est un pari faustien, nous sommes gagnants à court terme, au prix d’une tragédie à long terme.

En 2010, les infections d’origine alimentaire ont touché 48 millions d’Américains, entraînant 128 hospitalisations et quelque 3000 décès. La grande herbe à poux s’est cuirassée à l’action du Roundup et environ 200 adventices ont développé ces dernières années des résistances  à toutes sorte d’herbicides. Concluons avec Rachel Carson, la pionnière de l’écologie scientifique et politique : « Nous voici maintenant à la croisée des chemins. Deux routes s’offrent à nous, mais elles ne sont pas également belles. Celle qui prolonge la voie que nous avons déjà trop longtemps suivie est facile, c’est une autoroute, où toutes les vitesses sont permises, mais qui mène droit au désastre. L’autre, le chemin le moins battu, nous offre notre unique chance d’atteindre une destination qui garantit la préservation de notre terre. »

* LE MONDE du 18 novembre 2011, Les animaux d’élevage malades des antibiotiques.

** LE MONDE du 18 novembre 2011, Les avantages lié aux végétaux tolérants aux herbicides ne sont pas pérennes.

*** Le Printemps silencieux de Rachel Carson (Wildproject, édition française 2009)

Sortir du MOX, sortir du nucléaire

Le Mox est un mélange d’oxydes, uranium et plutonium de récupération. Aujourd’hui, les réacteurs à eau sous pression produisent un plutonium qui peut être réutilisé une fois en combustible mixte (Mox). AREVA produit 95 % du MOX utilisé dans le monde. C’est François Mitterrand qui a autorisé la fabrication du Mox*. Au cours de ses deux septennats, on va inaugurer 38 réacteurs sur les 58 en fonctionnement aujourd’hui. Au fond de lui-même, Mitterrand assimile la technologie nucléaire au progrès. On ne connaissait même pas le nom du conseiller chargé de l’environnement durant les deux premières années de son règne. En France, les responsables politiques continuent d’affirmer que « la » solution à la lutte contre le changement climatique est le nucléaire ; ils nous entraînent en fait vers un cumul des risques. Les EPR sont conçus pour fonctionner largement avec du combustible Mox**. Or l’usage de ce combustible entraîne une série de risques, pollutions et difficultés de gestion particulièrement importants. Une fois brûlé, le plutonium encore contenu dans le Mox*** n’est plus techniquement réutilisable car sa composition chimique a changé.

Alors que la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, aucune mesure symétrique n’a été prise pour contrôler à la source la croissance du stock de déchets nucléaires et de matières potentiellement proliférantes comme le plutonium. L’hypothèse la plus probable est que les pouvoirs publics se contentent de regarder déraper les consommations et les émissions de gaz à effet de serre sans prendre les mesures nécessaires à la maîtrise des consommations, ni arriver à réaliser leur ambitieux programme nucléaire. En somme, on nous propose à la fois le nucléaire ET le changement climatique. Que fait le PS ?

Le bureau national du PS, après avoir validé le contrat de mandature avec EELV, a retiré le paragraphe sur le Mox (« reconversion à emploi constant de la filière de retraitement de la fabrication du MOX « ) à la hussarde. Le lobby nucléaire avait envoyé des textos en plein BN ! Mais les deux négociateurs, Michel Sapin (PS) et Jean-Vincent Placé (EELV), viennent de préciser que le Mox**** faisait bien partie de l’accord entre leurs deux formations… avec l’assurance de ne pas s’attaquer au retraitement et au combustible Mox d’ici 2017 en cas de victoire de la gauche ! La toute puissance d’Areva commence quand même à être remise en question. Ce n’est qu’un début, continuons le combat…

* 2007 Des cancres à l’Elysée (5 Présidents de la république face à la crise écologique) de Marc Ambroise-Rendu

** 2004 SO WATT ? (l’énergie, une affaire de citoyens) de Benjamin Dessus et Hélène Gassin

*** La Tribune.fr, 10 novembre 2010

**** LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 17.11.11 | 15h20 le PS et EELV trouvent un compromis sur la filière MOX

L’écologie, dans ou hors des partis de gouvernement ?

La ministre  de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a fait le pari de traiter l’urgence écolo à l’intérieur de l’UMP. Mais elle aurait pu aussi bien militer chez les Verts ou au Parti socialiste. Son arrière-grand-père, sénateur-maire SFIO de Boulogne-Billancourt, avait été, en 1932, l’auteur de la loi Morizet, la première loi écologique D’ailleurs le contenu de son livre (Tu viens ?) n’est pas partisan. Mais comme NKM est ministre de droite, elle défend son parti-pris dans LE MONDE* : « Je ne crois pas aux partis spécialisés… Le PS ne fait pas son travail sur l’écologie et sous-traite le problème… » Cécile Duflot, la secrétaire nationale d’EELV, défend son domaine trans-partis : « L’écologie, ce n’est pas une question de parti spécialisé, mais de projet politique d’ensemble. Cela a autant d’importance que la vision libérale ou la vision socio-démocrate… Ce ne sont pas ceux qui sont devenus des alibis à l’intérieur même de leur propre parti qui font progresser l’écologie… NKM est confrontée à un président qui dit que l’écologie, ça commence à bien faire… »

Il est vrai que l’histoire plaide en faveur de la droite. C’est bien la droite qui a créé en 1971 le premier ministère de l’environnement, qui a constitutionnalisé une Charte de l’environnement, qui a organisé le « Grenelle de l’environnement » en 2007. Par contre, aucun fait marquant en matière écologique ne découle des années de pouvoir de Mitterrand. Sur la période Jospin de 1997-2002, seul reste l’arrêt du surgénérateur de Creys-Malville. De source sûre, on peut même dire que la commission nationale environnement du PS est toujours restée une coquille vide, que le pôle écologique du PS n’a jamais eu la moindre influence interne et que François Hollande raisonne comme avant René Dumont (1974). Dans son livre, NKM était cinglante : « Il m’a semblé que le levier du mouvement était à droite, quand la gauche française me paraissait vouée à la répétition vaine de principes dont elle faisait, au mieux, une sorte de vêtement de l’inertie. L’invocation permanente de la justice sociale, du partage, tout cela n’habillait plus rien. »

Il est donc vrai que le PS a besoin actuellement d’un aiguillon extérieur : c’est EELV. Mais que ce soit clair, l’écologie politique porte un projet global qui « intègre la vie sur une planète aux ressources limitées » (Cécile Duflot*). Ce projet n’est porté ni par la droite, ni par la gauche.  Comme l’exprimait le Manifeste pour une société écologique lors de la création d’EELV le 13 novembre 2010 :

« L’écologie politique n’a pas vocation à devenir la branche supplémentaire d’un arbre déjà constitué, aussi vénérable fut-il, elle est à elle seule cet arbre, autonome, alternatif, un arbre qui entend faire forêt. La société écologique pose les fondements d’une organisation économique et sociale d’un autre type : à la démesure, les écologistes opposent la conscience des limites et la modération ; aux mécanismes marchands, à la course au profit et aux gaspillages, une régulation fondée sur la durabilité des écosystèmes et les besoins sociaux ; à la pulsion dominatrice sur la nature, la sanctuarisation du vivant et des équilibres naturels garantissant la diversité biologique ; au dogme de la croissance infinie, la décroissance des excès ; à la gloutonnerie en énergie et matières premières, la réparation, le recyclage, la réutilisation ; à la gabegie productiviste et avare en emplois, la reconversion et la relocalisation industrielle et agricole ; au libre échange planétaire, la proximité et les circuits courts ; au talon de fer de la concurrence, le commerce équitable et la mutualisation ; à la fuite en avant technologique et nucléaire, la sobriété énergétique, les énergies renouvelables et des solutions maîtrisables et décentralisées ; aux dérives de l’endettement aveugle, la prudence du recours au crédit ; au règne de l’argent et de l’accumulation, la redistribution et le partage ; à la standardisation, la diversité ; à la concurrence, la coopération ; à la compétitivité, l’accomplissement personnel… »

* LE MONDE du 16 novembre 2011 :  Ecologie, deux stratégies pour la transition politique

 

Accord sans programme entre EELV et PS

Le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts ont signé le 15 novembre  un « contrat de mandature ». Le régime semi-présidentiel de la France, avec des législatives qui poussent à la bi-polarisation, oblige EELV à une telle alliance. Comme l’exprime Cécile Duflot, « les écologistes dans notre système majoritaire pourraient faire 20 % dans toutes les circonscriptions sans avoir aucun élu ». Dont acte. Mais ce texte est un accord de majorité parlementaire, pas une liste d’engagements programmatiques.

C’est donc la politique des petits pas, il n’y a pas beaucoup d’éléments décisifs dans ce contrat. La Contribution climat-énergie (taxe carbone) avait déjà été acté depuis longtemps par le PS, la position de Hollande sur le nucléaire est maintenue (« part du nucléaire dans la production électrique de 75 % aujourd’hui à 50 % en 2025 »). Et ce contrat est aussi un accord sur le désaccord :

– Devenir en suspens du chantier de l’EPR de Flamanville et de l’aéroport de Notre Dames des Landes.

– Réforme du mode de scrutin aux législatives avec introduction d’une dose de proportionnelle au point mort. EELV a seulement obtenu l’équivalent d’une proportionnelle, entre 15  et 60 sièges à l’Assemblée nationale.

C’est une politique des petits pas d’autant plus que les lobbies sont à l’affût et savent détricoter un texte : l’accord, voté par 33 voix contre 5 par le bureau national du PS, évoquait « la reconversion à emplois constants de la filière de retraitement et de fabrication du Mox ». Pourtant, dans la version du texte distribuée à la presse, ce paragraphe a été coupé. « Ça chauffait avec Areva et EDF », confiait un proche de M. Hollande, pour qui la fin du Mox « signerait la fin d’Areva ». le MOX (pour « mélange d’oxydes ») est un combustible « recyclé », fabriqué par Areva à partir d’uranium ou de plutonium déjà consommé dans des centrales. Il est employé dans 20 centrales en France, et notamment pour le fameux réacteur à eau pressurisée (EPR) de Flamanville. Il est dénoncé par les écologistes, notamment parce qu’il est beaucoup plus radioactif que le combustible courant.

Les circonvolutions politiques oublient que l’enjeu écologique est potentiellement bien plus dramatique dans ses conséquences socio-économiques que la crise de la dette. Nous n’avons pas le temps d’attendre…