biosphere

pour une décroissance de la recherche scientifique

Les scientifiques sont-ils des extrémistes de la croissance infinie ? La recherche appliquée qui, en fournissant des innovations, est le moteur de la croissance économique est un cas trop facile. Je ne considérerais donc que la recherche fondamentale. Le fonctionnement  normal de la recherche scientifique consiste à accumuler de plus en plus de données. En termes crus, plus un chercheur pollue et épuise les ressources, meilleure peut être son évaluation, et plus important peut-être son financement pour amplifier ses actions destructrices.

Prenons mon domaine de recherche, la phylogénie des espèces. Depuis Darwin, on est passé des données morphologiques nécessitant tout au plus un microscope, à l’analyse des données génomiques : l’utilisation de mes 16 ordinateurs en 2007 a produit 19 tonnes de CO2, leur climatisation au moins 10 tonnes et ma participation à des conférences internationales 15 tonnes. Le récent collisionneur d’hadrons du CERN à Genève consomme autant d’électricité que 500 000 Genevois. Les scientifiques sont des fondamentalistes de la croissance : toujours plus de savoir, toujours plus d’activités de recherche, toujours plus de ressources. L’énorme préférence pour le développement technologique plutôt que pour l’utilisation rationnelle du savoir me semble être un des problèmes majeurs. On connaît déjà la solution à l’obésité, au diabète et aux maladies cardiovasculaires : un meilleur régime alimentaire et plus d’exercice physique. Mais au lieu de modifier les structures sociétales, on investit massivement dans la recherche moléculaire et pharmacologique pour trouver des solutions technologiques. N’est-il pas temps d’arrêter la recherche scientifique ?

On pourrait envisager d’arrêter les recherches les plus demandeuses en ressources ou les moins utiles, mais l’histoire des sciences montre clairement qu’il est impossible de savoir quelle recherche sera révolutionnaire. Je propose donc d’envisager une décroissance de la recherche scientifique couplée à l’élaboration d’une science de la décroissance. Il faudrait changer les critères d’évaluation : minimiser l’utilisation des ressources devrait être un critère primordial et l’innovation ne devrait plus être qu’un critère secondaire. Comme disait Gandhi : « La civilisation ne consiste pas à multiplier les besoins, mais à les limiter volontairement. Il faut un minimum de bien-être et de confort ; mais, passé cette limite, ce qui devrait nous aider devient source de gêne. » Il est impossible de remplacer civilisation par recherche scientifique dans cette citation. Le défi auquel devraient s’atteler les scientifiques est de résoudre ce conflit.

Hervé Philippe (Décroissance versus développement durable, écosociété 2011)

pour une décroissance de la recherche scientifique Lire la suite »

l’électricité ou la sagesse, il faut savoir choisir

Près de 20 % de la population mondiale ne bénéficient pas d’un accès à l’électricité. Est-il donc normal que 80 % des gens puissent faire tourner des centrales nucléaires ou thermiques, plus polluantes les unes que les autres ? C’est l’AIE (Agence internationale de l’énergie) qui prône l’« énergie pour tous » lors de la conférence organisée les 10 et 11 octobre à Oslo* ; il faudrait que toute la planète adopte le style de vie occidental, peu importe les conséquences. L’AIE attaque l’utilisation du bois pour faire la cuisine, mais ne dit presque rien des problématiques afférentes à la production des énergies « propres ». De toute façon l’accès de tous aux énergies « modernes » butera sur la problématique du financement : les riches ne partagent pas.

L’ONU tient pourtant le même discours que l’AIE et désigne 2012 comme « année internationale pour une énergie durable pour tous ». Son  secrétaire général, Ban Ki-moon, a vécu dans sa jeunesse coréenne en étudiant « à la lumière de la bougie ». Mozart écrivait aussi ses partitions à la lumière de la bougie… Est-ce un mal ? Le « retour à la bougie » ou l’accès à l’électricité ? N’y a-t-il pas un compromis à trouver entre vivre sans lumière artificielle et illuminer inutilement les nuits ? Voici deux textes à méditer :

– Guillaume Sarkozy, ex vice-président du Medef, avait dit un jour publiquement d’un ton vif : « Et demain, vous allez retourner à la bougie, sans votre téléphone portable ? ». Je répliquai : « Si ceux qui ont le plus de capacité et de richesse ne reprennent pas notre destin par rapport à la crise écologique, nous irons précisément à un état de chaos social qui ne sera peut-être pas celui de l’âge des cavernes, mais qui serra extrêmement négatif. Donc, s’il vous plaît, monsieur Sarkozy, employons des arguments sérieux, et ne nous envoyons pas des bougies et des blocs de pierre à la figure. »

source : Pour sauver la planète, sortez du capitalisme d’Hervé Kempf

Le jaïnisme prône le renoncement aux richesses matérielles. La simplicité des moyens garantit la richesse des fins. Cela signifie simplifier notre vie matérielle autant que notre vie intellectuelle.

Les jaïns n’utilisent ni bougie, ni lampe électrique. Nous faisons tout à la lumière du jour ; la nuit, nous chantons et nous méditons dans l’obscurité. Nous veillons à limiter aux maximum l’usage que nous faisons des ressources dont nous disposons. Si nous cessions tous d’acquérir, de posséder, de stocker et d’accumuler, il n’y aurait plus de pénuries.

source: Tu es donc je suis (une déclaration de dépendance) de Satish Kumar

* LE MONDE du 12 octobre, Le défi de l’accès universel à l’énergie

l’électricité ou la sagesse, il faut savoir choisir Lire la suite »

Aubry ou Hollande le 16 septembre, pour qui voter ?

Désormais, à chaque scrutin, les consignes de vote sont au centre des colonnes des journaux. LE MONDE du 10 octobre n’échappe pas à la règle. Ségolène Royal donnera « prochainement » sa consigne de vote pour le second tour de la primaire. François Hollande a écarté l’idée d’un report mécanique des voix d’Arnaud Montebourg, au second tour de la primaire, en faveur de Martine Aubry, ça l’arrange : « Les additions de score ne fonctionnent pas, les électeurs sont libres ». Cela n’empêche pas Manuel Valls d’appeller à voter Hollande. Aubry et Hollande se lancent donc dans la course aux ralliements pour le 16 octobre. Exception, Arnaud Montebourg, arrivé en troisième position avec 17 % des voix, ne va pas appeler ses électeurs à voter pour un candidat, car « ses électeurs ne lui appartiennent pas ». Mais il a le malheur d’ajouter qu’il pourrait se prononcer à titre personnel pour l’un des deux candidats !!

Cette ingérence des apparatchiks dans les consciences des électeurs s’est répandue au sein de tous les partis et dans les colonnes des médias sans que personne ne trouve à redire. Mais alors, à quoi servent les isoloirs ? A rien ! Dominique Strauss-Kahn, après avoir mis le 9 octobre son bulletin dans l’urne des primaires socialistes, confie à un journaliste :  «  Ce n’est un secret pour personne, j’ai voté pour Martine Aubry ». Le problème, c’est que les votes des apparatchiks ou leurs consignes de vote ont une certaine influence. La consigne de vote, inventée par le Parti communiste dans les années 20, est devenue une pathologie française. Au parti socialiste, on aime pratiquer cette forme de viol des consciences et la vie des fédérations est emplie de ces votes programmés par les personnalités du coin. A l’UMP, c’est pire : ils ont paraît-il un candidat « naturel » ; tous les pontes inféodés prétendent contre l’évidence qu’il n’y a pas d’alternative à Sarkozy. Donc il n’y a pas d’alternative !

Ce n’est pas ainsi que la démocratie doit fonctionner. Rien à cirer des consignes de vote. Ce procédé infantilisant consiste à indiquer aux électeurs quel est le vrai et bon candidat. Foutaises, le nom d’un éligible n’a jamais été un programme. Soyons plus précis. Le secret du vote est constitutionnalisé en France depuis 1795. Louis Napoléon Bonaparte tenta d’abolir cette mesure lors du plébiscite de 1851 : un régime autoritaire veut savoir pour qui nous voulons voter. C’est pourquoi l’isoloir est instauré en Australie en 1857. En France, il faut attendre 1913 pour que la loi du 29 juillet introduise l’enveloppe, l’isoloir et le dépôt dans l’urne par l’électeur lui-même. La consigne de vote, ou expression publique de son choix et appel à suivre, va à l’encontre du secret du vote et de la démocratie. Car nous ne devrions jamais voter pour une personne, même soutenue par beaucoup de personnalités, mais pour des idées. Quelles idées véhiculent Martine Aubry ou François Hollande, c’est de cela seulement que nous devrions parler dans le débat public

Le seul projet politique qui compte pour notre avenir, c’est celui qui pourrait faire face à l’urgence écologique : déplétion pétrolière, déperdition des sols arables, réchauffement climatique, extinction des espèces, etc. C’est là un problème national, européen et même mondial qui devrait mobiliser autant les instances internationales que modifier le comportement de chacun. Ni François Hollande, ni Martine Aubry ne sont porteurs de  cette vision, seule digne d’un(e) président(e) de la République au XXIe siècle.

Aubry ou Hollande le 16 septembre, pour qui voter ? Lire la suite »

un mort sans importance, Steve Jobs

Que reste-t-il de lady Diana ? Rien, sous le pont d’Alma continue de couler la Seine. Que reste-t-il de Michael Jackson ? Presque rien, son docteur est en procès très médiatisé. Que restera-t-il de Steve Jobs ? Absolument rien, il ne s’agissait que d’un commercial doué.

Pourtant le quotidien LE MONDE lui consacre plusieurs pages*. Pour nous, on ne fait pourtant que décrire un fanatique de la technique qui intoxique la jeunesse et détériore notre société. Que penser de Céline, 25 ans, qui possède iPad2, Macbook Pro, iPod touch, iPhone 4, Apple TV et attend avec impatience la sortie d’iPhone 4S. Céline et une technolâtre enrôlée par son gourou. Céline ne sait même pas expliquer son attachement aux produits Apple et ne sait que répéter bêtement : « Steve a changé ma vie, tout simplement. » Que penser de ces Applemaniaques qui font la queue pendant des heures pour acheter le produit dernière génération qui va bientôt aboutir à la poubelle : que Steve Jobs et ses fans n’ont aucune connaissance de la montagne de déchets qui nous produisons au détriment des générations futures. La devise de Steve Jobs, « soyez fous », doit être prise au pied de la lettre.

On dit que Steve Jobs a révolutionné le rapport à la musique, à la lecture, à l’information. Mais c’est pour dresser la population à être un pur consommateur qui ne sait pas faire de la musique par lui-même, qui ne sait plus lire de livres et qui ne peut même pas décrypter l’information, bien que suréquipé en joujoux informatiques. De toute façon Steve Jobs a provoqué l’obsolescence (la mort anticipée) de ses propres produits et un jour la concurrence fera en sorte qu’Apple ne soit plus qu’un lointain souvenir : un produit chasse l’autre, une marque est chassée par une autre, une poire remplace une pomme, la tablette Aakash n’est qu’à 35 dollars. Steve Jobs n’a jamais adhéré à l’esprit du logiciel libre, il voulait seulement conforter son monopole, aucune ouverture d’esprit de sa part, business as usual. Il s’agit toujours de la culture du bureau et de la chaise, sauf qu’on peut transporter le bureau et la chaise en marchant. Il s’agit avec Steve Jobs d’une réussite marketing qui nous fait prendre le moyen technique pour une fin, qui nous enferme en nous faisant croire que nous sommes libres… Il s’agit toujours d’une industrie culturelle qui fait du fric, pas une manière de promouvoir une société plus paisible et plus conviviale. Steve Jobs n’était qu’un commercial sans importance, plus néfaste qu’utile.

* LE MONDE du 8 octobre 2011 : La génération Macintosh pleure son gourou (p.2) ; Face à une concurrence décomplexée, l’après  Steve Jobs s’annonce périlleux (p. 13) ; L’esthète du numérique (p. 15) ; Steve Jobs, mon ami (p.15) ; l’iPhone, de l’entreprise à la  cour d’école (p. 20)

un mort sans importance, Steve Jobs Lire la suite »

la ville n’est pas l’avenir de l’homme

Des responsables politiques et économiques se sont mis d’accord* pour considérer la ville, malgré toutes ses contradictions et ses périls, comme l’avenir de l’homme. Avec 120 villes de plus d’un million d’habitants, la Chine est en première ligne. Yang Jiechi, le ministre des Affaires étrangères chinois déclare : « Les agglomérations sont d’importants relais de croissance pour dynamiser l’économie et élever le niveau de vie de l’ensemble de la société. » … « Une augmentation d’un pour cent de la population urbaine est synonyme de création d’emplois, de hausse de la consommation et de nombreux investissements ». Le magnat mexicain des télécoms Carlos Slim a précisé que la migration urbaine, avec les économies d’échelle qu’elle induit pour les infrastructures, est même la seule réponse à la croissance exponentielle de la population : « S’il n’y avait pas de grandes villes, la plupart des gens ne pourraient s’offrir le coût d’accès à nos services de télécommunications ». Comment en sommes-nous arrivés à nous constituer les prisonniers des Chinois et d’opérateurs téléphoniques ? La terre fertile d’une famille de cultivateurs exige davantage d’espace que l’ordinateur d’un trader boursier !

L’idée de la ville comme avenir de l’homme renvoie à celle des réserves d’Indiens, zoos humains conçus par des Blancs dont la règle fut l’exploitation des hommes et de la Nature. En 1800, 3 % de la population mondiale seulement habitait en ville contre 50 % aujourd’hui et 70 % dans 40 ans, avec la poursuite du développement tentaculaire de mégalopoles. La mégalopole, c’est un espace urbanisé polynucléaire formé de plusieurs agglomérations dont les banlieues et couronnes périurbaines s’étendent tellement qu’elles finissent par se rejoindre, et cela sur de longues distances. La mégalopole européenne est un complexe urbain étalé sur plus de 1 500 km et dont l’effectif est de plus de 70 millions d’habitants. Il s’étend ainsi depuis Londres jusqu’à Milan, traversant le Benelux et la Rhur. Cette dorsale métropolitaine médiane pour l’Europe a reçu le nom de « banane bleue » en raison de sa forme qui apparaît sur une image satellite. Si vous résidez dans cette « banane », vous avez tout de même droit à quelques bois aux allées policées ou à un petit jardin, ersatz d’une nature défunte et dont la valeur écosystémique est à peine supérieure à celle de pots de géraniums sur balcon ! Le surpeuplement de l’homme est un antagonisme à la biodiversité.

Il s’agit d’une ultra-urbanisation motivée par une fonction politique, et ce en opposition à une idée de cité bucolique. Mais les mégalopoles nous vont comme un gant. Grégaires tout en nous haïssant, nous aimons la fureur, la promiscuité, la consommation. Nous sommes en deuil de l’Arcadie, ce pays de discrets villages qui, dans la poésie bucolique hellénique, illustrait le pays du bonheur, le pays idéal.

condensé d’un texte de Michel Tarrier, Les mégalopoles, futures réserves de Terriens !

* Conférence annuelle de la Fondation Bill Clinton à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, le 22 septembre 2011

la ville n’est pas l’avenir de l’homme Lire la suite »

nuit gravement à la santé… la télé

La télévision est utilisée de manière immodérée. Et ceci en deux sens. Non seulement elle commence beaucoup trop tôt, mais elle occupe trop de temps, écartant la possibilité d’autres activités plus gratifiantes. Passer trois à quatre heures devant la télé chaque jour est une chose absurde. Or, c’est devenu la norme aux Etats-Unis. Dans les trois premières années de l’enfance, la cervelle se forme, mais aussi la personnalité. C’est une tragédie de voir des enfants qui passent jusqu’à la moitié de leurs heures de veille devant une télévision : capacités nettement inférieures en lecture et en mathématiques lors de leur entrée à l’école primaire, entrave sérieuse du développement du langage… En moyenne, chaque heure quotidienne que les enfants de moins de 3 ans passent à regarder la télévision commerciale correspond à un doublement du risque de voir survenir des problèmes d’attention cinq ans plus tard. Seulement neuf minutes d’un dessin animé comme Bob l’Eponge, suffisent, par comparaison avec le jeu libre, à nettement dégrader l’executive function chez des enfants de 4 ans : capacité de maintenir son attention sur une tâche, de planifier stratégiquement ses actions en vue d’un objectif.

L’obésité est une des conséquences les plus dommageables de la télévision commerciale sur le long terme. La télé commerciale conduit à des esprits mous dans des corps flasques. Une des raisons est l’effet de la publicité pour les produits obésigènes qui font fureur. Et beaucoup de scène de violence à la télévision conduit quasi directement à un comportement agressif. Ceux qui regardent régulièrement la télévision violente son désensibilisés aux effets de la violence et tendent à penser le monde en termes de violence et de danger.

J’ai moi-même deux fils, de 7 et 9 ans, qui on le droit de regarder une heure de télévision seulement le samedi et le dimanche. Un de leurs programmes favoris, c’est Planet Earth, de la BBC. L’Académie américaine de pédiatrie préconise l’absence de télévision avant l’âge de deux ans, et pas plus de deux heures de télévision « de haute qualité » après cet âge.

Frederick Zimmerman (non publié sur LE MONDE du 8 octobre 2011, supplément Science & Techno, « La télévision nuit gravement à la santé », mais sur lemonde.fr)

La connaissance de ce dossier peut être complété utilement par la lecture du livre TV lobotomie de Michel Desmurget…

nuit gravement à la santé… la télé Lire la suite »

une civilisation étouffée par ses déchets

En 2015, un département français sur deux pourrait être obligé d’exporter ses déchets ménagers dans un autre département. Les distance parcoures sont à l’origine de coûts environnementaux substantiels. (LE MONDE du 6 octobre 2011). Voici quelques extraits de textes qui montrent que la problématique des déchets n’est pas nouvelle, pourtant nous avons fait comme si nous ne savions pas.

1940 Testament agricole (pour une agriculture naturelle) de Sir Albert Howard

La population humaine, concentrée principalement dans les villes, est entretenue presque exclusivement par la terre. Il en résulte qu’une grande quantité des déchets agricoles est concentrée dans les villes, loin des champs qui les produisent. La plupart des déchets municipaux sont enterrés ou bien brûlés dans des incinérateurs. Pratiquement, aucun déchet ne revient à la terre. Il faut donc considérer les villes comme des parasites de l’agriculture. Ce sont les paysans qui mettent tous leurs soins pour le retour à la terre de tous les déchets se rapprochent le plus de l’idéal de la nature.

1972 La dernière chance de la terre (hors série du Nouvel observateur)

Robert Poujade, ministre de l’Environnement et de la Nature

Q : Le développement des centrales nucléaires accroît la production de déchets radioactifs. Le problème de leur stockage n’est pas résolu…

R.P. – Je ne le crois pas, en effet. C’est une impression personnelle, je m’empresse de le dire. Le problème est difficile. Je n’entrerais pas dans le détail des techniques de stockage des déchets. Y en a-t-il une qui soit souveraine ? Je n’en suis pas sûr.

Q : Le directeur de la Commission de l’Energie atomique américaine a conclu que la seule solution était de lancer les déchets dans l’espace.

R.P. – C’est une solution d’une technologie tellement avancée que je ne me sens pas qualifié pour vous répondre !

1975 Le macroscope, vers une vision globale de Joël de ROSNAY

Avec l’accélération de la consommation d’énergie, l’action de l’homme sur la nature prend des proportions alarmantes. Contrecoup de cette action : les trois grandes crises énergétiques que traverse notre civilisation industrielle, la crise des matières premières, la crise alimentaire et la crise de l’environnement. La quantité totale des déchets résultant du métabolisme de l’organisme social atteint aujourd’hui des ordres de grandeur tout à fait voisins des quantités totales d’éléments recyclés par l’écosystème.

1979 La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN

La théorie économique dominante considère les activités humaines uniquement comme un circuit économique d’échange entre la production et la consommation. Pourtant il y a une continuelle interaction entre ce processus et l’environnement matériel. Selon le premier principe de la thermodynamique, les humains ne peuvent ni créer ni détruire de la matière ou de l’énergie, ils ne peuvent que les transformer ; selon l’entropie, deuxième principe de la thermodynamique, les ressources naturelles qui rentrent dans le circuit avec une valeur d’utilité pour les humains en ressort sous forme de déchets sans valeur.

on ne peut produire de façon meilleure ou plus grande qu’en produisant des déchets de manière plus forte et plus grande. Il n’y a pas plus de recyclage gratuit qu’il n’y a d’industrie sans déchets.

Les vraies catastrophes ne sont connues qu’à la longue ; quand les dégâts sont irrémédiables. Il en est peut-être ainsi du pétrole et des innombrables déchets qui s’accumulent. Le catastrophisme a raison d’annoncer l’apocalypse pour demain, mais ce demain n’est pas celui du sensationnel journalistique, c’est celui de l’histoire  cumulant en silence pollutions et restrictions de liberté. Il ne s’agit pas de faire mieux, il s’agit d’abord de rompre.

1991 Philosophie de la crise écologique de Vittorio Hösle

L’universalisation du niveau de vie occidental est un processus qui ruinerait écologiquement la Terre. De ce constat suit, en vertu de l’impératif catégorique, un principe simple selon lequel le niveau de vie occidental n’est pas moral. Si tous les habitants de cette planète gaspillaient autant d’énergie, produisaient autant de déchets, rejetaient autant de produits toxiques dans l’atmosphère que les populations des pays riches, les catastrophes naturelles vers lesquelles nous nous dirigeons auraient déjà eu lieu.

1995 La révolte luddite, briseurs de machine à l’ère de l’industrialisation de Sale Kirkpatrick

La technosphère induit à  chaque étape de ses activités quotidiennes (extraction, transport, manufacture, marketing, usage, déchets…) des nuisances à l’environnement que la biosphère supporte entièrement. L’énergie photosynthétique, indispensable à la vie sur terre, est déjà consommée à un taux de 40 % par une seule espèce, homo sapiens ; toutes les autres espèces doivent se partager le reste. L’extension toujours plus rapide de la technosphère semble inexorable, comme si aucune forme d’opposition ou d’avertissement moral ne pouvait l’enrayer, comme si elle était littéralement incapable de comprendre que la planète ne peux absorber davantage ses déchets, et que la destruction des écosystèmes ne saurait perdurer sans entraîner des conséquences dramatiques.

1996 Notre empreinte écologique de Mathis WACKERNAGEL et William REES

Si nous additionnons les besoins en sol de toutes les catégories de consommation d’énergie, de matière et d’élimination des déchets d’une population donnée, la superficie totale représente l’empreinte écologique de cette population sur la Terre, que cette superficie coïncide ou non avec la région où vit cette population. Bref, l’empreinte écologique mesure la superficie nécessaire par personne plutôt que la population par unité de superficie. Plus formellement, on peut définir l’empreinte écologique d’une population ou d’une économie spécifique comme étant la superficie de sol (et d’eau) écologiquement productif de différentes sortes (sol agraire, pâturage, forêts…) qui serait nécessaire avec la technologie courante

a) pour fournir toutes les ressources d’énergie et de matière consommée et

b) pour absorber tous les déchets déversés par cette population.

Les optimistes parmi nous vont accueilli la crise qui s’annonce comme la dernière chance de l’humanité à devenir vraiment civilisée et  » chez elle  » sur la planète Terre. Il est certain que la reconnaissance du rôle supra-économique du capital naturel est en tout cas la première étape vers la sagesse écologique : pas d’écosphère, pas d’économie, pas de société (ou pour ceux qui ne pensent qu’aux affaires : pas de planète, pas de profits). L’autre possibilité, c’est que nous maintenions le cap actuel jusqu’à ce que le déclin accéléré empêche une réaction raisonnée, efficace et mondialement coordonnée.

une civilisation étouffée par ses déchets Lire la suite »

Moi, matricule 2.68.09.40…, victime des robots

J’ai une tout petite voiture, mais elle a son robot embarqué ! « Bip bip bip », me dit le robot qui m’incite à boucler ma ceinture. « BIP BIP BIP », se fâche le robot qui hausse la voix, je n’ai pas obéi à temps. Je m’énerve, je cherche à nouer ma ceinture, mon attention se relâche : Paf ! C’est l’accident. Nous sommes entourés de robots. Au téléphone, une voix désincarné me dit : « Faites le 1 ou le 2 ou le 99 ». Je veux couper ma ligne, il me faut répéter « supprimer ». Je répète, le robot ne comprend pas, je m’énerve, Paf ! Nous sommes entourés de robots. Il y a même des robots traders : plus de 200 ordres passés à la seconde*. La classe. L’ampleur et la rapidité des mouvements de fond défient la possibilité humaine, les marchés sont hors contrôle : environ 70 % des volumes échangés en Bourse aux Etats-Unis sont l’œuvre d’automates. Une machine déclenche l’action d’une autre machine qui déclenche. Paf ! Un krach boursier. Où est passée la responsabilité humaine quand règnent les robots ?

Un vieux bouquin de 1960 nous avertissait déjà : la technique sera l’enjeu du siècle. La machine a créé un milieu inhumain, concentration des grandes villes, manque d’espace, usines déshumanisées, travail des femmes, éloignement de la nature. La vie n’a plus de sens. Il est vain de déblatérer contre le capitalisme : ce n’est pas lui qui  crée ce monde, c’est la machine. La technique va encore plus loin, elle construit le monde indispensable à la machine. Mais lorsque la technique entre dans tous les domaines et dans l’homme lui-même qui devient pour elle un objet, la technique cesse d’être elle-même l’objet pour l’homme, elle n’est plus posée en face de l’homme, mais s’intègre en lui et progressivement l’absorbe. En réalité la technique s’engendre elle-même ; lorsqu’une forme technique nouvelle apparaît, elle en conditionne plusieurs autres, la technique est devenue autonome. Il faut toujours l’homme, mais n’importe qui fera l’affaire pourvu qu’il soit dressé à ce jeu ! La technique est sacrée, sans elle l’homme moderne se retrouverait pauvre, seul et nu, cessant d’être l’archange qu’un quelconque moteur lui permettait d’être à  bon marché. Le milieu dans lequel vit l’homme n’est plus son milieu. L’homme est fait pour six kilomètres à l’heure et il en fait mille. Il est fait pour manger quand il a faim et dormir quand il a sommeil, et il obéit à l’horloge et au chronomètre. Il est fait pour le contact avec les choses vivantes, et il vit dans un monde de métal et de béton.

Jacques Ellul avait raison, et nous en sommes là, cobaye de la machine, esclave de la technique. Il faudrait en revenir au véritable but de la science qui n’est pas l’application technique, mais la contemplation.

* LE MONDE du 5 octobre 2011, la volatilité des marchés reste forte, les robots traders sont pointés du doigt.

 

Moi, matricule 2.68.09.40…, victime des robots Lire la suite »

crime écologique, crimes verts, écocide

Pour installer la petite bulle de justice et de prospérité qu’elle propose comme modèle à l’humanité, la démocratie moderne risque de commettre la faute la plus grave jamais perpétrée par une société, un crime différé et silencieux, le crime contre la Biosphère. Et de ce fait, elle sera peut-être maudite par les générations futures comme un âge noir de l’humanité*. Le crime d’écocide, équivalent écologique du génocide, n’existe pas encore dans la loi internationale, mais cela ne saurait tarder. Voici quelques points historiques :

–          L’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’animal (Unesco, 15 octobre 1978) indique : « Tout acte compromettant la survie d’une espèce sauvage, et toute décision conduisant à un tel acte constituent un génocide, c’est à dire un crime contre l’espèce. Le massacre des animaux sauvages, la pollution et la destruction des biotopes sont des génocides. »

–          La notion de « crime de terrorisme écologique » (article 421-2 du Code pénal français, loi du 22 juillet 1996) se définit comme l’introduction « dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, d’une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ».

–          Selon l’article 4 de la charte de l’environnement adossée à la constitution française (28 février 2005), « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ».

–          La Commission européenne souhaite pénaliser les infractions graves en matière d’environnement. C’est un projet de directive rendu public le 8 février 2007 qui prescrit des peines de prison jusqu’à dix ans et des amendes jusqu’à 1,5 millions d’euros en cas de « crimes verts ». Neuf types d’infractions sont définis par ce texte. Seraient passibles d’une peine de cinq à dix ans de prison les infractions commises intentionnellement telles que « le rejet, l’émission ou l’introduction d’une quantité de substances ou de radiations ionisantes », ou « de substantiels dommages à la qualité de l’air, du sol, de l’eau, aux animaux et aux plantes ».

–          Le 23 juin 2008, le climatologue James Hansen témoigne devant le Congrès des Etats-Unis. Il dénonce les responsables du réchauffement climatique : « Des sociétés ayant leurs intérêts dans les combustibles fossiles ont propagé le doute sur le réchauffement, de la même manière que les cigarettiers avaient cherché à discréditer le lien entre la consommation de tabac et le cancer. Les PDG de ces sociétés savent ce qu’ils font, ces dirigeants devraient être poursuivis pour crime contre l’humanité et la nature ».

–          Les Etats-Unis avaient placardé en 2009 sur le Net la liste des criminels de l’écologie**.

–          En avril 2010, l’avocate Polly Higgins a déposé officiellement le concept d’écocide auprès de la commission des lois des Nations unies. Son idée : en faire le cinquième crime international contre la paix, qui comprend déjà le génocide, le crime contre l’humanité, le crime d’agression et le crime de guerre. définition de l’écocide : « des dommages extensifs ou la destruction d’un écosystème d’un territoire donné »  ***.

L’espèce homo sapiens est ainsi faite qu’elle ne reconnaît pas les limites de la planète et se permet de faire n’importe quoi. Il y a cinquante ans à Nuremberg on a jugé les crimes contre l’humanité, un jour dans le futur on jugera les crimes contre la Biosphère. CRIME ECOLOGIQUE, c’est la bonne formule : détruire les conditions de la vie sur Terre devrait entraîner une sanction… sauf que beaucoup de monde se trouvera sur le banc des accusés.

* extraits de La politique de l’oxymore de Bertrand Méheust

** LE MONDE  du 5 août 2009

*** LE MONDE du 4 octobre 2011, Accusé du crime d' »écocide », levez-vous !

crime écologique, crimes verts, écocide Lire la suite »

Avec Lancia, abandonnez le superflu, ne gardez que l’essentiel

Abandonnez le superflu, ne gardez que l’essentiel. » Message admirable qui passait à la télé. Mais il s’agit d’une pub pour la nouvelle Lancia Ypsilon qui poursuit : « redécouvrez l’élégance et laissez-la s’exprimer : l’élégance est un droit. » Il paraît donc que dans ces temps de crise, on a besoin d’une Lancia : « élégance à fort tempérament, feux arrière à LED, phares au xénon, système Magic Parking, Blue&Me Tom Tom Live… à bord l’équipement luxueux… côté motorisation, le tout nouveau bicylindre développant 85 chevaux… 17 colories dont 4 bicolores… 3 types de jantes en alliage… » Vraiment, Lancia aurait-il abandonné le superflu pour ne garder que l’essentiel ? En fait Lancia se fout de notre gueule, sa publicité devrait être interdite pour mensonge et bourrage de crâne éhonté.

Abandonner le superflu pour ne garder que l’essentiel ne se trouve pas du côté des margoulins d’automobiles, mais dans le silence des monastères*. Ils sont infirmier, retraité ou mère de famille… Lors de retraites au monastère, ils ont retrouvé le sens du présent, du silence, le goût de la simplicité. Écoute, simplicité, fidélité… le chemin des moines peut être parcouru par tous, croyants ou non. Se recentrer sur ce qui est important, ne pas se disperser, vivre chaque minute, nourrit la relation à soi-même, aux autres et à Dieu… La pauvreté pour les moines n’est pas nécessairement un état de misère matérielle. Elle manifeste la volonté d’aller à l’essentiel en abandonnant le superflu et en évitant de gaspiller.

Abandonner le superflu pour ne garder que l’essentiel se trouve du côté de la simplicité volontaire et bientôt de l’austérité obligée quand on s’apercevra que les réserves de pétrole ont une fin et que les publicitaires nous ont trompé et fait vivre un rêve sans lendemain…

* http://www.lavie.fr/hebdo/2011/3438/a-l-ecole-des-moines-pour-aller-a-l-essentiel-18-07-2011-18530_240.php

 

Avec Lancia, abandonnez le superflu, ne gardez que l’essentiel Lire la suite »

fauchage des OGM, obscurantisme ou démocratie ?

Le jugement des faucheurs volontaires d’OGM est mis en délibéré à Colmar *. Acte anti-démocratique ? Acte de désobéissance civile ? Obscurantisme ? Condamnation d’une recherche devenue folle ? Voici quelques précisions pour étayer notre opinion :

Jusqu’en 1990, aucune association, aucune personnalité politique, n’entreprend en France de mettre la question des biotechnologies. La France devint terre d’élection des essais d’OGM. Le rapporteur de la loi de juillet 1992, Daniel Chevallier, introduit un amendement exigeant une procédure d’information préalable du public avant autorisation d’un essai en plein champ. Cette proposition se heurte au refus du ministère de la Recherche qui estime qu’il ne faut pas « céder aux sirènes d’une pseudo-démocratie qui consiste à faire participer à la discussion sur les dangers potentiels d’une manipulation génétique des représentants d’associations qui n’auraient pas la capacité d’appréhender la nature même de cette manipulation. » Voté en première lecture avec l’amendement, la loi est votée en seconde lecture sans information du public à cause de l’action d’Axel Kahn, du lobbying des chercheurs en biologie moléculaire et des entreprises privées. Antoine Waechter, alors porte-parole des Verts, estime même que « beaucoup de manipulations génétiques sont inoffensives ». La première conférence de citoyens sur les OGM est cependant organisée en juin 1998. Son avis final juge « indispensable de développer la recherche liée au risque écologique avant de développer la diffusion des OGM ».

C’est en 1999 que la situation bascule. Alors qu’en 1998 étaient en place 1100 essais OGM, cinq ans plus tard on n’en comptait plus que 48, dont plus de la moitié furent détruits. En 2008, les 9 essais que les semenciers s’étaient risqués à mettre en place furent tous détruits. A la différence des autres pays d’Europe, la destruction s’est faite en France en groupe et à visage découvert, sur un mode d’action inspiré du répertoire gandhien de désobéissance civile. Le Parti socialiste finit en mai 2004 (non sans tensions internes) par se déclarer « contre les essais transgénique menés en plein champ, compte tenu des incertitudes et des risques de dommages irréversibles pour l’homme et pour l’environnement ».

Le débat OGM passe d’un cadrage-risques, qui impliquait une prééminence de la parole des experts scientifiques, vers un cadrage socio-économique. L’avenir des paysanneries du Nord et du Sud, l’existence du droit des peuples à choisir leur alimentation, les dangers de l’appropriation du vivant (brevets) par quelques firmes globales guidées par la quête du profit, la concentration du secteur semencier… tous ces arguments sont mis en avant. Le paysan accède à une parole plus légitime que celle des scientifiques. On comptait près de 8000 « faucheurs volontaires » en 2007. Les médias et l’opinion réagissent positivement à ces actions de destruction. L’action non-violente reçoit un bon accueil car elle respecte les personnes. Si elle s’attaque aux biens d’autrui, ce n’est que parce que son usage est devenu un danger public. La désobéissance civile est la respiration de la démocratie…

Source : Les luddites en France (Editions L’Echappée, 2010)

* LE MONDE du 2-3 octobre 2011, Les « faucheurs » de Colmar risquent la prison avec sursis

fauchage des OGM, obscurantisme ou démocratie ? Lire la suite »

faut-il voter aux primaires socialistes ?

Si vous avez une sensibilité écolo, faut-il ou non participer aux primaires socialistes ? Constatons d’abord que nous sommes dans une optique de concurrence, certainement pas de coopération. Quelques rares responsables du PS, par exemple au sein de son pôle écologique, oeuvrent pour que l’écologie ne soit plus sous-traitée aux Verts, pour que le PS prenne en compte directement l’écologie : exit la synergie entre partis. De toute façon le courant écolo au sein du PS est aujourd’hui moribond, après avoir fait seulement 1,58 % des voix au dernier congrès : le PS ne peut pas être un parti écologisé dans l’état actuel de la mentalité de ses militants. D’autant plus qu’une analyse comparative d’Aubry, Hollande, Montebourg, Royal et Valls montre qu’aucun de ces candidats à la présidentielle ne porte les valeurs de l’écologie politique. Au PS, personne ne milite aujourd’hui pour un rapprochement avec EELV, type « Union de la gauche ». Nous avons seulement la promesse d’un « contrat » qui se résumera à des négociations occultes pour octroyer quelques sièges aux législatives (comme cela a été fait pour le sénat). On ne peut pas bâtir un programme commun de gouvernement entre les deux tours de la présidentielle !

Plus fondamentalement, quand vous avez participé aux primaires écologistes qui ont désigné Eva Joly, vous vous engagez logiquement à soutenir cette candidate dès le premier tour. Réciproquement, quand vous participez aux primaires socialistes, vous ne vous engagez pas simplement en faveur des valeurs de « la gauche », mais pour un prétendant socialo-socialiste à la présidentielle. Si les écolos ne sont pas clairs dans leur soutien à la candidate de l’écologie politique, comment voudriez-vous que d’autres sensibilités écologistes les rejoignent. L’écologie politique, en présentant sans cesse depuis 1974 un candidat à la présidentielle, ne veut pas faire de la figuration : l’écologie politique veut vraiment aller au second tour pour que la société française devienne une société écologisée. C’est son objectif, c’est sa tâche historique.

Enfin, dans le détail des procédures de la primaire socialiste, rien n’est fait pour que les écologistes se sentent concernés :

–          Tous les citoyens inscrits sur les listes électorales peuvent participer au scrutin. Mais les primaires « citoyennes » ne sont en fait que des primaires « socialistes » pour désigner un ou une socialiste comme président(e) de la république. C’est un scrutin en apparence ouvert à tous, mais en réalité fermé. Si une primaire citoyenne avait concerné tout le peuple de gauche, on aurait pu y voter aussi bien pour le PS, le PCF ou EELV. Le partage des postes de députés aurait été tranché à la proportionnelle par les électeurs. Un programme commun aurait pu être établi avant mai 2012. Mais le PS n’a pas choisi l’Union de la gauche pour cette primaire, il a choisi le repli sectaire, misant sur « le vote utile » en sa faveur.

–  Le jour du vote aux primaires « citoyennes », les votants devront, avant de prendre leurs bulletins de vote signer un engagement de reconnaissance dans les valeurs de la gauche : « Je me reconnais dans les valeurs de la Gauche et de la République, dans le projet d’une société de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et de progrès solidaire. » Mais ce ne sont pas les valeurs « de la gauche », ce sont les valeurs de la République française, à savoir liberté, égalité, fraternité…que tous les citoyens se doivent de défendre : même un membre de l’UMP pourrait signer un tel engagement. De toute façon l’écologie politique transcende les notions de gauche et de droite, elle ne fait pas de distinction entre les citoyens, tout le monde est concerné pour gérer au mieux notre maison commune la Terre…

faut-il voter aux primaires socialistes ? Lire la suite »

5/5) Arnaud Montebourg, un Jaurès de l’écologie qui se limite à la démondialisation

Arnaud Montebourg pourrait être le Jaurès de l’écologie ! Sa contribution en 2005 au Congrès socialiste du Mans était remarquable : « La conjonction de l’explosion démographique et de l’épuisement prévisible des ressources de combustible fossile entraîne un choc énergétique qui met directement en cause le mode de développement industriel et son corollaire, la délocalisation systématique des facteurs de production. L’approvisionnement en pétrole de l’économie mondiale est menacé à moyen terme par l’entrée de la production de pétrole en déclin continu. C’est le phénomène de « pic pétrolier ». Il est susceptible d’intervenir d’ici 2015 (la production journalière atteindre son maximum pour décroître ensuite). L’effet principal sera d’entretenir une pression constante sur les prix, et ce d’autant plus que les économies consommatrices sont fortement dépendantes. Suivra inéluctablement une baisse de la consommation du fait de la raréfaction de la ressource. Nous avons le choix entre anticiper ce bouleversement de nos économies ou subir la crise annoncée et ses conséquences sur le plus grand nombre… »

Fin août 2010, Arnaud Montebourg était comme à son habitude à Saint Ciers avec le pôle écologique du parti socialiste. Son discours était percutant : « Une synthèse “rose-verte” est nécessaire à cause des enjeux qui pèsent sur l’avenir de notre société… le Parti Socialiste fait une analyse de classe et exonère des responsabilités individuelles un certain nombre de personnes qui sont dominées dans la société. L’écologie proclame au contraire la responsabilité de chaque individu quelle que soit sa place dans la société. C’est une des raisons pour lesquelles la question écologique dépasse les clivages gauche/droite. Si tout le monde est responsable de la situation qui est faite sur la nature, l’avenir, le futur, si même nos modes de vie les plus modestes engagent cette responsabilité, alors, cela dépasse en réalité la question politique… Le propre de la transition, de la mutation écologique de l’économie est finalement bien une forme de décroissance. La question politique porte sur le choix des secteurs… La politique va devoir revisiter la vie privée des gens, ce qui est explosif dans notre société individualiste. On aura peut-être besoin de redire aux gens comment mieux dépenser leur argent, de nous exprimer sur leurs achats d’écrans plats et d’Ipad fabriqués par des esclaves chinois, de mettre en place des péages urbains dans les grandes villes, même si aujourd’hui tout cela semble liberticide. »

Il est donc évident qu’Arnaud Montebourg est le seul des candidats aux primaires socialistes à avoir un discours incisif. Il a le courage que n’a pas eu Martine Aubry qui avait même refusé de demander des comptes à Jean-Noël Guérini dans l’espoir d’avoir le soutien des Bouches-du-Rhône ! Il a le mérite d’être le seul à proposer une nouvelle voie au socialisme, la démondialisation : « Le bilan de la dernière décennie de mondialisation est un désastre  : délocalisation en série, destruction d’emplois et d’outils de travail, diminution des revenus du travail par la pression à la baisse. Si l’on voulait résumer les quinze années écoulées, il ne serait pas excessif de dire que la mondialisation a fabriqué des chômeurs au Nord et augmenté le nombre de quasi-esclaves au Sud. Cette ouverture aux marchandises et aux capitaux est l’ennemi déclaré de l’économie locale, y compris au niveau alimentaire. »

Avec la démondialisation, Arnaud Montebourg semble reprendre l’analyse de Walden Bello. Nuance, Walden Bello s’adressait d’abord aux pays du Sud ; il souhaitait une revitalisation de ce que l’on appelait dans les années 1960-1970 un développement autocentré et une politique de substitution aux importations. Nous sommes au plus près de ce qu’on appelle les communautés de résilience pour résister localement, grâce à une recherche de l’autonomie énergétique et alimentaire, aux jumeaux de l’hydrocarbure (le pic pétrolier et le réchauffement climatique). Il ne s’agit nullement d’un protectionnisme des riches. Mais Arnaud s’intéresse plutôt à l’Europe et particulièrement au couple franco-allemand. Le but est de rester compétitif, pas de rechercher l’autonomie locale de chaque territoire particulier. Arnaud s’était exprimé début mai 2011 devant des salariés de General Motors : « la démondialisation sera l’axe fort de son programme économique ». Mais, si on ne s’abuse, une démondialisation véritable ne peut que mettre au chômage les salariés de General Motors !

Arnaud Montebourg adopte pour le moment une analyse passe-partout, présidentialisation exige. Arnaud ne porte pas encore un grand projet pour une civilisation de l’après-pétrole, présidentialisation exige. Dans son discours liminaire à Frangy-en-Bresse le 21 août 2011, il n’y avait plus que deux occurrences sur l’écologie : « L’écologie n’est pas une expédition punitive, elle est un investissement productif qui rapproche les lieux de production et de consommation »… « Le visage de la Nouvelle France est celui d’un pays où l’on préfère l’investissement écologique plutôt que la destruction des ressources naturelles. » Pour un texte de dix pages, cela fait bien peu pour l’urgence écologique. Quant au nucléaire, le député de Saône-et-Loire n’a pas creusé la question puisque Areva est fortement implanté dans son département. Arnaud avait d’ailleurs participé, en 2008, à une campagne de recrutement local du géant français du nucléaire !

Parmi les différents candidats à la primaire socialiste, il n’en reste pas moins qu’Arnaud Montebourg reste le plus proche des thèses écologistes puisque la démondialisation va nécessairement de pair avec la relocalisation.

5/5) Arnaud Montebourg, un Jaurès de l’écologie qui se limite à la démondialisation Lire la suite »

4/5) Martine Aubry à l’image de son parti, l’écologie est sous-traitée

Le parti socialiste n’a jamais été écolo. Pas un mot sur l’urgence écologique dans la Revue Socialiste n°42 (2e trimestre 2011) qui brosse héritages et espérances sur la période du 10 mai 1981 au 10 mai 2011. Trente ans à ne pas s’apercevoir que la température monte, que les eaux baissent, que le pétrole rejoint les espèces en voie de disparition. Il n’est donc pas étonnant que les débats pour la primaire socialiste prévue le 9 octobre soient d’une banalité à pleurer.

L’abandon du favori Strauss-Kahn avait obligé Martine Aubry à sortir du bois ; le mardi 28 juin 2011, elle annonce sa candidature, carrément croissanciste : « Une offensive de civilisation est fondée sur un autre modèle de croissance… Sans croissance on ne peut rien… ». Aubry veut donc simplement prendre le relais d’un Sarkozy qui cherchait la croissance avec ses dents. Elle en rajoute un peu plus tard des louches dans un discours où la dette imposerait encore plus de croissance (LE MONDE du 13 août 2011) : « La vérité est que la politique actuelle est une impasse. Sans croissance, dette et déficit ne se réduiront pas… Je propose trois décisions qui pourraient relancer la croissance tout en réduisant les déficits…  C’est en agissant rapidement sur l’investissement et l’emploi que nous rétablirons la croissance…. C’est par une croissance durable que nous réduirons dette et déficits…. Oui, il faudra assumer que certaines politiques essentielles pour la croissance reçoivent des moyens nouveaux… (Avec moi) le pays renouera avec la croissance, l’emploi et le progrès… Il est temps de passer aux actes pour réduire les déficits et soutenir la croissance… »

Martine Aubry n’a pas encore compris que la volonté de croissance nous mène droit dans le mur ! A croire que Martine n’a pas écouté les avertissements de Jean-Marc Jancovici et Yves Cochet lors d’un colloque sur le pic pétrolier à l’Assemblée nationale pourtant organisé par la branche écolo de son propre Parti ! Si Martine parle de construire des logements sociaux, pas un mot sur l’efficacité énergétique de cet habitat. En définitive, rien sur le blocage énergétique que va rencontrer prochainement la croissance économique. Ce n’est pas ainsi qu’un Parti dit de gouvernement nous prépare des lendemains qui chantent.

Martine Aubry a bien lâché sa bombinette après Fukushima, « Je crois qu’il faut sortir du nucléaire ». (…). Il faut aller, ça va être 20 ou 30 ans (…). Mais dans sa motion au Congrès de Reims (novembre 2008), Martine écrivait le contraire : « S’agissant du nucléaire, le fonctionnement et le renouvellement de la filière, dans notre pays, doivent se faire. » Martine est à l’image de son parti, adepte d’une critique molle du capitalisme négligeant l’incompatibilité entre les forces de l’argent et celles de la nature. Dans l’affrontement capital/travail, le PS a oublié l’environnement et une donnée désormais vitale : les ressources de la planète ne sont ni infinies ni éternelles. Menacé par l’activité humaine, l’état de la biosphère chamboule les axiomes. Mais le PS n’en a cure, il se tourne encore et toujours vers son passé.

Martine Aubry continue de voir les événements par le petit bout de la lorgnette. Pour cette présidentiable Strauss-kahnienne, il n’y a rien à dire sur les sujets qui vont bouleverser la planète, le pic pétrolier, la descente énergétique, la raréfaction des ressources… Martine préfère parler d’augmentation des crédits pour la culture, de mieux rémunérer les intermittents… ou de la victoire du LOSC (Lille olympique sporting club) qui « donne une immense fierté à Lille, rejaillissant sur l’énergie de tous ». On cultive chaque électorat sans plan d’ensemble. Le PS s’acharne à produire des programmes affadis par une pseudo-concertation, gauchis par concession à son aile gauche, réécrits cent fois et jamais lus véritablement. Martine est à l’image de son parti, l’écologie continuera d’être sous-traitée puisqu’il existe un parti vert qui est là pour ça et avec lequel on négociera des accords de circonstances qui ne seront pas suivis d’effet.

Nous pouvons donc estimer que Martine Aubry ne va pas assez loin face à l’urgence écologique. Mais nous ne devons jamais oublier que Nicolas Sarkozy est le président des riches et qu’à ce titre, la détérioration de la planète ne peut que s’amplifier. N’oublions pas la soirée du Fouquet’s où, pour la première fois, une victoire à la présidentielle était fêtée par les figures du CAC 40. N’oublions pas que les niches fiscale représentent 75 milliards, les modalités particulière de calcul de l’impôt à l’avantage des riches 80 milliards, à comparer à un déficit public de 95 milliards. N’oublions pas que dans une société de plus en plus inégalitaire, les riches vivent entre eux et oublient le reste du monde. N’oublions pas, et votons aux élections pour le candidat le plus écolo et le plus égalitariste.

4/5) Martine Aubry à l’image de son parti, l’écologie est sous-traitée Lire la suite »

3/5) François Hollande se veut normal, l’écologie n’existe pas

Bientôt les primaires socialistes, le 9 octobre. Oublions que François Hollande a suivi un régime amaigrissant pour paraître présidentiable, c’est anodin. En panne d’argument probant, François se disait donc un candidat « normal », c’est-à-dire qu’il déclarait « avoir des qualités exceptionnelles » ! Mais son attitude, son incapacité à faire travailler le PS pendant 10 ans dévoilent beaucoup de sa personnalité. En tant que premier secrétaire du PS, François a toujours recherché le compromis mou et les synthèses bancales. Il a même refusé de sanctionner Fabius et Mélenchon après leur NON au traité européen alors que le référendum interne au PS avait dit OUI. Gouverner « normalement », ce serait selon François rechercher l’équilibre, faire preuve de modération et rompre avec l’image présidentielle donnée par Sarkozy. Mais dans un contexte écologique aux multiples menaces, il ne s’agit pas de préparer une gouvernance « normale », mais une candidature de rupture avec la société thermo-industrielle. François ne paraît pas capable d’une action de cette envergure.

Nous avons échangé avec François Hollande sur la perspective d’une descente énergétique. Il disait partager nos inquiétudes face au déclin de la production pétrolière et savoir la nécessité d’un nouveau mode de développement face à la crise écologique, énergétique et climatique. Il pensait qu’un « plan de transition énergétique » était indispensable pour financer le développement des sources d’énergie renouvelable. Ce plan sur 10 ans viserait à modifier le mix énergétique de notre pays, il serait réalisé par un investissement à la fois de l’Etat et des collectivités locales complété par des fonds structurels européens. Cet élan, ajoutait-il, contribuerait à positionner la France sur les marchés des technologies propres, porteuses de croissance à long terme (énergies renouvelables, stockage de l’énergie, éolien, photovoltaïque, véhicules propres, voitures électriques). Il s’agirait donc autant, avait-il conclu, d’écologie que d’économie.

François Hollande se polarise sur l’idée de « croissance à long terme » alors que l’idée de croissance infinie dans un monde finie devrait être politiquement invalidée depuis 1972 et le rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance. Il succombe au mirage facile de la croissance économique qui éliminerait tous les problèmes, la déplétion pétrolière, l’endettement public, et même le chômage… Au Congrès de Reims (14 au 16 novembre 2008), il proposait déjà : « Comment être plus fort dans la mondialisation ? Notre objectif doit être de faire un point de croissance de plus que la moyenne européenne comme cela a été le cas entre 1997 et 2002. » François n’a pas encore réalisé que « nouveau modèle de développement » ne veut pas dire, dans une perspective d’après-pétrole, croissance quantitative, mais au contraire décroissance conviviale et sélective. François se situe dans une perspective de production d’énergie (« mix énergétique ») ; il n’a pas encore compris que la première des priorités doit aller aux économies d’énergie, c’est-à-dire agir sur la demande et non sur l’offre d’énergie. Enfin François croit aux « technologies propres », aux « véhicules propres »… Or personne n’a réussi à démontrer la « propreté » des technologies actuelles (voiture électrique) ou imaginées (géo-ingénierie, ITER, Astrid…). Même le photovoltaïque, théoriquement renouvelable, pose problème.

Dans son mini-programme, « la France en avant », François Hollande parle bien de « progrès écologique ». Mais sa position sur le nucléaire reste en retrait, non seulement sur les objectifs chiffrés (passer de 75 % d’électricité d’origine nucléaire à 50 % à l’horizon 2025), mais aussi par sa propension à se cacher derrière les autres : « Nous mènerons un grand débat sur la production d’électricité issue de l’énergie nucléaire… Il faudra en discuter ». En réalité François reste pro-nucléaire. Il estime qu’abandonner une industrie nucléaire « où on est sans doute les meilleurs » ne serait « ni économiquement sérieux, ni écologiquement protecteur, ni socialement rassurant »… « Autant je suis favorable à l’exigence de sécurité et de transparence, autant sur la sortie du nucléaire, ce n’est pas aujourd’hui la réponse. » Quant au pétrole, sa raréfaction ne semble pas lui poser problème puisque l’Etat agira : « Pour absorber les chocs d’offres des énergies actuelles, je veux que l’Etat ne gagne pas le moindre centime sur la hausse du prix du pétrole. Chaque recette supplémentaire perçue devra être recyclée pour baisser le prix à la pompe. Et que nous bloquions les prix, dans les moments de hausse importante, pendant un certain temps. Pour que nos concitoyens mutent vers la société des énergies renouvelables, il faut que l’Etat les protège et leur donne confiance. L’économie doit continuer de fonctionner. » Pourquoi les pétrol-addicts que nous sommes devenus feraient-ils des efforts, François produira le pétrole à la place de la nature. D’ailleurs la taxe carbone généralisée n’est plus une mesure envisagée, elle reposera uniquement « sur les industries émettant beaucoup de gaz à effet de serre ».

Que fera François Hollande s’il était président face à un nouveau choc pétrolier, lui qui ignore le pic pétrolier et laisse la planification écologique à Mélenchon ! Il nous faudrait un candidat qui fasse un peu rêver autrement, du type l’écologie ou la mort… comme René Dumont en 1974 ! Mais une présidentielle peut-elle mettre en œuvre l’utopie ?

3/5) François Hollande se veut normal, l’écologie n’existe pas Lire la suite »

2/5) Ségolène Royal, une transfuge de l’écologie

Ségolène Royal se présente aux primaires socialistes du 9 octobre prochain. Il y avait en Ségolène une réelle fibre écolo, elle a disparu. Dans sa  contribution thématique personnelle début 2003, elle écrivait pourtant de sa propre main à l’occasion d’un Congrès du PS :

–          Urgence à agir contre l’insécurité écologique : Chacun sait que la situation actuelle relève de l’état d’urgence, qu’il y a péril pour l’humanité, que chaque heure de perdue c’est une heure de plus pendant laquelle se déroule sous nos yeux un crime collectif contre la Terre, donc contre l’humanité. Personne ne pourra prétendre que l’on ne savait pas.

–          Ecologie et double langage : ça suffit ! : Que dire des belles âmes qui appellent à un programme de lutte contre l’effet de serre, et qui dans le même temps défendent le maintien d’une fiscalité subventionnant massivement le transport routier ? Au mieux il s’agit de lâcheté, au pire d’un cynisme électoraliste révoltant. Les pleurnicheries médiatisées, cela suffit. L’action contre l’insécurité écologique ne peut plus s’accommoder d’un double langage : l’écologie n’est pas négociable.

–          Morale de l’action, exiger l’efficacité : L’écart entre une posture déclamatoire radicale et une action inexistante n’est plus tolérable. La réalité de l’action, c’est que les comportements ne changent que s’ils y sont contraints. L’efficacité de l’action, c’est d’avoir le courage politique de l’imposer par la loi, par la fiscalité. Une politique effective de protection de l’environnement ne peut être que contraignante ou dissuasive. »

Sa fibre écolo devait beaucoup à son expérience ministérielle. En octobre 2006, une étude comparative des professions de foi des candidats à la primaire pour la présidentielle 2007 mettait Ségolène Royal aux avant-postes de l’écologie, bien loin devant Fabius et encore plus loin de Strauss-Kahn : « Ministre de l’environnement en 1992-1993, j’ai agi avec fermeté contre les lobbies (loi sur l’eau et sur les déchets), mené des négociations âpres, notamment au Sommet de la Terre de Rio, et  déjà soutenu les énergies renouvelables. Je retiendrai des perspectives exigeantes : Pour l’emploi, en choisissant résolument l’excellence environnementale, riche d’activité et de métiers nouveaux ; Pour l’excellence environnementale : je veux faire de la France un pays exemplaire en Europe et dans le monde dans la lutte contre le réchauffement de la planète, la gestion de l’eau, la priorité aux énergies renouvelables, le développement des transports propres, le traitement des déchets et la mise en place d’une véritable fiscalité écologique. »

Au Congrès de Reims (14 au 16 novembre 2008), Ségolène Royal estimait encore que pour « bien vivre dans l’après-pétrole », il nous fallait de toute urgence produire et consommer autrement pour garantir le développement soutenable de notre pays. Ségolène proposait de calculer autrement la croissance pour mieux évaluer les dommages ou les bénéfices de certaines activités et agir juste. Mais lors de sa confrontation avec Nicolas Sarkozy pour le second tour, Ségolène proposait aux électeurs le même objectif que la droite : intensifier la croissance des productions, des consommations et des déplacements sans s’interroger sur leur contenu. L’électoralisme de Ségolène, qui n’avait en fait qu’une envie « succéder à François Mitterrand », devient depuis lors évident. Barack Obama faisait répéter en boucle « Yes, we can », Ségolène se contente de « Fra-ter-ni-té ». Exit dorénavant l’écologie.

La suite est même de plus en plus anti-écolo. En 2009, Ségolène Royal a jeté médiatiquement le trouble sur la position du PS favorable à une contribution climat-énergie universelle, en d’autres termes une taxe carbone. Elle devient une militante pro-carbone. Son programme de lutte contre l’effet de serre se résume à un soutien à la voiture électrique ; Ségolène succombe au slogan publicitaire de la « voiture propre ». La sortie du nucléaire ne se fera pas tout de suite : « On peut sortir du nucléaire en 40 ans, c’est-à-dire fixer un objectif ferme pour que l’ensemble de la mutation énergétique et industrielle puisse se faire dans de bonnes conditions. » Après l’accident survenu à Fukushima, suite au séisme et au tsunami du 11 mars 2011, irritée par la résurgence de la polémique autour d’une technologie de toute évidence guère maîtrisable en cas d’emballement et potentiellement à très haut risque, Ségolène avait même reproché aux écologistes de ne pas respecter un « délai de décence ».

Depuis, l’écologie est aux abonnés absents chez Ségolène Royal, il ne faut pas parler des choses qui fâchent. Mais quand on est en perte de vitesse, autant ne pas renier ses fondamentaux… J’aurais bien aimé lui expliquer cela, mais Ségolène est devenue inaccessible, royale vraiment.

2/5) Ségolène Royal, une transfuge de l’écologie Lire la suite »

1/5) Manuel Valls, plus proche de la droite que des écologistes

Manuel Valls, député et maire d’Evry, est candidat à la primaire socialiste qui aura lieu le 9 octobre en France. Il n’y a pas grand chose à dire d’un candidat pour lequel l’enjeu écologique n’existe pas. Il voudrait rassembler la gauche et les écologistes, mais c’est « à condition d’avoir clarifié de nombreux débats ». Rien n’est plus clair ! Quant à la sortie du nucléaire,  « il faudra des décennies pour cela » ! Manuel fixe à la France un objectif pour 2022 : « réduire la part du nucléaire dans la production électrique, à 50 % ». Il n’en dira pas beaucoup plus de l’écologie. La préparation de la convention « nouveau modèle de développement » ne pouvait changer notre point de vue : l’homme du consensus mou (François Hollande) ou l’homme du bougisme immobile (Manuel Valls) se rejoignaient pour célébrer la croissance économique dont tous les spécialistes, depuis 1972, témoignent de l’absurdité.

Manuel Valls veut concilier efficacité économique et justice sociale, il a oublié le troisième pilier du développement durable, la contrainte écologique. Par contre il « reste convaincu que des hommes et des femmes comme Dominique de Villepin, Français Bayrou ou Corinne Lepage »  trouveront leur place auprès de lui bien mieux que les membres éminents d’EELV. La démondialisation de Montebourg lui semble « un terme ringard, voire réactionnaire, car il apparaît comme un retour en arrière qui est impossible ». Manuel veut au contraire doper la compétitivité par une « TVA-protection » sortie de nulle part.

Manuel Valls croit que « le travail n’est pas un gâteau que l’on partage » et même l’idée de travailler davantage ne le gêne pas. Manuel a donc été convaincu par le slogan de Sarkozy « Travailler plus pour gagner plus ». Il voudrait un discours de vérité sur l’état des finances publiques, par principe il est pour une règle d’or d’équilibre budgétaire… mais il ne votera pas la réforme constitutionnelle si le Congrès est convoqué « parce que Nicolas Sarkozy a doublé la dette de la France de 900 à 1 800 milliards ». Le double discours ne le gêne pas. En résumé, Manuel est plus proche des thèses de la droite que des idées social-écologistes sur pratiquement tous les points.

1/5) Manuel Valls, plus proche de la droite que des écologistes Lire la suite »

Jean-Michel Bezat occulte la fin du pétrole

Jean-Michel Bezat occulte la fin du pétrole en laissant trop de place à un écolo-sceptique, Daniel Yergin. Son article du MONDE* est d’autant plus biaisé qu’il dévalorise les analystes du pic pétrolier, traités d’adeptes du peak oil alors que ce sont des géologues confirmés. Voici quelques précisions :

Daniel Yergin est un écrivain-historien, pas du tout un géologue pétrolier. Etre diplômé en relations internationales ne permet pas de parler du pic pétrolier… mais il est vice-président d’IHS, puissante agence d’intelligence économique considérée comme très proche des majors américaines du pétrole. Yergin est donc un vendu au capital, il joue le même rôle que les climatosceptiques, enfumer l’auditoire… En termes polis, il s’agit de lobbying. La réponse de l’ingénieur pétrolier Jean Laherrère à Yergin, exposée sur lemonde.fr par le blog d’Auzanneau, semble beaucoup plus convaincante que cet article du MONDE qui laisse un peu trop de place aux adeptes du pétrole « Y’a pas de problème ». Selon Laherrère, les « capteurs numériques » cités par Yergin servent seulement à impressionner les actionnaires. A ce jour aucun champ parvenu à maturité n’a vu ses extractions augmenter de façon significative avec ça. Prétendre comme le fait Yergin accroître les réserves n’est rien de plus qu’un vœu pieux, auquel ne correspond pas la moindre étude sérieuse. La technologie ne peut en rien modifier la géologie d’un réservoir ! On produit plus vite, accélérant d’autant le déclin des champs matures…

Quant à Jean-Michel Bezat, il suffit de rappeler ses articles antérieurs pour mieux connaître son parti pris. Sous la rubrique matières premières (29-30 mars 2009), il s’interroge doctement sur le juste prix du pétrole ou optimum économique. A-t-il la réponse ? Oui, il a la réponse : « Le prix équitable se situe autour de 70 dollars ». Pour l’affirmer, il suffit au journaliste de recopier ce que réclame les pétromonarchies du Golfe. Le 25-26 janvier 2009, Bezat nous parle bien du pic pétrolier, mais celui de la demande, qui va baisser pour la première fois depuis un quart de siècle. Pour le pic de production, pas besoin de s’inquiéter : « Le pétrole irriguera encore l’économie pendant des décennies, comme il l’a fait sans discontinuer depuis cent ans ». Ce n’est pas avec de tels journalistes que nous sortirons de notre dépendance envers le pétrole, l’affairisme est valorisé, ils sont comme  des serpents que notre planète nourrit en son sein comme une trop bonne mère. Mais n’occultons pas à notre tour la conclusion de Jean-Michel : le sursis que les pétroliers s’accordent ne fera que rendre plus difficile la résolution de l’équation climatique.

* LE MONDE du 29 septembre 2011

Jean-Michel Bezat occulte la fin du pétrole Lire la suite »

L’écologie ou la guerre, entretien avec Paccalet

Yves Paccalet est l’auteur d’un livre que nous trouvons délicieux, « L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! ». Il est bon de pouvoir encore siffloter quand on approche de la guillotine. Un petit livre d’entretiens vient de paraître : « Partageons ! (l’utopie ou la guerre). Nous sommes plus circonspect. Voici notre commentaire de quelques extraits :

– « L’humanité n’avance qu’à coups de pied dans le derrière. Or la nature nous en donnera de rudes au XXIe siècle ! » (…) « Nous n’acceptons d’évoluer qu’à force de catastrophes ».

Nous ne pouvons qu’approuver globalement… mais si la catastrophe nous sert de pédagogie, c’est uniquement parce que la pédagogie de la catastrophe n’a pas pu convaincre. Dans une famille efficace, pas besoin de gifles et de coups pour expliquer à l’enfant ce qu’il faut comprendre et ce qu’il faut éviter, les paroles suffisent.

– « J’ai soutenu et je soutiens encore que l’écologie aurait dû ou devrait aller polluer tous les partis… Mais elle n’a nul besoin de candidat à l’élection présidentielle… Mieux vaut pour Europe-Ecologie, obtenir du parti socialiste un groupe d’élus Verts au parlement. »

Il apparaît que tous les partis sans exception se veulent dorénavant écologistes. Ils font comme les entreprises, du greenwashing et le pôle écologique au sein du PS n’a pu obtenir au congrès de 2008 que 1,58 % des voix. Dans ce contexte, l’écologie en tant que telle se doit d’avoir un représentant aux présidentielles. Il est vain d’attendre de la bonté d’un parti socialiste qui ne connaît que les rapports de force et le verdict des urnes un groupe parlementaire pour l’écologie politique. Si le PS avait voulu vraiment un pacte de gouvernement, il aurait négocié sérieusement avec les Verts bien avant le premier tour de la présidentielle. Pour déterminer le nombre respectif de députés, il aurait ouvert les primaires socialistes à toute la gauche. Comme l’écrit Yves Paccalet lui-même, « On nous (les écologistes) invite, on nous passe de la pommade, on fait même semblant de nous écouter. Puis on nous fait comprendre qu’il y a des sujets plus urgents… ». C’est la raison essentielle qui avait poussé René Dumont à se présenter en 1974 aux présidentielles et rien n’a fondamentalement changé depuis.

– « Je reste pessimiste parce que je constate chaque jour, chaque seconde, à quel point nous sommes égoïstes, orgueilleux, mus par l’avidité et par l’obsession de la consommation matérielle. »

Nous sommes à la fois orgueilleux et altruiste, orgueilleux et humble, mus par l’idéal autant que par la matière. La proportion d’ange ou de démon en chacun de nous dépend d’abord de l’éducation que nous avons suivis, et du poids que nous accordons en conséquence aux contraintes sociales. Changeons la manière d’élever les enfants, l’individu sera bon et la société meilleure.

– « Guerres totales, génocides, attentats terroristes : nous massacrons gaiement nos semblables. Pourquoi aurions-nous le souci des générations futures ? »

Je suis objecteur de conscience, convaincu que l’attitude non-violente est la meilleure des armes. Je sais rationnellement que si tous les citoyens étaient opposés à l’usage collectif des armes, il n’y aurait plus d’armées, il n’y aurait plus de guerres. Ce n’est pas parce que notre système prône le contraire qu’il n’est pas nécessaire d’aller à l’encontre. L’éducation familiale, religieuse, scolaire… appelle à la soumission. Mais la désobéissance (civile) est toujours possible. De même nous sommes éduqués pour vivre et penser le présent. Une autre éducation est possible, nous pouvons intérioriser et représenter ce qu’on appelle la voix des tiers-absents, celle des non-humains, celle des générations futures, celle des autres peuples.

–  » Le problème des faucheurs volontaires, c’est qu’ils cessent de respecter la démocratie… Quelle sera la réaction de José Bové le jour où, au nom de la conscience, un individu transgressera le règlement qu’il a voté en tant que député européen ? »

Je connais suffisamment José pour savoir qu’il ne votera jamais un règlement allant à l’encontre des intérêts de l’humanité. S’il faisait un faux pas, il comprendrait sans doute qu’on agisse en conscience contre ses propres textes, lui qui a écrit : « Quand les gouvernements encouragent les intérêts privés ou les laissent s’imposer au dépens de tous et de la terre, il ne reste plus aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit (Pour la désobéissance civique – édition La découverte) ». D’ailleurs  Yves Paccalet est assez contradictoire, lui qui a envie de se changer en opposant farouche, voire violent, dans le style des écoguerriers ». Yves Paccalet serait-il contre la « démocratie » quand cela devient nécessaire ?

–  » Comment calmer nos pulsions de reproduction ? (…) Nous devons maîtriser notre obsession congénitale du territoire et de la domination… L’homme est animé par de puissantes pulsions animales : le sexe, le territoire et la domination. Il ne s’en débarrassera jamais ; ces élans sont inscrits dans ses gènes »

Il n’y a pas d’instinct en l’homme, aucune programmation génétique autre que pour notre développement physique, uniquement du culturel pour notre comportement. Les curés se veulent stériles à vie et les nullipares existent ; tout dépend de notre éducation à la sexualité et au malthusianisme. Il n’y a pas d’obsessions, il n’y a que des idéologies. Rien n’empêche de choisir la pensée et l’action la plus durable… Rien n’empêche en soi que la conclusion d’ Yves Paccalet puisse advenir : «  L’avenir gît dans le développement de notre âme collective, de notre composante altruiste, de cette partie de nous mêmes qui œuvre vers l’association, le partage, la compassion, la générosité. »

– «  Nous avons besoin d’une loi mondiale… Créons un ministère de l’économie et des finances mondial… Seul un gouvernement du monde pourrait interdire le saccage des forêts tropicales, des récifs coraux, des terres agricoles… »

Conception étonnante de la part de quelqu’un qui vilipende les résultats du Grenelle de l’environnement ou de la conférence de Copenhague sur le climat : « Il n’en subsiste que de vagues déclarations de principe. » Un gouvernement national n’arrive pas à mettre en musique les bonnes intentions, à plus forte le niveau mondial. Cela fait des années que tout le monde réclame une Organisation mondiale de l’environnement pour contrebalancer le pouvoir de l’Organisation mondiale du commerce. Nous n’avons plus le temps d’attendre. C’est pourquoi la démarche à soutenir en urgence est celle des communautés de résilience, dite de transition : il faudra savoir localement résister aux jumeaux de l’hydrocarbure, la descente énergétique et le réchauffement climatique. Il faudra savoir négocier avec les possibilités biophysiques de son territoire d’appartenance : la commune, la région, la nation, la biosphère.

–  » J’ai vu des beautés du monde que mes enfants et mes petits-enfants ne verront jamais ; elles ont été anéanties par les pollutions de toutes sortes, le béton, le goudron, la tronçonneuse, les filets de pêche géants ; et ce pour le profit de quelques-uns, et toujours au détriment du plus grand nombre… »

Dommage que le système capitaliste libéral ne soit pas jugé comme responsable de la dégradation de la biosphère, dommage que la culpabilité de chacun de nous quand il achète un écran plat ou roule en voiture ne devienne pas une évidence. Pourquoi cette difficulté d’Yves Paccalet à s’en prendre à la fois à l’oligarchie dominante et à la responsabilité des peuples ?

L’écologie ou la guerre, entretien avec Paccalet Lire la suite »

5/5) LE MONDE et l’écologie… peut mieux faire

Nous avons reflété dans nos articles précédents le point de vue des journalistes Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf, successivement en charge de la rubrique environnement au journal LE MONDE de 1974 à nos jours. Ils en ont témoigné, l’écologie a pris de l’importance dans ce quotidien de référence. Mais comme il faut préserver les convenances et les recettes publicitaires, LE MONDE cultive encore la croissance, le tout automobile et les néfastes futilités. J’avais écrit en 2007 au chroniqueur Eric Le Boucher : « Vous restez un fervent adepte de la croissance économique… » J’ai reçu cette réponse : « La croissance est la seule façon de résoudre le problème social et elle peut être propre. » J’ai obtenu un jour cette réponse de Nadine Avelange, à l’époque responsable du Courrier des lecteurs : « Cher lecteur, notre situation financière ne nous autorise pas à refuser des publicités pour des voitures. Bien cordialement ». Un blog invité du MONDE, qui nous avertit du pic pétrolier, fait pourtant de la publicité pour les voyages en avion ! La crise écologique qui nous menace ne sera bien traitée médiatiquement que dans la mesure où les contraintes réelles ou imaginaires de l’économie ne pèseront plus sur le contenu des articles des  journalistes.

La déformation de l’information tient aussi à la présentation systématique des différents points de vue, ce qui entraîne l’incapacité du lecteur à juger du fond. Par exemple, l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR avait été accordée le 3 juin 2011 par le ministre de l’agriculture. L’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) a alors adressé aux ministres concernés un courrier soulignant que « cet insecticide systémique (le Cruiser), utilisé en enrobage de semences de colza et véhiculé par la sève jusque dans les fleurs, est composé de trois substances actives d’une extrême toxicité pour les abeilles » (LE MONDE du 30 juillet 2011). Mais dans le même numéro, le danger est récusé par Syngenta, qui affirme qu’il n’existe « pas de risques pour les populations d’abeilles ». Déjà, dans l’édition du MONDE du 24 juillet, sous le titre Le fabricant de l’insecticide Cruiser contre-attaque, il n’y avait qu’un simple entrefilet qui ne prouvait rien : « Syngenta a affirmé qu’il allait « combattre toute allégation » contre l’insecticide Cruiser OSR, car il « ne comporte pas de risques pour les populations d’abeilles ». Le Conseil d’Etat, statuant en référé le vendredi 29 juillet, s’appuie sur un point de droit purement formel sans trancher sur le fond pour rejeter la requête de l’UNAF. A suivre ces infos du MONDE, le lecteur ne peut qu’en conclure que l’enjeu écologique est bien trop compliqué pour être pris en considération. Syngenta va pouvoir continuer à commercialiser son insecticide.

Il existe enfin une contradiction flagrante entre journalistes qui peuvent se contredire dans un même numéro. Dans LE MONDE du 29 juillet 2011, Stéphane Foucart s’intéresse à l’état de la planète : « Tandis que les uns fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, les autres craignent, avec raison, celui qui vient. Les effets négatifs du système technique commencent à en concurrencer les effets bénéfiques car ses dimensions sont désormais telles qu’elles se heurtent aux limites physiques de la terre. Arrivé au sommet des courbes, on peut voir le déclin se profiler. De manière croissante, les services rendus au système technique par la biosphère s’érodent sous l’effet du même système technique. » Mais Jean-Philippe Rémy appelle de ses vœux une voiture made in Africa : « Vite, il faut rouler africain ». Il s’attache ainsi à une conception dépassée de l’économie qui repose sur la production manufacturière et les « retombées bénéfiques de l’exploitation des ressources naturelles ». Jean-Philippe Rémy contemple l’évolution passée des courbes, Stéphane Foucart l’évolution prévisible.

Sortons du MONDE papier. Si on consulte les blogs des journalistes du MONDE début septembre 2011, deux seulement sont intitulés « Planète » pour 44 au total, mais trois sont consacrés au sport ! Pour les blogs « invités par la rédaction », 7 sur 34 sont consacrés au sport, 2 à la gastronomie et un seul à notre Planète. Sur les 35 blogs des abonnés « sélectionnés », 5 Planète dont 3 qui ne traitent pas directement d’écologie (humanitaire, lutte contre le SIDA, droits de l’homme). Le thème des rapports entre l’homme et son environnement naturel représente à peine 4 % des blogs du MONDE et sans doute beaucoup moins globalement sur lemonde.fr. Dans LE MONDE et ailleurs, l’urgence écologique ne relève pas encore d’une conception globale et systémique. Pas encore… Car la dimension et l’ampleur des problèmes environnementaux devraient bientôt transformer les journalistes ordinaires en militants des vérités qui nous sont dissimulées. L’analyse journalistique deviendra alors un commentaire (im)pertinent, la société se transformera.

5/5) LE MONDE et l’écologie… peut mieux faire Lire la suite »