biosphere

2/5) Ségolène Royal, une transfuge de l’écologie

Ségolène Royal se présente aux primaires socialistes du 9 octobre prochain. Il y avait en Ségolène une réelle fibre écolo, elle a disparu. Dans sa  contribution thématique personnelle début 2003, elle écrivait pourtant de sa propre main à l’occasion d’un Congrès du PS :

–          Urgence à agir contre l’insécurité écologique : Chacun sait que la situation actuelle relève de l’état d’urgence, qu’il y a péril pour l’humanité, que chaque heure de perdue c’est une heure de plus pendant laquelle se déroule sous nos yeux un crime collectif contre la Terre, donc contre l’humanité. Personne ne pourra prétendre que l’on ne savait pas.

–          Ecologie et double langage : ça suffit ! : Que dire des belles âmes qui appellent à un programme de lutte contre l’effet de serre, et qui dans le même temps défendent le maintien d’une fiscalité subventionnant massivement le transport routier ? Au mieux il s’agit de lâcheté, au pire d’un cynisme électoraliste révoltant. Les pleurnicheries médiatisées, cela suffit. L’action contre l’insécurité écologique ne peut plus s’accommoder d’un double langage : l’écologie n’est pas négociable.

–          Morale de l’action, exiger l’efficacité : L’écart entre une posture déclamatoire radicale et une action inexistante n’est plus tolérable. La réalité de l’action, c’est que les comportements ne changent que s’ils y sont contraints. L’efficacité de l’action, c’est d’avoir le courage politique de l’imposer par la loi, par la fiscalité. Une politique effective de protection de l’environnement ne peut être que contraignante ou dissuasive. »

Sa fibre écolo devait beaucoup à son expérience ministérielle. En octobre 2006, une étude comparative des professions de foi des candidats à la primaire pour la présidentielle 2007 mettait Ségolène Royal aux avant-postes de l’écologie, bien loin devant Fabius et encore plus loin de Strauss-Kahn : « Ministre de l’environnement en 1992-1993, j’ai agi avec fermeté contre les lobbies (loi sur l’eau et sur les déchets), mené des négociations âpres, notamment au Sommet de la Terre de Rio, et  déjà soutenu les énergies renouvelables. Je retiendrai des perspectives exigeantes : Pour l’emploi, en choisissant résolument l’excellence environnementale, riche d’activité et de métiers nouveaux ; Pour l’excellence environnementale : je veux faire de la France un pays exemplaire en Europe et dans le monde dans la lutte contre le réchauffement de la planète, la gestion de l’eau, la priorité aux énergies renouvelables, le développement des transports propres, le traitement des déchets et la mise en place d’une véritable fiscalité écologique. »

Au Congrès de Reims (14 au 16 novembre 2008), Ségolène Royal estimait encore que pour « bien vivre dans l’après-pétrole », il nous fallait de toute urgence produire et consommer autrement pour garantir le développement soutenable de notre pays. Ségolène proposait de calculer autrement la croissance pour mieux évaluer les dommages ou les bénéfices de certaines activités et agir juste. Mais lors de sa confrontation avec Nicolas Sarkozy pour le second tour, Ségolène proposait aux électeurs le même objectif que la droite : intensifier la croissance des productions, des consommations et des déplacements sans s’interroger sur leur contenu. L’électoralisme de Ségolène, qui n’avait en fait qu’une envie « succéder à François Mitterrand », devient depuis lors évident. Barack Obama faisait répéter en boucle « Yes, we can », Ségolène se contente de « Fra-ter-ni-té ». Exit dorénavant l’écologie.

La suite est même de plus en plus anti-écolo. En 2009, Ségolène Royal a jeté médiatiquement le trouble sur la position du PS favorable à une contribution climat-énergie universelle, en d’autres termes une taxe carbone. Elle devient une militante pro-carbone. Son programme de lutte contre l’effet de serre se résume à un soutien à la voiture électrique ; Ségolène succombe au slogan publicitaire de la « voiture propre ». La sortie du nucléaire ne se fera pas tout de suite : « On peut sortir du nucléaire en 40 ans, c’est-à-dire fixer un objectif ferme pour que l’ensemble de la mutation énergétique et industrielle puisse se faire dans de bonnes conditions. » Après l’accident survenu à Fukushima, suite au séisme et au tsunami du 11 mars 2011, irritée par la résurgence de la polémique autour d’une technologie de toute évidence guère maîtrisable en cas d’emballement et potentiellement à très haut risque, Ségolène avait même reproché aux écologistes de ne pas respecter un « délai de décence ».

Depuis, l’écologie est aux abonnés absents chez Ségolène Royal, il ne faut pas parler des choses qui fâchent. Mais quand on est en perte de vitesse, autant ne pas renier ses fondamentaux… J’aurais bien aimé lui expliquer cela, mais Ségolène est devenue inaccessible, royale vraiment.

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1/5) Manuel Valls, plus proche de la droite que des écologistes

Manuel Valls, député et maire d’Evry, est candidat à la primaire socialiste qui aura lieu le 9 octobre en France. Il n’y a pas grand chose à dire d’un candidat pour lequel l’enjeu écologique n’existe pas. Il voudrait rassembler la gauche et les écologistes, mais c’est « à condition d’avoir clarifié de nombreux débats ». Rien n’est plus clair ! Quant à la sortie du nucléaire,  « il faudra des décennies pour cela » ! Manuel fixe à la France un objectif pour 2022 : « réduire la part du nucléaire dans la production électrique, à 50 % ». Il n’en dira pas beaucoup plus de l’écologie. La préparation de la convention « nouveau modèle de développement » ne pouvait changer notre point de vue : l’homme du consensus mou (François Hollande) ou l’homme du bougisme immobile (Manuel Valls) se rejoignaient pour célébrer la croissance économique dont tous les spécialistes, depuis 1972, témoignent de l’absurdité.

Manuel Valls veut concilier efficacité économique et justice sociale, il a oublié le troisième pilier du développement durable, la contrainte écologique. Par contre il « reste convaincu que des hommes et des femmes comme Dominique de Villepin, Français Bayrou ou Corinne Lepage »  trouveront leur place auprès de lui bien mieux que les membres éminents d’EELV. La démondialisation de Montebourg lui semble « un terme ringard, voire réactionnaire, car il apparaît comme un retour en arrière qui est impossible ». Manuel veut au contraire doper la compétitivité par une « TVA-protection » sortie de nulle part.

Manuel Valls croit que « le travail n’est pas un gâteau que l’on partage » et même l’idée de travailler davantage ne le gêne pas. Manuel a donc été convaincu par le slogan de Sarkozy « Travailler plus pour gagner plus ». Il voudrait un discours de vérité sur l’état des finances publiques, par principe il est pour une règle d’or d’équilibre budgétaire… mais il ne votera pas la réforme constitutionnelle si le Congrès est convoqué « parce que Nicolas Sarkozy a doublé la dette de la France de 900 à 1 800 milliards ». Le double discours ne le gêne pas. En résumé, Manuel est plus proche des thèses de la droite que des idées social-écologistes sur pratiquement tous les points.

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Jean-Michel Bezat occulte la fin du pétrole

Jean-Michel Bezat occulte la fin du pétrole en laissant trop de place à un écolo-sceptique, Daniel Yergin. Son article du MONDE* est d’autant plus biaisé qu’il dévalorise les analystes du pic pétrolier, traités d’adeptes du peak oil alors que ce sont des géologues confirmés. Voici quelques précisions :

Daniel Yergin est un écrivain-historien, pas du tout un géologue pétrolier. Etre diplômé en relations internationales ne permet pas de parler du pic pétrolier… mais il est vice-président d’IHS, puissante agence d’intelligence économique considérée comme très proche des majors américaines du pétrole. Yergin est donc un vendu au capital, il joue le même rôle que les climatosceptiques, enfumer l’auditoire… En termes polis, il s’agit de lobbying. La réponse de l’ingénieur pétrolier Jean Laherrère à Yergin, exposée sur lemonde.fr par le blog d’Auzanneau, semble beaucoup plus convaincante que cet article du MONDE qui laisse un peu trop de place aux adeptes du pétrole « Y’a pas de problème ». Selon Laherrère, les « capteurs numériques » cités par Yergin servent seulement à impressionner les actionnaires. A ce jour aucun champ parvenu à maturité n’a vu ses extractions augmenter de façon significative avec ça. Prétendre comme le fait Yergin accroître les réserves n’est rien de plus qu’un vœu pieux, auquel ne correspond pas la moindre étude sérieuse. La technologie ne peut en rien modifier la géologie d’un réservoir ! On produit plus vite, accélérant d’autant le déclin des champs matures…

Quant à Jean-Michel Bezat, il suffit de rappeler ses articles antérieurs pour mieux connaître son parti pris. Sous la rubrique matières premières (29-30 mars 2009), il s’interroge doctement sur le juste prix du pétrole ou optimum économique. A-t-il la réponse ? Oui, il a la réponse : « Le prix équitable se situe autour de 70 dollars ». Pour l’affirmer, il suffit au journaliste de recopier ce que réclame les pétromonarchies du Golfe. Le 25-26 janvier 2009, Bezat nous parle bien du pic pétrolier, mais celui de la demande, qui va baisser pour la première fois depuis un quart de siècle. Pour le pic de production, pas besoin de s’inquiéter : « Le pétrole irriguera encore l’économie pendant des décennies, comme il l’a fait sans discontinuer depuis cent ans ». Ce n’est pas avec de tels journalistes que nous sortirons de notre dépendance envers le pétrole, l’affairisme est valorisé, ils sont comme  des serpents que notre planète nourrit en son sein comme une trop bonne mère. Mais n’occultons pas à notre tour la conclusion de Jean-Michel : le sursis que les pétroliers s’accordent ne fera que rendre plus difficile la résolution de l’équation climatique.

* LE MONDE du 29 septembre 2011

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L’écologie ou la guerre, entretien avec Paccalet

Yves Paccalet est l’auteur d’un livre que nous trouvons délicieux, « L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! ». Il est bon de pouvoir encore siffloter quand on approche de la guillotine. Un petit livre d’entretiens vient de paraître : « Partageons ! (l’utopie ou la guerre). Nous sommes plus circonspect. Voici notre commentaire de quelques extraits :

– « L’humanité n’avance qu’à coups de pied dans le derrière. Or la nature nous en donnera de rudes au XXIe siècle ! » (…) « Nous n’acceptons d’évoluer qu’à force de catastrophes ».

Nous ne pouvons qu’approuver globalement… mais si la catastrophe nous sert de pédagogie, c’est uniquement parce que la pédagogie de la catastrophe n’a pas pu convaincre. Dans une famille efficace, pas besoin de gifles et de coups pour expliquer à l’enfant ce qu’il faut comprendre et ce qu’il faut éviter, les paroles suffisent.

– « J’ai soutenu et je soutiens encore que l’écologie aurait dû ou devrait aller polluer tous les partis… Mais elle n’a nul besoin de candidat à l’élection présidentielle… Mieux vaut pour Europe-Ecologie, obtenir du parti socialiste un groupe d’élus Verts au parlement. »

Il apparaît que tous les partis sans exception se veulent dorénavant écologistes. Ils font comme les entreprises, du greenwashing et le pôle écologique au sein du PS n’a pu obtenir au congrès de 2008 que 1,58 % des voix. Dans ce contexte, l’écologie en tant que telle se doit d’avoir un représentant aux présidentielles. Il est vain d’attendre de la bonté d’un parti socialiste qui ne connaît que les rapports de force et le verdict des urnes un groupe parlementaire pour l’écologie politique. Si le PS avait voulu vraiment un pacte de gouvernement, il aurait négocié sérieusement avec les Verts bien avant le premier tour de la présidentielle. Pour déterminer le nombre respectif de députés, il aurait ouvert les primaires socialistes à toute la gauche. Comme l’écrit Yves Paccalet lui-même, « On nous (les écologistes) invite, on nous passe de la pommade, on fait même semblant de nous écouter. Puis on nous fait comprendre qu’il y a des sujets plus urgents… ». C’est la raison essentielle qui avait poussé René Dumont à se présenter en 1974 aux présidentielles et rien n’a fondamentalement changé depuis.

– « Je reste pessimiste parce que je constate chaque jour, chaque seconde, à quel point nous sommes égoïstes, orgueilleux, mus par l’avidité et par l’obsession de la consommation matérielle. »

Nous sommes à la fois orgueilleux et altruiste, orgueilleux et humble, mus par l’idéal autant que par la matière. La proportion d’ange ou de démon en chacun de nous dépend d’abord de l’éducation que nous avons suivis, et du poids que nous accordons en conséquence aux contraintes sociales. Changeons la manière d’élever les enfants, l’individu sera bon et la société meilleure.

– « Guerres totales, génocides, attentats terroristes : nous massacrons gaiement nos semblables. Pourquoi aurions-nous le souci des générations futures ? »

Je suis objecteur de conscience, convaincu que l’attitude non-violente est la meilleure des armes. Je sais rationnellement que si tous les citoyens étaient opposés à l’usage collectif des armes, il n’y aurait plus d’armées, il n’y aurait plus de guerres. Ce n’est pas parce que notre système prône le contraire qu’il n’est pas nécessaire d’aller à l’encontre. L’éducation familiale, religieuse, scolaire… appelle à la soumission. Mais la désobéissance (civile) est toujours possible. De même nous sommes éduqués pour vivre et penser le présent. Une autre éducation est possible, nous pouvons intérioriser et représenter ce qu’on appelle la voix des tiers-absents, celle des non-humains, celle des générations futures, celle des autres peuples.

–  » Le problème des faucheurs volontaires, c’est qu’ils cessent de respecter la démocratie… Quelle sera la réaction de José Bové le jour où, au nom de la conscience, un individu transgressera le règlement qu’il a voté en tant que député européen ? »

Je connais suffisamment José pour savoir qu’il ne votera jamais un règlement allant à l’encontre des intérêts de l’humanité. S’il faisait un faux pas, il comprendrait sans doute qu’on agisse en conscience contre ses propres textes, lui qui a écrit : « Quand les gouvernements encouragent les intérêts privés ou les laissent s’imposer au dépens de tous et de la terre, il ne reste plus aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit (Pour la désobéissance civique – édition La découverte) ». D’ailleurs  Yves Paccalet est assez contradictoire, lui qui a envie de se changer en opposant farouche, voire violent, dans le style des écoguerriers ». Yves Paccalet serait-il contre la « démocratie » quand cela devient nécessaire ?

–  » Comment calmer nos pulsions de reproduction ? (…) Nous devons maîtriser notre obsession congénitale du territoire et de la domination… L’homme est animé par de puissantes pulsions animales : le sexe, le territoire et la domination. Il ne s’en débarrassera jamais ; ces élans sont inscrits dans ses gènes »

Il n’y a pas d’instinct en l’homme, aucune programmation génétique autre que pour notre développement physique, uniquement du culturel pour notre comportement. Les curés se veulent stériles à vie et les nullipares existent ; tout dépend de notre éducation à la sexualité et au malthusianisme. Il n’y a pas d’obsessions, il n’y a que des idéologies. Rien n’empêche de choisir la pensée et l’action la plus durable… Rien n’empêche en soi que la conclusion d’ Yves Paccalet puisse advenir : «  L’avenir gît dans le développement de notre âme collective, de notre composante altruiste, de cette partie de nous mêmes qui œuvre vers l’association, le partage, la compassion, la générosité. »

– «  Nous avons besoin d’une loi mondiale… Créons un ministère de l’économie et des finances mondial… Seul un gouvernement du monde pourrait interdire le saccage des forêts tropicales, des récifs coraux, des terres agricoles… »

Conception étonnante de la part de quelqu’un qui vilipende les résultats du Grenelle de l’environnement ou de la conférence de Copenhague sur le climat : « Il n’en subsiste que de vagues déclarations de principe. » Un gouvernement national n’arrive pas à mettre en musique les bonnes intentions, à plus forte le niveau mondial. Cela fait des années que tout le monde réclame une Organisation mondiale de l’environnement pour contrebalancer le pouvoir de l’Organisation mondiale du commerce. Nous n’avons plus le temps d’attendre. C’est pourquoi la démarche à soutenir en urgence est celle des communautés de résilience, dite de transition : il faudra savoir localement résister aux jumeaux de l’hydrocarbure, la descente énergétique et le réchauffement climatique. Il faudra savoir négocier avec les possibilités biophysiques de son territoire d’appartenance : la commune, la région, la nation, la biosphère.

–  » J’ai vu des beautés du monde que mes enfants et mes petits-enfants ne verront jamais ; elles ont été anéanties par les pollutions de toutes sortes, le béton, le goudron, la tronçonneuse, les filets de pêche géants ; et ce pour le profit de quelques-uns, et toujours au détriment du plus grand nombre… »

Dommage que le système capitaliste libéral ne soit pas jugé comme responsable de la dégradation de la biosphère, dommage que la culpabilité de chacun de nous quand il achète un écran plat ou roule en voiture ne devienne pas une évidence. Pourquoi cette difficulté d’Yves Paccalet à s’en prendre à la fois à l’oligarchie dominante et à la responsabilité des peuples ?

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5/5) LE MONDE et l’écologie… peut mieux faire

Nous avons reflété dans nos articles précédents le point de vue des journalistes Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf, successivement en charge de la rubrique environnement au journal LE MONDE de 1974 à nos jours. Ils en ont témoigné, l’écologie a pris de l’importance dans ce quotidien de référence. Mais comme il faut préserver les convenances et les recettes publicitaires, LE MONDE cultive encore la croissance, le tout automobile et les néfastes futilités. J’avais écrit en 2007 au chroniqueur Eric Le Boucher : « Vous restez un fervent adepte de la croissance économique… » J’ai reçu cette réponse : « La croissance est la seule façon de résoudre le problème social et elle peut être propre. » J’ai obtenu un jour cette réponse de Nadine Avelange, à l’époque responsable du Courrier des lecteurs : « Cher lecteur, notre situation financière ne nous autorise pas à refuser des publicités pour des voitures. Bien cordialement ». Un blog invité du MONDE, qui nous avertit du pic pétrolier, fait pourtant de la publicité pour les voyages en avion ! La crise écologique qui nous menace ne sera bien traitée médiatiquement que dans la mesure où les contraintes réelles ou imaginaires de l’économie ne pèseront plus sur le contenu des articles des  journalistes.

La déformation de l’information tient aussi à la présentation systématique des différents points de vue, ce qui entraîne l’incapacité du lecteur à juger du fond. Par exemple, l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR avait été accordée le 3 juin 2011 par le ministre de l’agriculture. L’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) a alors adressé aux ministres concernés un courrier soulignant que « cet insecticide systémique (le Cruiser), utilisé en enrobage de semences de colza et véhiculé par la sève jusque dans les fleurs, est composé de trois substances actives d’une extrême toxicité pour les abeilles » (LE MONDE du 30 juillet 2011). Mais dans le même numéro, le danger est récusé par Syngenta, qui affirme qu’il n’existe « pas de risques pour les populations d’abeilles ». Déjà, dans l’édition du MONDE du 24 juillet, sous le titre Le fabricant de l’insecticide Cruiser contre-attaque, il n’y avait qu’un simple entrefilet qui ne prouvait rien : « Syngenta a affirmé qu’il allait « combattre toute allégation » contre l’insecticide Cruiser OSR, car il « ne comporte pas de risques pour les populations d’abeilles ». Le Conseil d’Etat, statuant en référé le vendredi 29 juillet, s’appuie sur un point de droit purement formel sans trancher sur le fond pour rejeter la requête de l’UNAF. A suivre ces infos du MONDE, le lecteur ne peut qu’en conclure que l’enjeu écologique est bien trop compliqué pour être pris en considération. Syngenta va pouvoir continuer à commercialiser son insecticide.

Il existe enfin une contradiction flagrante entre journalistes qui peuvent se contredire dans un même numéro. Dans LE MONDE du 29 juillet 2011, Stéphane Foucart s’intéresse à l’état de la planète : « Tandis que les uns fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, les autres craignent, avec raison, celui qui vient. Les effets négatifs du système technique commencent à en concurrencer les effets bénéfiques car ses dimensions sont désormais telles qu’elles se heurtent aux limites physiques de la terre. Arrivé au sommet des courbes, on peut voir le déclin se profiler. De manière croissante, les services rendus au système technique par la biosphère s’érodent sous l’effet du même système technique. » Mais Jean-Philippe Rémy appelle de ses vœux une voiture made in Africa : « Vite, il faut rouler africain ». Il s’attache ainsi à une conception dépassée de l’économie qui repose sur la production manufacturière et les « retombées bénéfiques de l’exploitation des ressources naturelles ». Jean-Philippe Rémy contemple l’évolution passée des courbes, Stéphane Foucart l’évolution prévisible.

Sortons du MONDE papier. Si on consulte les blogs des journalistes du MONDE début septembre 2011, deux seulement sont intitulés « Planète » pour 44 au total, mais trois sont consacrés au sport ! Pour les blogs « invités par la rédaction », 7 sur 34 sont consacrés au sport, 2 à la gastronomie et un seul à notre Planète. Sur les 35 blogs des abonnés « sélectionnés », 5 Planète dont 3 qui ne traitent pas directement d’écologie (humanitaire, lutte contre le SIDA, droits de l’homme). Le thème des rapports entre l’homme et son environnement naturel représente à peine 4 % des blogs du MONDE et sans doute beaucoup moins globalement sur lemonde.fr. Dans LE MONDE et ailleurs, l’urgence écologique ne relève pas encore d’une conception globale et systémique. Pas encore… Car la dimension et l’ampleur des problèmes environnementaux devraient bientôt transformer les journalistes ordinaires en militants des vérités qui nous sont dissimulées. L’analyse journalistique deviendra alors un commentaire (im)pertinent, la société se transformera.

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le jour du dépassement, 27 septembre 2011

Comme si l’endettement massif ne suffisait pas, les Terriens vont finir l’année à découvert le 27 septembre prochain. Mais cette fois la situation est plus grave, car il s’agit d’une réalité, pas de mécanismes financiers ! Nous allons dépasser le niveau des ressources naturelles que peut générer la Terre en un an sans compromettre leur renouvellement. Pour finir l’année 2011, l’humanité en sera donc réduite à vivre écologiquement à « découvert » et à puiser dans des « stocks » chaque année plus maigres. C’est-à-dire à pratiquer une pêche qui va entretenir la baisse des stocks de poissons dans les océans, à détruire plus d’arbres qu’elle n’en replante ou à rejeter plus de CO2 que ce que la planète ne peut absorber. « C’est comme avoir dépensé son salaire annuel trois mois avant la fin de l’année, et grignoter ses économies année après année », explique dans un communiqué le président de Global Footprint Network, Mathis Wackernagel.

Comme les découverts écologiques s’ajoutent d’une année sur l’autre, comme les déficits budgétaires, le grignotage du capital naturel commence de plus en plus tôt. L’empreinte écologique mondiale a égalé la biocapacité mondiale jusqu’en 1986. En 1987, l’humanité était passée dans le rouge un 19 décembre. En 1995, cette date était intervenue le 21 novembre. Pendant l’année 2008, l’humanité a basculé du côté obscur le 9 octobre. Et maintenant le Jour de la dette écologique ou Jour du dépassement (Overshoot day), c’est le 27 septembre 2011. En arrêtant chaque année une date symbolique où l’humanité commence à puiser dans les ressources, le Global Footprint Network entend d’abord permettre de prendre conscience de cet écart grandissant. « Mais il n’est pas possible, bien sûr, de déterminer avec une précision absolue le moment exact où nous dépassons notre budget. Ce jour où nous dépassons la capacité de la Terre est plus une date estimée qu’une date exacte », précise le think tank

Depuis plus de 30 ans, l’humanité vit au-dessus de ses moyens et il faudrait en fait 1,2 à 1,5 Terre pour assumer aujourd’hui les besoins d’une population toujours croissante. Chiffre encore plus élevé si tous les habitants de la planète vivaient selon les normes de la consommation occidentale. En 2010, un rapport du WWF avait mis en exergue les fortes disparités entre habitants de la Terre, qui consomment en fait 4,5 planètes et demie s’ils vivent aux Etats-Unis ou aux Emirats arabes unis mais moins d’une moitié s’ils vivent en Inde.

« Alors que nous cherchons à reconstruire nos économies, c’est le moment de se présenter avec des solutions qui resteront opérationnelles et pertinentes dans le futur », estime Mathis Wackernagel. « Une reconstruction à long terme ne peut réussir que si elle est conduite avec une réduction systématique à notre dépendance aux ressources. »

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4/5) LE MONDE et l’écologie (1998-2011)

Au journal LE MONDE, l’écologie prend progressivement de l’importance. Edwy Plenel, influencé sans doute par le directeur adjoint de la rédaction, Jean-Paul Besset, a voulu doubler la couverture de l’environnement. Hervé Kempf été embauché en septembre 1998 pour renforcer à l’international Sylvia Zappi, en poste depuis le départ de Cans en 2005. Zappi est partie vers le service politique (pour couvrir notamment l’écologie politique) mais a tout de suite été remplacée par Benoit Hopquin, puis par Gaëlle Dupont. Grâce à cette multiplication des journalistes, LE MONDE a joué un rôle important notamment dans :

– le suivi des négociations climatiques. A côté du binôme Kempf-Zappi puis Kempf-Hopquin, puis Kempf-Dupont, le service Sciences a suivi de plus en plus l’environnement, notamment en ce qui concerne la climatologie. Avec Stéphane Foucart, LE MONDE a une des meilleures expertises de vulgarisation scientifique sur la question. Les journalistes ont par exemple durement bataillé contre Allègre et les climato-sceptiques début 2010.

– la bataille des OGM (LE MONDE  a été bien utile à José Bové ou Arnaud Apoteker) ;

– le nucléaire (même si la ligne générale du journal est pro-nucléaire, beaucoup de papiers « critiques » ont pu passer) ;

– la décroissance (qui a trouvé ses premiers relais grand-public dans LE MONDE)  ;

et des dizaines d’autres sujets que les journalistes ont été les premiers ou parmi les premiers à révéler en France, comme l’Arctique ouvert par le réchauffement (27 octobre 2004), les sables bitumineux (26 septembre 2007), la déforestation à cause de l’huile de palme  (9 janvier 2008), les gaz de schiste (22 mars 2010)…

L’« environnement » est donc de mieux en mieux traité, l’évolution s’étant amplifiée avec l’arrivée à la direction d’Eric Fottorino en juin 2007. Fottorino a mobilisé davantage de rédacteurs à la chose environnementale (Laurence Caramel, Laetitia Clavreul, Stéphane Foucard) en plus des rédacteurs patentés (Hervé Kempf à l’international, Gaëlle Dupont au national et Sylvia Zappi à l’écologie politique). Six ou sept rédacteurs au lieu d’un seul, durant presque 25 années (1974-1998), cela fait une sacrée différence. Fottorino a aussi ouvert clairement les colonnes du quotidien à l’écologie à partir du numéro du 23 septembre 2008. Cette page 4 consacrée à la Planète, au même titre que les pages International ou France, est un bel effort pour faire prendre conscience aux lecteurs que, si rien n’est perdu encore (mais c’est tout juste), rien n’est gagné. Planète est un véritable service comptant plus de dix journalistes, un cas unique en France. Hervé Kempf assure dorénavant une chronique hebdomadaire sur l’écologie souvent percutante et assure le pivot de l’information sur l’environnement. Depuis 1998, il a écrit plus de 1250 articles. LE MONDE est donc devenu écolo, son engagement en matière d’information environnementale tranche avec le reste de la presse.

Mais sous la rubrique Planète, nous retrouvons l’ancienne page Environnement & Sciences et le même type d’articles… en moins optimiste : c’est sous le mode de la contemplation et de la désolation que sont traités les faits écologiques. Depuis 2008, la tonalité des pages Planète reste similaire. Les titres du 31 octobre 2008 étaient caractéristiques du  fatalisme dominant : « A la frontière jordanienne, l’exploitation effrénée d’une mine d’or bleu » ; « L’amiante devrait échapper à l’inscription sur une liste internationale de produits dangereux ». Planète du 3 septembre 2011 confirme notre diagnostic : « Les océans sont plus bruyants qu’il n’y paraît, et le sont toujours plus » ; « La Chine accueille les procédés les plus polluants de l’industrie chimique mondiale ». La planète tourne à l’envers, on ne sait plus par quel bout s’attaquer à cette farce tragique… alors, on constate qu’on ne peut rien changer ! Un quotidien, même d’envergure (inter)nationale, ne fait que refléter l’état présent de la société. Il ne s’engage pas, il laisse la société telle qu’elle est. Un autre « MONDE » est nécessaire, il est possible, encore faut-il éradiquer les blocages que nous analyserons dans l’article suivant…

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3/5) LE MONDE et l’écologie (1981-1998)

L’élection de Mitterrand en 1981 a été un coup d’arrêt à la politique environnementale et surtout à la mobilisation associative qui était traitée précédemment par Marc Ambroise-Rendu dans les colonnes du MONDE. Or, sous la direction de Jacques Fauvet, ancien chef du service politique, l’environnement ne prenait vraiment sens que si un mouvement politique l’assumait ; c’est pourquoi, quand Roger Cans reprend la rubrique environnement au MONDE, il se retrouve seul et isolé. Son chef de service lui dit carrément que l’important était la décentralisation et la régionalisation, qui devraient occuper 80 % de son temps. Mais très vite, Cans a pu de sa propre volonté consacrer 90 % de son temps à la rubrique environnement. Avec quelques revers.

En 1984, Cans avait pris l’initiative d’un reportage sur l’agriculture biologique. Durant une semaine, il avait visité une ferme de Beauce en cours de conversion, une autre de la communauté Lanza del Vasto, un petit élevage de Mayenne et un jeune couple d’éleveurs de l’Orne. Il a eu l’impudence (l’imprudence) d’en faire une série de trois papiers, afin d’en montrer l’intérêt et la diversité. Le directeur de la rédaction d’alors, Daniel Vernet, le croise dans le couloir et lui demande « l’agriculture bio, combien de divisions ? » (par analogie avec la blague de Staline sur le Pape…). Le journaliste répond un peu trop vite « moins de 1 % », ce qui était vrai… et les articles passent à la trappe. Toujours en 1984, Cans avait proposé de couvrir une AG des Verts dans un gymnase de Dijon. Le service politique lui avait dit alors qu’il « avait du temps à perdre ».

En 1985, l’affaire Greenpeace passionne LE MONDE  parce que c’est une affaire politiquement sérieuse (la bombe atomique, la Polynésie, Charles Hernu, les plongeurs d’Aspretto, le coulage du Rainbow Warrior en Nouvelle Zélande, Mitterrand, etc.). La totale. Le quotidien mobilise Cans pour passer six semaines à bord du Greenpeace (embarquement à Curaçao, débarquement à Papeete) afin de couvrir la campagne des « écolo-pacifistes » contre les essais nucléaires français. Un arrangement a été conclu avec Gamma TV pour associer nos forces durant cette campagne. LE MONDE  mobilise aussi son rédacteur défense, Jacques Isnard, qui embarque dans le navire de la Marine française. Ainsi, la couverture est totale sur l’océan, avec la vision binoculaire écolos/Marine française. Pendant ce temps, à Paris, deux fins limiers du service Justice (Bertrand Le Gendre) et Police (Edwy Plenel), se mobilisent pour corser l’affaire, découvrir une 3e équipe et pousser Hernu à la démission. L’aspect environnemental de la bombe atomique n’intéresse toujours pas LE MONDE. C’est seulement quand la politique s’en empare que la rédaction suit.

Même avec des catastrophes écologiques, la rubrique environnement a du mal à s’imposer. L’affaire de Bhopal, cette fuite de gaz mortel qui tue ou blesse des milliers d’habitants d’une grande ville indienne en décembre 1984 ne donne lieu qu’à une brève le premier jour. Et le correspondant à New-Delhi n’ira à Bhopal que plusieurs mois après la catastrophe, lorsque l’affaire deviendra politique. Idem pour Tchernobyl, en avril 1986 : le correspondant à Moscou n’ira jamais enquêter sur place, la couverture de l’événement est donc minimale. Il faut attendre octobre 1986 pour que le journal propose à Cans un reportage pas cher : accompagner Pierre Mauroy, ancien Premier ministre et président des cités unies, qui va présider un congrès à Kiev et qui invite quelques journalistes politiques. LE MONDE publiera le reportage à Kiev mais aussi un petit papier politique sur le PS vu par Pierre Mauroy, qui enchantera André Fontaine, alors rédacteur en chef. On n’ira à Tchernobyl que par inadvertance : ce sont des congressistes italiens du PCI, parmi lesquels des médecins, qui ont demandé à enquêter sur Tchernobyl en marge du congrès.

Il a fallu le succès de l’écologie politique lors des élections municipales de 1988 et des européennes de 1989 pour que le quotidien s’y intéresse un peu. Un nouvel élan est donné avec la préparation du sommet de Rio en 1992. Une petite chronique « l’avenir de la planète », n’a eu qu’un temps. Mais l’écologie n’est toujours pas un service ni un département rédactionnel, l’environnement reste un problème technique. Et l’écologie politique reste considérée comme une nuisance puisqu’elle affaiblit la gauche dans les élections (comme aux USA Ralph Nader qui fait élire Bush au lieu de John Kerry). Colombani considérait même Antoine Waechter comme « à droite de la droite ».

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L’humain d’abord, un mauvais slogan de Mélenchon

« L’humain d’abord » est le sous-titre du programme du Front de Gauche que va défendre Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles 2012. On pose pour postulat que « la richesse d’un pays réside dans le travail humain, dans la capacité de ses femmes et de ses hommes à inventer et à produire ». Mélenchon oppose le travail humain à la finance, il en oublie complètement le capital technique dont l’enveloppe monétaire n’est que le voile. Ce programme occulte donc la problématique de la techno-science et ne pose pas clairement la question : de quelle sorte de technologies avons-nous besoin ? Plus grave, le Front de Gauche oublie que la richesse d’un pays réside d’abord dans les ressources naturelles utilisables, le travail n’étant qu’un procédé de transformation de ces ressources avec l’aide du capital technique (ou « travail cristallisé » au sens marxiste). Un littoral durablement envahi par l’effet du réchauffement climatique ne fera vivre ni les villes, ni les services sociaux.

Dans les ressources naturelles, l’énergie fossile est prépondérante puisqu’elle permet de démultiplier le travail humain et même de le remplacer par des robots. Or la descente énergétique qui se profile (épuisement du pétrole et du gaz) va mettre à mal tous les avantages acquis. Comme l’exprime Jean-Marc Jancovici, « Conservez les neurones et supprimez les combustibles fossiles : nous ne serons plus capables de proposer des machines géniales à chaque consommateur occidental pour un prix qui n’a cessé de baisser au fil des temps… Si demain nous n’avons plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. ». Autant dire que Mélenchon ne nous prépare nullement à un avenir difficile en réclamant « tout de suite » le droit à la retraite à 60 ans à taux plein, le Smic à 1700 euros brut par mois et la titularisation immédiate des 800 000 précaires de la fonction publique.

Le gauchisme diffus dont Mélenchon est l’apôtre n’est qu’une variante du « toujours plus » de Nicolas Sarkozy. D’un côté le président des riches, de l’autre le représentant des pauvres. D’un côté l’oligarchie de la fuite en avant, de l’autre le populisme et ses bouffées nostalgiques. Mais Mélenchon a bien évolué depuis son passage chez les trotskistes (1972-1975), il laisse une place à la planification écologique dont nous dirons bientôt quelques mots. De notre côté nous n’avons pas changé, depuis notre vote pour René Dumont en 1974 : l’écologie d’abord ! Nous devons clairement expliquer aux citoyens que les facteurs de production sont à la fois le travail, le capital et surtout les richesses de la biosphère. Nous devons ajouter que le programme de la révolution industrielle, « les humains d’abord », nous amène au bord du gouffre maintenant que nous avons pillé toutes les richesses de la biosphère.

NB : le programme du Front de gauche (L’humain d’abord) est en vente en librairie pour 2 euros…

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allégeance aux armes, guerres du climat

L’UMP souhaite instaurer un « serment d’allégeance aux armes ». Tous les jeunes Français arrivés à l’âge de la majorité seraient tenus de prêter serment aux armes, c’est-à-dire de s’engager, si les circonstances l’exigeaient, à  » servir le pays sous les armes françaises « . Cette prestation de serment se ferait à l’occasion de la journée d’appel à la défense ou au moment de l’acquisition de la nationalité française… M. Copé insiste : « Je fais mienne la devise de John Fitzgerald Kennedy : ‘Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour ton pays’. Nous sommes dans une logique de droits et de devoirs. » (Source : LEMONDE.FR | 20.09.11  | »Serment d’allégeance aux armes »)

A défaut d’économiser nos ressources et nous sauver en même temps que la planète, l’UMP préfère préparer les mentalités pour aller conquérir les territoires et piller les ressources. Comme l’exprime Harald Welzer dans son livre Les guerres du climat, « les conflits d’espace vital et de ressources auront, dans les décennies à venir, des effets radicaux sur la forme que prendront les sociétés occidentales… Les menaces extérieures sont une cause de cohérence interne. Percevoir l’acte de tuer comme un acte de défense est, pour tous les coupables de génocides, un élément important de la légitimation qu’ils se confèrent et des pleins pouvoirs qu’ils s’attribuent. »

Cette dérive du militarisme UMP est d’autant plus grotesque que le service de défense nationale en France n’est pas supprimé, mais seulement suspendu. Tous les jeunes qui passent à la JAPD ont en fait effectué une journée d’incorporation, en attendant la suite !  Mais il ne faut pas oublier non plus que le statut des objecteurs de conscience, opposé à l’usage des armes, n’est lui aussi que suspendu. L’UMP compte-t-elle aussi déchoir de la nationalité les objecteurs de conscience ? Ça promet !

Enfin Copé fait une mauvaise interprétation des paroles JF. Kennedy. Faire quelque chose pour son pays ne veut pas dire nécessairement prendre les armes. Une autre expression de JF. Kennedy est beaucoup plus claire : « La guerre existera jusqu’au jour lointain où l’objecteur de conscience jouira du même prestige que le guerrier. »

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2/5) LE MONDE et l’écologie (1974-1981)

Marc Ambroise-Rendu est arrivé au MONDE en mars 1974. Son directeur, Jacques Fauvet, n’avait aucune idée de la manière dont il fallait traiter la nouvelle rubrique environnement, mais comme il y avait un ministère du même nom depuis le 7 janvier 1971, un ministre (Robert Poujade), des officines diverses, des salons de l’environnement et des réactions patronales, il fallait « couvrir ». Ambroise-Rendu a proposé de nourrir la rubrique avec 50 % de nouvelles institutionnelles et 50 % d’infos provenant de la vague associative en train de monter. Fauvet a dit OK.

Les reportages d’Ambroise-Rendu sur les protestations et propositions associatives de terrain convenaient bien au service « Equipement et régions » dont il dépendait et l’audience était là. Mais ses collègues des autres services étaient étonnés, et même, pour certains, scandalisés qu’on donne dans leur journal « si sérieux » autant de place à l’environnement – sujet marginal et jugé parfois réactionnaire. Un rédacteur en chef s’est même exclamé: « L’écologie, c’est Pétain »… Il s’en est excusé plus tard. Quand René Dumont a fait acte de candidature aux présidentielles de 1974, le service politique n’a même pas envoyé un stagiaire pour voir à quoi ressemblait ce « zozo ». C’est Ambroise-Rendu qui a couvert les premiers balbutiements de sa campagne lors d’une conférence de presse dans une salle de cours poussiéreuse de l’ Agro. Voyant qu’un « étranger » mettait les pieds dans son espace réservé, le service politique a fini par reprendre la main.

Le seul président de la République qui a osé s’exprimer longuement sur la politique écologique est Valéry Giscard d’Estaing… fin 1977 ! L’interview, avec le labrador roupillant sur le tapis, a été longuette et « molle ». Il a fallu attendre deux mois pour que cet entretien avec Marc Ambroise-Rendu, après ré-écriture, paraisse dans LE MONDE du 26 janvier 1978.  La première question était déjà incisive : « La France peut-elle continuer à donner l’exemple d’une croissance accélérée, alors que celle-ci est fondée sur la sur-exploitation du monde, le gaspillage et les risques technologiques ? » Il est significatif que la réponse de VGE pourrait aussi bien être faite par le président actuel : « Je préconise une nouvelle croissance qui économise l’énergie et qui réponde à des aspirations plus qualitatives. Mon objectif est que nous retrouvions un taux de croissance supérieur à celui de ces quatre dernières années, ne serait-ce que pour résoudre le problème de l’emploi. Cette nouvelle croissance n’est ni une croissance sauvage ni une croissance zéro. » La troisième question montrait que le journaliste savait poser les bonnes questions  : « L’opinion paraît de moins en moins favorable à un développement ambitieux du programme électronucléaire. Comment réintroduire la démocratie dans le choix nucléaire ? » La réponse de Giscard est un véritable déni de la réalité : « Le gouvernement respecte la démocratie dans le domaine nucléaire, comme dans les autres. Il a la responsabilité devant le pays de prendre les décisions qui engagent la politique de la France. Il le fait sous le contrôle du Parlement (…) La vraie question n’est pas oui ou non au nucléaire. La question c’est : oui, mais comment ? »

Au cours des 3000 jours pendant lesquels Marc Ambroise-Rendu a tenu sa rubrique « Environnement », il a aligné plus de 1200 papiers dans tous les registres. Il n’a jamais été rappelé à l’ordre pour « engagement excessif » ou « commentaires orientés ». Il avait l’impression de parler allègrement – et utilement – de sujets sérieux et cela avec une totale liberté (dans les limites d’un quotidien national). Sous des dehors austères et même sévères, Fauvet était, au fond, un vrai libéral. Les pressions venaient d’ailleurs. Ambroise-Rendu avait participé avec ses collègues des sciences et de l’économie à une série sur le parti pris nucléaire. En trois livraisons les journalistes avaient essayé de discerner où menait l’aventure nucléaire décidée par de Gaulle-Pompidou-Messmer et les technocrates  du CEA et d’EDF. Les articles ont fait grand bruit. Ambroise-Rendu a été appelé par le patron d’EDF qui lui a demandé « Mais M. Rendu qu’est-ce qu’on vous à fait ? » Il était vraiment stupéfait qu’on puisse envisager de réexaminer le choix du nucléaire. Les seuls qui n’ont pas participé à cette série, ce sont les gens du service politique qui se sont bien gardés de titrer la réalité : « Le nucléaire enjambe la démocratie ».

Marc Ambroise-Rendu a vécu au MONDE les meilleures années de sa carrière journalistique mais son successeur Roger Cans, nommé en 1982, a été moins chanceux.

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1/5) LE MONDE et l’écologie (1945-1973)

Nous avons interrogé les journalistes Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf qui ont été successivement en charge de la rubrique environnement au MONDE. Ils saluent tous l’amélioration de plus en plus visible de leur employeur en matière de traitement de l’enjeu écologique. Il est vrai qu’en la matière, les débuts du quotidien ont été désastreux. Dans son numéro 199 du 8 août 1945, le quotidien annonçait le largage de la première bombe atomique en manchette sur trois colonnes avec, en surtitre, cette formule ingénue et terrible : « Une révolution scientifique ». Il est vrai aussi que l’ensemble de la presse fut unanime pour oublier les êtres humains carbonisés ou irradiés. Pourtant Albert Camus pouvait écrire à la même date dans l’éditorial de Combat : « Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. » Il était donc possible à l’époque de porter sur ce terrible événement un regard sans concession, Albert Camus l’a fait. L’enjeu pour un journal qui est devenu « de référence », c’était d’aller au-delà des apparences dictées par les puissants, de ne pas choisir une impossible neutralité, de savoir se positionner comme un véritable journaliste d’investigation, d’éclairer le lecteur. LE MONDE avait encore beaucoup  de chemin à parcourir pour bien mesurer l’importance croissante de la détérioration de notre environnement.

En 1952, on inaugure le barrage de Donzères-Mondragon ; l’envoyé spécial du MONDE ne dira rien concernant l’impact environnemental de ce « colossal ouvrage ». En 1953 pour le barrage de Tignes, le reporter du MONDE s’émerveille devant l’ouvrage d’art qui « offre une ligne extrêmement harmonieuse ». Pas un mot sur le village englouti par le barrage, mais une constatation confondante de naïveté et de cynisme : « Le site n’en souffre pas ». En 1957, la critique du projet de tracé de l’autoroute du sud à travers la forêt de Fontainebleau fait simplement l’objet d’une libre opinion qui constate : « Il est triste de penser que l’autorité des naturalistes, des artistes et des sociétés savantes est impuissante contre le vandalisme ». Plus de vingt ans après Hiroshima, LE MONDE n’a pas beaucoup progressé dans son analyse. Le naufrage du Torrey Canyon le 18 mars 1967 échappe complètement à l’attention du quotidien pendant plusieurs semaines, c’est la première marée noire sur nos côtes. Il faut attendre le 21 avril  pour que soit publié en Une un bulletin intitulé « les dangers du progrès ». La conversion écologique de ce quotidien « de référence » va être lente, aussi lente que la prise de conscience générale dans une société où priment l’économique et le socio-politique.

C’est seulement à partir de 1969 que LE MONDE ouvre un dossier « Environnement » au service de documentation. Mais il n’y a toujours pas de journaliste spécialisé. Quotidien institutionnel dont la rédaction était constituée de spécialistes restant dans leur domaine pendant des années, LE MONDE n’a commencé à traiter spécifiquement d’environnement qu’en 1971, lorsque le ministère de la protection de la nature et de l’environnement a été crée. Dès ce moment un rédacteur, qui venait du service Economie et couvrait jusque-là la vie des entreprises, a suivi l’action de Robert Poujade. Versé au service « Equipements et régions » (on ne savait trop où caser l’environnement), il a immédiatement reçu de ses anciens interlocuteurs les jérémiades classiques selon lesquelles, si on obligeait les entreprises à quoi que ce soit, ils allaient licencier leur personnel. En 1972, c’est la première conférence des Nations unies « pour l’homme et son environnement » qui contraint LE MONDE  à créer une rubrique sous ce nom. Mais les rédactions se méfiaient encore de ce type d’information et l’écologie est restée un gros mot encore longtemps pour bien des personnes.

NB : Nous avons été aidés dans nos recherches par les archives de l’association JNE (Journalistes pour l’environnement et l’écologie).

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où sont les écologistes ? Partout et nulle part !

Eva Joly avait approché le Modem et se retrouve maintenant candidate EELV pour la présidentielle 2012. Jean-Luc Bennahmias et Yann Wehrling étaient des secrétaires nationaux des Verts, il se retrouvent vice-président et porte-parole du Modem. Eric Loiselet était au PS, il se retrouve à EELV et quelques Verts ont rejoint le PS. Où sont les écologistes ? Partout, nulle part ? Même à droite ?

Tout le monde est écologiste, mais peu s’en rendent compte encore. L’écologie est l’art de réfléchir sur les relations entre la biodiversité dont l’espèce humaine fait partie et la biosphère qui permet la survie de la vie. L’écologie est d’abord une science qui a analysé la complexité des interrelations du milieu vivant. Maintenant cette science nous dit à voix multiples que les conditions de vie sur Terre se dégradent. Alors l’écologie devient politique, il faut prendre des décisions pour combattre cette dégradation. Tout le monde est donc concerné par l’équilibre qui existe ou disparaît dans l’écosystème que forme la Terre. Tous les citoyens encartés, qu’ils soient de droite ou de gauche, se doivent donc de tenir un discours écolo. C’est ce qui commence à advenir. La chouchou de Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, est bien plus écologiste que les ténors de la gauche socialiste qui viennent de pérorer sur le pouvoir d’achat jeudi soir à la télé. L’écologie est aussi à droite, cette droite qui depuis 1971 et la création du ministère de l’environnement a permis l’institutionnalisation de l’enjeu écologique bien plus que ne l’a fait Mitterand ou Jospin. Qui peut se déclarer ouvertement contre l’écologie aujourd’hui à part quelques vendus au système thermo-industriel comme les négationnsites du climat ?

Notre position sur ce blog est simple. Chaque sensibilité individuelle peut s’exprimer sur n’importe quel point de l’échiquier politique du moment qu’on a compris l’urgence écologique. Il ne faut pas se battre entre nous, écologistes de tous bords ; mais percevoir que tous les chemins ont le même objectif, combattre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité, préparer l’après-pétrole et instaurer des communautés de résilience, être à la fois l’ami des pêcheurs et l’ami des poissons, etc. Nous sommes en contact avec des gens de toutes sortes, y compris à l’extrême droite. Les chefs d’entreprise qui optent pour le renouvelable, la sobriété et le recyclage sont de notre côté. Les individualistes qui ne votent jamais mais qui pratiquent la simplicité volontaire et la sobriété énergétique sont aussi de notre côté. La classe populaire qui ne vit que par sa télé, son portable et le dernier match de foot est une catégorie vouée à l’extinction. Les exploitants agricoles extensifs représentent une profession vouée à l’extinction. Beaucoup de choses vont disparaître, bien d’autres vont se créer. C’est ce que Schumpeter appelait la destruction-créatrice. Cela va faire beaucoup de dégâts, mais cela pourrait nous permettre de retrouver l’esprit de solidarité, pas de façon restrictive entre camarades d’un même parti, mais entre tous les humains qui ont déjà pris ou qui vont prendre conscience que nous sommes sur le même bateau qui est en train de couler.

Oui, l’écologie est partout et nulle part, comme Dieu ! L’écologie au service de la biosphère sera la religion du XXIe siècle ; une religion au sens profond de ce qui relie, permet la communauté, une communauté humaine ouverte au non-humain comme nous l’espérons…

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les glaces de l’Arctique contre les climatosceptiques

Sur le blog éco(lo) d’Audrey Garric : « L’étendue des glaces de l’Arctique, l’un des éléments clés du thermostat de la planète, vient de battre un triste record : son plus bas niveau depuis le début des observations par satellite en 1972… Selon les deux équipes de scientifiques, la fonte de la glace de mer prouve l’importance de l’impact des activités humaines sur le climat au cours des dernières décennies. » Comme il était prévisible, les très méchants qu’on appelle climatosceptiques ou « négationnistes du climat » se déchaînent sur le monde.fr :

« Vous comprenez pourquoi on est sceptique ? C’est parce qu’il n’existe pas de preuve et qu’en face on nous explique que manger deux fois de la viande par jour fait monter la température du climat et déborder les océans. Je ne sais pas si ce n’est pas bien de manger souvent de la viande, mais je suis sûr que cela est moins important sur le climat que l’effet du soleil… Pourquoi on ne compare pas cela avec les cycle du soleil qui en ce moment est à son paroxysme d’activité… S’il est vrai que les surfaces englacées sont en recul, on ne peut pas dire que ce soit neuf ni dramatique… Oui, il y a un réchauffement climatique. Est-ce que celui-ci est lié à l’homme ? Cela n’est pas démontré. Etc. »

Nous constatons que ces négationnistes veulent ignorer les travaux du groupe international d’experts sur le climat (GIEC) qui, bien entendu, a comparé causes solaires (entre autres) et cause anthropique du réchauffement climatique. Mais plus que la mauvaise foi, ce qui nous choque c’est ce genre de points de vue : « Faire culpabiliser les terriens c’est pas bien… On a assez de soucis dans notre temps présent pour se soucier d’un hypothétique futur… Votre discours sur les générations à venir n’est que du blabla… POURQUOI SE SOUCIER DU CLIMAT POUR LES GENERATIONS FUTURES ? Celles d’avant la nôtre n’en avait cure et ils avaient bien raison. Les choses viennent en leur temps. »

D’abord il ne s’agit pas de culpabiliser, mais juste d’ouvrir les yeux ! Il nous paraît normal que l’enfant qui fasse une faute culpabilise pour intérioriser le fait qu’il lui faut agir différemment ; ainsi il n’a pas besoin du panpan culcul ! Il manque aux climato-sceptiques une bonne fessée. Ensuite le mépris total manifesté par certains à l’égard des enfants de nos enfants est certes possible, mais désespérant. Oui, la génération actuelle qui possède une voiture et manipule des écrans est choyée grâce à l’énergie fossile qui lui procure pour l’immédiat son bien-être matériel. Est- ce cela vivre ? Le passé, le présent et le futur sont des concepts qui n’existent pas l’un sans l’autre. Notre intelligence humaine peut comprendre que le passé façonne notre présent et que le présent conditionne notre futur. Or nous savons déjà que chaque combustion d’une énergie fossile entraîne une planète de moins en moins vivable pour les humains et pour les ours polaires. Est-ce cela que les climatosceptiques désirent ?

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Al Gore et Claude Lorius contre les climatosceptiques

Le projet d’Al Gore, intitulé 24 Heures de vérité, est une réponse aux climatosceptiques, dont le nombre aux Etats-Unis est alimenté par la crise de l’emploi et la campagne des républicains contre les réglementations environnementales. « Il y a quatre lobbyistes antiréchauffement climatique pour chaque membre du Congrès », dénonce Al Gore*. La diffusion de ce documentaire vient de commencer le 14 septembre à Mexico. Nous n’allons pas épiloguer sur quelque chose que nous n’avons pas vu. Nous préférons relater les propos du glaciologue Claude Lorius** dont les travaux ont permis à la fois de révéler les liens entre réchauffement climatique et gaz à effet de serre et de dénoncer l’aveuglement des climatosceptiques :

« Que se passe-t-il quand on aura tout mangé, tout utilisé, tout pollué ? C’est quand, le bord du gouffre ? Le jour où le dernier puits de pétrole percé à grand renfort de dollars et de hautes technologies par 4000 mètres de profondeur dans les fonds marins de l’Arctique, le jour où la dernière veine de charbon aura été saignée, la fin de l’énergie tissera le linceul de ce qu’on appelle la modernité. Nous ne pouvons nous empêcher d’être possédés par un pessimisme profond. Oh ! Non pas que l’homme soit menacé ! Il s’entrégorgera, il se déplacera, il mourra de faim, de soif, de maladies, mais il ne disparaîtra pas. La banquise aura disparu qu’il sera encore là. A s’autodétruire. Nous ne sommes pas pessimistes sur sa survie, nous sommes pessimistes sur sa sagesse, sur sa compréhension qu’il vit une époque charnière sans précédent ; qu’il doit veiller sur la Terre de ses enfants. Nous sommes inquiets sur son sens de la responsabilité.

Il apparaît que ce pisse-froid de Malthus avait raison d’affirmer qu’il y avait une limite à l’expansion humaine, au-delà de laquelle l’humanité serait en crise… mais il est très difficile à l’homme d’admettre ce type de raisonnement. Bientôt nous n’aurons plus à opter ou non pour la décroissance, elle sera inéluctable. La seule question qui se pose dorénavant à nous, c’est : que voulons-nous faire de ce monde dont nous sommes devenus dans le même temps les fossoyeurs et les gardiens ? Les gardiens parce que les fossoyeurs… »

* LE MONDE du 14 septembre 2011, Le come-back d’Al Gore

** Voyage dans l’anthropocène de Claude Lorius et Laurent Carpentier (Actes Sud, 2010)

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2/2) appel à la désobéissance

Quatre cents prêtres et diacres en Autriche se prononcent pour l’ordination des femmes et la fin de la règle du célibat. Helmut Schüller, l’initiateur de l’appel à la désobéissance, insiste sur la nécessité de «  passer d’un système absolutiste, organisé autour du pouvoir romain, à une forme de démocratie telle qu’elle est pratiquée de longue date dans les communautés religieuses chrétiennes. » Les conservateurs ressentent ce choix du mot  » désobéissance  » comme une dangereuse provocation. Mais la véritable provocation, c’est le maintien d’un ordre injuste.

Cet appel à la désobéissance soutenue par des prêtres contre les conservateurs, nous réjouit profondèment : les Eglises partipent aussi de la soumission des peuples. Il est significatif que la langue française n’offre pas de substantif pour le verbe désobéir… comme si l’acte de désobéissance ne pouvait pas être légitimement revendiqué. On ne dispose que de l’adjectif désobéissant qui, selon le Petit Robert, « ne se dit guère que des enfants ». De celui qui désobéit, on peut dire qu’il est désobéissant, on ne peut pas dire qu’il est un désobéissant, comme on dit de celui qui milite qu’il est un militant. Plutôt que de substantiver le participe présent du verbe désobéir (désobéissant), il nous semble préférable avec Jean-Marie Müller de créer un mot nouveau, celui de désobéisseur : qui revendique haut et fort sa désobéissance et entend en assumer toute la responsabilité. 

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1/2) appel à la désobéissance généralisée

L’éducation des petits d’hommes a pour finalité d’en faire, non pas des citoyens obéissants, mais des citoyens responsables, capables d’apprécier et de juger la loi à laquelle l’Etat leur demande d’obéir. En clair, les enfants ne doivent pas obéir à un ordre injuste, quel que soit celui qui le leur demande ; à plus forte raison les adultes.

La liste des désobéissances citoyennes commence à être longue, mais à part Gandhi et Martin Luther King, trop peu connue. Tous les enfants de France devraient connaître la Déclaration des 121 sur le droit à l’insoumission en 1960 dans la guerre d’Algérie , le Manifeste des 343 en 1971 pour légaliser l’avortement, l’action illégale mais légitime des faucheurs volontaires, le collectif des déboulonneurs pour barbouiller les publicités, etc. Pour mieux connaître l’importance de la désobéissance civile, lire L’impératif de désobéissance de Jean-Marie Muller (éditions le passager clandestin, 2011). En résumé, si je suis libre en obéissant à la loi lorsque celle-ci garantit une juste égalité des chances pour tous, je ne peux rester libre qu’en lui désobéissant lorsque ce n’est manifestement pas le cas. L’homme n’accomplit son humanité qu’en devenant auto-nome, c’est-à-dire en n’obéissant qu’aux lois auxquelles sa conscience et sa raison donnent leur assentiment. L’histoire des résistances aux lois iniques fait partie intégrante de l’histoire des sociétés. La désobéissance civile est la respiration de la démocratie.

Le problème de nos sociétés pseudo-démocratiques, en fait soumises aux diktats de l’économie, c’est qu’il faudrait pratiquement désobéir à tout. Non seulement désobéir à la guerre, aux OGM, à la publicité…, mais désobéir aussi aux petits chefs dans les bureaux, à la consommation de masse, à la société du spectacle, au productivisme, au populationnisme, à la mondialisation, etc. Mais alors que des prêtres lancent un « Appel à la désobéissance »* vis à vis de leur hiérarchie, ce qui domine dans la société thermo-industrielle, c’est le culte de la soumission !

* LE MONDE du 14 septembre 2011, Un  » appel à la désobéissance  » soutenu par des prêtres secoue l’Eglise d’Autriche

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Nicolas HULOT nous quitte, il reviendra après sa déprime

Nicolas Hulot vient d’exposer les raisons qui, à ses yeux, expliquent le « rejet » dont il a fait l’objet*. Pour lui, c’est d’abord le sectarisme des Verts. NH dénonce aussi la tentation d’EELV de passer un contrat de gouvernement avec le PS pour 2012. Pour NH l’écologie reste la « troisième dimension de la politique », hors du clivage gauche-droite. Nicolas, dont nous avons salué plusieurs fois l’engagement écolo sur ce blog, nous déçoit. Il a abandonné le combat, il devient le Jospin de l’écologie qui démissionne au moment le plus crucial. Dommage ! Nous laissons la parole aux commentateurs du monde.fr qui reflètent le mieux notre sentiment :

  • Un politique, ça donne des coups, ça prend des coups. Visiblement Hulot n’en a pas la trempe.

  • Et oui monsieur Hulot. Quand on s’engage dans un parti, quel qu’il soit, il faut s’attendre à n’être pas applaudi tout le temps. Et il faut ruser, il faut travailler et ne pas imaginer que son seul nom suffira…

  • Où est la cohérence ? Il regrette que les membres du parti l’aient considéré comme « un corps étranger suspect », mais qu’a-t-il fait pour mériter la confiance ? A-t-il milité au sein du parti dont il souhaitait les suffrages ? Non, il est juste entré en jeu à l’approche des élections. Maintenant, il râle, et cette aigreur dresse de lui un portrait pitoyable.

  • Il a essayé, peut-être, mais très peu. S’il avait eu la conviction d’être au bon endroit, il serait resté. S’il pensait forcer le destin à lui tout seul et d’un seul coup, il se fourrait le doigt dans l’œil. Et puis ce ne sont pas les militants EELV qui ont voté plutôt Eva JOLY, mais l’ensemble des sympathisants qui se sentaient concernés.

  • Voilà le mauvais joueur, le mauvais perdant. Il montre un mépris pour ses électeurs et une faible volonté.

  • Manifestement N.Hulot est un naïf, il ne comprend pas le fonctionnement et la logique d’un parti politique… EELV est un parti politique qui se présente devant les électeurs : il faut gagner. Pour gagner, il faut se positionner, faire des alliances, attaquer… Faire de la politique, c’est gérer des rapports de force dans un processus électoral.

  • Vous ne l’avez pas compris, il essaie JUSTEMENT de changer la manière dont la politique est faite. Le rapport de force ne me semble pas être compatible avec le débat de fond. Hulot avait la capacité de mobiliser bien au delà d’EELV.

  • M. HULOT découvre que l’intérêt commun n’est pas le moteur de la politique. Faire avancer l’écologie politique commence par prendre conscience de cela puis d’agir ensuite de façon tactique comme l’a bien fait Mme Joly.

  • Il est évident que NH avait été infiniment plus efficace pour l’environnement en 2007 qu’il ne l’aurait été en 2012 au sein du panier de crabes qu’est un parti. Même s’ils n’ont pas tenu toutes leurs promesses (loin de là…), le « Pacte écologique » puis le « Grenelle de l’environnement » ont plus fait concrètement que des générations de Voynet ou Cochet.

  • Hulot comme Bayrou est victime de cette bipolarisation droite-gauche qui ruine ce pays depuis 45 ans. L’élection présidentielle est une catastrophe, alors que dans une vraie démocratie on aurait des législatives, une majorité de circonstance avec des alliances et un vrai 1er ministre responsable. Toutes les sensibilités représentées, c’est ça la démocratie, pas ce cirque d’un monarque élu.

  • L’urgence écologique presse comme l’a fait remarquer M. Hulot dans ses documentaires. Alors ne vaudrait-il pas mieux contribuer à un parti « écologiste » imparfait que de ruiner ses chances en distillant son poison dans la tête des électeurs potentiels ? M. Hulot dessert la cause écologiste.

  • Imaginons Hulot désigné candidat. Il aurait fait, allez, soyons fous, 17 %. Il n’aurait pas donné de consignes de vote au second tour, comme Bayrou en 2007. L’essentiel de son état-major se serait quand même rallié au candidat socialiste, pour devenir ministre et obtenir un groupe parlementaire. L’exacte duplication du « Nouveau Centre » de 2007, à droite avec Sarkozy. Au fait, en 2011, c’est devenu quoi, le « Nouveau Centre » ? Les mecs du genre Hulot ou Bayrou n’ont malheureusement pas d’avenir.

  • Le centre de Bayrou ou Borloo est le ventre mou de la France, sans autre doctrine que l’ambition électoraliste. L’écologie politique, avec ou sans HULOT, est un projet de changement civilisationnel qui s’appuie sur les données de l’écologie scientifique et les images d’une planète dévastée si bien décrites par le Titanic de Nicolas. Ce n’est pas parce qu’on a échoué une fois dans l’écologisation du politique qu’il faut abandonner…. Nicolas, revient !

* LEMONDE.FR du 12.09.11, Nicolas Hulot règle ses comptes avec Europe Ecologie-Les Verts

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choisir entre écologie politique et Front National

Comment trancher entre écologie et extrême droite ? Marine Le Pen avait jugé le projet de l’écologiste Nicolas Hulot compatible avec celui de son propre parti : « On a relu avec mes conseillers le projet qu’il avait fait en 2007… Il y a énormément de choses qui sont tout à fait compatibles avec le projet du Front national ». Aujourd’hui les conseillers d’Eva Joly sont persuadés que leur candidate a des marges de manoeuvre et des électeurs à conquérir… du côté du Front national*. Par contre Eva Joly se dit opposée au Front National… sur la question européenne : « Nous sommes radicalement opposés au FN : ils ne tiennent pas compte de la réalité. Ils préconisent la sortie de l’euro. Les solutions sont européennes. Ne croyez pas des bonimenteurs. »

Soyons complexe, plus complexe que les petites phrases que les journalistes du MONDE ou les chargés de communication des politiques mettent en évidence. Le slogan fondamental de l’écologie politique pourrait être « produire local et consommer local pour résister à la mondialisation ». Il faut relocaliser, ce qui implique d’acheter plus européen que chinois, plus français qu’européen, plus régional que français. Cela ne veut pas dire à l’égal du Front National préférer sa soeur à ses cousines, les filles françaises plutôt que les étrangères. Que Laurent Ozon (membre du bureau politique au début de cette année et démissionnaire depuis) ait apporté à Marine le Pen le concept du « localisme », n’est pas un problème en soi. Si le FN reprend une bonne idée, cela reste une bonne idée. Sur un territoire qui tend à la résilience aux chocs provoqués par les hydrocarbures (descente énergétique et réchauffement climatique), peu importe votre étiquette, marxiste ou d’extrême droite, chef d’entreprise ou artisan, nous avons tous l’obligation de travailler ensemble pour bâtir une société viable, vivable et durable. Mettre en avant le collectif local, c’est obligatoirement miser sur des rapports démocratiques… contrairement au FN. Les jeux partisans de préparation à la présidentielle française ne devrait nous intéresser… que de très loin. Il n’y a pas de sauveur suprême, la solution aux crises se trouve d’abord dans notre comportement individuel, familial, local : ne pas vivre à crédit, diminuer sa consommation énergétique, instaurer des relations conviviales de proximité. Il n’y a de véritable démocratie que locale.

Pour conclure, cette phrase qui résume la philosophie d’Eva Joly : « Nous, les écolos, nous portons la complexité du monde, le FN porte une simplification mensongère. » Cette analyse rejoint la nôtre, lire notre post « écologisme contre extrême droite » : Il est plus facile dans l’adversité de montrer du doigt un coupable présumé. Face à cette tactique souvent utilisée dans la pratique électorale, l’écologie politique présente nombre d’analyses et de pratiques possibles, c’est-à-dire des réponses complexes.

* LE MONDE du 11-12 2011, Les écologistes s’adressent aux électeurs frontistes

 

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coût des catastrophes et responsabilité humaine

Depuis ce WE* se réunissent à Monte-Carlo les principaux réassureurs, assureurs et courtiers mondiaux pour négocier les conditions de renouvellement des traités de réassurance de l’année 2012. La profession reconnaît avoir de plus en plus de mal à prévoir les risques liés aux catastrophes naturelles. Le débat autour de l’évolution nécessaire ou non des modèles de simulation des catastrophes naturelles devrait donc être une des questions évoquées à Monte-Carlo.

Un autre article du MONDE** envisage cette modélisation. Une première publication , dans la revue Nature, avait permis de montrer que les inondations catastrophiques qu’a connues le pays de Galles à l’automne 2000 étaient principalement dues au changement climatique en cours. Une approche analogue, publiée en mars dans Geophysical Research Letters (GRL), suggère au contraire que l’ajout des gaz à effet de serre anthropiques ne modifiait pas substantiellement la probabilité de survenue de la vague de chaleur historique qui avait frappé la Russie à l’été 2010. Il est donc encore difficile de cerner la responsabilité humaine. Mais comme les émissions de gaz à effet de serre continuent et s’accumulent, il est étonnant que les réassureurs à Monte Carlo ne s’inquiètent pas davantage. C’est parce qu’ils sont aveugles, ils ne s’intéressent qu’à une prévison pour l’année 2012, nullement au siècle à venir pendant lequel la hausse moyenne des températures a une forte probabilité de nous faire basculer dans une biosphère que nous n’avons jamais connu : inondations, désertification, etc. Tant pis pour les générations futures, le taux d’actualisation choisi par nos financiers favorise le moment présent. Il est vrai aussi que les assureurs ne s’intéressent qu’à ceux qui peuvent payer des prrimes d’assurance, ils ne sentent donc pas concernés par les plus pauvres qui seront pourtant les plus touchés par le réchauffement climatique !

Il est vrai surtout que les questions qui intéressent le plus les médias et le grand public ne sont pas celles qui passionnent le plus les scientifiques prévisionnistes. Sur lemonde.fr, qu’Hollande se démarque d’Aubry sur l’éducation entraîne plus de 150 réactions, et même l’affaire Guérini plus de 30 commentaires ; les deux articles sur lesquels nous nous appuyons (voir ci-dessous) n’avaient aucun écho hier soir. A désespérer, d’autant plus que s’il y avait eu réaction, ce serait plutôt de la part des climato-sceptiques !

* LE MONDE du 10.09.11 Des catastrophes naturelles très coûteuses en 2011

** LE MONDE du 10.09.11, Trouver le responsable des calamités météorologiques

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