l’homme, l’ennemi de la nature
Nous avions interrogé récemment Alain Hervé, fondateur des Amis de la Terre en 1970 : « L’homme n’est qu’un élément de la nature qui a été doté d’une capacité de transformation trop brutale de l’environnement. Il nous faut donc abandonner notre anthropocentrisme pour ressentir profondément notre appartenance à la communauté des vivants. Nous sommes partis du vivant, et maintenant nous sommes responsables d’un tissu que nous détériorons. » Conception absolument inverse de celle de l’ex-ministre Luc Ferry, faisant référence à Fukushima : « La nature, aujourd’hui encore, demeure notre principale ennemie. »
Mais comme l’exprime Hervé Kempf*, « Il n’y a pas de dommage causé par la nature indépendamment des actions humaines qui le préparent ». Ferry est un conservateur atteint de nombrilisme humain, un homme des plateaux télé qui n’a rien lu des renouvellements de l’éthique. Cet ex-professeur de philosophie avait commis en 1992 un pamphlet, Le Nouvel ordre écologique. Le principal effet de ce livre avait été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien. Voici donc quelques précisions avec Stéphane Ferret in Ethique de la nature et philosophie de la crise écologique :
« Le sophisme kantien doit être dénoncé. Cette vision du monde, dite métaphysique H, accorde un primat inaliénable à l’être humain. Parce qu’elle est humanocentrée, la métaphysique H est réputée humaniste. Mais en s’arrogeant l’exclusivité des droits, l’être humain se prend pour le maître des lieux et la nature dépérit. La métaphysique H est une métaphysique de la mort, infectée de fond en comble par le sophisme de la valorisation. L’humanisme est une métaphysique de la mort dans la mesure où, isolant l’identité de l’homme de celle du reste du monde, il fonde ontologiquement l’appropriation, l’exploitation et l’exténuation de la nature. Obnubilé par l’être humain, la métaphysique H risque de conduire au naufrage de son unique sujet. La seconde métaphysique, non-H, considère l’être humain comme un fragment du monde, comme un existant parmi les autres existants. La métaphysique non-H est par définition a-humaniste, non-humaniste, si nous voulons dire par là non obnubilée par l’être humain mais certainement pas dirigée contre l’être humain. Notre époque est celle de la bascule de la première vers la seconde vision du monde, de la substitution progressive de la métaphysique non-H à la métaphysique H. »
Hervé Kempf concluait ainsi : « Ceux qui se croient en guerre avec la nature accroissent le danger. L’avenir appartient aux amis de la Terre ». La biosphère ne peut qu’approuver !
* LeMonde du 20 avril 2011, les Amis de la Terre
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