biosphere

portrait anticipé de Sarkozy

D’une autre façon que dans les monarchies absolues, dans les démocraties le trône est presque inaccessible. Celui qui y prétend doit suivre des détours, notamment l’élection et la montée dans la hiérarchie du parti, que l’attention aux moyens finit par lui faire oublier les fins qui étaient la raison d’être de son engagement politique. La dureté de la concurrence sélectionne les plus doués, ceux qui ont le sens de la manipulation des masses. Cette forme d’intelligence peut être le fruit d’un esprit borné qui ne s’interroge pas sur la valeur des stéréotypes et des moyens nécessaires à son succès : si tel slogan se révèle efficace, il sera le premier à y croire. En politique, comme dans d’autres domaines, la sélection se fait à l’envers : l’individu ayant un minimum d’exigence intellectuelle se détourne de la « politique » en la laissant aux mains de médiocrités incapables de tout autre talent.

L’engagement politique a toujours mélangé de façon ambiguë le désir de servir Dieu, le bien public ou le peuple, et la volupté de se hisser à la direction des affaires et au commandement des hommes. Trop souvent qui dévoue sa personne au peuple dévoue le peuple à sa personne et l’y sacrifie.

On croirait un portrait craché de Sarkozy, il s’agit en fait d’une analyse écrite en 1980 par Bernard Charbonneau (in Le Feu vert). Et son message reste d’actualité : « Reste le mouvement écologique. Mettant en cause la totalité du monde industriel au nom  de la préservation de la nature et de la liberté, il peut redonner contenu et sens à la politique. »

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pourquoi le parti socialiste va mal

Le parti socialiste est au plus mal parce qu’il avance à grands pas vers le service gériatrie ; c’est un vieux parti de plus d’un siècle avec de vieux militants dont la moyenne d’âge est celui de la retraite. Les nouveaux adhérents, un temps appâtés par une promo à 20 balles, repartent aussi vite qu’ils apparaissent… à moins de briguer un poste. Car le deuxième symptôme de ce parti est la valse des ego ; de l’élection municipale à la présidentielle, la soif du pouvoir voit s’affronter des ambitions démesurées, certainement pas des camarades socialistes. Et quand le poste convoité est conquis, l’élu devient un petit potentat qui n’accepte que les courbettes du militant de base. Ainsi le plus sûr moyen de devenir député, c’est d’être le porte-flingue du député qu’on veut remplacer. Le PS est un parti d’élus, pas de militants.

Pourquoi le PS va mal ? Parce qu’il est encore obnubilé par la croissance économique comme source d’emploi. Or la croissance économique est manifestement destructrice d’emploi : soixante ans de croissance en France et le chômage est devenu structurel. Pourtant pour les socialistes, la bonne santé écologique et sociale est déterminée par la croissance économique, il suffit d’écouter les discours de Dominique Strauss-Kahn et des autres prétendants aux primaires. Car modifier ses paradigmes de référence est toujours difficile, surtout dans une société croissanciste qui vous ressemble. Le socialisme productiviste n’a pas encore compris que c’est l’état des ressources naturelles qui conditionnent les performances économiques, et non l’inverse. Et comme la santé de la biosphère est de plus en plus défaillante, le social risque fortement d’en souffrir.

Alors, l’unité par la pensée ? Même les vénérables du parti constatent une culture militante de plus en plus faible ; encore faudrait-il d’ailleurs que les socialistes aient une véritable doctrine qui puisse les différencier de la droite libérale. Construire un aéroport tout neuf ou exporter une centrale nucléaire (ça on ne le dit pas, mais on le fera) reste le leitmotiv de la gauche socialiste. Il faut bétonner, laisser une trace matérielle de sa présence, dépenser plus l’argent qu’on n’a pas gagné ; les élus ont la mentalité de leur fonction. Au moins, le parti socialiste travaillerait-il ? Entre conventions et colloques, il s’agit de faire parler des intervenants dont jamais la parole ne remontera au sommet et encore moins redescendra vers la base. De toute façon le programme du présidentiable 2012 ne relèvera que de quelques scribouillards recrutés pour l’occasion par l’Elu. Pendant ce temps notre planète est dévastée et l’énergie devient de plus en plus chère.

Les socialistes doivent changer et comprendre ce que signifie vraiment une transition social-écologiste. L’heure n’est plus aux effets de manche et à la langue de bois, il est dorénavant impératif de penser en termes de sobriété et de relocalisation. Or ce n’est pas encore la  culture du parti socialiste, tournée vers le passé des lendemains qui chantent.

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demain nous cultiverons nos légumes

Phénomène temporaire ou tendance structurelle, quel est l’avenir du retour à la terre ? LeMonde* nous présente toute une page sur les jardins potagers : « Désormais 42 % des foyers français ont désormais un espace potager. Le quart d’entre eux n’en avaient pas il y a encore cinq ans… L’aboutissement ultime est la récolte de graines de sa propre production pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. » On envisage plusieurs raisons possibles de cette évolution, réflexe anticrise ou retour aux sources ou acte militant. Une sociologue ajoute le potager comme moyen d’échapper au stress de sa vie professionnelle et la volonté de court-circuiter la production marchande. On exclut la volonté politique des temps de guerre. Personne n’envisage ce qui va rendre l’autonomie alimentaire absolument indispensable : le choc énergétique.

En un demi-siècle (de 1960 à 2010) le monde a multiplié par 8 sa consommation de pétrole. Nous consommons 85Mb/j, soit 11,5 millions de tonnes par jour. Avec une telle quantité rien ne remplace le pétrole. Sachant que le monde consomme 180 millions de tonnes d´engrais chimiques basés sur le pétrole ou gaz (NPK) et phytosanitaires, que l´agriculture intensive a besoin pour planter, traiter et récolter de 100 à 150 litres de diesel par ha/an, que de 1900 à 2000 la production mondiale d´aliments a augmenté de 600 % et la population de 1,7 à 7 milliards de personnes, comment pouvoir continuer sur cette lancée sans pétrole ? C’est sur le constat imminent d’un double choc, le pic pétrolier et le réchauffement climatique, que le mouvement pour la résilience locale, dit « territoires en transition »**, commence à se développer : les jardins potagers deviennent une nécessité.

                Normalement des politiques responsables devraient nous avertir de ce bouleversement inéluctable : après le pic pétrolier, le retour à la terre. Les politiciens préfèrent comme les médias ne s’intéresser qu’à une chose : les querelles de personnes autour de la prochaine élection.

* LeMonde du 22 février 2011, C’est déjà les beaux jours pour le jardin potager (un « retour à la terre » qui réunit citadins en mal de nature et personnes durement frappés par la crise) + Une vraie parenthèse dans un environnement social très dense.

** Rob Hopkins, Manuel de transition, de la  dépendance au pétrole à la résilience locale (écosociété, 2010)

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Frontex et la chasse aux immigrés

Qu’on ne s’y trompe pas, la libre circulation des personnes n’a jamais existé et aujourd’hui l’Europe devient une forteresse. Frontex, l’agence pour la protection des frontières extérieurs de l’Union, acquiert de plus en plus de pouvoir : moyens de surveillance aérienne, coopération avec les gardes-côtes, interception par hélicoptère, prérogatives et indépendance de plus en plus grandes, etc. La commissaire européenne aux affaires intérieures, Cecilia Malmström*, estime que la quasi-totalité des récents immigrés en Italie seront renvoyés : « L’Europe devrait s’engager davantage. Elle devra adopter sa stratégie de voisinage, commencer un dialogue sur le long terme… » En termes clairs, l’Europe demandera aux autres pays de garder leurs concitoyens chez eux et ne sera accueillante que selon ses besoins. La puissance politique et économique de l’UE est déjà employée pour faire de pays du Maghreb des partenaires coopérant à la délocalisation de la violence. Presque tous les pays occidentaux doivent d’ailleurs leur forme actuelle d’Etats-nations à une politique d’homogénéisation ethnique dont l’envers est la purification ethnique ; c’est le côté caché de la démocratisation.

Harald Welzer** montre de façon argumentée la violence potentielle contenue dans l’être humain, acculé à des solutions extrêmes quand il se retrouve en situation de péril extrême. L’ère des Lumières pourrait même s’achever (temporairement ?) au XXIe siècle. Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir. L’augmentation de la pression migratoire provoque déjà chez la population européenne des sentiments de menace et des besoins de sécurité, qui entraîneraient des exigences d’une politique migratoire plus rigoureuse.

Pourtant selon Harald Welzer, l’ennemi, ce n’est pas l’immigré, c’est nous-mêmes : «  Un individu  qui ne voit pas le moindre problème à gagner 70 fois plus que tous les autres, tout en consommant leurs matières premières et rejetant 9 fois plus de substances nocives dans l’environnement devient une personnalité pathologique. Cette personnalité psychopathologique se désintéresse de surcroît aux conditions de vie de ses enfants et petits-enfants. Un être pareil serait considéré, selon tous les critères normatifs, comme un dangereux parasite qu’il faudrait empêcher de nuire. » Pourtant c’est quelqu’un à imiter en cherchant à s’expatrier…

* LeMonde du 20-21 février 2011, La commissaire européenne

** Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard, 2009)

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démocratie et risque d’écofascisme

La démocratie est mal partie. Les marxistes expliquaient que la démocratie occidentale n’était que formelle, n’avait que l’apparence de la démocratie : ce sont les intérêts économiques qui tiennent le pouvoir politique et l’influence omniprésente des lobbies confirme le diagnostic. Comme l’exprime Hervé Kempf, « derrière le spectacle du jeu électoral, la politique réelle est définie en privé dans la négociation entre les gouvernements élus et les élites qui représentent les intérêts des milieux d’affaires »*. Nous savons aussi que les démocraties populaires ne reposaient pas sur le pouvoir du peuple ; un parti unique tend au centralisme « démocratique », c’est-à-dire la mort de la démocratie. L’oligarchie financière d’un côté, la nomenklatura de l’autre, ce sont toujours un groupe de personnes qui tiennent les rênes du pouvoir. Que faire d’autres ?

La démocratie est d’autant plus mal partie que les contraintes écologiques croissantes risquent fort de nous faire basculer dans un totalitarisme oligarchique. La puissance industrielle prive l’homme non seulement de nature, mais aussi de liberté. Car plus la puissance grandit, plus l’ordre doit être strict. Comme l’exprimait Bernard Charbonneau** en 1980, « L’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints d’agir pour gérer des ressources et un espace qui se raréfient. Déjà commence à se tisser ce filet de règlements assortis d’amendes et de prison qui protégera la nature contre son exploitation incontrôlée.

Que faire d’autre ? Ce qui nous  attend, comme pendant la seconde guerre totale, c’est probablement un mélange d’organisation technocratique et de retour à l’âge de pierre ». C’est pourquoi il nous semble que le colloque du 15 mars 2011 pourrait aboutir au constat de la démocratie en échec… ou à l’élaboration d’une potion magique !

* L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie d’Hervé Kempf (Seuil, 2011)

** Le Feu vert de Bernard Charbonneau (réédition Parangon, 2009)

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FNE, coup de pied dans la pub

Supprimer toutes les publicités, telle devrait être la mesure phare d’un programme écolo. Sans publicité, la société rechercherait spontanément un équilibre stable. Sans publicité, les individus se poseraient enfin la question de l’utilité réelle de leur achat. Sans publicité, la consommation se relocalisera, les produits seront plus durables, mieux réparables. La publicité n’a pas été inventée pour satisfaire les clients, mais pour booster les chiffres d’affaires. La publicité pousse à la concentration des entreprises, à la mondialisation de l’offre, à la standardisation des produits, à leurs différenciations trompeuses, à leur obsolescence programmée. La publicité a été inventée pour casser le tempérament des gens à toujours acheter selon leurs habitudes. Car la publicité a modifié les ressorts psychologiques des humains en ajoutant au processus ordinaire d’imitation l’esprit malsain de différenciation. Les classes favorisées cherchent à se différencier, les classes moyennes à les imiter, d’où une nouvelle différenciation. Un cercle pernicieux se forme : il faut acheter le portable qu’ont déjà les copains, tout en courant après le dernier modèle qui démode celui qu’on possède déjà. La publicité a été inventée pour soutenir la croissance économique perpétuelle ; son objectif réel est de consumer la biosphère.

                Interdisons totalement la publicité et le cours de l’activité humaine redeviendra normal, c’est-à-dire économique au sens premier du terme, tourné vers l’essentiel, moins utilisateur de ressources de plus en plus rares, plus convivial en fin de compte. Les casseurs de pub sont des héros, les barbouilleurs d’affiche notre avant-garde, les journaux sans publicité une référence, la télévision sans publicité un moindre mal.

                Mais dans ce monde phagocyté par le pouvoir de la pub, réagir devient impossible. Même une campagne de pub dénonçant quelques errements actuels paraît iconoclaste. Ainsi la campagne de France-Nature-Environnement, un homme qui pointe sur sa tempe un épi de maïs ; un enfant en brassière qui patauge dans des algues toxiques ; une tête de mort dessinée par une multitude d’abeilles… Le ministre de l’agriculture trouve cette campagne « scandaleuse et inacceptable », la région Bretagne veut assigner devant le tribunal de grande instance de Paris l’association FNE « notamment pour atteinte à son image », le comité régional du tourisme de Bretagne a saisi l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, deux organisations agricoles ont demandé à la justice d’interdire trois des six visuels. Dans une société de pub, il est bien moins criminel d’empoisonner que de dénoncer les empoisonnements. Supprimons toutes les publicités…

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la télévision, mouroir de la pensée

Le diagnostic est simple, TV lobotomie*. La vie est dangereuse pour les hommes. L’alcoolisme, le bavardage et l’automobile en font déjà des abrutis. Pourtant on a rajouté la télé. Cela n’empêche pas des velléités de résistance aux émissions qui vident notre cerveau pour nous inciter à boire du coca cola. Ainsi passe cette semaine** à la télévision française :

          Prêt à jeter : le développement est insoluble dans la société de consommation, centrée sur l’obsolescence programmée.

          Capital Terre : les dégâts environnement et sociaux causés par la production massive de coton, de portables et de plastique.

          Manger peut-il nuire à la santé ? Un film qui devrait vous couper l’appétit.

          Paul Watson, un homme en colère. Ses bateaux Sea Sheperd font la chasse à la pêche illégale.

Mais c’est une goutte d’eau dans un océan de stupidités. Il ne s’agit pas de mettre Arte sur toutes les chaîne et d’imposer des préférences culturelles. Il n’y a pas une bonne ou une mauvaise télévision. Il est préférable qu’il n’y ait pas de télévision du tout. Les influences médiatiques sont subtiles, cumulatives, et interviennent sur une longue période de temps ; parents, pédiatres et éducateurs peuvent ne pas être conscient de leur impact. Il n’empêche que la possibilité de  penser par soi-même s’effondre. De nos jours, le complexe médiatico-publicitaire dépense des sommes pharamineuses pour manipuler les ressorts d’une dépendance cathodique. Psychologie, neuro-imagerie, éthologie, sociologie, aucune branche des sciences humaines n’est dispensée d’apporter son obole à la Cause mercantile.

Des voix commencent à s’élever pour réclamer l’extension, aux grands groupes audiovisuels, des poursuites pénales comme celles diligentées contre les industriels du tabac. L’analogie est loin d’être incongrue. En effet, l’industrie du tabac fut condamnée pour avoir indûment stimulé le caractère addictif de produits dont elle connaissait le danger. Alors, jetez votre télé par la fenêtre après avoir lu TV lobotomie.

* TV lobotomie (la vérité scientifique sur les effets de la télévision) de Michel Desmurget (Max Milo, 2011)

** LeMonde télévisions du 14 au 20 février 2011

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pullulement humain et inertie sociale

Nous sommes souvent confrontés sur ce blog à des écolo-sceptiques, dont une frange se dit antimalthusienne. Pas étonnant ! Même des journaux « révolutionnaires » comme La Décroissance veulent la diminution du nombre d’automobiles mais ne trouvent rien à redire du pullulement humain. Que la population mondiale ait augmenté d’un milliard de personnes en douze ans seulement, c’est pas leur problème ! Pourtant, destruction de l’environnement, urbanisation anarchique, tension extrême sur les ressources naturelles, l’alimentation, l’eau… les cauchemars associés à un tel peuplement ne manquent pas. Nous serons 7 milliards d’humains à l’été 2011 et il y a de fortes chances de dépasser les 9 milliards en 2050. Il suffirait que la fécondité reste un demi-point au-dessus de celle prévue dans le scénario moyen jusqu’en 2050 pour que la population mondiale atteigne non plus 9 mais 10,5 milliards. Mais en France, la question démographique reste tabou sauf sur quelques sites comme Démographie responsable.

Les choses évoluent. LeMonde* de mardi titre : le risque de surpopulation mondiale reste réel. Alerte salutaire ! Cependant, il ne s’agit pas simplement de « nourrir » 9 milliards d’êtres humains, ou alors au sens large : il faut aussi leur donner à boire une eau potable, les vêtir, les chauffer, leur permettre de continuer à profiter d’espaces naturels (à partager avec les autres espèces)… En résumé, leur laisser une planète viable, vivable et conviviale ! C’est pas gagné !! Un récent rapport de l’ONU laisse peu de place à l’optimisme : « Même dans les pays où la fécondité a déjà décliné notablement, des réductions supplémentaires sont nécessaires pour éviter des fortes augmentations de populations sur le long terme. » Tous les pays doivent au plus vite selon l’ONU tomber à un taux de fécondité de 1,85 et s’y maintenir pendant un siècle. Mais rien ne garantit que l’amélioration de la planification familiale dans les pays en développement se poursuive ; dans certains pays, elle est en recul. Le taux de fécondité des pays les moins avancés reste en moyenne de 4,29.

La surpopulation manifeste dans le Tiers-monde ne doit pas nous faire oublier que l’empreinte écologique d’un enfant né en Occident est infiniment supérieure à celle d’un enfant né ailleurs. Depuis 40 ans, c’est dans les pays où la population augmente le moins que l’empreinte écologique augmente le plus. On ne peut donc évoquer le risque de surpopulation sans considérer les modes de développement, la répartition des richesses, etc.

* LeMonde du 15 février 2011

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le pic pétrolier vu par les politiciens

Les politiciens envisagent le réchauffement climatique mais pas du tout la déplétion pétrolière et donc la crise économique et sociale qui suivra le pic pétrolier.

A. le silence des politiques

                Le premier choc pétrolier (suite au quadruplement des prix du baril en 1973) avait inspiré la campagne de René Dumont, candidat aux présidentielles de 1974. Les analyses du mouvement écologiste naissant restent d’actualité : « En surexploitant les combustibles fossiles, on vole les ressources des générations futures. » ; « Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV, nous luttons contre la voiture individuelle… »

De même en avril 1977, le président Carter s’adressait à la nation grâce à la télévision: « Ce que je vous demande est l’équivalent d’une guerre. Il s’agit bel et bien de préparer un monde différent pour nos enfants et nos petits-enfants. » Il propose d’économiser l’énergie. Mais sa cote de popularité est divisée par 2 (de 70 à 35 au début de 1978).

Ensuite le contre-choc pétrolier (la baisse du prix du baril) à partir de 1986 éloigne la problématique pétrolière des esprits. Les groupes d’étude du Grenelle sont restés muets sur cette question. Certes, un groupe a planché sur le thème « lutter contre le changement climatique et maîtriser la demande en énergie ». Mais dans le rapport publié, les économies d’énergie ne sont pas considérées comme une nécessité, simplement comme une solution pour réduire les émissions de dioxyde de carbone. Dans le groupe 2, sur le thème « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles », pas de discussion ! A croire que le pétrole n’est pas une ressource naturelle.

B. l’annonce d’une catastrophe par les analystes

Dès 1979, un ingénieur de l’industrie automobile, Jean Albert Grégoire, publie Vivre sans pétrole. Pour lui, « Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai crise ultime. » Il faut ensuite attendre 2003 pour que l’après-pétrole soit à nouveau analysé par Richard Heinberg dans Pétrole, la fête est finie. Un autre Américain, JH Kunstler, parle même en 2005 de la « Longue Catastrophe » qui accompagnera la déplétion pétrolière. La même année en France Yves Cochet est encore plus incisif, il envisage la pétrole apocalypse.

L’idée générale de tous ces auteurs est la même : plus nous attendrons, plus le choc sera terrible. Maintenant des rapports militaires, ceux de la Bundeswehr ou du Pentagone, se préoccupent vraiment de l’insécurité qui suivra le pic pétrolier (voir le blog De Matthieu Auzanneau). Les citoyens commencent à s’inquiéter, que font les politiques alors que la descente énergétique est imparable ?

C. l’entrée du pétrole en politique

Un colloque « Pic pétrolier, quelles conséquences politiques pour 2012 » a eu lieu le 25 janvier 2011 à l’Assemblée nationale, dans la salle du groupe parlementaire socialiste. Ce jour-là, le pétrole est vraiment entré en politique : deux députés à la tribune, 7 ou 8 présents dans la salle. Plus de 200 personnes très intéressées, on ne pouvait pas plus, salle comble. Grâce à ce colloque qui était organisé par le pôle écologique du Parti socialiste, on ne pourra plus dire que les politiques étaient complètement indifférents à la problématique pétrolière. Maintenant la suite nous dira si les avertissements des intervenants du colloque, Bernard Durand, Jean-Marc Jancovici, Yves Cochet… ont été entendus !

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le pic pétrolier vu par Yves Cochet

Yves Cochet * devant une salle comble ** : « Je n’ai pas une vision continuiste, il y aura un rupture, une catastrophe qui est pratiquement certaine dans les dix ans qui viennent, essentiellement à cause du pic pétrolier. Un effondrement au sens de Jared Diamond. Il est difficile de se rendre compte à quel point cela va changer nos vies. Même mes amis écolos pensent que cela va continuer, business as usual. Les candidats aux présidentielles programment encore une croissance retrouvée pour payer la dette, le déficit de la sécu… C’est, au minimum, irresponsable. Je ne suis ni pour ni contre la décroissance économique, elle est là. Il y a moins d’un mois, on a voté un budget prévisionnel avec un taux de croissance de 2,5 % en 2014 ; c’est du délire verbal. Cette croissance est objectivement impossible, les intervenants précédents l’ont démontré. On avait  voté 1 % de croissance pour 2009, nous avons obtenu – 2,6 %. Fillon et Lagarde ne savent pas dans quel siècle nous sommes. Le gap, le fossé entre ceux qui voient le pic pétrolier et les autres est immense. Mais quand demain on ne sera pas si on aura ou non de l’eau potable et si nous aurons à manger pour nos enfant, alors on ne pourra que prendre conscience de la réalité.

                Je dis à mes amis socialistes, les choses sont très sérieuses. Il faut lire les rapports du Pentagone et de la Bundeswehr, alarmistes, et les assureurs, encore plus alarmistes ; ils font des analyses que j’aurais du mal à faire, on me traiterait de fou ou d’extravagant. Mais les militaires savent ce qu’est la sécurité et les assureurs savent compter. Il faut les écouter, et non ces politiques qui disent « votez pour moi, cela ira mieux demain ». Pour la 1ère loi d’orientation sur l’énergie, ici à l’Assemblée nationale le 19 mai 2004, j’ai proposé plus de 150 amendements dont la plupart avaient trait au peak oil. Il y avait des députés qui ne savaient pas de quoi  il s’agissait, il y a même un qui a dit : « Quoi, la picole ? ». Un autres confondait déplétion pétrolière et dépression. Le ministre de Bercy, Sarkozy, lisait Paris Match et pensait sans doute que j’avais un delirium tremens. J’ai défendu pendant plus de trois heures mes amendements pour une loi qui est encore en vigueur actuellement, personne n’a écouté. Est-ce que la prise de conscience a augmenté parmi mes collèges depuis 2004 ? A mon avis epsilon, presque rien !

                Une politique responsable qui serait définie en 2012, et là je pèse mes mots parce que c’est grave, c’est minimiser le nombre de morts. Promettre « on va retrouver la croissance », ça c’est irresponsable. Le problème dans nos sociétés riches, les pays de l’OCDE, c’est qu’on est des drogués sans le savoir, addicts au pétrole, et comme on est des drogués, c’est impossible de se sevrer rapidement. Or on ne peut pas tenir plus de deux ou trois jours sans pétrole. Il faut voir cela comme une psychopathie collective. Comment soigner les malades que nous sommes, c’est-à-dire plus d’un milliard d’êtres humains, quand d’autres en Chine, au Brésil ou en Russie veulent imiter notre modèle ? D’où la difficulté politique.

Il n’y a pas de substitut au pétrole. Mes amis écolos veulent développer les éoliennes, Sarkozy a lancé du côté de Saint Nazaire un champ d’éoliennes off shore. Mais l’éolien ou le photovoltaïque, ce sont des sucettes pour faire plaisir à certains. Il faut voir que les ordres de grandeur entre l’énergie fossile et le renouvelable est incommensurable. Si en 1974 on avait tout misé sur l’énergie renouvelable au lieu de lancer le programme électronucléaire avec le plan Messmer, on pouvait s’en tirer. Aujourd’hui, être pour ou contre le nucléaire, pour ou contre les éoliennes, ce sont des questions platoniciennes, essentialistes. On est dans le temps de l’histoire et nous n’avons plus le temps, le compte à rebours est amorcé. L’ancien ministre de Carter, Robert Hirsch, évoque un krach program, un programme de guerre, une mobilisation générale. Il faut un électrochoc car l’énergie est à la base de tout. Plus on attend, plus ce sera douloureux. Comment peut-on vivre avec moins d’énergie ? Je propose quatre solutions :

          l’autosuffisance locale et régionale, qui permet la transition, la résilience, la résistance au choc pétrolier ;

          la décentralisation géographique du pouvoir ;

          la relocalisation économique ;

          une planification concertée et des quotas, c’est-à-dire un rationnement. Il ne faut pas avoir peur des mots. D’ailleurs aujourd’hui nous sommes déjà dans un système de rationnement, ça s’appelle le système des revenus et des prix. Le litre de super à 5 euros, les riches s’en foutent, ils peuvent payer. Les pauvres payent, et ils ne pourront plus payer. Il faut le même quota par personne, c’est l’égalité parfaite : quel que soit votre revenu, vous avez droit à la même quantité d’essence. Il va y avoir du marché noir, c’est la souplesse !

Il faudra remplacer en cinq ans les millions de chaudière au fuel par des chaudières au bois, il ne faut plus brûler le pétrole. C’est comme mettre un Picasso au feu. Le pétrole devrait au bas mot valoir 1000 dollars le baril et l’essence 20 dollars le litre. A l’heure actuelle le pétrole est gratuit, moins cher qu’un litre de coca, c’est scandaleux. Je termine par un appel à la sobriété, une alimentation locavore, plus locale, plus végétale, plus saisonnière. Le mot d’ordre qui s’impose pour les transports : moins vite, moins loin, moins souvent. »

* député (Europe écologie-Les Verts), président du groupe d’études sur les pics pétroliers et gaziers de l’Assemblée nationale, auteur du livre « Pétrole apocalypse  » (Fayard, 2005)

** colloque « Pic pétrolier, quelles propositions politiques pour 2012 ? » du mardi 25 janvier 2011 à l’Assemblée nationale (Paris) organisé par le pôle écologique du Parti socialiste.

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le pic pétrolier vu par JM Jancovici

Jean-Marc Jancovici* devant une salle comble ** : « Je commence par une question, combien de parlementaires dans cette salle ? 1,2 3, on va dire sept ou huit ! Au niveau de l’énergie, c’est le serpent qui se mord la queue : les parlementaires n’ont pas conscience de l’urgence du problème, donc ils ne viennent pas s’informer, donc ils n’ont pas conscience du problème ! Quelle est la martingale qui permettrait à 200 parlementaires de se tenir tranquille dans une salle pendant trois heures pour écouter un cours ? Si quelqu’un a une réponse, je prends ! Car c’est une bonne partie de la stabilité politique de la France dans les vingt ans qui viennent qui en dépend. Comme les politiques sont interrogés par des journalistes qui n’y connaissant rien non plus, cela tourne en vase clos, à aucun moment il n’y a d’issue. Quelques pensées en désordre :

          Si on met bout à bout pétrole, gaz et nucléaire, on est aux alentours de 90 % de l’énergie primaire. Or la consommation d’énergie fait le pouvoir d’achat. Si on divise par dix la production d’énergie, il faut diviser par dix le pouvoir d’achat des Français.

          Le pic pétrolier, c’est un théorème de math. Il y a une dotation limitée de pétrole, de gaz et de charbon, un stock de départ donné une fois pour toutes. L’extraction part de zéro, passe par un maximum puis décroît. Cela se passe de la même façon pour tout minerai, pour le phosphate, l’alumine, le Tantale… c’est mathématique.

          Ce qui compte, c’est la quantité de pétrole par  habitant. Avec l’accroissement démographique, la part diminue. La quantité mondiale de pétrole par habitant est déjà à la baisse depuis 1980. Il faut ajouter la baisse de capacité d’exportation des pays producteurs de pétrole qui font face à leurs propres besoins. La France connaît aussi une baisse de sa part dans les exportations mondiales. Ces trois baisses se conjuguent et je rappelle cette évidence : il n’existe pas de consommation croissante quand la production décroît. Il existe pourtant des gens qui font encore des scénarios de consommation croissante du trafic, imaginent le Grand Paris ou l’aéroport Notre Dame des Landes… mais avec quelle énergie ? Se contenter de dire que la demande ne sera pas satisfaite est idiot. Le Grenelle est postérieur de deux ans à la baisse de la consommation de carburant en France. La faillite de Lehmann Brothers nous a rendu un grand service…

          Le prix des fossiles est dérisoire. Les ressources naturelles mises  à notre disposition sont gratuites, nous ne comptabilisons que les revenus humains, le travail et les rentes. On ne paye pas la formation du litre de pétrole. Pourtant pour le fabriquer, il faut de l’énergie solaire et attendre 300 millions d’années. Allez refaire cela avec vos petits bras musclés, cela ne va pas vous coûter le même prix !

L’idée qu’on va pouvoir trouver des substituts à l’énergie fossile ou à l’uranium, c’est une chimère, ça n’existera pas. Aujourd’hui, pour faire un baril jour de pétrole conventionnel, il faut mettre sur la table 20 000 dollars de coût en capital. Pour les hydrocarbures non conventionnels, coal to liquids ou sables bitumineux, il faut 200 000 dollars. Dix fois plus de capital nécessaire, le coût en capital du déplacement des ressources fossiles représente des sommes astronomiques. Il faut donc investir massivement dans les économies d’énergie sinon le problème social sera dramatique. J’ai une cravate, cela montre bien que je me préoccupe plus du sort des hommes que de celui des marmottes.

Dernière chose, et les socialistes ont joué leur rôle, le rejet de la taxe carbone sous le prétexte que cela allait assommer les Français est une grave erreur. Pour une croissance du prix de baril de 50 dollars, c’est une taxe carbone de 100 dollars qui va alimenter les caisses des fonctionnaires vénézuéliens, saoudiens ou russes. Dans un pays comme le nôtre qui importe 99 % de son pétrole, la taxe carbone nous la payons de toute façon.

Parce que nous avons déjà beaucoup trop attendu, les investissement de transition qu’il va falloir faire dans un contexte récessif posent problème. L’inertie des systèmes énergétiques du côté de la consommation (parc de logements, de voitures…) fait que le changement ne se fait pas en une semaine, mais plutôt en 30 ans. Géraud Guibert a dit en rigolant que les socialistes n’étaient pas au pouvoir il y a deux ans. Mais les socialistes l’ont été au cours des trente dernières années. La faute est collective, il n’y a pas droite ou gauche sur la question, il n’y a pas électeurs ou élus, on s’est tous vautrés, on a beaucoup trop attendu pour faire les choses en douceur. Mais si nous en le faisons pas maintenant de manière extrêmement musclée, ce qui nous attend n’est pas du tout ce que conçoivent les politiques dans leurs programmes électoraux pour 2012. »

* Jean-Marc Jancovici, ingénieur conseil, spécialisé dans les domaines de l’énergie et du changement climatique, auteur du site de vulgarisation www.manicore.com et co-auteur, avec Alain Grandjean, du livre « Le plein s’il vous plaît !, la solution au problème de l’énergie » (Seuil, 2006).

** colloque « Pic pétrolier, quelles propositions politiques pour 2012 ? » du mardi 25 janvier 2011 à l’Assemblée nationale (Paris)

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le pic pétrolier vu par Bernard Durand

Bernard Durand, géologue et géochimiste, spécialiste des mécanismes de la formation des gisements de pétrole et de gaz, auteur du livre « la crise pétrolière, analyse des mesures d’urgence » (EDP, 2009), lors d’un Colloque sur le pic pétrolier (25 janvier 2011)

 Le pic pétrolier et l’Europe, une situation d’urgence

       Après une longue période de silence, d’occultation puis de déni, il est tout d’un coup largement reconnu que le Pic Pétrolier (Peak Oil) mondial, c’est-à-dire le moment où les quantités de pétrole disponibles à la consommation à l’échelle mondiale vont atteindre leur maximum possible, va avoir lieu incessamment. L’offre globale de pétrole va ensuite diminuer, et les quantités de pétrole disponibles par habitant de la planète diminueront plus vite encore.

       Pour autant  on ne parle guère de la façon dont va se répartir cette offre entre les pays consommateurs. En particulier, quelle part de ce gâteau en voie de rétrécissement vont pouvoir récupérer les pays consommateurs n’ayant pratiquement pas de ressources pétrolières sur leur sol, comme c’est le cas de la plupart des pays européens ? Car ces pays ne pourront avoir recours qu’à des achats sur le marché international pour satisfaire leurs besoins en pétrole.

      Or  les quantités de pétrole qui seront mises sur le marché par les pays exportateurs vont obligatoirement décroître plus vite que leur production : non seulement ils vont utiliser une part de plus en plus grande de celle-ci pour leur propre développement,  mais aussi leur population va augmenter. Ils voudront également conserver en terre une partie de leur pétrole pour préserver l’avenir.

      Ce phénomène est déjà en cours, et l’on prévoit que les quantités exportées, qui ont déjà diminué de 5 % de 2005 à 2010, diminueront encore d’environ 5 % de 2010 à 2015 (figure 1). Les avis divergent sur la suite : l’Association for the Study of Peak Oil and gas (ASPO) s’attend à un déclin de plus en plus rapide, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), toujours optimiste, s’attend à une quasi stagnation pendant encore 20 à 30 ans.

                               Figure 1 : Depuis 2005 la production cumulée des pays exportateurs (courbe bleue) stagne, mais leur consommation (courbe rouge) augmente et donc leurs exportations diminuent (courbe verte). Les tirets représentent les évolutions attendues jusqu’en 2015. D’après les données de l’Energy Information Administration des Etats-Unis. Une production de 1 million de barils par jour (1 Mbpd ) représente environ 50 millions de tonnes par an.

        D’autre part, et c’est sans doute ce qui est le plus déterminant à court terme, les grands pays émergents ont des croissances très rapides. Leur consommation de pétrole est en train d’exploser à cause de leur passage à la civilisation de l’automobile. En particulier les importations de la Chine croissent exponentiellement, et à ce rythme, elles auront dépassé celles des Etats-Unis (10 à 11 Mb/d) dans moins de dix ans (figure 2).  

               

  Figure 2 : évolution de la production et de la consommation de pétrole de la Chine depuis 1991. Des importations de 5,5 Mb/d sont prévues pour 2011 !

       La santé économique des pays développés est actuellement très liée au prix du pétrole.

Aux Etats-Unis par exemple, les grandes récessions de l’après-guerre se sont produites juste après des augmentations brutales de ce prix (figure 3)

          Figure 3 : Aux Etats-Unis, les périodes de fortes décroissances du Produit Intérieur Brut ( GDP, courbe noire) ont eu lieu quand la facture pétrolière (courbe rouge) a dépassé 4% de celui-ci.

      Or  de cette confrontation entre des importations qui augmentent et des exportations qui ne pourront plus que diminuer ou au mieux stagner, va naître  un risque de forte hausse des prix, si les pays importateurs ne trouvent pas les moyens d’adapter rapidement leur consommation  aux  quantités disponibles sur le marché. Il suffira alors d’une crise même courte, d’ordre technique, politique ou climatique dans un pays producteur pour mettre le feu au marché et provoquer une crise économique à l’échelle mondiale.

     L’extrapolation des tendances actuelles laisse penser que les pays européens, s’ils ne veulent pas être bientôt pris dans des tourmentes économiques, seraient bien inspirés de réduire rapidement et massivement leur consommation de pétrole. Ils dépendent en effet presque entièrement du marché international, et la production de la Mer du Nord, en déclin très rapide, leur ôte progressivement tout filet de sécurité.

     Leur feuille de route devrait être à peu près la suivante : réduction d’environ un tiers d’ici 15 ans, de 50 % d’ici 25 ans, et de 60 % d’ici 35 ans (figure 4).

                          Figure 4: Prévisions de l’évolution des quantités mises sur le marché, d’après des données de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) et de l’Association for the Study of Peak Oil and Gas (ASPO), et prévisions des quantités disponibles pour les pays développés importateurs. Ces quantités seront rapidement bien plus faibles que les quantités totales disponibles sur le marché à cause du prélèvement croissant des pays émergents.

    En Europe, les deux secteurs les plus consommateurs sont le résidentiel-tertiaire, avec le chauffage (15%), et les transports, avec les carburants (65%). Ils sont donc à traiter en priorité, d’autant plus que le pétrole est à réserver à d’autres usages, tels que la pétrochimie, où il est très difficile à remplacer.

 Etant donné l’urgence de la situation, on ne peut se contenter de mesures qui ne peuvent avoir d’effets qu’à moyen ou long terme. Il faut leur associer impérativement des mesures ayant des effets à court terme :

Dans le secteur résidentiel-tertiaire, pour le moyen et le long terme un programme massif d’isolation du bâti ancien, et pour le court terme un programme de relevage très rapide des chaudières à fuel par d’autres moyens de chauffage, utilisant les énergies renouvelables plutôt que le gaz. Car celui-ci sera en voie de raréfaction d’ici 20 à 30  ans, comme c’est le cas aujourd’hui du pétrole.

Dans le secteur des transports, pour le moyen et le long terme le passage progressif aux véhicules électriques et hybrides rechargeables, utilisant autant que possible une électricité décarbonée, accompagné d’une politique favorisant la réduction des distances parcourues, les transports en commun et les déplacements doux, et pour le court terme un programme massif de réduction de consommation des véhicules à moteur thermique, par l’accélération de la mise en œuvre des progrès technologiques déjà réalisés par les constructeurs, mais aussi en encourageant fortement un effort «citoyen» de réduction des vitesses, d’écoconduite et de choix de véhicules peu consommateurs.

    La mise en œuvre d’un tel programme représente une véritable révolution technologique et sociale.

    Pour garantir le court et le moyen terme il sera en outre indispensable d’avoir l’adhésion des consommateurs, et que d’autres ensembles géopolitiques très gaspilleurs, en particulier l’Amérique du Nord et les pays du Moyen-Orient, fassent dans le même temps des efforts analogues. Le long terme restera malgré cela bien incertain.

    L’Europe des 27 ne semble pas vouloir pour l’instant diminuer sa consommation, si l’on en croît le document récent de la Commission Européenne, Energy trends to 2030, établi d’après les prévisions des Etats membres. Ce document prévoit en effet que la consommation de pétrole sera en 2030 à peu près la même qu’en 2010, et qu’il en sera de même des importations (figure 5).

      Figure 5 : prévisions faites en 2009 par la Commission Européenne de la  consommation d’énergie primaire et des importations de combustibles fossiles de l’EU 27 jusqu’en 2030 (Energy trends to 2030, 2009 update), d’après les déclarations des Etats membres. On observe qu’il n’est pas prévu qu’une très faible  diminution de la consommation de pétrole (oil), et aucune diminution des importations de pétrole !

 Une prise de conscience semble cependant avoir eu lieu depuis quelques mois. Mais devant l’urgence, le besoin d’une politique énergétique beaucoup plus active et coordonnée entre les pays européens se fait sentir. Ne faudrait-il pas créer dans cette intention une institution uniquement en charge de cette politique, à l’image de l’ancienne Communauté Economique du Charbon et de l’Acier ?

  Références:

 Skrebowski, C., 2010: PeakOilUpdate. Introducing ESOP

http://www.aspousa.org/2010presentationfiles/

 Commission Européenne, 2010 : Energy Trends to 2030, update 2009. Directorate-General for energy.

 

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la bioéthique contre les lois de la nature

Où s’arrêtent les lois de la Nature et où commence celle des humains ? Pour les humains contemporains, cela paraît évident. La nature leur est soumise et ils peuvent tout faire sans contrainte externe ; tout se joue dans les délibérations sociales. Ainsi la fécondation in vitro est-elle passée dans les mœurs. Ainsi l’Assemblée nationale autorise-t-elle le transfert d’embryon post-mortem*. Ainsi l’homosexualité doit-elle s’afficher sur le lieu de travail, 53 % des homos y faisant déjà part de leur orientation sexuelle*. La nature peut nous rendre stérile, les individualistes contemporains s’en foutent, ils veulent un enfant, même quand ils sont du même sexe, même quand le mari est mort. Qui en profite ? Les marchands. Qui gagne du fric sur le DPI (diagnostic préimplantatoire, pratiqué sur les embryons fécondés in vitro) ou avec le Cecos (Centre d’études et de conservation des oeufs et du sperme humains) ? Même quelques femmes et pas mal d’intermédiaires peuvent  transformer la gestation pour autrui en affaire financière**. L’argent gangrène tout et transforme le fait biologique de donner la vie en droit à l’enfant à n’importe quel prix.

                L’activisme humain perturbe toutes les lois de la nature, les cycles de l’eau, du carbone, du phosphore, et même celles de la naissance et de la mort. Donner la vie malgré sa stérilité n’est que l’aboutissement d’une civilisation techno-industrielle qui donne aux humains la possibilité d’échapper à l’équilibre naturel dynamique qui empêche une espèce de proliférer continuellement au détriment de son milieu. L’explosion démographique autorisée par nos techniques médicales, hygiénistes et thermo-fossiles est une erreur globale qui nous projette à toute vitesse vers les limites de la planète. La fécondation in vitro n’est qu’un gadget, un luxe de riches qui n’aura pas d’avenir dans une société égalitaire en harmonie avec sa biosphère.

                Il y a des techniques douces comme le préservatif ou le stérilet. Il y a des techniques dures comme le DPI et les mères porteuses. Nous devrions avoir la lucidité de pouvoir choisir les techniques qui nous mettent en conformité avec les lois de la nature.

* LeMonde du 12 février 2011, L’Assemblée nationale autorise le transfert d’embryon pot mortem ; 26 % des homosexuels se disent victimes d’homophobie au travail.

** LeMonde du 9 février 2011, La gestation pour autrui : une extension du domaine de l’aliénation !

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socialistes à droite, écologisme à droite

Les socialistes tournent à droite, l’écologisme est à droite. Que reste-t-il au parti socialiste ? Le « socialiste » Dominique Strauss-Kahn est un ardent défenseur de la financiarisation de la planète. Le FMI qu’il dirige a un long passé de déstructuration des pays du Tiers-monde. Le socialiste Pascal Lamy est un ardent défenseur du libre-échange. L’OMC qu’il dirige reste le maître d’œuvre du laisser-passer, une ouverture imposée des frontières qui déstabilise et appauvrit tous les  pays au profit des FMN. L’écologisme est de droite. Toutes les avancées politiques ont été mises en place par la droite : le ministère de l’environnement et de la nature est une création de Pompidou en 1972. La Charte de l’environnement adossée à la Constitution a été imposée par Chirac. Le super-ministère du développement durable a été mis en place par Sarkozy ainsi que le Grenelle de l’environnement. Brice Lalonde avait bien senti le vent de l’histoire, il a viré à droite pour se retrouver aujourd’hui à l’ONU en train de préparer 2012l et a conférence des Nations unies sur le développement durable. Les ministres de droite qui ont mené une politique franchement écolo sont de droite, Serge Lepeltier, Nathalie Kosciusko-Morizet, Chantal Jouanno.

                Que fait le parti socialiste ? Il continue encore aujourd’hui à sous-traiter l’écologie en la confiant aux Verts. La motion qui voulait que le parti socialiste soit résolument écologiste a obtenu un score minable au Congrès de Reims. La gauche social-démocrate comme la gauche plus-à-gauche ne veulent pas voir les crises écologiques, ils préfèrent le productivisme qui va créer emploi et pouvoir d’achat au détriment les ressources de la planète. Le pic pétrolier n’appartient pas à leur langage alors que cela impliquerait d’inverser l’évolution catastrophique de nos structures sociales depuis plus de trente ans : banlieues tentaculaires contre ville compacte, culte de la bagnole au lieu du rapprochement des lieux de vie et de travail, achat de produits chinois plutôt que relocalisation et démondialisation.

                La mentalité hors sol du parti socialiste est telle que beaucoup de militants social-écologistes rejoignent aujourd’hui EELV alors que c’est le contraire, le passage des écologistes dans un parti de gouvernement, qui devrait avoir lieu. Pendant ce temps, la droite continue de s’essayer à l’écologie et la gauche de s’enliser dans la bataille des ego. Les socialistes ne commenceront à comprendre la réalité que quand le baril sera à 200 dollars…

FMI, Fonds monétaire international.

OMC, Organisation mondiale du commerce

FMN, firmes multinationales

EELV, Europe Ecologie – Les Verts

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Adhérez au Cniid !

Quelques mots du Centre d’information indépendante sur les déchets :

Enjeu du prochain mandat des Conseillers généraux : la révision des PDEDMA

Le Cniid appelle les futurs élus à s’investir dans ce chantier, et à prendre pour guide la hiérarchie européenne de gestion des déchets…

En 2011, le Cniid vous propose de décrypter les enjeux qui se cachent derrière le vocabulaire des déchets : Déchet… Greenwashing… Bioréacteur

>> lire les définitions

Chaque mois, découvrez nos définitions, garanties sans greenwashing et illustrées par Martin Vidberg (blog l’actu en patates)

pour adhérer au CNIID

http://www.cniid.org/index.php?option=com_content&view=article&id=44&Itemid=9

 

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supprimons les SES des programmes scolaires

L’enseignement des sciences économiques et sociales trouve ses fondements dans la réforme Fouchet à compter de la rentrée 1965. Le premier baccalauréat « B » devient réellement économique et social au sens où nous l’entendons aujourd’hui à compter de la session 1969. Ce bac pouvait déboucher au niveau universitaire sur des études de sciences économiques, de sociologie, de droit, de science politique, d’administration économique et sociale, de gestion, d’histoire et géographie, etc. Il s’agissait donc d’une filière transdisciplinaire qui devait dynamiter les corporatismes des enseignants, chacun étant recroquevillé derrière sa « discipline ». C’était révolutionnaire. Apprendre à penser globalement, connaître Marx et Malthus, mélanger allègrement l’économique et le social, étudier les idéologies dominantes et pouvoir en débattre avec les élèves, tout cela était insupportable pour l’oligarchie dominante qui a tenté d’éliminer plusieurs fois la filière SES ; par exemple en essayant de la noyer dans l’histoire-géo ou la gestion économique. Sans succès. Le débat actuel sur la refonte des programmes* n’est qu’une péripétie de plus. Une péripétie sans grande signification.

Car de toute façon la transversalité de la matière a été progressivement dénaturée. La notion de classes sociales disparaît aujourd’hui, comme a été supprimé bien avant l’étude de Malthus, les débats entre idéologies différentes, l’étude de la crise économique au profit d’une fixette sur la croissance dans les programmes de terminale, etc. Plus grave encore, les générations montantes de professeurs de SES n’ont plus perçu en quoi leur matière était révolutionnaire, c’est devenu une discipline parmi d’autres que l’on défend en tant que discipline constituée et non comme projet d’intelligence collective. Bien plus grave encore, le développement durable est enseigné dorénavant dans les secondes en histoire-géographie, les SES perdent les thématiques qui font débat.

Car les SES sont étroitement délimitées par leur dénomination même. Insister sur les domaines économiques et sociologiques fait oublier le pilier principal de toute réflexion complète : l’écologie, l’environnement, la nature, la biosphère. Les SES font encore comme si le circuit économique était une simple relation entre ménages et entreprises. Les SES occultent le fait que tout ce qui peut circuler entre les humains a déjà une origine naturelle. Les SES minimisent le fait que la consommation doit être définie comme une destruction de ressources. Les SES ignorent que la  civilisation thermo-industrielle est au bord du clash. Dans l’état actuel des choses, les SES peuvent bien être supprimées, la réflexion collective n’aura pas perdu grand chose.

* LeMonde du 6-7 février 2011, les programmes de sciences économiques, pomme de discorde pour les universitaires.

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pour les humains, quel collectif ?

L’être humain n’est jamais seul, dès le départ il a besoin de sa mère et de son géniteur, d’un couple parental qui le socialise et l’ouvre sur les autres sinon il deviendrait un enfant sauvage, d’une famille élargie et d’un territoire d’appartenance, de gouvernance locale, nationale et internationale, de la biosphère et de la communauté des êtres vivants, d’une planète, d’un système solaire et d’une galaxie. Nous sommes interdépendants avec l’ensemble de l’univers… et certains veulent pourtant nous faire croire que l’individu est une monade isolée qui a toute liberté d’agir à sa guise. Ces représentants des religions de l’homme à l’image de dieu et ces économistes libéraux qui croient à la toute puissance de l’individu n’ont pas un très grand sens de l’observation.

L’abbé Jean Meslier* rejetait dès avant 1729 sa religion pour mettre à la place une conception matérialiste très contemporaine : « Sur quelles bases ont-ils fondé cette prétendue certitude de l’existence d’un Dieu? Sur la beauté, l’ordre, sur les perfections des ouvrages de la nature? Mais pourquoi aller chercher un Dieu invisible et inconnu comme créateur des êtres et des choses, alors que les êtres et les choses existent et que, par conséquent, il est bien plus simple d’attribuer la force créatrice, organisatrice, à ce que nous voyons, à ce que nous touchons, c’est à dire à la matière elle-même? Toutes les qualités et puissances qu’on attribue à un Dieu placé en dehors de la nature, pourquoi ne pas les attribuer à la nature même qui est éternelle ? »

Comment être en désaccord avec ce point de vue ? Notre collectif, c’est la matière, c’est la biosphère, c’est la nature. Nous avons oublié cela et nous avons saccagé notre milieu de vie. Pourtant les religieux parcourent encore ce monde de leurs paroles insensées et les gouvernants ne parlent que de croissance pour justifier leurs destructions. Homo demens, commencent à dire de plus en plus d’observateurs de nos folies.

* Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier (1729), publié après sa mort

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les humains sont de trop sur cette planète

 L’humanité, polluant de la Terre ou nouvelle configuration terrestre ? LeMonde* en discute et s’interroge sur la force géologique majeure que constitue l’activité humaine puisqu’elle en arrive à modifier l’atmosphère terrestre. Mais LeMonde se noie dans le détail des discussions oiseuses : quelle est la date de départ de l’anthropocène ? Nous préférons aller au fond des choses avec Jacques Grinevald** :

« Au lendemain du tollé qui accueillit le premier rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance (1972), on n’avait pas encore compris l’accélération de la dynamique d’un système aussi complexe que la Biosphère, altérée par l’activité humaine, et on ne croyait pas sérieusement à l’imminence d’une double menace comme celle du changement  climatique et de la déplétion mondiale du pétrole brut ! On a oublié que ce rapport scientifique illustrait déjà le problème des courbes exponentielles de notre croissance. Bien entendu, l’ère néolithique n’était nullement un long fleuve tranquille. Mais relativement à l’explosion démographique et technique des deux derniers siècles, le passé semble stationnaire et froid, tandis que l’époque actuelle manifeste une surchauffe incontestable de la croissance. On nous parle beaucoup des impératifs économiques de la mondialisation, mais il est grand temps de réfléchir aux impératifs de la mondialisation écologique, parce que le monde vivant auquel nous appartenons est un phénomène à l’échelle de la Terre. Dans cette perspective planétaire, tous nos problèmes prennent un autre sens, y compris nos problèmes métaphysiques et religieux. Redonner au vivant une place centrale dans notre théorie de la Terre n’est pas encore une évidence pour tout le monde. L’arrogance de l’humanisme fait partie des racines culturelles et historiques de notre crise écologique. Mais une nouvelle figure du sacré est sans doute en train de se dessiner, non dans l’image de cet Homme prométhéen qui se prend pour l’âme du monde ou la conscience de la Nature, mais dans une nouvelle alliance entre l’espèce humaine et toute la Biosphère, alliance sans précédent parce que réellement planétaire et d’une manière qu’on peut seulement exprimer avec la métaphore de la symbiose : l’homme est la Nature prenant conscience d’elle-même. »

Il paraît que le spectacle « fin du monde » vue par les Sea Girls est un grand bonheur, des Bisous de bienvenue au grandiose final Faire pipi sur le gazon. Pour son suicide collectif, l’humanité aime s’accompagner de quelques paillettes… L’humanité veut-elle encore avoir une place sur cette planète ? Parfois nous en doutons… A moins d’une nouvelle alliance avec la biosphère ?

* LeMonde du 5 février 2011, Depuis quand l’homme façonne-t-il le climat ?

** La Biosphère de l’Anthropocène de Jacques Grinevald  (Georg, 2007)

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la place des non-humains

Superbe. Deux pages entières dans LeMonde * pour les non-humains. Il faudrait donc faire une place aux non-humains, mais quelle place ? Disons tout de suite que nous n’avons rien compris aux analyses sur les différents livres récemment parus sur la question, comme l’ouvrage « Humains, non-humains » ou « Ce à quoi nous tenons ». Seul surnage cette question : « Emmanuel Kant définissait l’homme comme le seigneur de la nature ; pour lui, les êtres dénués de raison n’avaient aucune valeur. Cette tradition de pensée est responsable de tous nos malheurs écologiques. Pourquoi ? » Pourquoi ? Parce que le roi est devenu fou**.

                « Ce qu’on appelle la crise de l’environnement est tout simplement le résultat d’une violation sans cesse aggravée des lois de l’écologie, fondées sur l’interdépendance des êtres vivants entre eux et avec leur milieu physique, c’est-à-dire sur la notion d’équilibres naturels. Un rapide coup d’œil sur les étapes de la situation de l’homme au sein de la biosphère, face aux autres éléments de la communauté biologique, peut aider à prendre une vue d’ensemble. Dans une première phase, l’homme reste un prédateur parmi d’autres, occupant une modeste place dans sa biocénose originelle ; ses prélèvements sur le milieu demeurent comparables à ceux des autres parties prenantes : le lion, le guépard, les autres singes. Mais avec le perfectionnement de ses techniques d’acquisition, avec le biface, la flèche, le feu, son efficacité s’accroît sensiblement. Avec la révolution néolithique apparaît l’animal domestique, la céréale cultivée, la poterie, la ville, le palais, le temple, la boutique, l’entrepôt, la caserne, le bordel et la prison : la civilisation est en marche. Le processus de déséquilibre entre le potentiel de destruction de l’homme et les capacités de récupération du milieu naturel est dès lors engagé : il mènera tout droit à la bombe atomique et aux autres merveilles que nous prépare une technologie emballée, devenue une fin en soi et médiocrement soucieuse, jusqu’ici, de ce qui devrait tout de même compter : l’homme. Une idéologie belliqueuse et orgueilleuse, la mythologie d’un « roi de la création » chargé de conquérir, de dominer, sans souci des droits des autres êtres vivants, devaient nous permettre de ravager la planète en toute bonne conscience. Et d’autant plus facilement que la religion du profit allait rendre licite n’importe quel méfait du moment que l’assurance d’un gain venait l’absoudre, voire le sanctifier. »

Constatons enfin qu’on agite dans LeMonde l’épouvantail de l’écologie profonde : « Le propos d’Emilie Hache est de se dégager de la deep ecology », « Vous (Stéphane Ferret) refusez les thèses de l’écologie dite profonde ». Les poncifs faux et éculés sur l’écologie profonde font encore  florès même parmi ceux qui se disent spécialistes des non-humains. Pour redonner sa vraie place à l’homme, c’est-à-dire un simple élément parmi l’ensemble des animaux et des plantes, il faudra d’abord nous rendre compte que les humains sont devenus fous et qu’il nous faut nous soigner.

* LeMonde des livres, 4 février 2011, Faire une place aux non-humains.

** le paragraphe suivant a été écrit par Théodore Monod dans le hors série du Nouvel observateur (juin juillet 1972), La dernière chance de la terre.

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Strauss-Kahn Président, tel est le vœu de l’oligarchie

DSK va se présenter. De source sûre. Il s’est fait rétamer par Ségolène la dernière fois, il a un moral de tueur, il veut nécessairement revenir dans l’arène politique française. Il croit que la France a besoin de lui, il croit que les socialistes sans lui, c’est Sarko qui reste au pouvoir. DSK sera donc Président. LeMonde* trace de lui un portrait  flatteur, le nouvel actionnaire du Monde Matthieu Pigasse, est de ses amis, comme Bernard-Henri Lévy, membre du conseil de surveillance du Monde. Déjà les agences de publicité parient sur son image ; Euro-RSCG met au service de DSK ses meilleurs employés. Sarko fricotait avec les riches, DSK sera l’idole des riches. DSK se repose dans un riad raffiné de Marrakech, il a un petit pied à terre de 4 millions de dollars à Washington, tout le monde veut loger chez lui ; il n’a pas besoin d’aller sur le yacht des autres. Sa femme Anne Sinclair rappelle qu’elle peut payer ; son grand-père était le marchand d’art Paul Rosenberg. Ses amis jonglent avec les langues comme avec les fuseaux horaires ; au temps de la mondialisation, quoi de mieux comme président qu’un serviteur du FMI. Strauss-Kahn est devenu un spécialiste du management à l’américaine, DSK sera un parfait Président de droite…

                Argh, erreur ! Nos conseillers nous rappellent que Dominique (Strauss-Kahn) serait socialiste. Bon, passons, entre la social-démocratie et l’UMP, il y a l’épaisseur d’un cheveu. Au Parti de gauche, on pense tout haut que si le PS était encore socialiste, il devrait exclure Strauss-Kahn. L’eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit a jugé que Dominique StraussKahn serait un bon candidat, il a oublié de dire « de la droite ». Une figure tutélaire de l’écologie, Alain Hervé, estime sur son blog que les socialistes Strauss-Kahn, comme d’ailleurs Royal, Aubry, Fabius, Vals, Hollande… n’ont aucune idée de ce qu’est l’écologie. D’ailleurs la candidate écolo Eva Joly connaît bien Strauss-Kahn, elle l’a mis en examen. « DSK président », hurlait pourtant un cœur de supporter en marge des journées d’été du PS en août 2006. DSK présentait alors son programme écolo : « Encore plus de croissance économique et tous les problèmes environnementaux seront résolus. » Où est la différence avec la droite ?

Terminons par une anecdote**. En juin 1984, le socialiste Pierre Moscovici téléphonait à celui qui fut son professeur à l’ENA, Dominique Strauss-Kahn, pour lui demander ce qu’il pensait de l’Inspection des finances : « C’est la meilleure business-school française. Vous y restez quatre ans et vous gagnez plein de fric. » Et le Trésor ? « C’est un peu moins bien, mais là aussi vous gagnez du fric. »

Laissons maintenant les citoyens de la gauche social-écologiste, si cela existe, trancher aux prochaines primaires socialistes. Le peuple obtient toujours ce qu’il mérite…

* LeMonde du 3 février 2011, Dominique Strauss-Kahn, L’embarras du choix

** L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie d’Hervé Kempf (Seuil, 2010)

Strauss-Kahn Président, tel est le vœu de l’oligarchie Lire la suite »