une société sans école
Au cours du XXe siècle a été découverte une nouvelle raison de l’éducation universelle et obligatoire ; l’école a été définie comme nécessaire pour le travail. L’éducation pour tous est maintenant devenu un slogan porté par les Nations unies. Il va à l’encontre d’une société sans école prôné par Ivan Illich. Précisons d’abord que toutes les tentatives pour promouvoir le développement à la mode occidentale sont sans avenir. Déjà les objectifs du Millenium sont confrontés à des budgets nationaux en berne et des aides internationales en baisse (LeMonde du 7-8 février). Ensuite l’éducation « universelle » prépare à une société qui est en train de faire faillite : les emplois dans le secteur industriel et tertiaire vont plus ou moins brutalement s’effondrer définitivement. La mobilité géographique et professionnelle que prépare la scolarisation universelle deviendra impossible à celui qui sortira du système éducatif trop tôt.
Illich critique la fonction même de l’école : « Les sociétés attachées à la scolarisation universelle et obligatoire insistent sur une entreprise frustrante et toujours plus insidieuse qui multiple les ratés et les infirmes. L’institution tenue pour sacrée légitime un monde où la grande majorité des individus sont stigmatisés comme recalés tandis qu’une minorité seulement sortent de ces institutions avec en poche un diplôme qui certifie leur appartenance à une super-race qui a le droit de gouverner. L’apprentissage est vu comme le fruit d’un enseignement par des maîtres professionnels et comme un curriculum, littéralement une course. La scolarisation fait office de portier à l’entrée des boulots ; or le marché du travail disparaît. Une petite anecdote éclairera mon propos. Il y a vingt ans, quand j’écrivais les essais réunis dans Une société sans école, j’ai appris avec stupéfaction que la direction sanitaire de la ville de New York excluait les boueux qui n’avaient pas leur baccalauréat !
L’obsession de notre société qui oblige les enfants des bas quartiers (et du Tiers-monde) à fréquenter les écoles des bas quartiers est une cruauté absurde. »
Source documentaire : La perte des sens (recueil de textes d’Ivan ILLICH)
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