biosphere

Haïti et la duplicité occidentale

Haïti, des millions de sinistrés avant le séisme, des millions de sinistrés après. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on espérait agir sur les causes du « sous-développement ». Aujourd’hui on se résout à multiplier conjoncturellement les aides palliatives, que l’on qualifie d’aide « humanitaire ». Haïti était déjà sous perfusion, bien avant le tremblement de terre. Si la secousse a été aussi dévastatrice et meurtrière, c’est parce qu’elle frappe un pays d’une très grande vulnérabilité dans ses constructions, ses infrastructures et ses moyens de secours. La Minustah, ou Mission des Nations unies de stabilisation en Haïti, composé en majorité de militaires et de policiers, était le seul organisme encore cohérent dans ce pays. Sans lui, les scènes de violence pouvaient se multiplier dans les bidonvilles de Port-au-Prince comme dans les ruines d’aujourd’hui.

Nous versons face à cette catastrophe les sanglots de l’homme blanc, l’expression de cette mauvaise conscience de ceux qui profitent de l’abondance, alors que meurt habituellement l’autre moitié de monde. D’où cette solidarité automatique, issue à la fois du christianisme et du marxisme. Le FMI a annoncé une aide financière à Haïti de 100 millions de dollars, les Etats-Unis débloquent la même somme, on en appelle aux contributions privées, « même d’un ou deux dollars ». On achemine par avion des troupes de sauveteurs, les télés sont saturés d’images de désolations, des page entières de photos dans les quotidiens qui n’apportent aucun autre message que celui du voyeurisme.

D’un côté, on a contribué à déstabiliser les Etats qui deviennent incapables de maintenir l’ordre public et d’assurer leurs tâches redistributives, ouvrant ainsi toutes grandes les portes du conflit et de la misère ; de l’autre on pallie au coup par coup les effets négatifs en accroissant les efforts dits humanitaires. Avant comme après le séisme d’Haïti, les deux moitiés de la planète se séparent de plus en plus et le Nord continue de construire patiemment le mur par lequel il espère tenir à distances les nouveaux barbares. Pour la pensée ordinaire, le scandale se trouve toujours du côté des pauvres, que l’on console de temps en temps à leur accordant une aide. Alors que l’on pourrait affirmer qu’un monde qui tolère une richesse excessive de la part d’une minorité sera toujours sujet aux catastrophes écologiques et autres.

NB : Les informations de cette synthèse sont issue du Monde du 16 janvier, la trame narrative est proposée par Gilbert Rist, Le développement, histoire d’une croyance occidentale..

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tout a une fin

La culture occidentale centrée sur le développement nie cette évidence : même les civilisations sont mortelles. Toute chose naît, grandit et dégénère pour mourir à la fin. L’enfant voit le jour pour mourir un jour, comme les autres animaux, les plantes, la terre, le soleil. Mais le jeunisme incite à effacer les rides et à cacher les fins de vie ; le progrès technique loue les nouvelles inventions, mais oublie toutes les techniques obsolètes et les friches industrielles ; la croissance économique se veut sans fin sur une planète finie. La culture occidentale célèbre le développement, le culte du toujours plus, et nous obtenons un trop plein, une démesure : Suractivité, surdéveloppement, surproduction, surabondance, surpêche, surpâturage, surconsommation, suremballage, surendettement, surmédicalisation… Or, après l’exubérance de la vie, il y a le déclin. Après la consommation de masse, il y a les pénuries. Tout à une fin. Image anxiogène ?

            L’émission Globalmag, désormais diffusée du lundi au jeudi sur Arte, veut raconter de belles histoires, aborder l’écologie de manière positive avec lucidité sans être sinistre et cul-pa-bi-li-sant. C’est là un refus manifeste de la réalité à venir. La fin du pétrole accompagnera la fin de la civilisation thermo-industrielle, la fête est finie. Mais ce n’est pas de la morosité de reconnaître que les temps vont être durs, c’est de la lucidité, du réalisme, une attitude responsable. Puisqu’il y a une incompatibilité entre les croyances actuelles en une croissance sans fin et les limites biophysiques de l’économie, alors soyons heureux de vivre autrement, plus simplement. Nous allons mourir un jour ? La belle affaire ! Faisons de notre vie un amour de la vie toujours renouvelé, un amour de notre planète si belle dans le soleil couchant. Faisons vite tant qu’il est encore temps. La vie est si courte !

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la fin de la bagnole

La mode du « développement » est une croyance contemporaine qui affecte aujourd’hui des milliards de croyants, même s’ils habitent Haïti. Au niveau du vocabulaire, cette croyance mondialisée au « développement » repose sur le point IV du discours du président Truman en 1949. La mise en pratique précède la théorie, elle débute avec la Ford T, née en 1908 et dont le 10 millionième exemplaire sort des usines en 1924. L’ère de la production et de la consommation de masse débute avec cette voiture moins chère qu’un cheval et destinée à tous dans un maximum de pays. LeMonde du 15 janvier titre de façon justifiée (mais sans doute  inconsciente) « le rêve renouvelé de la voiture mondiale » ; cette grande aventure motorisée va bientôt se terminer. Car ce n’était qu’un rêve et la mondialisation de la Focus ou la fabrication de la  Tata Nano ne va rien changer, tout au contraire, cela accélère la fin inéluctable de la bagnole. Les Indiens ou les Chinois n’atteindront jamais les niveaux d’équipement du monde occidental.

En effet, le déplacement d’une voiture gaspille une ressource fossile mise par la nature gratuitement à disposition de la civilisation thermo-industrielle. Mais, contrairement à l’usage d’un cheval, cette source d’énergie n’est pas renouvelable : plus on fabrique de voitures, plus on accroît l’imminence du pic pétrolier, ce moment où la production de pétrole va diminuer inexorablement. Alors nous nous rendrons compte que la voiture pour tous n’était qu’un rêve, entretenu par une pression médiatique et publicitaire absurde dont même LeMonde se fait régulièrement l’écho. Absurde ? Comme nos infrastructures, nos modes de production et de loisirs, nos modes de consommation et même notre alimentation dépendent du pétrole, la fin du pétrole ne sonnera pas seulement le glas de la bagnole, mais l’effondrement d’une civilisation.

Pour de plus amples informations, lire le livre de Richard Heinberg, The Party’s Over. War and the Fate of Industrial Societies, (2003) traduit en français par Pétrole : la fête est finie ! (2008).

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la fin de la mondialisation

Au cours de la décennie 2000 qui vient de s’écouler, quels sont les événements fondateurs du XXIe siècle ? Certainement pas le 11 septembre 2001 qui a plus ressemblé à un jeu vidéo qu’à un mouvement durable et généralisé. Le fait que le terrorisme international va s’amplifer ne fera que renforcer l’appareil répressif du monde occidentalisé, il ne change rien fondamentalement. Al Qaida est un bouton de fièvre, pas une maladie grave. Certains pensent que l’ampleur des menaces financières et écologiques poussera obligatoirement à la recherche de solutions à l’échelon supranational. Mais l’échec de Copenhague est durable, les nations n’abandonneront pas de sitôt la défense des intérêts de leurs ressortissants, même au détriment des équilibres de la planète. Non seulement il ne poussera pas des ailes à l’ONU, mais un machin planétaire est forcément incapable de réguler la complexité des activités humaines sur une planète dévastée. Le monde est solidaire en apparence, quelques sauveteurs  envoyés en ce moment à Haïti, profondément égoïste en réalité, chacun pour soi : nécessité fait loi.

C’est donc une démondialisation que le XXIe siècle connaîtra. En fait Obama, Sarkozy, Attac, Transition Towns poursuivent le même combat, qui va à l’inverse de la centralisation. Chacun en effet appelle aujourd’hui les entreprises à rentrer au bercail. Si certains surfent sur le patriotisme économique, d’autres imaginent déjà une nouvelle économie décarbonée et proche des consommateurs. Pour éviter la désindustrialisation forcenée qui alimente le chômage et fait grimper l’extrême droite, il faudra en effet régionaliser les économies. Pour éviter les chocs écologiques, il faudra relocaliser les productions. La self-reliance (l’autonomie territoriale) s’imposera à tous ceux qui ne peuvent plus rêver bénéficier de l’impossible prospérité promise à tous par le « développement » (la croissance) et le marché. Ils seront de plus en plus nombreux. La self-reliance est liée à l’économie de guerre et à la pénurie, mais le XXIe siècle sera un siècle de guerres et de pénuries. Le système mondialisé ne pourra survivre à son effondrement.

Cet article est une réponse au dossier du Monde (14 janvier 2010) « Ce siècle avait dix ans » qui conclut : «  C’est la force et la fragilité de nos sociétés que de n’être désormais rien sans les autres, des mondes forcément solidaires plutôt que clos par nécessité. »

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la fin des migrations

Berlusconi en Italie soutient tacitement les violences faites contre les immigrés à Rosario. L’éditorial du Monde (13 janvier) constate : « Un parti anti-immigrés multiplie les provocations sans que personne ne s’émeuve, le racisme assumé gangrène la  société italienne ». LeMonde s’interroge : « C’est l’occasion d’une réflexion sur une société multiethnique ». Mais cette analyse ne peut porter sur l’Italie seulement. La France de Sarko durcit constamment les lois sur l’immigration, l’UE a créé une « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne », le sénat américain a approuvé l’installation d’une clôture de 1123 km le long de la frontière du Mexique, les Australiens rejettent à la mer les réfugiés climatiques, etc.

Harald Welzer (les guerres du climat) pense que les conflits d’espace vital et de ressources auront, dans les décennies à venir, des effets radicaux sur la forme que prendront les sociétés occidentales. Comme les conséquences climatiques les plus dures frappent les sociétés disposant des possibilités les plus réduites d’y faire front, les migrations mondiales augmenteront dramatiquement au cours du XXIe siècle et pousseront à des solutions radicales les sociétés où la poussée migratoire est perçue comme une menace. Welzer n’est pas optimiste sur le nombre de réfugiés climatiques (qui vont s’ajouter aux autres) : « Les processus de rattrapage du retard industriel dans les pays émergents, l’insatiable appétit énergétique des pays tôt industrialisés et la diffusion mondiale d’un modèle de société fondé sur la croissance et l’épuisement des ressources font apparaître comme irréaliste qu’on limite à deux degrés seulement le réchauffement d’ici le milieu du siècle. » Dans ce contexte, l’interrogation ne peut plus porter principalement sur les questions d’intégration multiethnique quand la réalité porte déjà aujourd’hui sur les moyens mis en place par le Nord de limiter les flux d’immigrés venus du Sud.

 Il faut donc nous préparer internationalement à la fin des migrations, que ce soit  celle des immigrés du Sud ou des touristes occidentaux qui croient encore que tout est possible. Cela suppose un changement total de civilisation. A ceux qui lui demandaient comment sortir de la crise, Teddy Goldsmith répondait en souriant : « Faire l’exact contraire  de ce que nous faisons aujourd’hui, et ce en tous les domaines ».

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la fin de notre monde est proche

La fin de notre monde va surtout avoir lieu parce que nous ne nous posons pas la question « A quelle nécessité obéit l’espèce humaine en proliférant depuis de début de la révolution industrielle ? » Nous pouvons tous nous mettre d’accord en constatant que notre espèce prolifère simplement parce qu’elle a éliminé des facteurs de régulation naturelle. »  Mais Alain Hervé précise cette question dans le dernier numéro de l’Ecologiste : « Pourquoi ? Pour qui ? Pour quoi faire ? ». La question véritable est donc : quel sens, quelle valeur donner à l’existence d’un enfant de plus sur notre Terre ? C’est apparemment une question d’ordre culturel. Du moins à l’heure actuelle puisque les énergies fossiles ont permis de nourrir artificiellement un surplus de population.

Mais fondamentalement une considération éthique découle des nécessités écologiques (il faut nécessairement répondre à la question : que va-t-on manger demain ?). Par exemple les Bochimans, peuple archaïque du sud-ouest africain, qui vivaient de chasse et de cueillette comme avant le néolithique, étaient les derniers en Afrique à représenter la civilisation de l’arc. La plus grande partie de la nourriture est récoltée par les femmes : pour une journée de récolte, elles parcourent jusqu’à 45 kilomètres. Les enfants sont choyés, mais les familles nombreuses sont rares, car les femmes n’acceptent pas d’avoir un second enfant avant que le premier ne puisse suivre sa mère à la marche pendant les longs déplacements : deux enfants à porter rendrait la récolte impossible. Les femmes se résignent donc à l’infanticide de leur propre autorité, la régulation des naissances est volontaire mais conditionnée par la survie du groupe social. La situation dans les pays riches est beaucoup plus complexe, mais le nombre de naissances dépend aussi du contexte économique en général et de la situation de l’emploi en particulier : en France, les chutes les plus brutales de la natalité ont été enregistrées en 1975 et en 1983, deux périodes qui correspondent à une récession économique. La raison qui justifie l’interruption volontaire de grossesse pour la loi française repose sur la « situation de détresse », dénomination assez floue pour permettre toutes les interprétations. Mais l’essentiel est formulé, ce qui compte c’est le droit de l’enfant à vivre dans un milieu prêt à le recevoir.

Or le milieu naturel au XXIe siècle va être beaucoup moins généreux pour l’espèce humaine que pendant la révolution industrielle… Nous changerons de civilisation car le problème de survie de la société thermo-industrielle est posé ; le malthusianisme reviendra à la mode.

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bientôt la fin du monde

Un de nos plus fidèles commentateurs nous écrit : « ce blog biosphere tente lamentablement de justifier, sous prétexte d’une urgence écologique qui n’existe que dans ses rêves, la mise en place de structures totalitaires. » Sur l’idée de totalitarisme, notre commentateur serait bien en peine de trouver sur ce blog une justification de ses dires. Notre philosophie se veut conforme à l’esprit de non-violence et adepte du sens de la responsabilité inhérente à chaque individu.

Sur l’urgence écologique, nous pensons avec beaucoup d’autres analystes que le XXIe siècle va être totalement différent de ce que l’humanité a connu jusqu’à maintenant ; les modifications des écosystèmes et de la culture des peuples ne seront pas lentes, mais très (trop ?) rapides. La rupture prônée par Sarkozy aux présidentielles n’est qu’un euphémisme par rapport à ce qu’il faudrait réellement faire : préparer l’humanité à la fin du pétrole et à l’augmentation brutale de son prix, préparer l’humanité à affronter des perturbations et des guerres du climat, essayer d’enrayer la baisse inéluctable des rendements agricoles et la perte de biodiversité, dépasser un système  capitaliste qui va être remis en question dans ses fondements (la publicité, le crédit et la division exacerbée du travail), dépasser les égoïsmes nationaux et le sociocentrisme dominant, affronter la gouvernance de 9 milliards de personnes en 2050, etc. Que ce soit clair, ce n’est pas la prochaine génération qui connaîtra des guerres civiles et des problèmes aux frontières, c’est déjà la notre. Le mouvement d’autodestruction de notre société thermo-industrielle ne va que s’amplifier au cours de ce siècle.

            Nous savons aussi, avec Serge Latouche, que la ruse de l’histoire serait qu’un pouvoir autoritaire se targue de la nécessité écologique pour faire accepter la restriction des libertés sans avoir à toucher aux inégalités. La gestion des épidémies, les accidents nucléaires, la gestion des réfugiés climatiques sont autant de motifs qui faciliteraient la restriction des libertés. On passerait ainsi du totalitarisme rampant de la ploutocratie actuelle, qui conserve encore un semblant de démocratie formelle, à un écofascisme musclé qui imposerait des restrictions draconiennes à une population affolée et apathique. L ‘« écologie » peut très bien être intégrée dans une idéologie néo-fasciste. Nous faisons tout notre possible, sur ce blog et ailleurs, pour qu’il n’en soit pas ainsi.

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démocratie et écologie

quelques exemples des relations complexes entre démocratie et écologie :

1/4) la démocratie comme perception des limites

La démocratie moderne était inséparable des possibilités en apparence infinies de la puissance des technologies et du marché. Tout nous paraissait donc possible. La démocratie à venir devra en revanche accorder cette même puissance à un monde fini, bondé et fragile. Il va donc nous falloir apprendre à borner le pouvoir de faire par la sagesse de l’autolimitation. Ce sera d’autant plus difficile que l’histoire nous a malheureusement enseigné que seul le pouvoir est capable d’arrêter le pouvoir.

2/4) la force des traditions joue contre notre futur

C’est à cause de notre cerveau tout puissant qui fomente les idées les plus baroques que nous arrivons trop souvent à l’impasse la plus totale. Bertrand Méheust  l’exprime dans son livre, La politique de l’oxymore : « Je suis convaincu qu’une catastrophe est en gestation, mais je ne partage pas la conviction que les démocraties modernes possèdent les ressorts nécessaires pour la prévenir et l’affronter. Je crains que la métamorphose espérée n’intervienne trop tard pour enrayer la crise écologique, et ne manifeste ses effets que pendant et après la catastrophe, un peu comme le pacifisme n’empêche pas les guerres mais se développe dans leur sillage. En effet toute société cherche à persévérer dans son être. Mais comme nous vivons dans un monde fini, sa saturation globale est inéluctable, ou, pour dire les choses de façon plus brutale, la saturation se traduira pour l’humanité par une véritable descente aux enfers. Chaque instant qui passe nous éloigne davantage du moment où un autre avenir serait encore possible. »

3/4) la démocratie et le choc du futur

Dieter Birnbacher posait, dans son livre La responsabilité envers les générations futures (1994), la question de savoir si la démocratie moderne était en mesure d’être le lieu d’une éthique du futur. Ce n’est pas évident car une conscience prévoyante, centrée sur le long terme, est synonyme de renoncements. Elle entre donc en conflit avec les aspirations immédiates des individus, leur préférence pour le présent. Renoncer à la voiture ? Mais nous sommes bien obligés d’avoir une voiture !

Nous sommes dans une démocratie du spectacle et de la compassion, pas du raisonnement froid des climatologues ou de l’Aspo (qui prévoit pour bientôt le pic pétrolier). Les politiques pensent d’abord à l’acceptabilité sociale d’une taxe carbone, pas à sa nécessité. Il faudra donc que la catastrophe serve de pédagogie. Ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’une succession de crises. Par exemple, pendant la crise du prix du pétrole de septembre à décembre 2008, il s’est répété que le système libéral occidentalisé était dangereux et non durable. Cela a servi de choc psychologique faisant avancer la perception révolutionnaire de la structure crisique de notre société thermo-industrielle. Le baril de pétrole atteignant 150 dollars était un signal prix fort qui a laissé des traces, qui a modifié la perception des personnes. L’état d’esprit qui accueillera une nouvelle crise du pétrole, avec une perception plus aiguë des limites de notre planète, sera donc notablement différent de ce qu’il était précédemment.

4/4) démocratie et acteurs-absents

Rosanvallon décrivait récemment la condition nécessaire pour préparer le long terme : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. C’est lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes en termes d’anticipation que leur vision s’accordera au sentiment d’une existence à l’échelle de l’humanité. »

Il faudrait donc que chaque citoyen (en position de décision délibérative) se fasse l’avocat des acteurs-absents, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent prendre la parole lors d’une négociation, ou qui ne sont pas invités à la table des négociations : milieu naturel, être vivants non humains, générations futures. Il faut d’ailleurs remarquer que la génération actuelle peut se permettre d’utiliser autant de ressources non reproductibles (et perturber le climat) uniquement parce que les générations à venir sont exclues du marché actuel pour la simple raison qu’elles ne peuvent y être présentes ; sinon le prix du pétrole s’élèverait déjà à l’infini. Il y a une dictature du présent sur l’avenir. Cela ne pourra changer que quand chacun d’entre nous pourra se projeter dans le temps long et l’espace infini, y compris sur ce blog.

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démocratie Internet et écologie

Sharp nous a écrit : «  RIEN, ABSOLUMENT RIEN, ne doit entraver la liberté individuelle et la démocratie. A partir du moment ou on trouve des justification a ces entraves, ça s’appelle du fascisme. Pente sur laquelle ce blog glisse un peu plus tous les jours… »

Notre analyse : La démocratie est une avancée extraordinaire de l’époque contemporaine. Un décision résulte du libre débat entre les citoyens, le pouvoir à la base remplace les arguments d’autorité qui conditionnaient les gens au nom d’une religion ou d’un dictateur. Il faut pourtant attendre en France la loi de 1881 pour mettre un terme à la censure a priori. Aujourd’hui, Internet est un vecteur formidable de la démocratie. Tout le monde peut créer son blog ou commenter les discours et événements. Les moteurs de recherche mettent à notre disposition toutes les réponses à telle ou telle question qu’on peut se poser. RIEN, ABSOLUMENT RIEN, ne devrait donc entraver la liberté individuelle et la démocratie.

En vérité, l’idée d’un discours sans aucun contrainte n’est pas soutenable. Le web, c’est aussi le coma éthylique assuré ! On l’appelle la Toile, et c’en est une. Toile d’araignée et labyrinthe. Le propre du Web correspond au refus de statuer, de théoriser, de hiérarchiser les informations. Internet est le scandale d’une mémoire sans filtrage, où l’on ne distingue plus l’erreur de la vérité. Nous risquons alors le risque d’une incommunicabilité complète. Au final, cela produit aussi l’impossibilité d’un choix politique, l’incapacité à décider quoi que ce soit. Le filtrage sur Internet est donc un gros problème. Car ce qui importe dans une démocratie, c’est le résultat  du débat, arriver à un savoir partagé par tous, élaborer une culture qui relie. Ce qui forme une culture n’est pas la conservation de tous les discours, mais le filtrage. C’est pourquoi les organes de presse et les maisons d’édition pratiquent une forme d’autocensure, journalistes et comités de lecture trient informations et écrits, ce qu’il faut dire et ce qu’on ne peut pas exprimer publiquement. Un blog est contrôlé par ses modérateurs qui peuvent modifier ou supprimer un commentaire. Le blog lui-même peut être interdit par les modérateurs lemonde.fr. Le site de débat sur l’identité nationale censure à peu près 25 % des messages qui sont envoyés.

Alors, comment déterminer, dans un monde libre d’information, ce qui mérite d’être montré au public ? Sur quels critères conférer ou ôter à un discours sa visibilité ? Ce blog, centré sur l’écologie, ne fait pas mystère de ses choix : privilégier ce qui fait avancer la cause écologique, pour le bien de notre planète, pour le bien des générations futures. En gardant clairement à l’esprit la difficulté de déterminer comment rechercher ensemble la voie du bonheur. Certains commentateurs de ce blog devraient prendre garde à la pente glissante qui les mène à dénaturer l’idée de fascisme en simplifiant à l’extrême la complexité de la réalité. En Suisse, la démocratie référendaire est devenue un canal d’expression des peurs : halte aux minarets !

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l’illusion de la compensation carbone

Il n’y a pas que Claude Allègre dans la vie. Il y a aussi le problème de la compensation carbone. Deux informations sur la même page du Monde (8 janvier 2009) :

– un livre d’Augustin Fragnière se demande si cette compensation est une illusion ou une solution : contrebalancer ses propres émissions de gaz à effet de serre par le financement de projets destinés à en réduire d’autres est-il cohérent ?

– le Medef demande non seulement le report de la taxe carbone, mais la compensation intégrale de cet impôt pour toutes les entreprises. Est-il cohérent de prendre de l’argent d’un côté pour le redonner de l’autre ?

La compensation carbone pour s’assurer une « neutralité carbone », c’est du vent, ce n’est que du greenwashing. Prenons l’exemple d’une personne en partance pour un long voyage, en plein dilemme, seule face à sa conscience d’écocitoyen. Cet individu doit partir en Amérique Latine : prend-t-il ou ne prend-t-il pas l’avion ? Mais oui, bien sûr, il suffit de s’acheter une indulgence : compenser son émission excessive de gaz à effet de serre en payant quelques arbres, en contribuant à la reforestation de pays dévastés. Ce genre de « compensation carbone » est un luxe que seuls les très riches peuvent se permettre et cela n’a pas d’impact immédiat, ni même réellement efficace sur l’absorption de CO2 (analyse d’Yves Cochet). Autre exemple, pour s’installer au volant d’un véhicule de plus de 9 CV, il suffirait de débourser 70 euros en achetant auprès des magasins Nature & Découvertes une carte de compensation carbone (cf. LeMonde du 4 janvier 2008). On nous explique que l’association Climat Mundi, va participer avec l’argent récolté au financement d’un projet hydroélectrique en Chine. Même si ce principe est reconnu par l’ONU, il ne reste que très théorique et ne permet pas de transformer un véhicule polluant en citrouille.

Les ménages veulent une compensation, les entreprises veulent une compensation, on veut le beurre et l’argent du beurre. Ce n’est pas comme cela que le système climatique fonctionne. Nous ne pensons pas que Claude Allègre dirait le contraire…

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Les arguments de Claude Allègre en débat

Nous avons (sur ce blog ou ailleurs) été souvent confrontés à l’interrogation de citoyens qui avaient vu (ou lu) Allègre: « Il paraît crédible, je ne sais plus quoi penser, où est la vérité ? »  Claude Allègre a en effet les faveurs des médias, écrit des livres aussi souvent qu’il respire, s’impose un peu partout. Claude Allègre est donc quelqu’un de foncièrement dangereux car il participe d’une manipulation de l’opinion publique par la négation du réchauffement anthropique, le culte du progrès technique, le dénigrement de l’écologie véritable, la désinformation scientifique. Quel est son discours ? Que peut-on répondre ?

8/14) Claude Allègre contre les conférences internationales

Allègre) : Kyoto a été l’exemple de cette attitude incantatoire autant qu’inefficace : dix ans après, les émissions de CO2 ont augmenté de 50 % ! Et Copenhague s’annonce comme devant être du même tabac ! Croit-on qu’avec un tintamarre diplomatique ou médiatique l’Inde et la Chine vont abandonner leur développement fondé sur le charbon ?

Biosphere : Claude, pour une fois, je suis entièrement d’accord avec toi, les palabres diplomatiques de la mise en œuvre du protocole de Kyoto n’aboutissent pas à une action à la hauteur des enjeux. L’échec de Copenhague en est la démonstration finale.Mais il ne suffit pas de constater, il faut se mettre au service de ceux qui oeuvrent pour changer nos modes de vie qui utilisent pétrole et charbon à profusion. Or tu te contentes de dénigrer. Ce n’est pas très « productif ». Je peine à savoir avec toi ce qu’il faudrait faire pour lutter contre le réchauffement climatique, à part ta croyance absolue dans de possibles innovations techniques.

9/14) Claude Allègre pour techniciser la planète entière

Allègre : La solution, n’est-elle pas dans l’innovation ? Ne faut-il pas d’abord développer les technologies de capture et de stockage du CO2, les voitures électriques, hybrides ou à hydrogène et les technologies alternatives pour le chauffage comme le photovoltaïque, la géothermie et l’isolement ? Mais là encore en étant conscient des problèmes sachant par exemple que dans l’état actuel des choses les réserves mondiales d’indium, métal indispensable à la technologie photovoltaïque, sont inférieures à dix ans !

Biosphere : Tu rabâches, Claude, tu rabâches. Toujours ton antienne sur l’innovation qui va sauver (peut-être). Une attitude responsable serait de présenter des solutions à nos problèmes créés par la technique en utilisant les techniques actuelles. Comme on ne peut pas le faire, il faut se résoudre à prendre les problèmes à leur racine, et critiquer les techniques qui nous mènent au désastre. Il ne faut pas rêver de voitures électriques, il faudrait condamner résolument l’utilisation de véhicules personnels, procès de déplacement qui n’a aucun avenir durable. Le fordisme a réussi, il couvre nos territoires d’autoroutes, il n’entraîne pas plus de bonheur et détraque les équilibres naturels. Mais le pic pétrolier est pour bientôt, il n’y a pas que l’indium qui viendra à manquer.

10/14) Claude Allègre contre le nouvel ordre écologique

Allègre : Je ne veux pas comme le dit Marcel Gauchet que « l’amour de la nature dissimule la haine des hommes ». Et tant pis si ce n’est pas à la mode, si je me réclame de la philosophie des Lumières et si, comme Luc Ferry, je refuse le Nouvel Ordre écologique.

Biosphere : Luc Ferry est bien plus  nuancé que tu ne veux le dire. Il avoue en fin de livre que le « nouvel ordre écologique » pose de vraies questions : « Personne ne fera croire à l’opinion publique que l’écologisme, si radical soit-il, est plus dangereux que les dizaines de Tchernobyl qui nous menacent. Et l’on pourra disserter tant qu’on voudra sur l’inanité des thèses anti-modernes agités par les nouveaux intégristes, il n’en reste pas moins insensé d’adopter aujourd’hui encore l’attitude libérale du « laisser faire, laisser passer ». Il faut, écrivait-il aussi, admettre que les écosystèmes sont mieux agencés par eux-mêmes alors que la plupart des constructions humaines s’avèrent le plus souvent si fâcheuses qu’elles requièrent la plus grande prudence. Il faudrait donc élaborer une théorie des devoirs envers la nature. Comme tu le vois, Claude, ta copie sur l’écologie « non productive » est vraiment trop superficielle et mérite qu’on t’enlève ton statut de scientifique pour revêtir celui d’intégriste de la croissance. La preuve, ta capacité à faire parler de toi dans les médias montre bien que tu as les faveurs d’un système thermo-industriel qui est en train de saccager notre planète.  Le journal Libération n’est plus tellement cet instrument de libération de l’homme qu’il voulait être à ses débuts.

11/14) Claude Allègre pour le négationnisme climatique

Dans la rubrique Vu&commenté du Monde du 20 mai 2008, le faux écolo Claude Allègre ne croyait pas à un réchauffement climatique d’origine anthropique. Il parlait même d’une escroquerie scientifique menée par des centaines de spécialistes du climat dans le cadre du GIEC.

Pourquoi donc LeMonde a-t-il donné tant de fois la parole à cet égocentrique cultivant une notoriété malfaisante grâce à ses jugements personnels à l’emporte-pièce ? Pourquoi LeMonde a-t-il cultivé un sensationnalisme inutile ? Il est donc évident que si un ancien ministre, scientifique de formation, peut se permettre encore un négationnisme climatique, c’est qu’il se sent soutenu à la fois par des scientifiques dévoyés par l’appât du gain ou de l’esbroufe, et par des médias au service d’une société tout entière vouée au dieu Hydrocarbure. Dans ce contexte, quel politique aurait le courage de prôner la taxe carbone généralisée sans exonérations ni exemptions ?

12/14) Claude Allègre confond la météorologie et la climatologie

Claude Allègre : « Dès lors qu’on est incapable de prédire le temps de façon sérieuse au-delà de quatre jours, anticiper le climat à un siècle de distance est une fumisterie. » (Le Figaro magazine, 28 novembre 2009).

Stéphane Foucart sur la question Peut-on prédire le climat quand on ne sait pas prévoir la météo au-delà de quelques jours ? : « La météorologie s’intéresse à des phénomènes chaotiques, dont l’évolution au-delà de quelques jours est par essence imprévisible. Elle tente de décrire l’évolution du temps à partir d’une connaissance fine des conditions atmosphériques en cours, que les modèles numériques prolongent. La climatologie est une science statistique. Elle s’appuie sur les bases de données de la météorologie et se nourrit des moyennes des mesures physiques, dans l’espace et dans le temps. Mais elle se nourrit d’autres disciplines, comme la glaciologie, l’océanographie, l’astronomie, pour reconstituer les climats du passé et tester ses modèles numériques. Ceux-ci peuvent ensuite simuler l’avenir, en fonction de la variation de la concentration des gaz à effet de serre. Pour prendre une image, la trajectoire de chacun des jets d’un pommeau de douche est difficile à prévoir (météo), mais on peut prédire quand la baignoire débordera (climatologie). » (LeMonde du 6-7 décembre 2009)

 

13/14) Claude Allègre ignore le CNES

Claude Allègre va encore râler, lui qui est à classer parmi les négationnistes (négateurs) du réchauffement. En effet, depuis environ un siècle et demi que les températures sont régulièrement relevées, aucun décennie ne s’est révélée plus chaude que 2000-2009. Et l’année 2010 pourrait battre tous les records malgré un soleil en faible activité (LeMonde du 29 décembre). Pourtant Allègre se permettait de dire dans le Figaro magazine du 28 novembre que les climatologues, gens « scientifiquement pas sérieux », se consacrent à la modélisation « sans aucune considération pour l’observation » et qu’« il faudrait un grand plan spatial pour améliorer nos connaissances sur l’atmosphère et l’océan, car il n’y a plus de grandes missions sur le climat depuis vingt ans ».

Un démenti cinglant lui ait apporté par Jacques Blamont, conseiller du président du CNES (centre national d’études spatiales) dans le Figaro magazine du 24 décembre : « De nombreux instruments portés par des satellites fournissent quotidiennement les bases de la discussion en cours sur le climat. La constellation de cinq satellites A-Train (2004) étudie les nuages et les aérosols ; les glaces polaires sont connues grâce aux images de EOS, Envist et DMSP, et aux mesures de gravité de Grace et Goce ; le niveau des mers par Topex-Posédion, Jason I et II ; les variations spatio-temporelles des émissions des gaz par Iasi, OCO et Gosat ; la salinité de la surface océanique par Smos, lancé il y a peu. Le cycle de l’eau sous les tropiques sera étudié par Megha, et j’en oublie. A partir des données recueillies s’élaborent des modèles qui tentent de traduire la complexité des phénomènes. Contrairement à ce qu’affirme l’ex-ministre (qui, lorsqu’il était au gouvernement, a diminué les crédits du CNES deux années de suite), la communauté scientifique et ses agences spatiales assurent aujourd’hui le programme mondial de recherches climatiques qu’exige la situation. Il est constitué d’une quantité de missions, déjà fort coûteuses, loin de l’idée d’une « grande mission », bonne pour les tréteaux médiatiques. »

 14/14) Claude Allègre et la fuite en avant technologique

En novembre 2007, lors du lancement d’un fonds d’investissement dédié aux valeurs d’environnement, Claude Allègre prit la parole. Il s’insurgea contre le concept de décroissance, « cette idée qui me paraît horrible, à savoir : nous nous sommes goinfrés, et par conséquent nos enfants doivent vivre dans la frugalité, ils devront se serrer la ceinture ». Non, proclama-t-il, « il faut que l’écologie soit le moteur de la croissance ». Et de lâcher la clé de l’idéologie dominante : « La bonne voie est : tout  ce qui ne rentre pas dans l’économie ne rentre pas dans la marche de la société. » Ensuite il lista les problèmes environnementaux : « Il y a des sécheresses épouvantables, des inondations. La technologie existe, on sait fabriquer des aquifères artificiels, récurer les fleuves, les désensabler… Le prix de l’énergie va se stabiliser grâce aux huiles lourdes et aux sables bitumineux. Le CO2 ? On a la technologie, la séquestration du gaz carbonique. La biodiversité ? Naturellement, la solution, dans ce domaine, c’est les OGM, il n’y a pas d’autre solution. »

Claude Allègre a dit autrefois des choses intelligents, il a même été un bon scientifique. Mais ses capacités scientifiques n’ont pas résisté à l’exposition médiatique. Il soutient ouvertement et de façon active un capitalisme qui cherche à détourner l’attention du public, de plus en plus conscient du désastre écologique imminent, en dénigrant autrui et en faisant croire que la technologie pourrait surmonter tous les obstacles.

 

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florilège à propos de Claude Allègre

Lors de multiples réunions de réflexion collective, nous avons été souvent confrontés à l’interrogation de citoyens qui avaient vu (ou lu) Allègre, ici ou là : « Il paraît crédible, je ne sais plus quoi penser, où est la vérité ? »  Claude Allègre a en effet les faveurs des médias, écrit des livres aussi souvent qu’il respire, s’impose un peu partout. Claude Allègre est quelqu’un de foncièrement dangereux car il empêche la perception des menaces et la nécessaire action citoyenne. Quel est son discours ? Que peut-on répondre ?

1/14) Claude Allègre et son livre, Ma vérité sur la planète

Le livre de Claude Allègre Ma vérité sur la planète est un long plaidoyer contre la « secte verte ». Il utilise donc les généralisations les plus abusives contre les écolo : « Je ne souhaite pas que mon pays se retrouve en enfer à partir des bonnes intentions de Nicolas Hulot. Il créerait chaque année plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, il faudrait mettre en place un régime bureaucratique et policier » … «  La brute, c’est sans conteste José Bové. Son mode d’expression, c’est d’abord et avant tout la violence. On casse le MacDo de Millau, on casse une serre d’OGM à Montpellier, on fait le coup de poing à Seattle ou à Davos »… « Le truand, c’est Al Gore. C’est l’archétype du politicien américain, professionnel, mécanique mais sans conviction claire ni vraie connaissance des dossiers » … « L’animal ou l’arbre doivent être protégés, respectés, pourquoi pas vénérés, et cela doit être inscrit dans la loi ! C’est la stratégie de la deep ecology qui poursuit en justice ceux qui  coupent les arbres ou qui tuent les insectes avec le DDT »

Pour Cl Allègre, il y a en effet deux sortes d’écolo. Les bons, de véritables environnementalistes qui sont d’abord des humanistes et adhèrent au progrès ; ils critiquent, mais de l’intérieur, ils en ont le droit. Et puis il y a les méchants, les éco-fondamentalistes hostiles au progrès et à l’humanisme, qui ne peuvent critiquer le système que de l’extérieur et qu’il faudrait laisser dans leurs arbres. Pourtant il avoue dans le chapitre 1 de son livre : « J’aime la Terre. Dans mon enfance, j’ai appris à observer et à aimer la nature. Cette passion pour tout ce qui touche la Terre ne m’a pas quitté. Elle a illuminé ma vie. La Terre est une planète vivante qui évolue et se transforme grâce à des processus chimiques grandioses et complexes dans lesquels la vie joue un rôle essentiel. Comment l’homme, qui est lui-même le produit de la Terre, peut-il modifier, au point même de les détraquer, ces cycles géochimiques établis depuis des milliards d’années ? Comment pourrais-je tolérer que l’homme la défigure ? » Mais si la Terre est la Patrie de Cl.Allègre, c’est pour se battre contre ceux qui voudraient, sous prétexte de la défendre, détruire notre civilisation ; l’écologie radicale !

Claude Allègre ne comprend pas que pour sauver les hommes, il faut sauver la planète, il faut contester notre civilisation thermo-industrielle, il faut que les enfants aiment la Terre-mère. Parfois d’ailleurs  la révélation l’effleure : «  Lorsque les mouvements écologistes sont apparus, ils portaient un vrai message, celui de la nécessaire harmonie que l’homme doit trouver avec la nature. »

2/14) Claude Allègre pour l’écologie productive

Allègre: Présentant la fondation que je suis en train de créer avec pour titre Ecologie productive, un journaliste s’est interrogé. Qu’est ce que l’écologie non-productive ? Il m’incombait donc d’éclairer sa lanterne. L’écologie productive est la démarche qui consiste à résoudre les problèmes écologiques en créant de nouveaux emplois et de nouvelles richesses. C’est ce que l’on appelle parfois la croissance verte.

Biosphere : Claude, ton point de vue est anthropocentrique et court-termisme, il s’agit d’emplois et de richesses pour l’homme et pour l’instant présent. Mais l’économie superficielle (dite par toi réparatrice) ne résout aucun des problèmes fondamentaux que connaissent les écosystèmes. A plus forte raison si tu soutiens l’idée d’une croissance perpétuelle du système tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Un emploi nuisible à l’avenir des générations futures ne devrait pas exister ; la vraie richesse ne  repose pas essentiellement sur l’accumulation de biens, mais sur la richesse intérieure et la richesse relationnelle. Soyons moins « productif », et nous travaillerons moins pour pouvoir avoir le temps de rechercher le plaisir de faire et le bonheur d’être. Le concept de croissance « verte » nous fait oublier l’idéal : plus de liens, moins de biens.

3/14) Claude Allègre contre le club de Rome

Allègre : Ma démarche s’oppose radicalement à la vision, hélas très répandue, qui a vu le jour dans les années 1970 avec le fameux rapport du Club de Rome «Halte à la croissance» et qui s’est prolongée plus récemment avec les concepts de décroissance et de frugalité prospective, qui constituent la base du livre de Nicolas Hulot le Pacte écologique aussi bien que le programme des Verts.

Biosphere : tu confonds « halte à la croissance », titre francisé du rapport du MIT qui présente The limits to growth.
Aucune des prévisions de cette analyse scientifique de statistiques, qui dénonce les conséquences néfastes des évolutions exponentielles dans un monde fini, n’a été démentie par les faits.
Il est vrai que tu es cosignataire de l’appel d’Heidelberg (juin 1992) qui réunissait des « scientifiques » qui s’inquiétaient de « l’émergence d’une idéologie irrationnelle à l’aube du XXIe siècle » (l’écologisme !), ce qui a malheureusement occulté la prise en compte de l’écologie en France. Claude, un scientifique ne doit pas hurler au loup contre les objecteurs de croissance et encourager dans le même temps les prédateurs humains (cf. le programme des multinationales).

4/14) Claude Allègre pour la croissance

Allègre : A une écologie dénonciatrice et punitive, qui ne voit l’écologie que comme l’annonce de catastrophes, la multiplication de taxes, des interdictions diverses et l’arrêt du progrès, (« le progrès pose problème », écrit Hulot), nous souhaitons substituer une écologie de la création, de l’invention, du dépassement, de la réparation qui débouche sur la croissance économique en même temps que l’établissement d’une certaine harmonie entre l’homme et la nature mais dans laquelle l’homme n’est jamais sacrifié aux exigences écologiques.

Biosphere : Claude, tu as l’air de ne rien comprendre à cette pédagogie de la catastrophe qui nous présente un avenir en noir, terme inéluctable si on poursuit les tendances productives actuelles. Cette pédagogie n’est faite que pour nous inciter à réagir et empêcher la réalisation d’un tel futur. Tu sembles ignorer Le principe responsabilité d’Hans Jonas ou Pour un catastrophisme éclairé (quand l’impossible est certain) de Jean-Pierre Dupuy. Plus grave, tu déformes les propos (« l’arrêt du progrès » pour commenter « le progrès pose problème »).

Et puis, il y a humanisme et humanisme. Beaucoup d’humains sont actuellement sacrifiés aux exigences de la croissance. Pour retrouver une harmonie avec la nature, il faudrait sacrifier le mode de vie de la classe globale qui vit à l’occidentale, il faudrait choisir entre sauvegarder le niveau de vie des riches ou respecter les rythmes de la nature qui permettent aux pauvres de vivre. Tu  te situes pour l’instant du mauvais côté en défendant insidieusement le système capitaliste de protection des nantis, ces riches qui détruisent notre planète.

5/14) Claude Allègre pour le nucléaire

Allègre: Prenons trois exemples pour illustrer ma démarche. L’énergie nucléaire est à l’évidence une source d’énergie essentielle à notre développement futur et l’on ne dénoncera jamais assez les dommages créés à l’Europe par les verts allemands en interdisant à ce pays cette source d’énergie ! Mais peut-on, d’un autre côté, ignorer qu’avec la technologie actuelle nous produisons des déchets potentiellement dangereux et que les réserves d’uranium ne dépassent pas un siècle ? La solution ce n’est pas l’abandon du nucléaire, c’est de développer la technologie dite de «quatrième génération» qui utilisera 97 % de l’uranium multipliant les réserves par 100 et qui détruira les déchets à vie longue rendant cette filière plus sûre.

Biosphere : Sur le nucléaire, tu es donc sur la même ligne de pensées que Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy, à savoir continuer dans l’erreur maintenant qu’elle a été commise. Mais c’est un changement de civilisation qu’on doit promouvoir, pas le prolongement des courbes exponentielles de notre consommation d’énergie.

Tu réponds à la question des réserves d’uranium et des déchets radioactifs pas le développement d’une improbable quatrième génération. Pourquoi diantre n’a-t-on pas construit ces monstres théoriques au lieu de persévérer dans le banal EPR ! Parce que la quatrième génération reste un mythe, comme ITER. La principale énergie à revendiquer est celle que nous ne consommons pas, la frugalité peut être heureuse.

6/14) Claude Allègre pour le productivisme agricole

Allègre: Second exemple, les pesticides, insecticides et engrais. Il est exact que le développement excessif de la «chimie agricole» a conduit à créer des problèmes de pollution alimentaire pour les humains, les animaux domestiques mais aussi les animaux sauvages. La décroissance des populations d’oiseaux, des rivières trouve sans aucun doute sa source dans la pollution. Faire semblant de l’ignorer n’est pas responsable pas plus qu’accuser les agriculteurs et leur interdire les moyens de continuer a être compétitifs sur un marché désormais international de plus en plus sévère. La solution, c’est de développer les plantes génétiquement modifiées qui permettront d’éviter les pesticides, les insecticides, en partie les engrais et qui permettront de minimiser les besoins en eaux ou les contraintes de salinité. L’avenir de l’agriculture est là !

Biosphere : Ah, la compétitivité ! Tu restes dans la vulgate libérale de la concurrence internationale au lieu de promouvoir l’agriculture de proximité et l’agriculture biologique. Tu donnes donc tort à Rachel Carson qui a montré dès 1962 que le printemps pouvait advenir sans oiseaux à cause de la nécessité pour la monoculture d’utiliser des pesticides.

Ah, les OGM ! Tu fais encore appel à l’innovation qui ne peut que nous sauver. Mais un scientifique ne doit pas être un croyant dans un éventuel saut technologique alors qu’on sait déjà que les OGM déstabilisent l’agriculture traditionnelle, n’ont pas un rendement supérieur aux semences classiques et ne font le profit que des multinationales de la semence.

7/14) Claude Allègre contre les climatologues

Allègre : Troisième exemple, le contrôle du gaz carbonique. Laissons de côté la question des prévisions climatiques car elle sera réglée par les faits d’observations à condition de ne pas les masquer (pourquoi cache-t-on ces jours-ci le fait que la banquise arctique s’est reconstituée cet hiver comme elle était il y a douze ans ?). Faut-il le faire en organisant de grandes conférences internationales, fixer des quotas théoriques et palabrer sous la houlette dispendieuse de l’ONU ?

Biosphere : Comme d’habitude Claude, tu te crois plus fort que les centaines de scientifiques qui oeuvrent au sein du GIEC (groupe intergouvernemental d’études sur le  climat). Mais tu ne peux prendre un cas particulier, la banquise arctique, pour une analyse générale de l’effet de serre. Ton analyse n’est pas inductive, elle est volontairement tronquée. Tout cela n’est pas très scientifique.

Quant aux solutions, que propose-tu d’autre à la place des négociations internationales sur le climat ? Il ne suffit pas de pourfendre, il faut montrer des alternatives.

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supprimons les courses automobiles

Les experts ne savent plus quoi dire. Dans un même article, ils peuvent à la fois affirmer que la reprise économique va suivre (le cours des Bourses) en 2010 car c’est le sens de l’histoire et conclure avec Isaac Newton : « Je sais mesurer le mouvement des corps célestes, pas la folie des hommes. » (Jacques Marseille, Travailler plus, pour gagner plus, pour consommer plus, est dépasséLeMonde du 5 janvier). Jacques ne sait plus où nous pousse le vent de l’histoire puisque « si la Chine et l’Inde continuent sur le même rythme de croissance, d’ici quelques décennies, il faudra les ressources de quatre planètes pour soutenir la demande globale ». Mais dans le même numéro du Monde, le « Dakar » continue sa course folle. Comme l’exprime les premiers concernés (la Fundacion para la defensa del ambiente), cette course « est un amusement pour riches qui viennent jouer à l’aventure dans le tiers-monde ».

Les logiques économiques, sociales et culturelles qui président à la variabilité des actions humaines échappent à l’analyse de l’écologue : l’homme apparaît comme une population sujette à de perpétuelles mutations, une boîte noire particulièrement fantasque. Mais c’est aussi une personne à la recherche d’un bonheur partagé. C’est pourquoi nous avons besoin d’un chef d’Etat courageux qui dira au prochain sommet mondial :  

« Je suis là pour représenter les intérêts de ma patrie, mais je suis là aussi pour représenter les générations futures, tous les pauvres de notre planète, et notre Terre-patrie. C’est pourquoi je demande une mesure symbolique immédiate pour lutter contre nos émissions de gaz à effet de serre, l’arrêt de toutes les courses automobiles. En effet le temps n’est plus où des gens au volant n’avaient plus le temps d’admirer les paysages et de nouer des relations conviviales. Le temps n’est plus où il fallait forcer la reprise avec des plans de relance qui soutiennent des entreprises sans avenir comme les constructeurs automobiles. Le temps n’est plus où nous pouvions gaspiller en deux siècles la moitié de nos ressources fossiles. Le temps n’est plus où nous ne prêtions aucune attention aux équilibres écologiques de notre petite planète.  Faisons tous l’effort de comprendre les maux de notre société pour pouvoir y remédier. Vous pouvez compter sur moi : Yes, we can ! »

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Padak, pas d’accord

L’actualité n’a pas d’importance en soi, l’important c’est ce qu’on fait de l’actualité, si on la juge ou non digne d’intérêt. Ainsi, le 4 janvier  2008, c’était la joie dans la Biosphère, le rallye Lisbonne-Dakar 2008 avait été annulé. Padak, personne ne pouvait être d’accord avec le Dakar. Selon Al Qaida, il ne rassemblait qu’un ramassis de « croisés, d’apostats et de mécréants ». ; on était presque proche de la vérité quant aux participants.

En fait il s’agissait uniquement d’un événement spectacle qui n’existait que parce le début du mois de janvier est en général assez vide d’informations ; il faut donc meubler ce vide existentiel par l’essence de compétiteurs motorisés. En conséquence cette organisation mercantile, organisée depuis 1978 par l’ASO (Amaury Sport Organisation), gaspillait l’énergie fossile, agressait la flore et la faune, occasionnait nombre d’accidents et devenait la vitrine de l’idiotie occidentale. Ce jeu de grands enfants représentait une approche peu respectueuse des biotopes traversés et agressés par cette furie mécanique. Vélorution réclamait à juste titre l’abandon du Dakar… le « Dakar » a lieu depuis 2009 en Amérique du Sud !

Aujourd’hui Hervé Kempf s’interroge : « Le bilan carbone » du « Dakar » serait à plus de 20 000 tonnes de CO2. Faut-il interdire les courses d’autos ? » (LeMonde du 3-4 janvier 2009). A Copenhague, c’est une des mesures qui auraient du être prises, la lutte contre le réchauffement climatique manque de repères symboliques. D’autant plus que le sport automobile a bien d’autres inconvénients, bien analysés par Ellul et Illich :

« Il faut prendre divertissement non pas au sens d’amusement, mais au sens pascalien : l’homme est diverti, c’est-à-dire détourné de penser à soi-même, à sa condition humaine, mais aussi détourné des plus hautes aspirations, du sens de la vie, des objectifs supérieurs. L’importance du sport étant désormais dominante, il faut créer l’événement sportif, rien que pour le spectacle. On fabrique alors des monstruosités comme cette course de Paris-Dakar, insultante comme gaspillage au milieu des pays de famine, démonstration de la puissance occidentale parmi les impuissants du tiers-monde, parfaite vanité. » (Jacques ELLUL, Le bluff technologique, 1986)

« Entre des hommes libres, des rapports sociaux productifs vont à l’allure d’une bicyclette, et pas plus vite. » (Ivan Illich)

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Sarkozy et la langue de bois

Nous ne voyons pas pourquoi un Président de la république se forcerait aux vœux télévisés quand il n’a rien à dire. Lors de ses premiers vœux de nouvel an en décembre 2007, Sarko avait tenté de lancer un débat sur la « politique de civilisation ». Il n’a jamais réussi à lui donner un contenu. Pourtant les crises financières et écologiques à répétition qui ont déjà commencé nous obligent au changement de civilisation. Les recettes sont déjà connues :

– le facteur nature doit devenir la catégorie essentielle de la pensée sociale ; ce sont les possibilités de la planète qui conditionnent l’activité humaine ;

– nous devons comprendre que l’humanité sans la nature ne serait plus humaine. Opposer l’amour des hommes et l’amour de la nature serait une erreur, l’espèce humaine n’étant qu’un élément de la nature ;

– tous les revenus doivent être encadrés par des normes minimales ET maximales, par exemple le RMA ou revenu maximal admissible ;

– les membres de la classe dominante doivent s’engager à pratiquer la simplicité volontaire pour une sobriété heureuse ;

– à l’opposé de la croyance en une mégapolisation du monde, littéralement hors-sol, on doit réhabiliter la notion du territoire comme unité vivante de la nature et de la culture ;

– l’Etat central doit abandonner la plupart de ses prérogatives au profit des entités territoriales ; des systèmes de partage équitable doivent été mis en place à l’échelle locale ;

– l’approche fiscale de la fécondité est remplacée par la formation des jeunes et des adultes en matière de capacité de charge de la planète, ce qui entraîne la baisse volontaire de la natalité ;

– le complexe agroalimentaire va faire faillite. Pour atténuer les conséquences néfastes sur la production agricole, la population occidentalisée doit diminuer sa consommation de viande et se rapprocher de la terre ;

– l’innovation doit se recentrer sur les besoins fondamentaux de l’humanité (alimentation, santé, lien social) ; nous devons abandonner nos moyens techniques disproportionnés (pesticides, OGM , nanotechnologies, géo-ingénierie…) ;

– le slogan du XXe siècle, « plus vite, plus loin, plus souvent et moins cher » doit devenir « moins vite, moins loin, moins souvent et beaucoup plus cher » ;

– les décideurs doivent prendre conscience que « l’ensemble du peuple » ne se réduit pas aux générations actuelles d’un pays déterminé. Chaque membre d’une instance délibérative doit se faire l’avocat des acteurs-absents, à savoir les habitants des autres territoires, les générations futures, mais aussi les non-humains (la biodiversité).

Mais que fait donc Sarkozy face à l’urgence socio-écologique? Il tente d’adopter un style, en fait ce n’est qu’un verbatim en langue de bois (LeMonde du 2 janvier 2009) :

– nous allons relever le défi de l’environnement ;

– il nous reste encore bien du travail ;

– il va nous falloir faire reculer le chômage ;

– nous réformerons notre justice ; 

– nous devons rester unis.

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LE VILAIN CHASSEUR

Etre chasseur, c’est une façon d’être, une manière d’agir dans la nature. Le chasseur ne devrait pas être cette fourmi motorisée qui envahit les continents avant d’avoir appris à « voir » le jardin à côté de chez lui. Un bon chasseur, c’est une personne qui connaît les goûts, les habitudes, les comportements du gibier. Savoir chasser, savoir pêcher, c’est savoir penser comme un canard, une perdrix, ou une truite. C’est se mettre à leur place, c’est adopter leur point de vue. Aldo Leopold était un bon chasseur, ce qui lui a permis d’élaborer une land ethic. Toute les éthiques reposent sur un seul présupposé : que l’individu est membre d’une communauté de parties interdépendantes. L’éthique de la Terre élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux. Comme les autres éthiques, celle-ci implique le respect des membres de la communauté. Donc Leopold cultivait les vertus de l’autolimitation du désir de  capture. Il s’agit, par respect pour l’animal qu’on traque, d’imposer des freins  l’action des chasseurs ; il faut par exemple chasser léger, une cartouche seulement par animal, tirer les perdrix à la volée, etc. Une éthique, écologiquement parlant, est une « limite imposée à la liberté d’agir ».            

Ce code de bonne conduite des chasseurs n’est pas appliqué par Serge Dassault qui se permet de chasser la biche juché sur une tourelle installée sur son 4×4, fusil 7.64 à lunette en main (8 biches dans la journée à lui tout seul). Il n’est pas appliqué par Patrick-Louis Vuitton qui poursuit des cervidés jusque sur des terrains privés : « Quand le cerf est aux abois, j’en deviens propriétaire. Je dois donc l’achever au plus vite », même si c’est en barque, à la dague, là où les cervidés n’ont plus pied. Il n’est pas tolérable que les trop riches comme Vuitton puissent s’adjuger les droits de chasse à courre sur 5370 hectares de forêt domaniale. La culture des chasseurs ne repose plus sur le rapport avec les animaux, mais sur le rapport avec la propriété. Il n’est pas moral que les chasseurs ordinaires utilisent des fusils à répétition. La chasse même devient anormale en France : ce qui persiste d’animaux libres dans les forêts ne ressemble plus qu’à du cheptel d’élevage agrainé et réintroduit pour alimenter le stand de tir des « gestionnaires ». D’ailleurs, comment un million de chasseurs pourraient-il évoluer en France de façon éthique dans des paysages urbanisés, fragmentés et « désanimalisés » ?

source documentaire :

Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables

Catherine et Raphaël Larrère, Du bon usage de la nature

Gérard Charollois, Pour en finir avec la chasse  (la mort-loisir, un mal français)

LeMonde du 1er janvier 2010 : scènes de chasse et noms d’oiseaux

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responsabilité carbone

Aux dernières Assises de la Consommation, on soulignait que 79 % des Français se disent prêts à consommer de façon responsable, mais ils ne sont que 4 % à le faire vraiment. Le Conseil constitutionnel a donc toutes raisons de rappeler aux Français les termes de leur Loi fondamentale : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. » (article 3 de la Charte de l’environnement) et que « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement » (Article 4). En d’autres termes, cela veut dire que nous devons tous payer la taxe carbone, mais sans exemptions ni exonérations de notre responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre.

Pourtant l’éditorial du Monde (31 décembre) n’a pas du tout les mêmes conclusions : « Après l’échec du sommet de Copenhague, nul doute que les Français seront encore moins prêts à se laisser convaincre » (par une taxe carbone). Pour un grand quotidien de référence, l’essentiel ne devrait pas être le fait que les Français n’apprécient pas la taxe carbone (dont la première mouture a été invalidée par le Conseil constitutionnel). Le Monde aurait du souligner la nécessité absolue de lutter tous ensemble contre le réchauffement climatique dont nous sommes responsables.

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bonne année 2050

En ce jour de réveillon en 2050, Léa confectionne un repas 100 % local, ce qui réduit considérablement la variété des mets possibles. Elle se souvient comme d’un rêve des papayes que ses parents lui achetaient à la fin du XXe siècle, sans se soucier du fait qu’il avait fallu dépenser pour cela plusieurs litres de pétrole. De toute façon elle est bien seule, il ne lui reste plus qu’un dernier descendant. Ses deux autres petits-enfants sont décédés il y a trois ans, ils ont succombé à l’une de ces nouvelles maladies à côté desquelles l’épidémie de grippe aviaire, qui avait frappé la France en 2010, n’avait été qu’une discrète entrée en matière. Ils avaient été victimes d’un virus apparu en Sibérie du Nord, là où le permafrost a cédé la place à des marais à partir de l’année 2025. Maintenant des millions de personnes sont au chômage. Le gouvernement français vient d’interdire toute manifestation et même les rassemblements de protestation. Le ministre de l’Intérieur vient de prendre un de ces décrets maudits, c’est l’armée qui réprimera d’éventuels troubles de l’ordre public.

Léa a renoncé depuis longtemps à l’idée d’acheter une automobile ; en 2035, l’Union européenne avait réservé l’usage des biocarburants aux véhicules utilitaires. Même l’utilisation du charbon liquéfié a été proscrite car les sols et surtout les océans qui séquestraient le carbone depuis toujours, ne jouaient plus leur rôle, renforçant ainsi très brutalement l’effet de serre anthropique et les dérèglements du climat. Cet été, Léa avait appris par une amie que le thermomètre était monté jusqu’à 45°C à Caen.

La Biosphère vous souhaite un bon réveillon 2009, coloré de sobriété joyeuse.

NB : pour en savoir plus sur l’histoire de Léa, lire « Le développement durable, maintenant ou jamais, de D.Bourg et G.Rayssac

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la fin du capitalisme mondialisé

Le capitalisme mondialisé  va être brisé par son succès. Une concurrence entre nations qui porte sur les mêmes biens industriels va rendre les échanges intenables pour les plus faibles, y compris la France. Abou Dhabi préfère les centrales nucléaires coréennes à l’EPR français, c’est à l’allemand Siemens que la Chine a confié ses trains à grande vitesse, même la commission européenne choisit l’Allemagne pour ses satellites du réseau Galileo. L’éditorial du Monde (29 décembre 2009) conclut : l’équipe France semble avoir bien du mal à produire les champions industriels de demain. » Triste conclusion car on ne voit pas d’issue à l’heure où la Chine, remontant les filières (depuis sa spécialisation passée sur le textile et les jouets) est en passe de maîtriser scientifiquement et techniquement tous les produits les plus sophistiqués. Dès 2009, les exportations chinoises devancent le premier exportateur mondial, l’Allemagne.

Les anciens pays industrialisés sont d’autant plus perdants que la Chine possède des matières premières stratégiques. Contre les règles léonines de l’OMC, elle pratique des restrictions sur la bauxite, le coke, le germanium, le manganèse, le silicium, etc.  Pour élever le niveau de vie de sa population, Pékin mène une politique habile de grande puissance pour contrôler le plus de filières technologiques possibles. Ces filières dépendent de la maîtrise de 29 métaux rares et de 17 terres rares. Utilisées en quantités infinitésimales, ces éléments améliorent les propriétés physico-chimiques des autres métaux. Les écrans à cristaux liquides contiennent de l’indium, les ampoules basse consommation  du gallium, les cellules solaires du sélénium, etc. Or la Chine assure 95 % de la production mondiale de terres rares (LeMonde du 30 décembre). Les anciens pays industrialisés vont donc être doublement étranglés.

 En fait, c’est le système capitaliste mondialisé global (y compris la Chine) qui est confronté à une limite encore plus forte que la concurrence internationale. Le sous-sol contient plus de 90 % de nos énergies (charbon, pétrole, gaz, uranium) ; vous connaissez déjà le pic pétrolier (pour le pétrole conventionnel), il y aura bientôt le pic énergétique global. Mais il y a aussi tous les métaux. Votre voiture, votre ordinateur, votre téléphone mobile sont entièrement constitués à partir des matières du sous-sol. De même que vos panneaux solaires photovoltaïques, votre éolienne et vos diodes électroluminescentes. Bientôt vous vous heurterez à un seuil, la « barrière minéralogique », en dessous duquel la trop faible teneur du minerai interdit toute extraction économiquement rentable. Les profils temporels de production des grandes mines du monde ressemblent à la  courbe en cloche de la production de pétrole : ça croit pendant un certain temps jusqu’à atteindre un maximum pour décroître ensuite inexorablement. En outre, tout comme pour le pétrole, le minerai de la partie descendante de la courbe est de moins bonne qualité et demande plus d’énergie à l’extraction que celui de la partie ascendante. De nombreuses parties du monde ont déjà épuisé leurs réserves minérales : L’Europe abritait plus de 60 % des mines du monde en 1860, elle n’en a plus que 5 % aujourd’hui. Face à ces constats accablants, les solutions ne sont pas technologiques, mais civilisationnelles.

La décroissance n’est même plus un objet de débat, pour ou contre. La décroissance est notre destin.

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Claude Allègre n’est qu’un saltimbanque

Claude Allègre va encore râler, lui qui est à classer parmi les négationnistes (négateurs) du réchauffement. En effet, depuis environ un siècle et demi que les températures sont régulièrement relevées, aucun décennie ne s’est révélée plus chaude que 2000-2009. Et l’année 2010 pourrait battre tous les records malgré un soleil en faible activité (LeMonde du 29 décembre). Pourtant Allègre se permettait de dire dans le Figaro magazine du 28 novembre que les climatologues, gens « scientifiquement pas sérieux », se consacrent à la modélisation « sans aucune considération pour l’observation » et qu’« il faudrait un grand plan spatial pour améliorer nos connaissances sur l’atmosphère et l’océan, car il n’y a plus de grandes missions sur le climat depuis vingt ans ».

Un démenti cinglant lui ait apporté par Jacques Blamont, conseiller du président du CNES (centre national d’études spatiales) dans le Figaro magazine du 24 décembre : « De nombreux instruments portés par des satellites fournissent quotidiennement les bases de la discussion en cours sur le climat. La constellation de cinq satellites A-Train (2004) étudie els nuages et les aérosols ; les glaces polaires sont connues grâce aux images de EOS, Envist et DMSP, et aux mesures de gravité de Grace et Goce ; le niveau des mers par Topex-Posédion, Jason I et II ; les variations spatio-temporelles des émissions des gaz par Iasi, OCO et Gosat ; la salinité de la surface océanique par Smos, lancé il y a peu. Le cycle de l’eau sous les tropiques sera étudié par Megha, et j’en oublie. A partir des données recueillies s’élaborent des modèles qui tentent de traduire la complexité des phénomènes. Contrairement à ce qu’affirme l’ex-ministre (qui, lorsqu’il était au gouvernement, a diminué les crédits du CNES deux années de suite), la communauté scientifique et ses agences spatiales assurent aujourd’hui le programme mondial de recherches climatiques qu’exige la situation. Il est constitué d’une quantité de missions, déjà fort coûteuses, loin de l’idée d’une « grande mission », bonne pour les tréteaux médiatiques. »

Malgré la qualité de cette intervention, Le Figaro magazine donne la parole à Jacques Blamont uniquement dans le « courrier des lecteurs ». Et Claude Allègre conserve les faveurs du Figaro, média qu’on peut donc classer parmi les climato-sceptiques. En effet, dans ce même numéro du 24 décembre, le dossier «  2000-2010, Dix révolutions qui ont changé notre vie », privilégie encore Allègre sous la rubrique « L’éveil de la conscience verte » : 

Nicolas Hulot est qualifié de « très alarmiste sur le réchauffement climatique », et dénigré sciemment : « On lui reproche le mélange des genres et un certain affairisme ». Al Gore, n’est que « l’ex-vice-président de Bill Clinton », qui « milite activement contre le réchauffement climatique », mais « à contre-courant de l’opinion américaine » ! Par contre Allègre est entièrement valorisé : « Ancien directeur de l’institut de physique du globe, Claude Allègre est à ranger dans le camp des climato-sceptiques. Pourfendeur des théories d’Al Gore, il dénonce sans relâche la menace d’une dictature des khmers verts. L’imposture climatique  sera le titre de son prochain ouvrage. »

 Qui se ressemble s’assemble, Figaro-Allègre même combat contre la planète !

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