biosphere

Décroissance comme Destin

La décroissance économique est notre destin. Qu’on l’appelle croissance négative, récession ou dépression, la crise écologique et financière devient une composante structurelle de la civilisation thermo-industrielle. Même un journal aussi croissanciste que LeMonde commence à se poser la question de manière de plus en plus affirmée dans son numéro du 14-15 novembre 2009.

Ainsi Pierre-Antoine Delhommais, qui ne savait parler que de croissance économique, s’inquiète : « Après le spectre de 1929, celui de 1937. Seule la seconde guerre mondiale a vraiment permis à l’économie américaine de surmonter sa grande Dépression. » Ainsi l’article de Sylvia Zappi sous le grand titre La crise relance le thème de la décroissance : « Jusqu’alors cantonnées à des économistes en marge ou d’écologistes radicaux, les théories des décroissants progressent. Il y a deux ans à peine, la thématique effrayait. Parler de sobriété économique était synonyme de limitation du progrès, on raillait ceux qui voulaient revenir à la bougie, même les Verts se méfiaient du mot. le jugeant trop « raide ». if (provenance_elt !=-1) {OAS_AD(‘x40’)} else {OAS_AD(‘Middle’)}
Depuis, la crise a sévi, la récession est là. La critique d’un système économique fondé sur la seule croissance des biens et de la consommation est générale. Le vocabulaire présenté dans cet article fluctue : « Plutôt que de décroissance, il s’agit d’une autre croissance » ; « croissance verte » ; « croissance sélective » ; « croissance des « biens essentiels » et/ou décroissance des « biens superflus » » ; « décroissance sélective et équitable » ; « décroissance des activités inutiles et polluantes ». Mais la tendance à la décroissance volontaire est bien présente.

Médias ou citoyens, nous commençons tous à prendre conscience de la stupidité d’une croissance matérielle exacerbée confrontée aux limites de notre petite biosphère.

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saloperie de parfum

Il y a la saloperie que nous n’achèterons pas ce mois-ci (mensuel La Décroissance, journal de la joie de vivre, novembre 2009) : « Quand une personne achète un parfum, avant d’acheter une odeur, elle achète une image : celle que livre la publicité. On est un homme « Dior » ou une femme « Samsara ». Quand on achète un parfum, on achète à 90 % de la pub. Et c’est cher ! Le parfum pousse à son paroxysme la logique consumériste : on achète les moyens de son endoctrinement. »

            Il y a la saloperie que nous devons acheter  (LeMonde quotidien, 14 novembre), Le parfum, un secteur rentable pour les marques de luxe : « La crise n’a pas retardé ni reporté le placement de nouveaux parfums. Le plus emblématique sera pour Balenciaga Paris, en février 2010. Il est chypré, aux essences de vétiver, de cèdre et de patchouli, à base de violettes rehaussées d’une pointe de piment. Il sera vendu cher, 75 euros les 50 ml. » Pas étonnant que ce soit un secteur rentable, cela fait le parfum à 1500 euros le litre !

C’est ça la perversité de nos médias actuels. D’un côté un mensuel à diffusion restreinte qui dénonce l’aliénation que nous impose à notre insu de notre plein gré la publicité, de l’autre un quotidien d’envergure internationale qui est obligé de célébrer les parfums puisque cela rapporte des pleines pages de publicité financées par Dior, Samsara ou Balenciaga, donc par les cocottes parfumées.

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L’Homme, moins qu’un Animal

LeMonde (supplément du 12 novembre) se pose la question : « Qui sont les animaux ? ». La présentation du forum du Mans tenu ce WE parle de tradition aveugle du type « anthropocentrée », des avancées de la recherche qui remettent en question la frontière entre l’Homme et l’Animal, de communauté de destins. Mais la critique principale que je peux faire, c’est que la foi humaniste dans le « propre de l’homme » est à dure épreuve. L’homme est moins qu’un animal, l’homme est souvent pire qu’un loup pour l’homme et la civilisation occidentalisée est en train de perturber complètement les équilibres des écosystèmes dont même les animaux dénaturés que nous sommes ont besoin. Pourtant les auteurs cités par LeMonde ne vont pas très loin dans la critique. Philippe Descola, dans son livre Par-delà nature et culture, est beaucoup plus incisif :

« Les philosophes se sont rarement demandé : « Qu’est-ce qui fait de l’homme un animal d’un genre particulier ? », préférant à cela la question typique du naturalisme : « Quelle est la différence générique entre les humains et les animaux ? » Force est de constater pourtant que bien des esprits rebelles se sont élevés au cours des siècles contre le privilège ontologique accordé à l’humanité, mettant en cause la frontière toujours instable au moyen de laquelle nous tentons de nous distinguer des animaux.

« L’anthropologie est confrontée à un défi formidable : soit disparaître avec une forme épuisée d’humanisme, soit se métamorphoser en repensant son domaine de manière à inclure dans son objet bien plus que l’anthropos, toute cette collectivité d’existants liée à lui et reléguée dans une fonction d’entourage. En même temps que les Modernes découvraient la paresseuse propension des peuples barbares à tout juger selon leurs propres normes, ils escamotaient leur propre ethnocentrisme derrière une démarche rationnelle de connaissances dont les errements devenaient dès lors imperceptibles. La situation est en train de changer, fort heureusement. L’analyse des interactions entre les habitants de monde ne peut plus se cantonner au seul secteur des institutions régissant la vie des hommes, comme si ce que l’on décrétait extérieur à eux n’était qu’un conglomérat anomique d’objets en attente de sens et d’utilité. »

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le retour de Malthus

Quant aux enjeux environnementaux, Al Gore lie  dans son dernier livre la lutte contre la consommation effrénée et la maîtrise de la croissance démographique. LeMonde du 11 novembre remarque que sur le premier point, les lobbies de l’énergie, défavorables à une législation contraignante pour lutter contre les gaz à effet de serre, rivalisent pour ne pas inquiéter le chaland.

Sur le second point, la limitation volontaire des naissances, j’entends déjà les cris d’orfraie des repopulateurs et autres natalistes. Pourtant Al Gore ne dit que des choses qui me semblent incontestables ; il prône l’éducation des jeunes filles, le renforcement du rôle des femmes dans les communautés, la lutte contre la mortalité infantile et le planning familial. Cet ensemble doit être considéré à juste titre comme « sujets environnementaux ».

Biosphere n’a presque rien à ajouter, sauf répondre à un commentaire de ce blog : « Ne pensez-vous pas que l’homme fait partie de la nature et que sa population s’autorégulera (comme toute population animale) ». Le problème, c’est que l’animal humain sait modifier son milieu pour l’épuiser au maximum et donc proliférer sans commune mesure avec les possibilités de son écosystème. La régulation naturelle intervient bien sûr à un moment ou à un autre, mais pas de façon raisonnée. La nature ne raisonne pas…

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connaître l’écologie profonde

L’écologie sera un élément déterminant du XXIe siècle. Ce blog en reflète les nombreuses composantes en pensant que le mouvement écologique sera radical car les crises écologiques (à répercussions économiques et sociales) que nous allons traverser pendant ce siècle seront sans aucune mesure avec tout ce qu’a connu l’humanité dans son passé. Pour mieux connaître un des éléments de ce radicalisme, l’écologie profonde, voici en langue française quelques références :

  L’écologie profonde de Roger RIBOTTO (éditions du Cygne, 2007)

Arne Naess, Ecologie, communauté et style de vie (éditions MF, 2008)

Ecopsychologie pratique, retrouver un lien avec la nature de Joanna Macy  et M.Y. Brown (éditions Le souffle d’or, 2008)

Ecoterroristes ou Ecoguerriers ? de Roger Ribotto (éditions du Cygne, 2008)

Arne Naess, vers l’écologie profonde ; entretiens avec David Rothenberg (éditons wildproject, 2009)

  Bonne lecture…

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chute du Mur, effondrement de notre Maison

Le Monde du 10 novembre s’interroge : la chute du Mur, il y a vingt ans, et après ? L’éditorial ne va pas loin, « la faiblesse du moment prépare aussi l’identité de l’Europe et sa cohésion de demain » ! Soyons plus précis, la chute du Mur le 9 novembre 1989 n’a fait que généraliser la conception occidentale de l’économie : demain notre Maison s’effondrera.

Une époque de remise en question comme la chute du mur de Berlin était propice à une réflexion sur l’avenir. L’interrogation aurait du porter sur ce qui devait être imité par l’Est du modèle occidental. On peut légitimement soupçonner que l’attrait qu’exerce l’Occident sur de nombreux citoyens du bloc de l’Est était essentiellement imputable à leur volonté de rattraper le niveau de vie occidental. D’un autre côté, il aurait été inquiétant que ce souhait-là se substitue à toutes les autres valeurs. En définitive, le besoin de liberté intellectuelle est largement passé après l’assouvissement prioritaire des besoins consuméristes. Les pays de l’Est ont importé principalement les vices occidentaux. On peut donc s’attendre à ce que la plupart de leurs concitoyens, à l’instar des classes privilégiées des pays du tiers-monde, deviennent des répugnantes caricatures de l’Européen de l’Ouest moyen, et multiplient les besoins.

Or l’universalisation du niveau de vie occidental est un processus qui ruinerait écologiquement la Terre. De ce constat suit, en vertu de l’impératif catégorique, un principe simple selon lequel le niveau de vie occidental n’est pas moral. Si tous les habitants de cette planète gaspillaient autant d’énergie, produisaient autant de déchets, rejetaient autant de produits toxiques dans l’atmosphère que les populations des pays riches, les catastrophes naturelles vers lesquelles nous nous dirigeons auraient déjà eu lieu. Il paraît insensé que les pays dont l’économie était planifiée aient adopté le système social occidental sans songer à le corriger. S’approprier un tel système revient à s’exposer prochainement à un nouveau séisme d’amplitude encore plus grande que celui de 1989.

NB : pour en savoir plus, lire Vittorio Hösle, Philosophie de la crise écologique, dont l’ouvrage vient d’être traduit en français, éditions Wildproject)

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sexualité éclairée

En 1971 dans la Bombe P (P pour population), Paul Ehrlich écrivait : « Nous avons besoin d’une loi qui rende obligatoire l’éducation sexuelle ».

Trente huit années plus tard, le Royaume-Uni inscrit au programme scolaire l’éducation sexuelle dès la maternelle (LeMonde du 8-9 novembre). Ce n’est pas trop tôt ! Combien de grossesses non désirées de la part d’adolescentes aura-t-il fallu attendre pour arriver enfin à cette politique. Tous les ans, près de 40 000 jeunes filles de moins de 18 ans sont enceintes, en 2007 on a même compté près de 4400 avortements chez les moins de 16 ans. Dans le secondaire, les adolescent(e)s pourront dorénavant réfléchir collectivement à ce qu’est une relation stable, aux effets des ruptures, aux différences entre les gens. Mais cette éducation sexuelle ne sera obligatoire que pour les plus de 15 ans, les milieux religieux ont encore frappé, englués qu’ils sont dans une conception morale d’un autre âge.

Paul Ehrlich poursuivait : « Quand je parle d’éducation sexuelle, je ne pense pas à des cours d’hygiène ou bien des histoires du genre « fleurs et papillons ». Il s’agit de présenter la fonction reproductrice comme une composante parmi d’autres de l’activité sexuelle, qui demande à être maîtrisée selon les besoins de l’individu et de la société. L’humanité devrait trouver le moyen de réduire l’importance conférée au rôle reproductif du sexe ». C’est là une belle illustration du malthusianisme moderne : la nécessaire limitation des naissances doit découler d’un apprentissage collectif  du rôle de la démographie dans les difficultés sociales, de l’importance de la sexualité libérée du poids de la procréation subie, de la nature des relations humaines sur une planète dont on  a dépassé la capacité de charge. En définitive, l’éducation sexuelle n’est validée que si elle dépasse une simple connaissance des techniques de la contraception pour aborder une vision systèmique permettant aux humains de se situer face à une crise systémique.

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identité nationale, contrôle d’identité

L’identité nationale n’est pas une notion qui divise, mais une réalité construite qui rassemble. Grâce à un bourrage de crâne, il y a « nous » et il y a « eux », mon ethnie et les étrangers, les inclus et les exclus. Si l’expression ne date que des années 1980, son origine est plus ancienne. Se réclamer de l’identité nationale, c’est la formule modernisée pour inciter encore et toujours à l’amour de la patrie, au nationalisme. Que de crimes n’a-t-on commis en son nom : le choc des nations et toutes ses guerres sur deux siècles, le colonialisme et son cortège d’atrocités, le culte du drapeau et ses flots de sangs « impurs ». Je suis en total accord avec Claude Lévi-Strauss, « J’ai connu une époque où l’identité nationale était le seul principe concevable des relations entre les Etats. On sait quels désastres en résultèrent ».

Je ne peux que rejeter une fabrication de l’histoire qui n’est que bricolage : choix d’une langue unique, service militaire obligatoire, papiers d’identité, contrôle à tous les coins de rue. Nos langues maternelles ne sont pas uniques mais nous pourrions adopter un espéranto. Le service militaire ne fait que préparer à la guerre de tous contre tous, soyons objecteurs de conscience. Car je suis membre de la race humaine et mon territoire, c’est notre Terre. Mais l’identité « nationale », c’est aussi le support d’une communauté d’intérêt. Nous savons tous les ravages qu’a entraîné la conquête de « nouvelles frontières » par les peuples et l’extermination physique ou mentale des peuples autochtones pour conquérir de nouvelles ressources (cela commence sans doute avec homo sapiens contre les néandertaliens). Nous voyons aujourd’hui le processus mondial d’acculturation sous l’égide du modèle de croissance des pays occidentaux et l’accélération de notre course vers le mur des limites de notre planète. Nous ressentons que demain il y aura des guerres du climat ponctuées de guerres pour l’eau et la terre.

Donc l’avenir sera double s’il est pacifique, une relocalisation des hommes et des activités (à chacun son territoire) mais aussi une ouverture d’esprit à la multiplicité des formes de vie et de culture de notre biosphère ; nous penserons global et nous agirons localement (identification au glocal, plutôt qu’identité nationale). Le « nous » sera toujours relatif ou bien il nous projettera violemment les uns contre les autres.

NB :  Pour aller aux racines de l’identité nationale, lire LeMonde du 7 novembre

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Lévi-Strauss, in memoriam

Une source d’inspiration de ce blog, Arne Naess, est mort au début de cette année 2009.  Un autre de mes maîtres à penser, Claude Lévi-Strauss, vient de mourir. Plutôt que de vaines éloges, je lui laisse la parole, une parole qui à mon avis donnera une colonne vertébrale à notre XXIe siècle :

« J’ai connu une époque où l’identité nationale était le seul principe concevable des relations entre les Etats. On sait quels désastres en résultèrent. (…) Puisque au cours du dernier siècle j’ai assisté à une catastrophe sans pareille dans l’histoire de l’humanité, on me permettra de l’évoquer sur un ton personnel. La population mondiale comptait à ma naissance un milliard et demi d’habitants. Quand j’entrai dans la vie active vers 1930, ce nombre s’élevait à deux milliards. Il est de six milliards aujourd’hui, et il atteindra neuf milliards dans quelques décennies à croire les prévisions des démographes. Ils nous disent certes que ce dernier chiffre représentera un pic et que la population déclinera ensuite, si rapidement, ajoutent certains, qu’à l’échelle de quelques siècles une menace pèsera sur la survie de notre espèce. De toute façon, elle aura exercé ses ravages sur la diversité, non pas seulement culturelle, mais aussi biologique en faisant disparaître quantité d’espèces animales et végétales.

De ces disparitions, l’homme est sans doute l’auteur, mais leurs effets se retournent contre lui. Il n’est aucun, peut-être, des grands drames contemporains qui ne trouve son origine directe ou indirecte dans la difficulté croissante de vivre ensemble, inconsciemment ressentie par une humanité en proie à l’explosion démographique et qui – tels ces vers de farine qui s’empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme, bien avant que la nourriture commence à leur manquer – se mettrait à se haïr elle-même, parce qu’une prescience secrète l’avertit qu’elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces bien essentiels que sont l’espace libre, l’eau pure, l’air non pollué.

Aussi la seule chance offerte à l’humanité serait de reconnaître que devenue sa propre victime, cette condition la met sur un pied d’égalité avec toutes les autres formes de vie qu’elle s’est employée et continue de s’employer à détruire.

Mais si l’homme possède d’abord des droits au titre d’être vivant, il en résulte que ces droits, reconnus à l’humanité en tant qu’espèce, rencontrent leurs limites naturelles dans les droits des autres espèces. Les droits de l’humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l’existence d’autres espèces.

Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur la terre peut seul être dit imprescriptible, pour la raison très simple que la disparition d’une espèce quelconque creuse un vide, irréparable, à notre échelle, dans le système de la création.

Seule cette façon de considérer l’homme pourrait recueillir l’assentiment de toutes les civilisations. La nôtre d’abord, car la conception que je viens d’esquisser fut celle des jurisconsultes romains, pénétrés d’influences stoïciennes, qui définissaient la loi naturelle comme l’ensemble des rapports généraux établis par la nature entre tous les êtres animés pour leur commune conservation ; celle aussi des grandes civilisations de l’Orient et de l’Extrême-Orient, inspirées par l’hindouisme et le bouddhisme; celle, enfin, des peuples dits sous-développés, et même des plus humbles d’entre eux, les sociétés sans écriture qu’étudient les ethnologues.

Par de sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, elles limitent la consommation par l’homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l’homme une partie prenante, et non un maître de la création.

Telle est la leçon que l’ethnologie a apprise auprès d’elles, en souhaitant qu’au moment de rejoindre le concert des nations ces sociétés la conservent intacte et que, par leur exemple, nous sachions nous en inspirer. »

Source : L’ETHNOLOGUE DEVANT LES IDENTITES NATIONALES

Discours de Claude Lévi-Strauss à l’occasion de la remise du XVIIe Premi Internacional Catalunya, 2005.

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Copenhague vu de l’Inde

 – Le point de vue de Fabrice Flipo : L’histoire des négociations sur le changement climatique est, pour l’Inde, une longue suite de malversations de la part des pays développés. Le Protocole de Kyoto, signée lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, prévoyait que les pays développés fassent la preuve de leurs progrès en 2005. Nous sommes en 2009 et seuls deux pays semblent être en mesure de remplir leurs engagements : le Royaume-Uni et l’Allemagne. Et voici que les pays développés demandent maintenant aux pays en développement de s’engager !

Comment résumer la position de l’Inde dans les négociations ? Pour Hindustan Times, la réponse est à la fois simple et claire : polluter pays (le pollueur doit payer). L’Inde ne prendra aucun engagement tant que les pays développés violeront aussi ouvertement leurs engagements alors qu’ils sont responsables de 75 % du problème et que l’Inde sera parmi les pays touchés – à vrai dire, l’Inde est déjà touchée, des représentants de ses « tribus » viendront en témoigner à Copenhague. Les arguments des pays développés, qui font de la Chine le premier émetteur mondial, sans tenir compte ni de l’histoire ni de la population, semblent tout simplement odieux pour les pays en développement. Ils semblent s’inscrire dans un retour à l’attitude coloniale, quand les pays développés se permettaient de conquérir des espaces « vierges », de les exploiter et n’en partaient que quand ils en étaient chassés par les mouvements populaires. Or ces mouvements constituent encore très largement l’ossature politique de pays tels que l’Inde. Le parti actuellement au pouvoir en Inde, le Congrès, est l’héritier de l’Indian National Congress fondé en 1885 par les nationalistes. Les frontières de l’Inde sont le résultat de la lutte anticoloniale. L’unité nationale est largement tributaire de ce passé.

            Les Indiens ne sont pas moins bien informés que les Français. Ils sont tout aussi écologistes que les Français. A ceci près que les Français demandent encore plus de croissance économique, alors qu’ils jouissent déjà d’un niveau de vie incomparablement plus élevé que les Indiens. Les Indiens eux commencent tout juste à voir arriver chez eux quelques bribes du mode de vie des ex-colonisateurs. C’est pour eux une grande victoire, non pas une victoire guerrière mais une fierté nationale : être capables de faire aussi bien que les colons, en ne comptant que sur ses propres forces. L’Inde fabrique presque tout ce dont elle a été privée autrefois : les machines, les navires, les logiciels etc. 

– Le point de vue de Biosphere : Il s’agit donc de savoir qui détient le leadership en matière d’exemple à suivre en termes de civilisation et de mode de vie. Mais si la Chine et l’Inde suivent le même modèle de développement que celui des pays colonisateurs, un modèle qui nous projette de plus en plus vite contre un mur, il n’y a aucune issue possible : la température du globe dépassera largement en moyenne les 2° C et la surface de notre planète ne sera plus reconnaissable, elle deviendra « inhumaine ».

En définitive les anciens colonisés connaissent une nouvelle acculturation en adoptant l’imaginaire thermo-industriel, leur indépendance n’a pas amené à une autonomie conceptuelle : qu’on habite en Inde ou en Chine, on pense comme l’Américain moyen, avoir un grand appartement, une bagnole et un ordinateur. 

– Le point de vue du Monde (3 novembre) :  Comprenne qui pourra la position du Monde ! En grand titre, « L’Inde tentée d’assouplir sa position sur le climat ». En sous-titre, l’avis opposé, « L’opinion publique et les partis  restent hostiles aux concessions aux pays riches ».

En définitive nous allons savoir à Copenhague si l’Inde a accepté d’être phagocytée par les USA ou si elle accepte la décolonisation de son imaginaire. Tout dépendra aussi de la force de  caractère de Barack Obama pour résister en tant que Président au mode de vie américain. Quand je lis la virulence des propos de certains commentateurs de ce blog, je ne peux que penser que Copenhague sera de toute façon un échec.

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il est interdit de rêver

Pierre-Antoine Delhommais est au Monde le digne successeur d’Eric Le Boucher. Article après article, il se pose en chantre de la croissance. Ainsi sa rubrique en dernière page datée 1-2 septembre, « On peut toujours rêver » (à une forte reprise) :

« La Chine réacccélère, Honda dégage des bénéfices, les ventes de voiture augmentent en Chine, etc. » Pourquoi donc un libéral classique croit-il à la croissance ? Delhommais envisage « l’horreur écologique peut-être, mais le bonheur économique pour les constructeurs automobiles et les salariés dans ce secteur. » D’abord le bonheur ne se mesure pas aux nombres de voitures dont on dispose et à des emplois dans un secteur qui sera bientôt en perdition quand le prix du baril de pétrole augmentera inéluctablement. Ensuite l’horreur écologique n’est pas un événement improbable, car elle est décrit par des scientifiques : pic pétrolier, réchauffement climatique, détérioration des sols, etc. Ce n’est pas d’une surchauffe dont la Chine souffre déjà, mais d’un délabrement des structures écologiques, sociales et économiques du pays. Les économistes enfermés dans leur bulle doivent s’ouvrir aux réalités physiques de notre planète et à la détérioration constante des relations de travail. Les économistes actuels ont oublié qu’il n’y a pas de reprise durable, que l’activité économique est cyclique et que les grandes vagues d’innovations qui ont entraîné les Trente Glorieuses sont définitivement derrière nous.

Il faut donc prendre la doctrine de la croissance pour ce qu’elle est, une lubie de gosses de riches parfaitement égoïstes. Cela a duré deux siècles, profité à une classe globale mondialisée et exacerbé les inégalités. Cela aura une fin, comme toute chose.

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LeMonde, croissanciste !

L’éditorial du 31 octobre sur le rebond aux USA ne fait aucun doute. LeMonde est keynésien, adepte d’une hausse du PIB grâce à un plan de relance de grande ampleur, avec financement budgétaire de l’économie (surtout par des primes à la casse) et d’une expansion monétaire grâce à la baisse du taux d’intérêt directeur. Selon LeMonde, il serait « tragique de mettre en place des politiques restrictives », même si on reconnaît en passant la relance de l’addiction américaine au crédit. Mais il faudrait que les USA « contribuent durablement à la croissance mondiale » ! Mon quotidien préféré ne peut donc s’affranchir de l’imaginaire dominant, croire que la croissance du PIB est la seule issue possible au chômage.

Pourtant LeMonde du 29 octobre s’interrogeait déjà sur l’efficacité du plan de relance américain. Pourtant la rubrique breakingsviews du 31 octobre nous apprend qu’en 1933, une politique de « produit intérieur budgétisé » (plan de relance de Franklin Roosevelt) n’a pu déboucher que sur une courte embellie : une nouvelle récession devait suivre en 1937. On sait aussi que la vulgate keynésienne n’a apporté dans les années 1970 que stagflation (stagnation de l’activité économique et inflation) et déficit commercial. La relance keynésienne était une doctrine élaborée en 1936 pour échapper conjoncturellement à une crise majeure. Cette théorie invalidée par l’histoire ne peut servir de solution structurelle. Nous devrions savoir dorénavant que toute politique de relance globale ne fait que détériorer davantage les fondements réels de notre richesse, à savoir les ressources naturelles. Acheter des voitures neuves avec l’aide de l’Etat, c’est accroître à la fois l’épuisement du pétrole et le réchauffement climatique. Nous ne pouvons vivre à crédit en empruntant à la Nature sans esprit de réciprocité, les  générations futures ne pourront jamais rembourser notre dette car nous gaspillons le capital naturel. Pire, un héritage dégradé dégradera nos héritiers.

Je suis en accord avec Georgescu-Roegen : « En supposant que « S » représente le stock actuel de basse entropie (pétrole, gaz, charbon) et « r » la quantité moyenne  d’extraction humaine de ressources fossiles, le nombre maximal d’années que durera la phase industrielle de l’évolution de l’humanité peut être mesuré par S/r. Il faut cependant remarquer que la génération actuelle peut se permettre d’utiliser autant de ressources non reproductibles uniquement parce que les générations à venir sont exclues du marché actuel pour la simple raison qu’elles ne peuvent y être présentes ; sinon le prix s’élèverait déjà à l’infini. Il y a une dictature du présent sur l’avenir. » Toutes les politiques contemporaines de relance ne font qu’accélérer un processus néfaste.

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à pied, sans ordinateur ni portable

La semaine passée,  j’ai beaucoup marché. A pied, sans ordinateur ni LeMonde à commenter. Donc pas de chronique quotidienne dans ce blog comme tu as du t’en apercevoir.

J’ai marché pas trop loin de chez moi, encore trop loin. Le meilleur déplacement, c’est celui que je fais dans les environs de ma maison. Mais parcourir un champ d’éoliennes est une démarche inoubliable. Le bruit d’un petit microtracteur emplissait tout l’espace. Dire qu’il y en a qui se plaignent du bruit des éoliennes ! Une voiture est passée, impossible d’entendre le doux chuintement de l’éolienne. Dire qu’il y en a qui ne disent rien du vacarme des bagnoles qui encombrent nos routes. Une éolienne, c’est beau, c’est majestueux, ça fabrique même de l’électricité rien qu’à partir du vent. Dire que « vent de colère » et VGE se positionnent pour l’automobile et contre les éoliennes.

Y’a plus de réflexion approfondie dans notre société thermo-industrielle. Car en vérité je te le dis, l’avenir est aux éoliennes comme le passé l’a été aux moulins à vent. La vérité, c’est qu’il n’y aura bientôt ni pétrole, ni gaz, ni uranium, ni charbon, ou à un prix démesuré comme l’a été leur gaspillage. Nos générations futures seront obligées de vivoter avec les seules énergies renouvelables, les seules qui leur resteront. Et nos descendants auront appris à marcher autour de leur maison, sans ordinateur ni portable.

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humanisme en berne

Les rapports entre humains sont d’abord des rapports de force. Prenons l’exemple de l’Australie. Aujourd’hui le gouvernement australien refuse son aide aux réfugiés tamouls (LeMonde du 23 octobre). Mais ce gouvernement n’est que le représentant des immigrés du passé. Les aborigènes présents dans ce pays depuis l’origine (selon l’étymologie du mot) avaient trouvé un équilibre durable avec la biosphère ; ils mobilisaient toute leur énergie mentale et organisaient leurs activités pour laisser le monde dans l’état où il était. Ils ne pouvaient se défendre. Parqués ou éliminés par les Blancs, les Aborigènes ne représentent plus que 1 à 2 % de la population australienne. Alors que tout le territoire australien leur appartient,  ils n’ont obtenu le droit de vote que depuis 1967. Aujourd’hui près du quart des vingt millions d’Australiens est né à l’étranger, et les violences raciales se succèdent entre nouveaux arrivants. Les « Aussies », ceux qui se revendiquent Australiens (de fraîche date !), pourchassent  les individus basanais ou arabes, les communautés s’affrontent à coup de battes de base-ball… Il est donc logique que les réfugiés tamouls ne soient pas les bienvenus.

           Il en est de même pour les réfugiés climatiques Dans la zone d’influence de l’Australie, des villageois ont déjà été contraints d’évacuer leurs îles (Tuvalu par exemple) en raison de l’élévation du niveau de la mer. Le gouvernement australien a refusé d’accueillir ces réfugiés climatiques sur son sol : priorité aux Aussies. Quand on sait que le nombre de réfugiés climatique dépassera sans doute 200 millions en 2050, on mesure l’ampleur du problème et le peu d’importance qu’auront les critères d’humanité. Selon un rapport du Pentagone, « les humains se battent dès que la capacité d’accueil de leur milieu naturel devient insuffisante ; les Etats-Unis et l’Australie seront enclins à bâtir des forteresses défensives autour de leur pays parce qu’ils ont les ressources et les réserves pour assurer leur autosuffisance ».

Comme on ne s’attaque pas aux causes des migrations, il n’y a de solutions que dans les rejets ou les massacres. Telle est l’humanité des humains, inhumaine.

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l’écologie sans base électorale

Que ce soit clair, la base électorale de l’écologie est à l’heure actuelle proche de zéro. Même si le rassemblement écolo marque quelques points électoraux, ce n’est pas pour l’écologie, c’est parce que des personnalités connues et virulentes sont affichées sur les programmes. Les électeurs ont besoin de marquer leur mécontentement, le Front national ne joue plus ce rôle, le Parti socialiste n’a plus aucune visibilité, le parti anticapitaliste se veut minoritaire, alors on vote « écolo ». Comme indiqué dans LeMonde du 22 octobre, le vote Verts n’est pas un vote de conviction, mais d’influence. L’électorat ne valide en rien un changement de civilisation par son vote. Car ce n’est pas Cohn-Bendit, le réchauffement climatique, le syndrome du Titanic ou vu du ciel qui vont entraîner une modification du mode de vie à l’occidentale. En effet, le confort moderne apparaît aux yeux des gens comme un acquis irréversible. Un jeune des banlieues déshéritées dispose en France de moyens de confort que n’avait pas le roi Louis XIV, notamment l’eau chaude au robinet, les WC et le chauffage.

Cette révolution du confort est le premier moteur de la pression sur la nature entraînée par nos gestes quotidiens. Le vote écolo devrait être une remise en question de ce mode de vie. Or l’univers psychique actuel de l’électeur n’admet par principe aucune limitation. Il y a une addiction complète à la voiture, à la télé, à l’ordinateur, au portable, à l’électricité, etc. Le message écolo ne fait que préparer au changement de paradigme, il faudra une menace extérieure pour mettre en place le bouleversement nécessaire de nos habitudes. Cette menace n’est pas le réchauffement climatique, trop lent, trop invisible, trop global. Le choc qui entraînera la crise ultime sera causé par le prochain choc pétrolier, celui qui sera structurel. Bien sûr le baril n’est qu’à 80 dollars en ce moment, mais un baril bientôt à 300 dollars est une certitude.

Aucun parti ne nous prépare vraiment à l’après-pétrole, d’abord parce qu’il y la « pression du confort ».

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le climat ne fait pas débat

Pourquoi s’en faire ! Le niveau moyen des océans va augmenter de 3,3 mm par an et la température moyenne du globe de 0,2°C par décennie. Avec de si faibles amplitudes, comment s’apercevoir des risques que nous courons ! Quand l’éditorial du Monde du 21 octobre titre « Climat en débat », il fait l’erreur de laisser croire au citoyen qu’il y a encore débat possible sur l’origine anthropique du réchauffement. Il n’y a pas débat, et l’éditorial montre d’ailleurs dans son contenu (qui lit attentivement les contenus ?) que la tendance lourde au réchauffement climatique ne fait pas débat.

Si on continue dans les médias de mettre en évidence tout ce qui fait débat, les politiques ne sont pas incités à agir. Un communiqué de presse de FNE (France-Nature-Environnement) était beaucoup plus incisif que les journalistes du Monde : « Non à la realpolitik climatique ! ». Quand Yvo de Boer, secrétaire exécutif de l’UNFCC, responsable pour le réchauffement climatique de l’ONU annonce dans Financial Times que le sommet de Copenhague accouchera d’une souris, nous devrions tous être consternés. Les politiques devraient avoir une obligation de résultat, les atermoiements ne sont plus de mise. Nous allons voir si Obama est à la hauteur de sa médaille, la conférence internationale sur le climat s’ouvre le 7 décembre à Copenhague et il reçoit son prix Nobel de la paix à Stockholm le 12 décembre !

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guérilla urbaine

Matérialisme, libéralisme et urbanisation aggravent considérablement la pénurie de Nature, résultat de l’encombrement de l’espace par la croissance démographique et économique. Alors, comme la vie dans les mégalopoles devient en grande partie intolérable, se développe  des réappropriations communautaristes des quartiers. Normal ! Rio de Janeiro a été le théâtre de véritables scènes de guérilla urbaine. C’est le scénario classique d’un affrontement territorial entre bandes rivales qui se termine par une  confrontation généralisée avec les policiers militaires. (LeMonde du 20 octobre). C’est une toute petite préfiguration de notre avenir. A Rio, 4 favelas seulement sont « pacifiées » (sur les 1020 que compte actuellement la ville). Imaginons maintenant une crise nouvelle généralisée.

Imaginons une catastrophe aussi importante que la seconde guerre mondiale. Un pays en grande partie rural peut absorber le choc. Aujourd’hui, tout contribuerait à transformer la débâcle en un inimaginable chaos : les moyens de communication modernes démultiplieraient les rumeurs et amplifieraient la panique ; la structure étendue des villes rendrait impossible l’approvisionnement de la population ; l’économie s’effondrerait brutalement ; le repli sur les campagnes serait difficile ou impossible dans des délais si courts, à cause de la disparition presque totale du monde rural et de ses savoir-faire ; les personnes âgées et handicapées seraient abandonnées dans leurs mouroirs ; les banlieues mourraient de faim et s’embraseraient.

Rio est aussi connu comme plusieurs autre territoires du monde, pour ses quartiers fermés, réservés à une élite privilégiée. Devant un embrasement général, rien ne pourra résister, même pas des policiers « militaires ».

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Kindle sans avenir

Comme si ma planète n’avait pas déjà assez souffert, Amazon lance le Kindle à son assaut (titre du Monde, 18-19 octobre). Jeff Bezos, fondateur d’Amazon et initiateur de cette « liseuse » électronique, ironisait en 2008 sur « les scribes travaillant jadis sur les papyrus, persuadés que leur technique était éternelle. Or il y a eu depuis le papier chiffon, la pâte à bois, l’imprimerie, l’édition électronique et maintenant le Kindle ». Kindle signifie « attiser un feu », les dirigeants du commerce électronique veulent faire partir en fumée tous les livres et journaux de papier. C’est beaucoup de suffisance et pas beaucoup de jugeote. En fait le Kindle est un outil hétéronome, dépendant de sa batterie et des programmes informatiques, mais aussi de gros serveurs électroniques, des transmissions à longue distance, d’une centrale électrique au charbon ou au nucléaire, etc.. Un livre de papier est bien plus durable, il permet l’autonomie ; il peut être lu et relu sans que le lecteur dépende de quiconque, il peut être lu dans cinq cents ans quel que soit l’avenir de la société thermo-industrielle. Sa batterie ne s’épuise pas.

En fait, il n’y a pas d’évolution linéaire vers un « progrès » assuré, que ce soit dans l’impression des écrits comme dans le reste des innovations contemporaines. La technique moderne est surtout pensée comme un outil de contrôle et de domestication au service des puissants, un moyen d’imposer la rationalisation technique contre toutes les formes d’autonomie : « La fin logique du progrès mécanique est de réduire le cerveau humain à quelque chose qui ressemble à un cerveau dans une bouteille (George Orwell) ».

Heureusement la révolution numérique n’a pas d’avenir durable… Quand l’électricité se fera rare après la crise ultime (crise pétrolière + crise économique + crise sociale + réchauffement climatique…), il sera bien agréable de pouvoir encore lire un vieux livre sur papier usagé !

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mourir de faim en 2050

D’ici à 2050, notre biosphère comptera 2,3 milliards d’êtres humains supplémentaires alors que ceux qui souffrent de la faim aujourd’hui sont déjà  plus de un milliard. Pour nourrir le surplus de population, personne n’envisage encore une maîtrise de la fécondité, sauf cas exceptionnels comme la Chine ou l’Iran. C’est criminel.

Les « experts », qui ne considèrent que les ressources alimentaires et pas du tout l’aspect démographique, pensent encore que la Terre pourra nourrir tous ses habitants (LeMonde du 17 octobre). Il suffirait de se contenter de 3000 calories par jour (dont 500 d’origine animale), contre environ 4000 actuellement dans les pays développés (dont plus de 1000 issues de la viande ou du poisson). Il suffirait d’augmenter de 70 % la production agricole de la planète, cela sans tenir compte de l’essor des biocarburants ; il suffirait pour cela d’améliorer les rendements des productions et d’accroître les surfaces cultivées. Et bien sûr, il suffirait d’ouvrir encore plus les échanges commerciaux

Or la tendance culturelle liée à l’augmentation en nombre de la classe globale privilégie la surconsommation alimentaire à base carnée. L’intensification des modes de production repose principalement sur l’utilisation du pétrole, en voie de raréfaction d’ici à 2050, et sur des technologies comme les OGM, qui n’ont pas fait la preuve de leur durabilité. Environ 10 % des terres émergées sont déjà cultivées et ce qui reste devrait être laissé en l’état vu leurs fonctions écologiques ou leur improductivité. Enfin le libre-échange n’a jamais nourri les pauvres. En Inde aujourd’hui, 44 % des enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition et malgré la sécheresse, le pays est exportateur net de denrée agricoles. Selon le prix Nobel d’économie Amartya Sen, ce qui restreint la demande alimentaire est non seulement l’absence de revenu, mais aussi le fait de l’existence de pays non démocratiques. En effet, l’existence d’une opposition politique nécessiterait, pour éviter la destitution, une réaction à la famine du gouvernement en place.

En l’absence d’une politique démocratique et anti-inégalitaire, en l’absence d’une acceptation d’un régime plus végétarien, en l’absence d’un soutien constant aux petits paysans, en l’absence d’une agriculture biologique centrée sur la souveraineté alimentaire, beaucoup de monde mourra de faim en 2050.

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l’écologie de droite

Chantal Jouanno est en train de finaliser une note de cadrage dessinant les contours d’une écologie de droite (LeMonde du 15 octobre 2009). Elle propose une  « croissance écologique ». Mais on ne voit pas en quoi elle se démarque ainsi du Parti socialiste. Au Congrès de Reims, la motion A de Delanoë proposait la « Promotion d’un nouveau modèle de  développement qui articule croissance, justice sociale et écologie ». La motion de Martine Aubry affirmait avec force que « la croissance économique et l’impératif écologique constituent un seul et même enjeu.

Jouanno pense que « les Verts, eux, sont pour la décroissance ». Béatrice Marre, l’ex-Secrétaire nationale de la commission nationale environnement et développement durable, pensait la même chose dans sa Contribution thématique lors du Congrès de Reims: « Nous ne nous inscrivons pas non plus dans le registre de la « décroissance », concept sans avenir car il méconnaît la nature même du vivant, qui est précisément de croître et interdit de poser la seule question qui vaille : quel type de croissance des sociétés humaines est compatible avec son milieu, la Terre ? Les adeptes de la décroissance refusent toute recherche d’un modèle de développement nouveau ». 

            Je m’aperçois donc qu’en matière écologique, la droite n’a plus besoin de faire référence au Parti socialiste qui pense la même chose qu’elle, seulement aux Verts. Cela me semble un simple constat d’une réalité, le PS a décidé de ne plus sous-traiter l’écologie aux Verts puisque l’écologie n’existe plus pour la gauche socialiste depuis le Congrès de Reims ! Comme l’exprime si bien Frédéric Lefebvre, « Ce n’est pas notre faute si les socialistes sont à la ramasse, et ce n’est pas à nous de définir le profil de nos adversaires ».

En fait l’écologie n’est ni de droite, ni de gauche puisque la droite comme la gauche sont traditionnellement des tenants du productivisme. La ligne de démarcation passera bientôt, à l’intérieur de la droite comme de la gauche, entre ceux qui savent considérer les limites de la planète et ceux qui ne veulent aucunes limites.

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