la science n’aime pas l’Académie des sciences
La science déteste le secret car elle aime partager. L’Académie des sciences cultive le secret, la science n’aime pas l’Académie des sciences. C’est à la
demande de plus de 600 chercheurs en sciences du climat, avec l’aval de Valérie Pécresse, que démarre un débat sur les affirmations médiatiques de Claude Allègre et compères : « Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique, interpellons les structures référentes de la recherche scientifique française, face aux accusations mensongères lancées à l’encontre de notre communauté. » D’un côté des climato-sceptiques peuvent s’exprimer ouvertement sans contradiction possible, de l’autre côté une « Académie » veut juger de leurs affirmations à huis-clos.
En fait cette Académie ne s’intéresse pas à la science mais à la politique (économique). Prenons l’exemple de son rapport de 2004 sur les nanotechnologies : « Ce monde est porteur d’une évolution industrielle majeure, celle des nanotechnologies, qui permet d’organiser la matière à l’échelle de l’atome. Les implications sont considérables dans tous les secteurs. Quelques réalisations existent déjà, d’autres restent encore aujourd’hui du domaine du rêve, mais qui se matérialisera bien vite. Ce rapport présente les applications actuelles, il présente également des recommandations visant à faire en sorte que la recherche française défende son rang au plan international. » L’Académie dite des sciences valorise les applications de la science, pas la science elle-même.
Les véritables scientifiques font uniquement de la recherche, pas du développement ; sinon ils se mettent au service de l’industrialisation et de ses excès. Il est d’ailleurs significatif qu’en matière de réchauffement climatique (qui remet en question la boulimie de nos activités thermiques en énergie fossile), le silence de l’Académie des sciences est jusqu’à présent impressionnant. En avril 2010 son président, Jean Salençon, ne désavouait personne : « Je ne peux pas répondre à la question de l’implication de l’homme dans le réchauffement climatique. L’Académie, ce sont 250 chercheurs chevronnés, avec des positions discordantes sur ce sujet. Il n’est pas question de vote ou de position unique. D’ailleurs, s’y expriment Vincent Courtillot ou Jean-Louis le Mouël, qui partagent le point de vue de Claude Allègre. »
Si l’Académie (franco-française) des Sciences ne se sent pas capable d’émettre un avis consensuel permettant de départager les points de vue, pourquoi avoir demandé à cette institution de trancher la controverse ? Nous ne pouvons qu’inviter à relire la Déclaration commune des Académies des sciences pour le Sommet du G8 de juillet 2009 qui recommande la réduction des impacts anthropogéniques sur le changement climatique.L’éditorial du Monde (19-20 septembre) est assez cinglant et en rappelle à l’essentiel, le fonctionnement démocratique de nos sociétés : « Rompant avec la méthode scientifique, qui préfère l’ouverture et la transparence, l’Académie a choisi d’organiser une rencontre dans l’opacité et le secret. »