Autopsie de l’Apocalypse, Patrick Simon s’égare

L’écologie scientifique multiplie des constats de plus en plus précis sur l’état préoccupant de la biosphère. Même LE MONDE accorde de l’importance à l’émergence d’une probable catastrophe. Pourtant un grand nombre de défenseurs du système libéral industrialisé s’acharnent à dénigrer l’annonce d’une possible apocalypse. Un livre récent ose se centrer sur l’Apocalypse*.

Patrick Simon, docteur d’Etat en droit, n’hésite pas : il nous parle d’apocalypse dans son livre comme d’une évidence : « L’hydre de l’Apocalypse a refait surface à la suite d’un certain nombre de catastrophes qui ébranlèrent la planète : attentats du 11 septembre 2001, grippes aviaires, attentats terroristes, crises financières à répétition, explosion de la centrale de Fukushima, réchauffement climatique. » Le problème de ce livre, c’est qu’il mélange allègrement constats actuels et discours très subjectifs en faisant un parallèle constant entre certitudes des menaces socio-politiques et écologiques d’une part et prophéties anciennes sur le mythe d’une Apocalypse à venir d’autre part. De plus il ne différencie pas phénomènes naturels et causes anthropiques. D’un côté le risque nucléaire, une économie en faillite, l’amplification des phénomènes climatiques, les éruptions volcaniques, etc. De l’autre les prophéties de Fatima, de saint Malachie ou de Nostradamus en passant par le dernier livre de la bible centré sur l’Apocalypse ! Le projet de Patrick Simon nous semble incohérent : « Nous examinerons au plus près les données de la science et des textes prophétiques, et ce, afin de déterminer un cadre suffisamment précis qui nous servira de guide. » Vaine recherche ! Autant la science se fait de plus en plus précise, autant les textes prophétiques ne sont que paroles en l’air.

Sur ce blog, nous préférons la démarche de Sonia Kéfi, chercheuse à l’ISEM de Montpellier. Son analyse est relayée par la Société Française d’Ecologie (SFE)**. Il s’agit de montrer les transitions catastrophiques des écosystèmes. En résumé : « Sous l’effet de pressions croissantes, certains écosystèmes atteignent des points de non-retour au niveau desquels ils subissent des transformations brusques et inattendues appelées « transitions catastrophiques » (ou « catastrophic shifts »)… Plus précisément, certains écosystèmes restent inertes face à une augmentation de pression jusqu’à ce qu’une valeur seuil, aussi appelée « point critique », soit atteinte à partir de laquelle l’écosystème bascule de son état actuel à un autre. La valeur seuil de la condition environnementale étant souvent inconnue, ces transitions se produisent par surprise et sont donc difficiles à anticiper… Un changement de condition environnementale peut inverser le sens d’une boucle de rétroaction et ainsi provoquer un basculement de l’écosystème… Quand un système s’approche d’un point critique, il subit un « ralentissement critique » (« critical slowing down » en anglais). En d’autres termes, à mesure qu’un système se rapproche d’un point critique, il requiert de plus en plus de temps pour retrouver son état d’équilibre après une perturbation… Une des caractéristiques des transitions catastrophiques est qu’il est généralement difficile, voire impossible, de revenir à l’état initial de l’écosystème… Plus le phénomène d’hystéresis est important, plus le retour de l’écosystème à son état d’origine après une transition est difficile. Ce phénomène a donc des conséquences notables pour la conservation et la restauration des écosystèmes… »

Le projet de Sonia Kéfi repose sur l’interactivité. MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires . Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.

* Autopsie de l’apocalypse (éditions Bréal, 2012) de Patrick Simon

** http://www.sfecologie.org/regards/2012/10/19/r37-hysteresis-sonia-kefi/