Barack Obama ne vaut pas beaucoup plus que Trump

La parole d’Obama valait plus que parole d’évangile à Paris le 2 décembre : 350 000 Euros pour 90 minutes de speech, soit près de 4 000 Euros la minute, payés pour partie par les abonnés d’Orange. Que retenir de cette conférence privée consacrée aux « Peurs ». Nous ne pouvons qu’être d’accord avec son préambule : « Nous sommes à un point d’inflexion ». Sur l’environnement, la géopolitique, le terrorisme, les migrations et même la technologie, le monde est en effet à l’aube de grandes ruptures. Pour lui, la période que nous vivons s’apparente à celles qui ont vu naître l’agriculture, puis l’industrie. Okey, nous allons à la catastrophe… mais ça il ne le dit pas. L’ex-président a ensuite listé ses trois principales « peurs » : le changement climatique, la prolifération nucléaire et la crainte d’une pandémie mondiale à l’image d’une grippe espagnole décuplée par le développement fulgurant des transports aériens. Guerres, famines et épidémies, Obama retrouve ainsi la trilogie de Malthus, conséquence de notre pullulation sur cette Terre trop petite pour accueillir bientôt 10 milliards d’humains. Mais de la surpopulation, Obama ne dira rien, trop politiquement incorrect de parler de la fécondité humaine. ll a même une vision angélique de l’Afrique, « continent éternellement prometteur », qui « pourrait enfin décoller par l’entrepreneuriat porté par les jeunes ». Il oublie de dire que trop de jeunes font des chômeurs et pas des start up. Ce Nobel de la paix, plus connu par ses drones que par ses colombes, était tenant de la manière forte quand il était au pouvoir, assis derrière son bureau. D’ailleurs la lutte contre le terrorisme, « le plus grand danger » selon lui, « nécessite une réponse militaire ». Développons ce dernier point.

Obama n’insiste pas sur le réchauffement climatique, ne dit rien de la déplétion pétrolière, ignore l’extinction des espèces. Il choisit la tarte à la crème de la sur-médiatisation d’un terrorisme pourtant complètement marginal en termes de nombre de morts. Après les attentats du 11 septembre aux USA, les Américains ont perdu tout sens des proportions et veulent réagir avec force à des cas particuliers, à des loups solitaires contre lesquels aucune réponse militaire n’est appropriée. Depuis 2001, les politiciens US ont approuvé 300 milliards de dépenses publiques pour défendre les États-Unis contre de nouveaux attentats terroristes. Cette prodigalité en réaction à un risque incertain et totalement impossible à quantifier est soutenue par la vaste majorité des Américains, y compris par ceux qui s’opposeraient avec véhémence à des dépenses publiques dans le domaine du réchauffement climatique. Nous constatons que les biais cognitifs touchent aussi les politiques.

Le bais de disponibilité, qui s’appuie sur le vécu récent, maintient la menace terroriste au premier plan, et l’incertitude quant à la date du prochain attentat ne diminue en rien cette peur : elle l’amplifie. Par contre le changement climatique n’est pas aussi médiatiquement stigmatisé, et les phénomènes météorologiques extrêmes nous sont dans une certaine mesure familiers. C’est pourquoi l’incertitude concernant ses effets n’instille pas un sentiment de crainte ; il donne la marge de manœuvre nécessaire pour nous laisser croire ce que nous avons envie de croire. La perception du risque est aussi déterminée par l’angle social sous lequel il est observé. Obama est en définitive pas très différents des conservateurs climato-négationnistes. Il veut jouer sur l’incertitude pour justifier les capacités d’intervention des forces armées. Mitt Romney, premier candidat à la présidentielle à nier ouvertement l’existence du réchauffement climatique, justifiait l’augmentation des dépenses militaires en affirmant : «  Nous ne savons pas ce qui nous attend. Nous devons prendre des décisions sur la base de l’incertitude. » L’ancien vice-président Dick Cheney, lui aussi fervent climato-négationniste, a déclaré que « même s’il n’y a que 1 % de chances que des terroristes se procurent des armes de destruction massive, nous devons agir comme si c’était une certitude. » A les entendre tous, 1 % des chances d’un attentat terroriste suffit à prendre des mesures drastiques, mais 90 % de chances d’un bouleversement climatique majeur n’est pas suffisant. Dans tous ces arguments, le facteur incertitude n’a en fait que peu d’influence et n’est invoqué que pour appuyer des décisions orientées par une idéologie politique. « Yes you can ! » n’était qu’un slogan. Obama a le même fond que Trump, les Américains d’abord. Lors de son discours d’investiture le vendredi 20 janvier 2017 Donald Trump s’exclamait : « A compter de ce jour, il n’y aura plus que l’Amérique d’abord, l’Amérique d’abord ». Lors de son discours d’investiture le 20 janvier 2009, Barack Obama disait la même chose :  « Nous n’allons pas nous excuser pour notre mode de vie, nous le défendrons sans relâche ». Obama ne mérite pas ses 350 000 euros.

Pour en savoir plus, Don’t Even Think About It de George Marshall (2014)

7 réflexions sur “Barack Obama ne vaut pas beaucoup plus que Trump”

  1. Bonjour
    Pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, je conseille vivement la dernière conférence de JM Jancovici… (et ce, en dehors des débats d’arrière garde qui taxent ce brillant intervenant de pro-nucléaire…)
    La façon de comprendre pourquoi notre monde est façonné sans prendre en compte ce qui compte vraiment, est limpide, et glaçante… A voir absolument !
    Bon visionnage…
    youtube.com/watch?v=2JH6TwaDYW4

  2. Didier Barthès

    Bonjour Marcel,
    J’ai longtemps pensé comme vous, mais finalement je ne suis pas sûr qu’ils aient compris, je ne suis pas sûr qu’ils soient très au courant.
    C’est très difficile d’être un homme politique, cela demande des qualités particulières, je ne suis pas sûr que ce soient toujours celles qui sont le plus compatibles avec la réflexion de long terme et la connaissance parfaite des questions énergétiques ou biologiques qui vont bientôt devenir dominantes.
    Il y a plutôt plus de méconnaissance que de cynisme je crois chez la majorité d’entre eux. Bien sûr il y a des nuances et des exceptions.

  3. Séverine Fontan

    « En gros, davantage que + 4 ans. »
    Correction : « En gros, davantage que + 4 degrés. »
    Soit la dernière ère glaciaire, en sens inverse. Ca va chauffer.

  4. Séverine Fontan

    Entre Trump et Obama il y a quand même des nuances, mais Obama est croissanciste comme les autres. Il ne déroge pas au dogme.
    « 90 % de chances d’un bouleversement climatique majeur n’est pas suffisant »: ce serait même 93%, plus exactement… Plus sérieusement, et sans pinailler sur les chiffres, une nouvelle étude parue hier. Encore des climatologues qui ont l’air de savoir de quoi ils parlent, et qui nous annoncent la fin des haricots pour la fin du siècle.
    Dans le quality paper britannique The Independent. L’étude est parue dans le prestigieux journal « Nature ».
    http://www.independent.co.uk/environment/global-warming-temperature-rise-climate-change-end-century-science-a8095591.html
    En gros, davantage que + 4 ans. Plus de civilisation, ni agriculture viable. Ni de forêt amazonienne etc…
    Crainte partagée par l’Agence Internationale de l’Energie, pourtant pas vraiment des écolos..
    Je comprends de mieux en mieux pourquoi Pablo Servigne s’inquiète plus du changement climatique que de la déplétion pétrolière.
    Je pense de plus en plus que le travail de conservation fait autour de la planète ne fera que retarder l’échéance (je ne dis surtout pas qu’il ne faut pas le faire, mais bon, à force de voir passer ces conclusions d’études…)

  5. @Didier Barthes :il y a 2 options possibles :
    – ils ont compris et sont du côte malthusien de la lucidité mais ils jouent « la montre  » et attendent qu’ un écroulement démographique ait lieu : perte de quelques milliards d’ habitants sur la planète par épidémies ravageuses , guerres massives fomentées par leurs soins , …
    – ils ont compris mais doivent sacrifier la biosphère au grand dieu consommation qui tel Moloch Baal demande toujours plus de fidèles : ils laissent filer jusqu’ à effondrement .
    Une fois le terrain démographique déblayé , ils prennent le pouvoir et le tiendront solidement .

  6. Fondamentalement les hommes politiques n’ont pas compris, ils n’ont pas compris que nous allions vers un écroulement inéluctable (c’est impensable, inconcevable il faut dire quand on veut vraiment s’y arrêter et pourtant…), ils n’ont pas compris qu’un monde de 8 milliards de personnes ça n’existe pas plus de quelques décennies.
    Alors quand on a pas compris… on ne peut pas dire ce qu’il faut. Ils ont une vue à d’autres termes (trop courts) et d’autres impératifs (inévitables d’ailleurs). Ce n’est qu’un point parmi d’autres de notre incapacité à résoudre les problèmes d’ailleurs.

  7. Je ne sais pas s’il faut jeter la pierre sur les politiciens. Le discours de fond des écologistes actuels est quand même super haut perché pour qu’il soit saisissable (ce discours nous dit que le non-vivant est vivant, ou qu’il faut reconnaître, pour sortir de l’impasse, que la terre est notre foyer … comme si on ne le reconnaissait pas déjà).

    Si le discours écolo collait simplement à la réalité au lieu de partir dans des élucubrations ou des cosmovisions farfelues, s’il déclarait que le vivant non humain est créateur et non créature, qu’il lutte contre l’inerte (la catastrophe) et non pas qu’il forme un tout avec ce dernier, alors la vision de nos politiciens, leur propension à décider correctement seraient bien plus forte. Je ne crois pas ainsi qu’il faille les blâmer en écologie.

    Après, en ce qui concerne les réactions et émotions faisant suite au terrorisme de masse, je ne sais quoi dire… Le terrorisme c’est justement cela : créer la terreur.

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