catastrophes contre « catastrophisme »

Pourquoi nous préférons LeMonde* au Figaro** ? D’un côté nous avons une double page réaliste sur « Vivre et penser le temps des catastrophes », de l’autre nous avons une vision idyllique du temps présent qui toujours ira vers le meilleur !

Le progressiste Bruno Tertrais, politologue et expert en dissuasion nucléaire, office aussi bien dans le Figaro-magazine que dans le Figaro au quotidien. Cet illusionniste vitupère le « marché de la peur », il veut en finir avec le catastrophisme des écolos. Le Sida, les pluies acides, les pesticides, le trou dans la couche d’ozone… sont pour lui des terreurs irrationnelles. Bien entendu Bruno Tertrais pense que le réchauffement climatique n’existe pas et que Fukushima démontre parfaitement que la croissance nous protège des catastrophes naturelles : « Les seules victimes de Fukushima seront les travailleurs directement exposés à des doses toxiques » ! Ce membre de la Fondation pour la recherche stratégique se croit lucide en restant pro-nucléaire : « Que l’on sache, personne n’a jamais proposé de renoncer au transport aérien après une série de crashs meurtriers ». Comme si l’impact d’accidents ponctuels et des radiations qui se propagent et durent avaient la même incidence ! En fin de compte, il donne la cible de son optimisme béat : « Prôner la décroissance pour l’ensemble de la planète est irresponsable ».

 Dans LeMonde, Ulrich Beck montre qu’il avait eu raison : « Les dangers nucléaires, le changement climatique, la crise financière, le 11-septembre, etc., tout cela s’est produit conformément au scénario que je décrivais il y a 25 ans ; avant même la catastrophe de Tchernobyl… Le mythe de la sécurité est en train de se consumer dans les images de catastrophes dont les exploitants nucléaires avaient catégoriquement exclu la possibilité. » Harald Welzer constate que le rêve d’un Japon, au progrès indéfini et libéré des ressources naturelles, n’était possible qu’à court terme : « Les modèles sociaux (de confort) qui ont eu leur heure de gloire contiennent le décalque de leur propre déclin. » Isabelle Stengers peut écrire : « Malheur aux experts si leurs inquiétudes étaient susceptibles de donner raison aux alarmistes ; ils auraient trahi leur rôle assigné, qui est de collaborer à la mobilisation pour l’innovation, et donc le progrès. Ulrich Beck a décrit « La société du risque » en 1986. Harald Welzer a prédit « Les guerres du climat » (2009). Isabelle Stengers  a écrit en 2009 « Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient ». Bruno Tertrais vient de pondre « L’Apocalypse n’est pas pour demain », à contre-temps !

Mieux vaut comprendre la catastrophe dans LeMonde que se bercer d’illusions dans Le Figaro !

* LeMonde du 26 mars 2011, Vivre et penser le temps des catastrophes.

Harald Welzer, L’ère de la consommation et du confort va s’achever ; le capitalisme est devenu un système autodestructeur.

Ulrich Beck, C’est le mythe du progrès et de la sécurité qui est en train de s’effondrer ; plus que jamais, nous sommes dans une société du risque, voire du désastre.

Isabelle Stengers, Sortons de la rage de l’impuissance grâce à l’anticipation d’accidents écologiques à venir.

**  Le Figaro du 26 mars 2011

Figaro-Magazine : Bruno Tertrais, le progressiste.

Figaro, le quotidien : Bruno Tertrais, Du bon usage de la fin du monde