anthropisation

La complexité de la réalité fait notre fragilité

Pendant près de 200 000 ans, nous avons vécu dans des petits groupes simples, quelques douzaines d’individus ou moins. Ce n’est que depuis 10 000 ans que certaines sociétés humaines ont commencé à grossir et à se complexifier. La manière dont nous vivons actuellement est une anomalie.

En effet dans tout système vivant, la complexité a un coût métabolique. Plus un système est complexe, plus il nécessite de l’énergie. Chez les humains, nous comptabilisons les coûts de la complexité par le travail, l’argent, le temps ou les nuisances. Dans tous les cas, il s’agit de transformation de l’énergie. Nous ne percevons pas les coûts de la complexité aujourd’hui, car ils sont subventionnés par les combustibles fossiles. Sans ces derniers, les sociétés modernes ne pourraient pas être aussi complexes qu’elles le sont. Notre complexité s’accroît car elle est très utile pour résoudre les problèmes créés par la complexité. Confrontés à des difficultés, les solutions que nous mettons en place tendent à impliquer plus de technologie élaborées, la prolifération de rôles sociaux et de spécialisations, le traitement d’une plus grande quantité d’informations, ou l’engagement dans de nouvelles sortes d’activités. Par exemple, pour faire face au terrorisme, nous créons de nouvelles agences gouvernementales et augmentons les contrôles sur tous les types de comportements d’où une menace peut émerger. Cela engendre des coûts monétaires et se répercute sur chacun d’entre nous.

Mais la complexité dans les résolutions de nos problèmes atteint le point des rendements décroissants : passé un seuil, vous payez de plus en plus pour obtenir de moins en moins de bénéfices. Quand ce niveau est atteint, une société est fragilisée sur le plan fiscal et devient moins capable de résoudre les problèmes. Nous pouvons voir dans les crises financières actuelles, solutionnées par un endettement croissant, que nous avons atteint les rendements décroissants. Après avoir épuisé l’énergie bon marché et la dette abordable, nous perdons notre capacité à résoudre nos problèmes. C’est ce processus qui a entraîné l’effondrement d’anciennes civilisations comme l’Empire romain. Le haut Moyen Âgé a été une période pendant laquelle les sociétés étaient largement simplifiées.

Les deux tiers de la population mondiale sont aujourd’hui en vie grâce au pétrole. Tout repose sur l’énergie fossile, la production industrielle de nourriture, les installations sanitaires et la médecine moderne. Sans financement possible, les puits de pétrole ne sont pas forés, les champs ne sont pas ensemencés, les automobiles ne sont pas vendues, les biens et les personnes ne sont plus transportés, les gens sont au chômage. L’endettement n’est possible que quand les économies sont en croissance, mais une économie en croissance nécessite de plus en plus d’énergie. Si le système de transports tombe en panne, à cause d’un manque de pétrole ou de finances, les villes n’auront plus de nourriture. En trois moins, peut-être trois ou quatre milliards de gens mourraient.Nous dépendrions à nouveau de l’énergie solaire et la plupart d’entre nous seraient paysans…

…. source de ce texte extraordinaire que nous avons résumé :
Joseph Tainter dans le livre « Le progrès m’a tuer »

(éditions Le pas de côté, 230 pages pour 20 euros)

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référendum NDDL, tristesse à tous les étages

Le « Oui » au référendum en faveur de la construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes est une des plus tristes nouvelles que nous puissions recevoir. Ainsi, la nature a perdu ! On peut bien entendu arguer que le périmètre de la consultation fut particulièrement bien choisi. Qu’un vote sur la seule commune de Notre Dame des Landes (où le « Non » a recueilli 73 % des suffrages) eut donné un autre résultat; qu’un vote sur l’ensemble de la région ou même sur la France – après tout, cet aéroport revendique une vocation internationale – eut peut-être connu une autre issue. Il n’empêche que le score est franc, que cela ne s’est pas joué à deux voix près et que dans l’isoloir nul n’avait un pistolet sur  la tempe. On peut à l’infini condamner quelques boucs émissaires, les « Vinci » bétonneurs, les politiques peu soucieux du long terme, les arguments de mauvaise foi et les moyens financiers des partisans du oui mais cela serait trop facile, cela serait se rassurer à bon compte.
Il nous faut admettre que la cause écologique est loin de faire l’unanimité, que pour une part sensible de la population, les valeurs habituelles de notre société, la croissance et le progrès forcément salvateur, sont encore largement dominantes et que, dans la balance, la nature ne fait pas le poids. Les lois de protection des plantes et des animaux sont tout simplement effaçables d’un trait de plume à l’approche de n’importe quel projet. Une règle qui peut être facilement détournée et qui l’est régulièrement, n’est tout simplement plus une règle, la conclusion est claire, il n’existe pas aujourd’hui de loi de protection de la nature. Les loups d’ailleurs en font  la triste expérience. Rappelons que la même dérive toucha la région lyonnaise lors de la construction du stade dit des lumières auquel on sacrifia sans état d’âme et avec la bénédiction des principaux partis, mais aussi des amateurs de sport, une des rares zones de l’agglomération non encore bétonnées. Il en sera de même très probablement pour la réalisation d’une autoroute supplémentaire entre Lyon et Saint Etienne.
Dans les trois cas, une infrastructure existe ou existait déjà. Dans les trois cas nous voulons toujours plus, dans les trois cas la défense de la nature se fracasse contre l’intérêt immédiat et les peuples ne sont pas innocents. Ils savent bien d’ailleurs que les aéroports sont nécessaires aux voyages comme le sont les routes et les compagnies pétrolières pourtant si décriées. Ils ne votent pas tout à fait sans raison et les politiques le savent aussi, le chantage à l’emploi fait le reste. Globaliser les choses, rappeler que sur un monde dévasté, irrespirable, sans plus un arbre, même la question de l’emploi sera sans importance ne convainc pas. Nous nous heurtons là sur l’impossible conciliation du local et du global, du court et du long terme, de la nécessité d’une approche générale à longue échéance et de la pression d’un intérêt plus tangible, plus évident pour demain matin.  Cette opposition concerne toutes les activités des hommes et depuis longtemps, toutefois, tant que l’humanité n’avait pas colonisé l’ensemble de la planète et construit une société globale nous pouvions, sur ce point,  laisser la réflexion à demain et la cantonner à quelques philosophes ignorés.
Cette opposition fondamentale constitue la justification la plus profonde de ceux que tente le pessimisme, car elle touche non seulement les faits, mais elle incline à admettre la radicale inaccessibilité des solutions. La faute est trop profondément en nous. La participation active des populations au désastre, la béatitude d’une grande partie des mouvements écologistes qui se complaisent dans l’oxymore d’une croissance verte résultent sans doute pour une part d’un égoïsme assez naturel (et nécessaire ?) à toute forme de vie et il n’y aurait pas lieu de s’en inquiéter si cette forme de vie n’avait désormais la possibilité d’influer sur toutes les autres et ne s’était ancrée dans l’illusion d’en être indépendante. Mais ce n’est plus le cas, nous avons changé de monde et nous pouvons tout détruire. A terme, la nature engloutira les prétentions des hommes, mais il eut été entre-temps tellement plus raisonnable pour l’humanité d’être son amie, affectueuse et intelligente.
De notre correspondant Didier Barthès
http://economiedurable.over-blog.com/2016/08/nddl-tristesse-a-tous-les-etages.html

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À lire, Testament agricole (Sir Albert Howard, 1940)

L’équilibre agricole est rompu ; la terre se rebelle ; les maladies de toutes sortes se multiplient ; dans bien des contrées du globe, l’érosion emporte le sol épuisé. Dans son Testament agricole, pour une agriculture naturelle, Albert Howard (1873-1947) en avait conscience. Les thèses de l’agriculture biologique d’aujourd’hui se situent dans la droite ligne de son « Testament ». La réflexion sur l’humus des praticiens contemporains de l’«AB» est déterminante dans la gestion des matières organiques fertilisantes. Pourtant la mentalité NPK (azote, phosphore, potassium) prédomine encore. Un gouvernement devrait soutenir une agriculture biologique contre les monocultures et l’agriculture intensive.

Le maintien de la fécondité de la terre est la condition essentielle d’un système d’agriculture durable. Le cycle de la vie consiste en deux processus, croissance et décomposition., l’une étant la contrepartie de l’autre. Au cours du processus normal des récoltes, la fertilité diminue constamment : sa reconstitution continuelle est donc absolument indispensable. Dans le règne végétal, il ne se produit jamais de tentative de monoculture. La règle est : productions mixtes. Une grande variété de plantes et d’animaux coexistent. La terre est toujours protégée contre l’action directe du soleil, de la pluie et du vent. Rien qui ressemble à de l’érosion. La forêt se fertilise elle-même, elle fabrique son propre humus. Il s’établit une division naturelle entre le minéral et l’organique. L’humus fournit l’engrais organique ; le sol, la substance minérale. Rien de nocif, pas d’incinérateurs, pas d’épuration artificielle, pas d’épidémie due à l’eau, pas de conseillers municipaux et pas d’impôts.

« La population humaine, concentrée principalement dans les villes, est entretenue presque exclusivement par la terre. Il en résulte qu’une grande quantité des déchets agricoles est concentrée dans les villes, loin des champs qui les produisent. La plupart des déchets municipaux sont enterrés ou bien brûlés dans des incinérateurs. Pratiquement, aucun déchet ne revient à la terre. Il faut donc considérer les villes comme des parasites de l’agriculture. Elles n’existeront avec le système actuel seulement autant que la fertilité de la terre le permettra. Ensuite, tout l’échafaudage de notre civilisation devra s’écrouler.

Notre mère, la terre, n’a eu que peu ou aucun représentant pour plaider sa cause dans les conseils municipaux. Une catastrophe quelconque, telle qu’une pénurie mondiale d’aliments puis une famine, ou bien la nécessité de disséminer la population urbaine dans la campagne, peuvent seules être l’occasion de discuter une pareille question. Il s’agit d’amener le plus possible de communautés disposant d’une terre suffisante à produire elles-mêmes leurs propres légumes, leurs fruits, le blé et la viande. Il serait nécessaire de prendre des mesures pour protéger le pays des transactions du monde financier. » (1ère édition 1940, Dangles 2010)

(extraits d’ un livre à lire absolument pendant les grandes vacances, à paraître début juillet :

« L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (Michel Sourrouille aux éditions Sang de la Terre)

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Relocaliser en reconstituant les ceintures maraîchères

Pour Jean-Luc Pasquinet, prendre au sérieux la relocalisation implique de sortir du capitalisme et du productivisme. Son livre* montre qu’il s’agit d’une forme de décroissance qui va s’accompagner d’un tout autre mode d’organisation que celui auquel est habituée notre société d’abondance factice. Voici quelques extraits de cet ouvrage :

« L’histoire de la ville de Paris pourrait se résumer à un déplacement des ceintures maraîchères pour laisser la ville construire des logements. Dès 1845 on pouvait écrire : il est généralement connu que toutes les fois qu’on a reculé l’enceinte de Paris, les jardiniers ont été obligés de se reculer pour faire place à de nouvelles bâtisses, et que ce déplacement leur était toujours onéreux, en ce qu’ils quittaient un terrain amélioré de longue main pour aller s’établir sur un nouveau sol souvent rebelle à leur culture… A cette date, on pouvait encore trouver 1800 jardiniers maraîchers autour de Paris, répartis sur une surface de 1378 hectares. C’était suffisant pour nourri paris et sa petite banlieue, soit 1 à 1,5 millions de personnes. En 1929, on recense environ 677 centres maraîchers alors que la population s’élevait à 5,5 millions de personnes. Avec la disparition de ces maraîchers ont aussi disparu des spécialités comme le raisin de Montmorency, les pêches de Montreuil, la laitue noire de Châtillon ainsi que des savoir-faire ancestraux.

La création de Rungis a sonné le glas de la profession. Le recours à des importations venant des autres régions, voire du reste du monde, n’a cessé d’augmenter grâce à l’essor des transports, du pétrole et de son univers… Par conséquent, la création de ceintures maraîchères – privilégiant la culture biologique sans intrant toxique et non dépendante du pétrole – constitue une autre mesure clef de la relocalisation. »

* Relocaliser (pour une société démocratique et antiproductiviste) de Jean-Luc Pasquinet

Editions Libre&Solidaire 2016, 194 pages pour 15 euros

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La science ne soutient pas l’agriculture productiviste

Il y a une distorsion temporelle entre le temps très long de l’expertise scientifique et la volonté d’occuper le plus vite possible une place profitable sur les marchés. L’écologie scientifique n’est pas au service des multinationales, elle cherche à éclairer les décisions politiques. Ainsi le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) n’a pas à émettre de recommandations, mais doit réaliser une expertise du savoir acquis et des questions sans réponses afin d’éclairer les décisions prises par les gouvernements.

Sylvestre Huet fait le point sur son blog*, les choses sont complexes. Au niveau du constat scientifique, il y a les bons OGM et les autres. L’usage de semences de coton transgéniques dites « Bt » (pour bactérie bacillus thurengiensis), résistants aux insectes ravageurs, a permis une diminution des épandages d’insecticides et une augmentation des populations d’insectes auxiliaires (coccinelles, araignées, chrysopes) prédateurs des ravageurs. A l’inverse, les semences rendues tolérantes aux herbicides à base de glyphosate ont conduit à l’augmentation de l’usage de ce produit, et à la captation de parts de marché et de profits importants pour Monsanto. Au niveau social, le succès de la lutte contre les plantes transgéniques en Europe de l’ouest n’a en rien atténué l’évolution du monde agricole vers la concentration des exploitations et la captation de la valeur crée par les agriculteurs par les géants de l’agroalimentaire et de la distribution. Sylvestre Huet pose alors la vraie question : quel modèle agraire pour quelles productions voulons-nous ? Une agriculture industrielle hyper-capitaliste ou une agriculture de petits paysans indépendants ?

Lors de la présidentielle 1974, le programme de René Dumont remettait déjà en question l’agriculture intensive : L’agriculture sur-industrielle stérilise le sol, déséquilibre les plantes cultivées et leur ôte toute résistance, face à leurs ennemis naturels, ce qui rend nécessaire l’emploi d’une quantité de pesticides, insecticides, fongicides. Les marchands d’insecticides et d’engrais, comme par hasard, sont les mêmes. La solution, c’est de régénérer les sols par des façons culturales qui stimulent l’activité bactérienne dans l’humus ; par une polyculture raisonnable ; par la protection de la flore et de la faune sauvages ; par le respect de l’équilibre écologique qui va du minéral à l’homme en passant par toutes les formes de vie microbienne, végétale et animale ; par la diversité des cultures avec priorité à la production vivrière pour le marché intérieur et non monoculture destinée à l’exportation. Nous avons tourné le dos à ce programme. Dès la signature du traité de Rome en 1957, la Communauté économique européenne (CEE) a mis en place une politique agricole commune (PAC), dont les objectifs étaient multiples : accroître la productivité de l’agriculture, garantir la sécurité des approvisionnements agroalimentaires, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés et assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Mais les mécanismes de soutien différencié par des prix garantis ont surtout incité à produire et à exporter à bas prix les productions protégées et à ne plus produire assez de légumineuses et protéagineux. La recherche incessante de compétitivité est allée de pair avec une intensification et une spécialisation exagérée des systèmes de production agricole. Cette agriculture productiviste se révèle aujourd’hui destructrice pour l’environnement et génératrice d’exclusion pour les hommes. D’où le départ des paysans vers les villes et la désertification de régions entières.**

* http://huet.blog.lemonde.fr/2016/05/20/peril-sur-le-haut-conseil-des-biotechnologies/

** Cette thématique sera développée dans un livre de Michel Sourrouille à paraître en juillet, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » aux éditions Sang de la Terre.

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Le siècle des ghettos et de l’invisibilité des pauvres

Nous considérons l’effondrement moins comme un évènement que comme un processus qui a déjà débuté et qui mène à une situation d’apartheid permanent entre d’une part des populations privilégiées ayant les moyens de sauvegarder leur niveau de vie et d’autre part le reste du monde, victime d’un marasme économique, de calamités naturelles ou de guerres dévastatrices.

En fait, la séparation entre riches et pauvres est déjà une réalité dans de nombreux endroits, et clairement visible dans l’espace géographique. La comparaison de l’espérance de vie entre les quartiers d’une même ville est dans bien des cas révélatrice du fossé se creusant entre classe populaires et élites. Cette différence atteignait vingt-huit ans en 2008 entre un enfant né dans un quartier riche de Glasgow au sud et à l’ouest et un autre né dans un quartier à l’est. Un élément vicieux de cette situation de société à deux vitesse est le cloisonnement spatial. La prolifération de quartiers privés révèle cette tendance. Le terme de Gated community désigne ce genre d’enclave résidentielle fermée. Il y a une homogénéisation choisie, que Thierry Paquot appelle ghettos de riches. Cette façon de vivre volontairement entre quatre murs est de plus en plus présente aux quatre coins du monde : peu importe que le contexte se détériore, puisqu’il est invisible, derrière des murs. En permettant d’ignorer l’environnement, elle contribue à sa dégradation. Ajoutons à cela la stigmatisation qui s’amplifie, puisque la pauvreté est concentrée sur un espace délimité, renforçant l’isolement de la zone concernée et sa dangerosité. Cela induit une solidarité restreinte et accroît la méfiance vis-à-vis des «autres». Cela accentue le décalage entre les éloges faites à la mondialisation par une frange de la population intégrée à l’espace mondialisé et une autre partie «assignée à résidence», ne pouvant que contempler les effets négatifs de la globalisation sur son quotidien. Dans bien des destinations, le tourisme n’est organisé que par une séparation entre ceux qui ont les moyens et les autres. Ces bulles touristiques dépourvues de promiscuité avec les classes populaires, ont une armée d’employés mal payés à leur service faisant tourner la machine de l’irréalité.

Comme l’affirme le documentaire «Bunker Cities», le XXIe siècle sera le siècle des murs. D’Israël aux États-Unis en passant par le Bangladesh, le Zimbabwe et plus récemment la Hongrie, la fortification des murs a le vent en poupe. Cette tendance va s’accentuer sous l’effet des catastrophes à venir. Ainsi le mur érigé par l’Inde le long de sa frontière avec le Bangladesh risque fort de se consolider dans les années à venir avec la montée des océans, puisqu’une partie du territoire bengali se trouve au-dessous du niveau de la mer. La ghettoïsation est à la fois une cause et une conséquence du déclin des pouvoirs publics dans leur gestion du territoire. La démocratie est vidée de sa substance et les grands débats de société sont constitués de discussion technocratique dont est exclu toute voix dissidente : il suffit de voir l’érection de barrières et de dispositifs de sécurité pour séparer les grandes rencontres internationales des mobilisations populaires. Des murs partout ! Nous aurons ainsi un monde composé d’îlots de civilisation dans un monde en ruine, lesquels useront de la force militaire pour repousser les réfugiés climatiques. La tragédie de cette histoire est que les exclus sont tiraillés dans des luttes intestines identitaires ou séparatistes au lieu de faire cause commune.

(extraits du livre «De quoi l’effondrement est-il le nom ?» (Renaud Duterme)
éditions utopia 2016, 144 pages pour 8 euros

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Charte de l’environnement de 2005, elle est déjà oubliée

Le 28 février 2005, la Charte de l’environnement était approuvée par les parlementaires français réunis en Congrès pour lui donner une valeur constitutionnelle : « Aux côtés des droits de l’homme de 1789 et des droits sociaux de 1946, et au même niveau, nous allons reconnaître les principes fondamentaux d’une écologie soucieuse du devenir de l’homme ». Il est heureux de voir enfin un texte souligner le fait que les êtres humains ont aussi des devoirs, et pas seulement des droits.

« Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.

« Art. 3. – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

« Art. 4. – Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.

« Art. 6. – Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.

« Art. 8. – L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.

« Art. 9. – La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement.

source : https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Charte-de-l-environnement-de-2004 )

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Un programme écologiste d’avant-garde… en 1972

Dans tout système fini, il faut qu’il existe des contraintes dont l’action contribue à l’arrêt de la croissance exponentielle. Nous demandons que le nombre de bébés à naître au cours d’une année donnée ne soit pas supérieur au nombre de morts prévisibles la même année. Lorsque l’amélioration de l’alimentation et de l’hygiène entraînent une réduction supplémentaire de la mortalité, il faut encore faire baisser d’autant le taux de natalité. Un état d’équilibre ne sera pas exempt de contraintes, aucune société ne peut les éviter. Il nous faudra renoncer à certaines de nos libertés, comme celle d’avoir autant d’enfant que nous le souhaitons.

Nous pouvons stabiliser le niveau des investissements en posant pour principe que le taux d’investissement reste égal au taux de dépréciation du capital. L’indice de la production industrielle étant stabilisé, toute amélioration de la productivité devrait avoir pour résultat des loisirs supplémentaires qui seraient consacrés à des activités peu polluantes et ne nécessitant pas de consommation notable de matières premières non renouvelables. La fonction la plus importante d’un monde en équilibre sera de distribuer et non plus de produire. L’état d’équilibre prélèvera moins de nos ressources matérielles, mais en revanche exigera beaucoup plus de nos ressources morales. Les données dont nous aurions le plus grand besoin sont celles qui concernent les valeurs humaines. Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit commencer à procéder à des choix. Doit-il y avoir davantage de naissances ou un revenu individuel plus élevé, davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourritures pour les pauvres ou encore plus de services pour les riches ? L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses à ces questions et à traduire ces réponses en un certain nombre d’orientations. Si après nous avoir lu, chacun est amené à s’interroger sur la manière dont la transition doit s’opérer, nous aurons atteint notre objectif premier.

Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement.

[Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology)

Limits to Growth, édition Fayard 1972 sous le titre Halte à la croissance ?)]

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Un programme écologiste d’avant-garde… en 1971

Ce serait une étrange erreur que penser conserver la Nature en maintenant inchangé le système économique qui la détruit. Matérialisme, libéralisme, urbanisation aggravent en effet considérablement la pénurie de Nature résultat de l’encombrement de l’espace par la croissance démographique et économique. Tant que notre civilisation matérialiste donnera au milieu naturel une grande valeur lorsqu’il est détruit, une valeur faible lorsqu’il est sauvegardé, comment s’étonner qu’il disparaisse ?

La seule réponse, la clef de voûte de cette construction nouvelle est la socialisation de la Nature. Ce serait reconnaître qu’elle est le bien commun universel, qu’elle doit être ouverte à tous et que son maintien est une mission de service public. D’où la nécessité d’affecter une forte part du Revenu National à un « budget de la Nature » et d’en faire supporter le poids principal aux responsables des nuisances : les pollueurs doivent être les payeurs. Cette civilisation nouvelle devra donner la primauté aux biens immatériels sur les biens matériels, au socialisme sur le libéralisme, à la ruralisation sur l’urbanisation.

[Philippe Saint Marc, Socialisation de la nature (Stock, 100 000 exemplaires vendus en 1971)]

En 1972, René Richard propose à Philippe Saint-Marc de rédiger une charte de la nature. L’objectif est double. Il s’agit d’abord de mobiliser l’opinion publique autour d’un projet de protection de la nature et, par ce biais, de faire pression sur les pouvoirs publics. Il s’agit également de provoquer chez les associations de protection de la nature un « saut qualitatif », en les amenant à prendre en compte l’ensemble du champ de l’environnement, concept neuf à l’époque. Il faut près d’un an et une vingtaine de réunions pour élaborer cette charte qui paraît le 14 novembre 1972. La charte recueille environ 300 000 signatures dont celle de François Mitterrand.

ART. 1 Le droit à la Nature doit être l’un des fondements de toute civilisation. Il est l’une des conditions de sa survie et de son progrès.

ART. 2 -Sur une terre où l’homme détruit de plus en plus, la surpopulation est incompatible avec la sauvegarde du milieu naturel.

ART. 3 Qui détruit la Nature doit payer : une taxation de toutes les formes de nuisances doit faire payer aux responsables le prix de la prévention ou sinon de la réparation.

ART. 10 L’écologie ignore les frontières politiques. La Protection de la Nature exige une communauté d’action à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale et la renonciation aux souverainetés nationales. Elle nécessite la constitution d’Autorités internationales disposant de pouvoirs réels et de crédits importants.

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Que faire ? Nous le savons depuis quarante cinq ans

Nous savons que la Terre et tous ses habitants sont mal en point et que nos problèmes se multiplieront si nous négligeons de les résoudre. Dans les années 1940, quand fut décidé la fabrication de la bombe atomique en deux ans, les Etats-Unis ont investi deux milliards de dollars et mis à l’œuvre les spécialistes du monde entier. Dans les années 1960, les Etats-Unis ont dépensé entre vingt et quarante milliards de dollars pour gagner la course vers la lune. Il est certain que les recherches à propos de la survie de l’humanité l’emportent de loin sur la recherche atomique et spatiale. Il faut les entreprendre sans délai à la même échelle, et avec une conscience plus aiguë de leur caractère d’urgence. Nous en appelons à l’action en même temps qu’à la recherche.

– Différer l’application des innovations technologiques dont nous ne sommes pas en mesure de prévoir les effets et qui ne sont pas indispensables à la survie de l’humanité. Ce qui inclurait les nouveaux types d’armement, les transports superfétatoires, les nouveaux pesticides dont les effets sont inconnus, la fabrication de nouvelles matières plastiques, l’implantation de grands complexes d’énergie atomique, etc. A quoi il faut ajouter les grands travaux dont les conséquences écologiques n’auraient pas été préalablement étudiées, les barrages, la « récupération » des jungles, les plans d’exploitation sous-marine, etc.

– Recycler largement certains matériaux pour éviter d’épuiser les ressources ; établir rapidement des accords internationaux sur la qualité de l’environnement, accords sujets à révision au fur et à mesure que seront mieux connus les besoins ; travailler à freiner l’augmentation démographique dans le monde entier en prenant garde de ne pas attenter aux droits civils. Il faut que de tels programmes soient assortis d’une baisse du niveau de la consommation des classes privilégiées, et que soit assurée une répartition plus équitable des ressources.

Nous vivons en système clos, totalement dépendants de la Terre, et pour notre vie et pour la vie des générations à venir. Tout ce qui nous divise est infiniment moins important que ce qui nous lie et le péril qui nous unit. Nous croyons que l’homme ne gardera la Terre pour foyer que si nous écartons enfin ce qui nous divise.

(Ce message, signé par 2200 hommes de science de 23 pays, a été remis à U Thant, Secrétaire général des Nations Unies le 11 mai 1971. Il était adressé aux « trois milliards et demi d’habitants de la planète Terre ». C’est le message de Menton, ainsi nommé parce qu’il fut rédigé au cours d’une réunion qui s’est tenu dans cette ville française)

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Boues rouges, un scandale qui dure depuis près de 50 ans

En 1974 : « Seule la candidature à la présidentielle de René Dumont apporte une dénonciation cohérente d’une société caractérisée par… un ministère de l’Environnement en trompe-l’œil qui aurait, selon les avocats de la Montedison, été d’accord pour que cette entreprise déverse ses boues rouges au large de la Corse. » (LE MONDE du 25 avril 1974)

En 2016 : « Après cinquante années de rejet de boues rouges dans les calanques, Alteo aurait dû cesser tout déversement au 31 décembre 2015. Invoquant des contraintes techniques et un procédé de dépollution totale nécessitant encore six années pour être mis au point, l’exploitant de l’usine a obtenu l’autorisation de rejeter chaque jour jusqu’à 270 m3 par heure d’effluents liquides contenant 53 substances polluantes. Pour six d’entre elles, l’usine est autorisée à dépasser pendant six ans les valeurs limites d’émissions fixées par un arrêté ministériel de février 1998. L’arrêté permet entre autres le rejet annuel de 4 tonnes d’arsenic…. » (Le Monde.fr | 26 février 2016)

Henry Augier, président d’Union Calanques littoral, est « le porte-parole de milliers de personnes écœurées de voir qu’on dresse un procès-verbal à un promeneur qui cueille une fleur mais que, dans le même parc national, on laisse un industriel polluer, déverser des effluents contenant des produits toxiques et indestructibles ».

Le préfet des Bouches-du-Rhône et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) se sont défendus, devant le tribunal, « de tout laxisme … ». Ils se contentent de peu !

Le premier ministre Manuel Valls veut continuer à polluer la Méditerranée avec les boues rouges. Le préfet lui obéit. La ministre de l’écologie, fière de se limiter dorénavant à « l’environnement », a de fortes chances de ne pas réagir : les intérêts économiques de court terme l’emportent de loin, pour ce gouvernement Hollande, sur les nécessité écologiques de long terme.

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Un référendum à NDDL sans considération des «affectés»

Acteur absent (ou tiers absent), acteur qui ne peut prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations. EXEMPLE : milieu naturel, êtres vivants non humains, générations futures. (Dictionnaire du développement durable, AFNOR 2004). Nous essayons de polariser sur ce blog cette notion, ainsi notre article « La démocratie représentative élargie aux acteurs absents ». Nous sommes heureux de lire dans LE MONDE que nous pouvons appliquer cette notion à la démocratie participative. Sauf que les acteurs absents sont appelé ici « les affectés ».

«  L’annonce par François Hollande d’un référendum local pour décider de l’avenir du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (est une nouvelle preuve qu’il n’y a jamais eu de virage écologique au sein de l’exécutif. C’est le choix d’une procédure qui tente de réduire à un banal conflit local ce qui est aussi la cristallisation d’un enjeu global. Contre ce projet, les opposants ont souvent dénoncé la destruction de l’environnement local. Dans le même temps, ils n’ont eu de cesse de dénoncer la contribution de cette destruction locale à l’érosion globale de la biodiversité. De même, ils n’ont cessé de dénoncer la contribution du développement du trafic aérien au réchauffement global. C’est l’un des traits les plus particuliers de la pensée écologiste que de toujours s’efforcer de mettre au jour les interactions entre le local et le global. Chercher ce que serait une démocratie écologique, c’est accepter l’idée que l’irruption de la crise écologique globale nous contraint à réévaluer nos théories et routines.

Dans les années 2000, la politologue australienne Robyn Eckersley a tracé les grands traits de ce que serait une «démocratie pour les affectés» : une démocratie qui prêterait attention aux intérêts de toutes les parties potentiellement affectées par la décision. Au moins trois catégories d’affectés se trouvent, de fait, exclus par le choix du président Hollande. L’ensemble des humains vivant aujourd’hui sur cette Terre commencent d’ores et déjà à subir les effets très concrets du réchauffement global. Rappelons que plusieurs milliards de personnes sur Terre n’ont jamais pris l’avion et ne mettront jamais les pieds à Notre-Dame-des-Landes. Ils n’en subissent pas moins les canicules, sécheresses, ouragans, inondations et autres phénomènes extrêmes que le projet d’aéroport se propose d’accentuer. Faire le choix du référendum local, c’est oublier sciemment la dimension globale des conséquences de l’aéroport, en excluant du processus décisionnel tous ceux qui subissent les effets du réchauffement sans tirer aucun bénéfice du transport aérien. Il y a aussi les générations futures, qui subiront plus encore les conséquences du réchauffement global. Faire le choix du référendum local, c’est oublier la dimension transgénérationnelle du bouleversement en cours, sans souci des générations qui vivront les effets monstrueux du transport aérien longtemps encore après l’épuisement des énergies fossiles. Enfin, il y a les non-humains. Les sociétés thermo-industrielles, mues par l’utilisation massive des énergies fossiles, se sont engagées sur la voie d’une nouvelle extinction de masse à l’échelle planétaire, dont les causes comptent à la fois la dégradation des habitats et le réchauffement global.

Le référendum local n’est pas un dispositif suffisant pour donner corps à une démocratie écologique. »

* LE MONDE du 26 février 2016, Notre-Dame-des-Landes : « Ce référendum relève de l’aberration écologique »

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Une journée dans le monde, dur dur la vie sur Terre

L’activité humaine est responsable de bien plus que la moitié des périls qui nous guettent sur cette planète :

Le Monde.fr | 24.02.2016, Durement touché par El Niño, le Lesotho craint la famine

… Le phénomène climatique El Niño, l’un des plus puissants des dernières décennies, frappe durement l’Afrique australe. Dans la partie sud du continent, 14 millions de personnes pourraient manquer de nourriture en 2016… Dans les foyers, la faim se fait déjà cruellement sentir….

Le Monde.fr | 24.02.2016, Péril acide sur les coraux

… En plus d’être responsables de changements climatiques, les gaz à effet de serre en excès perturbent la chimie des océans, les rendant plus acides. Cette acidification de l’eau menace particulièrement les écosystèmes fragiles…

Le Monde.fr | 24.02.2016, Le virus Zika progresse aux Antilles

… La progression du virus est fulgurante. Placée en phase 3 de l’épidémie depuis le 20 janvier, la Martinique enregistre à ce jour un peu plus de 6 050 cas cumulés…

LE MONDE | 24.02.2016, Avec l’huile de palme, l’Afrique est rattrapée par la déforestation

… Nouveau terrain de jeu des industriels du palmier à huile et de l’hévéa, l’Afrique devient aussi la nouvelle frontière de la déforestation. En transformant des dizaines de milliers d’hectares de forêts en plantations, ces investisseurs mettent à mal des massifs forestiers qui constituent d’immenses puits de carbone et des réserves de biodiversité uniques au monde…

Le Monde.fr | 24.02.2016, Pérou : fuite massive de pétrole dans deux cours d’eau

… Le Pérou fait face à une catastrophe écologique d’ampleur : la rupture du principal oléoduc péruvien a entraîné la fuite de l’équivalent de 3 000 barils de pétrole dans deux cours d’eau amazoniens du pays…

LE MONDE ECONOMIE | 24.02.2016, Nucléaire : imbroglio sur le coût du démantèlement

… La France n’a pas provisionné assez d’argent pour gérer ses déchets radioactifs et démanteler ses installations, notamment les 58 réacteurs exploités par EDF. L’accusation figure une nouvelle fois dans un document de la Commission européenne…

LE MONDE | 24.02.2016, Accusé de cruauté sur des animaux, un abattoir est fermé dans le Gard

…Quatre mois après le scandale de l’abattoir d’Alès, l’association L214 a dévoilé, mardi 23 février, les coulisses d’un autre établissement situé dans le même département du Gard et certifié en bio…

Le Monde.fr avec AFP et AP | 24.02.2016, Aux Etats-Unis, 14 cas de transmission du virus Zika par voie sexuelle

… Zika est soupçonné de provoquer des malformations congénitales chez le fœtus, surtout de la microcéphalie. Il n’existe encore ni vaccin ni antiviral spécifique contre cet agent viral de la même famille que les virus de la dengue, du chikungunya, et du Nil occidental. Son principal mode de transmission reste, pour l’heure, la piqûre d’un moustique infecté…

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Un aménagement du territoire sans aucune cohérence

Les politiques d’aménagement du territoire doivent se réorienter à cause des enjeux écologiques et énergétiques. Destinés au départ à faciliter l’accès des citoyens aux services publics, à l’emploi au logement et aux déplacements, ils doivent s’orienter vers l’aménagement durable des espaces urbains, agricoles et naturels sans occupation croissante de l’espace. C’est d’ailleurs ce que prévoit la loi d’orientation et d’aménagement du territoire de 1999, qui a intégré la qualité de la vie et la protection de l’environnement. Pourtant l’aménagement du territoire tel qu’il se poursuit aujourd’hui continue à favoriser l’artificialisation de l’espace au détriment des paysages et des écosystèmes. Ce n’est pas faute d’outils institutionnels (DIACT, ex-DATAR, plans d’urbanisme, lois sur la protection de la nature, loi littoral, loi montagne, loi paysage et même CIADT (Comité interministériel d’aménagement du territoire). A la profusion et à la complexité des lois, à leur affaiblissement par le parlement, à leur manque de suivi, voire à leur non-application par manque de contraintes, s’ajoutent un trop grand nombre de niveaux de décision et une dispersion excessives des responsabilités : commune, département, région, Etat, Union européenne. A l’évidence, il faut simplifier les procédures.

Une triple rupture doit s’accomplir, avec la course aux infrastructures de toutes sortes, avec la tendance à un étalement urbain continu, avec une agriculture de plus en plus industrialisée. Il faut décréter un moratoire sur les projets d’infrastructures et d’équipements, y compris dans les DOM-TOM. Décider par exemple que la desserte autoroutière et routière est désormais suffisante en France qui détient déjà l’un des réseaux parmi les plus denses du monde. les élus doivent comprendre que leur rôle n’est plus de lancer des projets de « développement » à base d’équipements lourds, mais de mettre en place une gestion du territoire compatible avec la nécessaire sobriété énergétique et la conservation des services rendus par les écosystèmes. Un inventaire du patrimoine naturel doit être fait pour servir de référence incontestée lors des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des schémas de cohérence territoriale (SCOT).

Il faut aussi rompre avec la logique de périurbanisation. Combien pèsent les enjeux écologiques face aux projets d’intérêt général (PIG), qui répondent aux demandes de rocades, de voies ferrées à grande vitesse, le surfaces dédiées au commerce… La limitation drastique de l’expansion périphérique des villes devrait, désormais, figurer comme la priorité des priorités. Il s’agit en somme d’abandonner la traditionnelle politique de séparation des fonctions : zones résidentielles, zones économiques, zones commerciales, zones de loisirs. Il faut s’employer à la densification de petits pôles urbains. Une charte pour l’élaboration des documents d’urbanisme pourrait donner des consignes strictes en l’accompagnant d’un contrôle par l’Etat quant à la consommation d’espace périurbain.

Source : Le pacte écologique de Nicolas Hulot (avec le Comité de veille écologique)

Editions calmann-lévy 2006

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Les agriculteurs sont dans la merde, comment en sortir ?

Lors de la signature du traité de Rome en 1957, la Communauté économique européenne (CEE) a mis en place une Politique agricole commune (PAC) dont les objectifs étaient multiples : accroître la productivité de l’agriculture, garantir la sécurité des approvisionnements agroalimentaires, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés et assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Mais les mécanismes de soutien différencié par des prix garantis ont surtout incité à produire et à exporter à bas prix les productions protégées et à ne plus produire assez de légumineuses et protéagineux. La recherche incessante de compétitivité est allée de pair avec une intensification et une spécialisation exagérée des systèmes de production agricole. Cette agriculture productiviste se révèle aujourd’hui destructrice pour l’environnement et génératrice d’exclusion pour les hommes. D’où le départ des paysans vers les villes et la désertification de régions entières.

Pourtant, à l’opposé de la démarche impulsée par les entreprises agro-industrielles et les grands céréaliers, démarche amplifiée par la grande distribution et la demande de nourriture à bas prix, certains paysans se sont efforcés de fournir des produits du terroir, de préférence biologiques, en pratiquant des systèmes de culture et d’élevage diversifiés. Un gouvernant doit favoriser cette agriculture durable et à circuit court en ouvrant le marché de la restauration collective et des associations de solidarité. Plus généralement la PAC devrait viser prioritairement la réalisation des objectifs suivants :

– Assurer l’augmentation de la population agricole dans la perspective d’une augmentation du prix de l’énergie fossile

– Faire en sorte qu’il y ait des prix justes et rémunérateurs.

– Veiller à ce que les systèmes de production agricole ne mettent pas en péril les potentialités productives des écosystèmes sur les moyen et long termes.

– Redonner aux paysans la capacité de sélectionner eux-mêmes leurs semences.

Dans cet esprit l’INRA (Institut national de recherche agronomique) devra orienter ses travaux en mettant préférentiellement l’accent sur le rapprochement entre les sciences sociales et la biologie intégrative, la compréhension des cycles écologiques et le fonctionnement des agrosystèmes, et l’accompagnement des innovations paysannes en faveur de systèmes de production agricole plus durables. Au final, la rentabilité de systèmes agricoles devrait être évaluée globalement, de façon à ne pas prendre en compte les seuls coûts monétaires mais à intégrer aussi la multifonctionnalité de l’agriculture ainsi que leur impact écologique.

Source : Le pacte écologique de Nicolas Hulot (avec le Comité de veille écologique)

Editions calmann-lévy 2006

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L’ONU et ces humains en état de guerre permanente

Des archéologues ont découvert au Kenya les dépouilles des victimes d’un féroce combat, qui s’est déroulé il y a 10 000 ans. Ils étaient un peu moins d’une trentaine, des hommes, des femmes, dont l’une enceinte, et quelques enfants. Morts au combat, ou simplement massacrés. Un homme le genou cassé, une pointe de flèche fichée dans le crâne. Ces populations étaient des nomades, vivant de chasse et de cueillette. Dans deux anciens cimetières d’environ 9 000 ans en Roumanie, environ un tiers des défunts avaient été atteints par des flèches et autres projectiles. Il n’y a pas de « bon sauvage », il y a tout au long de la préhistoire des signes de violence*. Dans une vallée allemande il y a environ 3200 ans, des ossements et des armes marquent le lieu d’un champ de bataille en Europe pendant la troisième période de l’âge du bronze. La bataille semble avoir opposé des tribus d’origines géographiques différentes**. La notion de territoire et de recherche de territoire faisait déjà ces ravages, même pour de petits groupes. À partir de cette époque, les archéologues retrouvent de plus en plus de sites fortifiés et d’hommes enterrés avec des lances, des haches, des hallebardes ou des poignards. Au XXe siècle les massacres localisés ont fait place à deux guerres mondiales.

A l’issue de la seconde guerre mondiale la mission centrale de l’ONU, inscrite dans sa charte, reste la paix et la sécurité internationales***. Soixante-dix ans plus tard, pourtant forte de ses 193 Etats membres, l’ONU a connu bien des tragédies : l’impossible réconciliation israélo-palestinienne, un génocide rwandais qui a fait 800 000 morts en cent jours, le massacre de Srebrenica où la population était normalement sous protection des casques bleus, plus récemment, les fiascos libyen, ukrainien et sud soudanais, la crise syrienne et ses 250 000 morts en près de cinq ans, l’émergence de l’organisation terroriste Etat islamique… pourtant jamais l’ONU n’a été aussi indispensable. Si l’ONU n’existait pas, la situation serait encore plus désastreuse. Comme le disait Dag Hammarskjöld qui fut son ecrétaire général de 1953 à 1961, l’ONU rester le lieu indispensable de la diplomatie, « pas pour nous faire accéder au Ciel, mais pour nous sauver de l’enfer ».

Mais la réponse institutionnelle à l’état de guerre permanente n’est rien si on ne transforme pas les ressorts psychologiques des citoyens et le contexte socio-écologique. La cause profonde des conduites les plus cruelles est beaucoup moins le sadisme de quelques individus que la soumission collective à l’autorité. La connaissance des mécanismes de la soumission à l’autorité dans la plupart des sociétés peut permettre à une personne de se détacher des commandements proférés par sa société d’appartenance. C’est seulement à ce prix que tu peux accéder à une véritable liberté et désobéir en toute connaissance de cause. Désobéir à la militarisation des conflits résulte d’un contre-conditionnement. Utilisez simplement, dit Gandhi, ce petit mot magique qui existe dans toutes les langues : « non ». Ma tâche sera terminée, ajoutait-il, si je réussis à convaincre l’humanité que chaque homme ou chaque femme est le gardien de sa dignité et de sa liberté. Encore faut-il que le contexte économique et écologique s’y prête. Or il y a de fortes chances aujourd’hui que commence une période de grandes turbulences, marquée par des crises financières à répétition liées à l’épuisement des ressources naturelles. Agir pour la paix, c’est aussi revendiquer l’objection de croissance, la préoccupation écologiste et la décentralisation politique. La paix, c’est comme la démocratie, elle ne peut être imposée de l’extérieur, elle résulte d’une maturité des peuples qui ont pris goût à leur autonomie alimentaire et énergétique.

Autant la défense nationale armée convient à une société hiérarchisée, orientée vers la production et la consommation de masse, autant la défense civile n’est concevable qu’au sein d’une société décentralisée dans tous les domaines, relativement égalitaire, organisée en unités de vie et de production autonomes.

* http://archeo.blog.lemonde.fr/2016/01/20/decouverte-de-la-plus-ancienne-bataille/

** http://www.larecherche.fr/savoirs/archeologie/champ-bataille-age-du-bronze-01-01-2012-88367

*** LE MONDE du 19 janvier 2016, L’ONU face aux guerres du XXIe siècle

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Comment représenter les forêts, les pôles et les océans ?

Nous les écologistes, nous voulons être les représentants des acteurs absents, ceux qui ne participent pas à nos délibérations démocratiques, c’est-à-dire les éléments de la biosphère, les générations futures, les non-humains. Un texte de Bruno Latour* recoupe cette nouvelle conception de la démocratie représentative, sauf qu’il semble ignorer l’existence de l’expression « acteurs absents », pourtant officialisé par le dictionnaire AFNOR de 2004.

« Les Nations unies rassemblent tous les pays, et, par conséquent, le territoire légal de ces nations. Toutefois, même si vous regardez une carte politique du monde, vous vous apercevrez aussitôt que toutes ces nations mises ensemble ne recouvrent pas le globe terrestre. Ni l’océan ni les pôles n’entrent dans ces frontières. Si vous regardez plus attentivement et passez d’une carte administrative à une carte géologique ou météorologique, vous verrez clairement que de vastes pans de l’existence terrestre, dont pourtant les nations dépendent, ne sont représentés par personne : ni l’atmosphère, ni le pétrole, ni le charbon, ni les animaux, ni les forêts. Plus curieux encore, les sols, dont le soin et le maintien sont indispensables à la définition même d’un territoire, n’ont pas de représentants officiels, si bien qu’on peut les piller comme s’ils ne formaient pas le socle de l’Europe, de la Chine ou de l’Ethiopie.

Si l’on définit le territoire par ce dont on dépend pour subsister, ce que l’on est prêt par conséquent à défendre, ce qui a des bords à peu près délimités et que l’on est capable de représenter par des sentiments, des cartes, des chiffres et des récits, on s’aperçoit que le système des Nations unies n’a rassemblé jusqu’ici que les Etats. Or les Etats, on l’a compris avec la lenteur des décisions sur le climat, poursuivent les intérêts des populations humaines, mais nullement des territoires dont ceux-ci dépendent. Le système de sécurité mondiale est donc schizophrène : on prétend protéger des populations que l’on prive de leurs conditions d’existence. Les Etats sont pensés hors sol, à peu près comme on cultive des salades hydroponiques…

On objectera qu’il est difficile de faire représenter les forêts, les océans, les animaux sauvages, le phosphore ou le pétrole, par un humain parlant, puisqu’ils sont muets et sans voix. L’objection est doublement fallacieuse : il existe d’innombrables moyens de les faire parler – c’est d’habitude ce qu’on appelle les sciences des forêts, des océans, des sols et de la terre ; et, d’autre part, si l’on peut représenter la « France » ou le « Canada », qui sont des êtres de raison, on doit pouvoir représenter l’atmosphère, dont le découpage est sûrement moins arbitraire…Représenter, c’est toujours donner à un individu, à une personne physique, la tâche d’incarner le collectif, la personne morale. Tant que les territoires véritables dont nous dépendons ne sont pas représentés dans une deuxième Chambre par des individus en chair et en os, nous n’entendrons pas les protestations de l’océan, la révolte des sols, l’indignation des bêtes. Par conséquent, nous serons incapable de définir nos propres intérêts. Les populations resteront sans défense. »

* LE MONDE du 19 janvier 2016, Bruno Latour : Comment représenter les forêts, les pôles et les océans

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Le profit privé est incompatible avec le bien commun

Dans une problématique de basculement d’écosystèmes, comment investir ? Pourquoi les entreprises financeraient-elles un risque dont les bénéfices dépassent leur seule sphère d’intérêt ? Construire un futur souhaitable suppose de réorienter le mode de management des entreprises. Aucun acteur isolé ne peut réussir une action écosystèmique. Mais des relations d’alliance entre les entreprises peuvent remettre en question la concurrence. La logique devient coopérative et sectorielle. Un objectif commun est défini, par exemple réaliser tel montant d’économies de carbone. Les entreprises investissent dans l’infrastructure nécessaire, les banques prêtent aux entreprises, l’Etat mène les politiques fiscales et incitatives adéquates.

Bravo, enfin un économiste qui proclame la fin inéluctable de la compétitivité. Mais Philippe Lukacs* ajoute que « lorsque le palier de rentabilité sera atteint, le consortium sera démantelé ». A partir de la date convenue, les entreprises sont rémunérées sur les économies réalisées et les banques sont remboursées. Tout redeviendra comme avant, on continuera de piller les biens communs ! Nous le voyons avec le climat, nous le voyons avec les océans. Les océans seront exploités à 100 % pour les bénéfices personnels de certaines nations, de certaines flottes, de certains individus, etc. Et le bien commun disparaît. Bien commun et logique du profit sont absolument incompatibles.

Philippe Lukacs ne s’imagine pas à quel point une transition écologique réussie bouleverserait les règles du libéralisme économique. Promouvoir le bien commun plutôt que le profit, c’est vouloir la coopération plutôt que la compétition, l’équilibre écologique plutôt que l’expansion économique. Il nous faut un Etat qui pose la prévention de l’effondrement de la biosphère comme but de la politique humaine dans le demi-siècle à venir. Appelons partout à la régulation, à la réglementation et à la logique coopérative. Les entreprises ne doivent pas désirer le profit pour leur propre compte, mais doivent toujours rechercher le bien commun au travers de leurs activités particulières. La concurrence doit être bannie du système économique. D’ailleurs tout système concurrentiel amène comme par hasard à des regroupements monopolistiques ! Pensez à l’achat en cours de Bouygues télécoms par orange. On se demande bien pourquoi on a démantelé le monopole des postes et télécommunications… Pour le profit de quelques-uns !!!

* LE MONDE économie du 8 janvier 2016, Du profit de l’entreprise au bien collectif
Philippe Lukacs est l’auteur de Stratégie pour un futur souhaitable (Dunod, 2008)

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Une très bonne nouvelle, la croissance mondiale patine

Les instances officielles et les médias n’ont pas encore intégré que l’ère de la croissance économique était terminée ! Dans ses Perspectives économiques mondiales du 6 janvier 2016, la Banque mondiale mise désormais sur une croissance mondiale limitée à + 2,9 % en 2016. Les taux de croissance des pays émergents, moteur de l’économie mondiale dans les années 2000, déclinent depuis cinq ans. « Rien de bien enthousiasmant », s’exclame LE MONDE* : « La faiblesse persistante des échanges commerciaux, insiste la Banque mondiale, réduit les opportunités d’exportation et les possibilités de faire des gains de productivité grâce à une plus grande spécialisation et la diffusion des technologies. Autrement dit, c’est une mauvaise nouvelle pour la croissance. » Les commentateurs sur lemonde.fr sont bien plus perspicaces que les analystes orthodoxes. Exemples :

Ulysse : « on ne voit toujours pas ce qui pourrait permettre à la croissance mondiale de retrouver de l’allant.  » Et si c’était le début de la fin de la croissance ? n’est ce pas bon pour le climat ? il y aura moins de CO2 de rejeter.

Gaspard : Enfin une bonne nouvelle !

Klyden : Croissance en berne, c’est bon pour le climat.

FE : C’est un peu bizarre, d’invoquer comme ça sans arrêt le Dieu Croissance… Telle qu’elle se conçoit et se calcule aujourd’hui, la croissance est le problème, pas la solution ! De toute façon, comment prôner une croissance infinie basée sur des ressources naturelles finies, et pour la plupart de plus en plus proches de l’épuisement ? Il va bien falloir repenser tout ça. Le plus tôt sera le mieux. Mais ça aura l’impact d’une guerre mondiale sur nos existences quotidiennes…

Cynique du bon sens : Jusqu’au jour où la croissance sera négative : toute courbe de vie connaît une inflexion. C’est alors que nous entrerons dans la post-modernité ! Il faudra alors changer de paradigme (celui de la survie ?) et des indicateurs comme le PIB seront tout à fait obsolètes, relégués dans un musée de l’Histoire qui a connu tant de périodes de folie.

Minus : Le dogme de la croissance est de toute façon une impasse : allez voir « Demain » au ciné plutôt que « Star war » …

* LE MONDE économie du 8 janvier 2016, La croissance mondiale patine

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