anthropisation

Le prix de la démesure… selon Simon Charbonneau

Quelques extraits significatifs de ce livre sur la démesure. Le sentiment d’impuissance domine :

– Aujourd’hui il existe un décalage dramatique entre les capacités morales et intellectuelles de l’humanité qui ont peu évolué depuis ses origines et d’autre part le poids et la complexité des moyens mis actuellement à sa disposition.

– La plus grande menace représentée par l’expansion effrénée de l’industrie automobile dans le monde reste, bien sûr, sa contribution majeure au réchauffement climatique et seul l’épuisement des ressources fossiles pourra mettre un terme à ce processus qui échappe à toutes les alertes lancées depuis cinquante ans par une poignée d’esprits lucides mais impuissants.

– La dénonciation des émissions de gaz à effet de serre n’a jamais été aussi répandue qu’aujourd’hui, mais cela n’empêche pas le public d’abuser de la voiture dans ses déplacements quotidiens et même de protester contre la hausse du prix du gazole.

– La récession actuellement en cours nous obligera à des révisions douloureuses par le jeu de mécanismes administratifs de rationnement et par une baisse drastique de nos revenus. Il faudra apprendre à vivre dans un nouveau contexte de catastrophe au ralenti qui, inévitablement, portera atteinte à nos libertés, sans d’ailleurs pour autant que cela résolve les problèmes de pénurie de ressources naturelles.

– L’insécurité chronique existant dans certains quartiers de grandes villes nous donne déjà un avant-goût de ce dont peut accoucher un effondrement général des économies occidentales et de l’ordre public qui les accompagnait.

– Saturé par la complexité de textes souvent contradictoires, le droit de l’environnement devient ineffectif. Ainsi en arrive-t-on au règne du « droit savonnette » caractérisé par des dispositions visqueuses le rendant insaisissable par le citoyen et donc inopposable aux pouvoirs publics !

– Ignorant toute forme de transcendance, l’homme moderne souffre d’une perte de repères causée par les multiples transgressions engendrées par les nouveaux pouvoirs que lui ont donné la science et la technique. Transgressions autant vis-à-vis de l’homme lui-même que vis-à-vis de la nature.

– Une propagande fondée sur l’adhésion du public en faveur d’un monde toujours plus artificiel et opaque s’attaque maintenant à l’identité humaine elle-même, comme le montrent tous les discours visant à effacer les différences sexuelles existant entre les hommes et les femmes sur le fondement d’une revendication égalitaire.

– L’individu en proie au syndrome de la réussite professionnelle ne pourra jamais exercer publiquement son esprit critique, qu’il soit journaliste, politicien ou chef d’entreprise, la libre parole étant réservée à la sphère privée ou à la retraite.

– Tout cela s’accompagne d’une disproportion évidente entre les moyens notamment financiers consacrés d’un côté à la protection de l’environnement et de l’autre à sa destruction.

– Parmi les divers aspects de la crise, il y a la question démographique qui a tendance à être occultée. Or, la démographie galopante manifeste pourtant ses conséquences désastreuses dans à peu près tous les pays du Sud.

– Un changement brutal est en train d’avoir lieu sans aucune préparation ni aucune démarche éducative en direction de l’opinion qui risque de réagir violemment après avoir vécu le doux confort de la société de consommation. Face au retour à la dureté de la vie, ce qui était jadis de l’ordre du choix militant relèvera dorénavant de la contrainte économique et bureaucratique.

– L’accélération fantastique de la course à la puissance semble aujourd’hui arriver à son terme avec l’accumulation des menaces qui pèsent sur l’humanité. Tout le monde sent à l’heure actuelle qu’il va falloir passer à la caisse malgré les propos rassurants tenus par l’oligarchie !

– La vérité est qu’aujourd’hui rien n’est sous contrôle. L’homme qui reste un peu honnête avec lui-même a l’impression de se retrouver dans un piège abominable dont il ne voit pas comment sortir.

– C’est pourquoi, aujourd’hui, sortir son nez des écrans en se déconnectant pour affronter la vie devrait être considéré comme une démarche de salubrité publique !

(Edition Libre&Solidaire, 228 pages pour 16,90 euros)

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Claude Lévi-Strauss : après l’humanisme, le relativisme

Le XXe siècle a été le siècle de Lévi-Strauss. Il en a tiré les leçons les plus aiguës. D’abord, qu’il faut être radicalement pluraliste. La haine du relativisme unit conservateurs et progressistes. Il semble aujourd’hui qu’on ne puisse rien affirmer fermement que contre les autres. Lévi-Strauss, lui, incarne la volonté de mettre la relativité des savoirs au service de la sagesse. Il faut aussi retenir la critique du progrès et même de l’histoire. La forme englobante d’un temps unique, du Big Bang à nos jours en passant par Jésus-Christ et de Gaulle, n’est qu’un mythe. Nous ne croyons plus que nos enfants auront une vie meilleure que la nôtre. Troisième leçon de l’anthropologue : il faut dépasser cet autre mythe fondateur qu’est l’opposition entre l’humain et le non­humain. Du point de vue éthique, Lévi-Strauss a plaidé pour qu’on cesse de faire de l’existence humaine la source ultime de valeurs : une chose, humaine ou non-humaine, pour être précieuse, n’a pas besoin de satisfaire des buts humains ; il lui suffit d’être singulière, irremplaçable, et sa fragile existence impose des devoirs (éventuellement non réciproques) à ceux qui sont susceptibles d’en avoir. Nous devons respecter les espèces vivantes pour la même raison que nous respectons un individu humain : parce qu’elles sont uniques. L’idée que les humains font leur propre histoire dans un monde de choses incapables d’agir doit être dépassée. A ceux qui ne veulent pas spontanément se mettre à l’écoute des animistes, le réchauffement climatique montrera que la nature n’est pas un cadre indifférent à notre histoire, mais un ensemble de partenaires qui réagissent dans notre histoire. Explorer ces dépassements, c’est une des grandes frontières de la pensée d’aujourd’hui, bien au-delà de l’anthropologie.

Enfin, Lévi-Strauss est celui qui a montré que les signes ne sont pas des moyens transparents pour communiquer nos pensées, mais des milieux dans lesquels nous vivons. Nos langues, nos systèmes de parenté, nos croyances religieuses sont des environnements aussi concrets et aussi déterminants que nos déchets industriels. L’explosion des univers numériques, le fait qu’une partie de plus en plus grande de vos vies se passe dans des mondes faits d’informations, ont donné à cette idée une actualité certaine. Dégager les conséquences, pour la pensée, de la disparition de l’idée de progrès et du brouillage de l’opposition entre nature et culture, voilà ce qui justifie de dire que Lévi-Strauss est « notre grand contemporain inquiet ». A méditer absolument.

Patrice Maniglier, philosophe

source : LE MONDE des livres du 11 septembre 2011, Après l’humanisme

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13 août 2015, le jour du dépassement des limites

Nous sommes à l’image de l’homme à la cervelle d’or, nous puisons dans les tréfonds de notre planète pour en arracher les derniers morceaux et nourrir notre mode de vie actuel : « Du train dont il menait sa vie, royalement, et semant l’or sans compter, on aurait dit que sa cervelle était inépuisable… Elle s’épuisait cependant, et à mesure on pouvait voir les yeux s’éteindre, la joue devenir plus creuse. Un jour enfin, au matin d’une débauche folle, le malheureux, resté seul parmi les débris du festin et les lustres qui pâlissaient s’épouvanta de l’énorme brèche qu’il avait déjà faite à son lingot. Il était temps de s’arrêter… Trop tard ! »*

Cette légende a malheureusement une réalité mesurée par l’organisation non gouvernementale Global Footprint Network. On compare l’empreinte écologique (l’exploitation des ressources naturelles de la Terre par les humains) avec la biocapacité de la planète (sa capacité à régénérer ses ressources et absorber les déchets, comme les émissions de gaz à effet de serre). Ce jeudi 13 août 2015** est le « jour de dépassement » : en moins de huit mois, l’humanité a déjà utilisé toutes les ressources naturelles renouvelables que la planète peut produire en un an. Cette date tombait en 1975 fin novembre et en 2005, début septembre. Notre planète contient de moins en moins d’or, de pétrole, de minerais, de poissons, d’espèces sauvages… Nous puisons dans le capital naturel au lieu de vivre des intérêts du capital que nous avait offert si généreusement la biosphère. Combien de millions d’années pour fabriquer le pétrole que nous allons consommer en deux siècles seulement ! Il faudrait 1,6 planète pour répondre aux besoins de l’humanité actuelle, or nous n’avons qu’une seule Terre à notre disposition. Si la tendance se poursuit, il faudra 2 planètes pour répondre à nos besoins en 2030.

Quand une génération a dilapidé son héritage familial, il ne reste plus rien pour les générations futures. On ne peut utiliser des ressources que l’on ne possède plus … Un jour enfin, au matin d’une débauche folle, le malheureux, resté seul parmi les débris du festin et les lustres qui pâlissaient s’épouvanta de l’énorme brèche qu’il avait déjà faite à son lingot. Il était temps de s’arrêter… Trop tard !

* La Légende de l’homme à la cervelle d’or d’Alphonse Daudet in Lettres de mon moulin (1866)]
** Le Monde.fr | 13.08.2015, Depuis cette nuit, la Terre vit sur ses réserves

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Climat : la guerre entre humains et terriens a commencé

Entre les « terriens » qui savent qu’ils appartiennent à la Terre, et « humains », qui pensent depuis quelques siècles que la Terre leur appartient, la guerre est déclarée. Voici un résumé des propos de Christophe Bonneuil :

« C’est toute l’organisation économique du monde – avec sa logique de guerre économique entre territoires et entre firmes mondialisées et son culte de la croissance – qui est questionnée par le dérèglement climatique. On négocie dans une arène la réduction des émissions, et dans une autre on négocie des accords de libre-échange dont on sait parfaitement qu’ils augmentent les émissions, n’est-ce pas schizophrénique ?… La pensée du long terme est le propre du défi écologique. Les politiques ont-ils assez de grandeur et de courage pour penser ce long terme ?… Il faut désormais penser la démocratie dans tous ses métabolismes socio-écologique et sans le mythe d’une croissance indéfinie, repenser la liberté sans l’arrachement dominateur à la nature… L’anthropocène signale justement le retour de ce que la modernité industrielle avait évacué : l’idée d’une histoire commune entre la Terre et les humains…

Notre époque se définit par l’impact de l’action humaine sur la trajectoire géologique de la Terre, mais aussi par un retour en boomerang, souvent violent, de la Terre sur nos existences… Nous assistons à l’avènement d’un géo-pouvoir qui prend pour objet d’intervention non plus seulement vie humaine, mais désormais l’ensemble des processus biologiques, biogéochimiques et géoclimatiques de la planète terre dans son ensemble… Selon des modalités qui changent au cours de l’histoire, les ressources sont généralement drainées vers les pays et les groupes sociaux dominants tandis que les nuisances écologiques sont « externalisées » vers les régions et les classes dominées… Partout dans le monde sont expérimentés des modes de vie plus frugaux… La question écologique est une question sociale, qu’on ne pourra résoudre sans s’attaquer aux inégalités, mais c’est aussi une question morale, voire spirituelle… »

pour lire le texte en entier :
http://blogs.mediapart.fr/blog/cbonneuil/090715/planete-la-veritable-guerre-des-civilisations-commence
CHRISTOPHE BONNEUIL est le coauteur de L’événement anthropocène, la Terre, l’Histoire et nous  (Seuil, 2013, avec Jean-Baptiste Fressoz) et de Prédation. Nature le nouvel eldorado de la finance (La Découverte, 2015, avec Sandrine Feydel)

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L’animal humain qui veut la mort des autres espèces

La biodiversité s’érode sous la pression des hommes sur les habitats ou par introduction d’espèces invasives. Au moins 130 000 espèces animales auraient déjà disparu. Depuis le XVIIIe siècle, environ 7 % de l’ensemble des espèces animales terrestres, plus de cent fois le rythme « naturel » des extinctions d’espèces. C’est suffisant pour parler d’une « sixième extinction ». S’en tenir à la Liste rouge de l’UICN conduit à sous-estimer considérablement le rythme d’extinction des espèces*. Dès fois je doute de l’utilité de l’existence de notre espèce sur cette planète… Il est vrai que les humains préfèrent s’intéresser à la « pub sans retouche pour montrer que la cellulite n’empêche pas d’être sexy sur la plage » ou à « Courtney Love prise à parti par les taxis grévistes ». Par contre sur ce blog nous parlons de 6ème extinction depuis 2005 :

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2005/02/02/2005_02_la_biodiversit_/
… Selon l’Union mondiale pour la nature, 12 à 52 % des espèces actuelles seraient menacées. Le manque de précision provient des lacunes de l’inventaire des espèces, mais on peut déjà penser à une sixième extinction (la dernière a vu la disparition des dinosaures il y a 85 millions d’années) et cette fois l’activité humaine en est presque le seul et unique responsable…

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2010/05/26/la-sixieme-extinction/
… Comment combattre la perte de biodiversité, 6ème extinction des espèces, quand on ne connaît pas la signification du mot biodiversité ? Selon un sondage récent, 79 % des Français déclarent avoir « entendu parler » de biodiversité, mais seuls 23 % en connaissent la signification (LeMonde du 25 mai 2010). En cette année mondiale de la biodiversité, y’a un manque ! …

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/11/14/anthropocene-anthropocentrisme-anthropisation%E2%80%A6-extinction-des-especes/
… Plus d’un oiseau sur huit, plus d’un mammifère sur cinq, plus d’une espèce de conifère sur quatre, un amphibien sur trois sont menacés d’extinction… dans l’indifférence générale. Pourquoi ? La Liste rouge de l’UICN* ne donne lieu qu’à 2/3 de page sur LE MONDE**. Pourtant dans le même numéro, le contre-budget de la gauche prend une page entière et une vague affaire de 1997 presque une page. LE MONDE est orienté surtout vers l’événementiel des petites affaires humaines, pas sur les débats de fond. Ainsi va la vie, humain, trop humain ! Il n’y a que le nombril de l’Homme qui intéresse…

* LE MONDE du 27 juin 2015, 130 000 espèces animales auraient déjà disparu

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L’écopsychologie qui soigne l’esprit et sauve la Terre

Les psychothérapeutes adaptent le patient à une société déstabilisante, ils soignent les symptômes et pas la cause du mal. Les écopsychologues estiment au contraire que notre rupture avec la Terre est la source profonde de notre malaise social. C’est pourquoi le livre de Michel Maxime Egger « Soigner l’esprit, sauver la Terre (introduction à l’écopsychologie) » nous paraît indispensable. Il montre historiquement l’émergence de cette nouvelle approche qui lie écologie et psychologie, très répandue dans le monde anglo-saxon mais malheureusement encore ignorée dans l’espace francophone. La traduction de l’ouvrage de Joanna Macy (écopsychologie pratique et rituels pour la Terre) est une heureuse exception détaillée par Michel Maxime Egger.

Celui-ci témoigne d’ailleurs d’une forte érudition sur la question, il expose les différentes facette de l’écopychologie et donne quelques précieuses indications sur les modalités d’un retour à la Terre qui pourrait atténuer l’anthropocentrisme dominant. Cela présuppose une certaine rééducation dans une société industrielle qui a voulu systématiquement couper nos liens avec la nature. Comme l’indique l’auteur, « une écopsychologie responsable et cohérente devrait encourager une démarche critique et libératrice envers un système économique qui tend aujourd’hui à détruire la nature et épuiser les humains. » L’humanité est à un carrefour, elle ne sauvera pas la Terre si elle ne soigne pas l’esprit du mal : la bataille sera pour une bonne part dans nos têtes.

Labor et Fides 2015, 290 pages, 25 euros
http://www.laboretfides.com/wp-content/uploads/2015/04/9782830915693-.jpg

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Nous créons de l’irréversibilité à très grande vitesse

Beaucoup s’imaginent encore que nous sommes confrontés à une « crise environnementale » qui sera surmontée une fois que nous aurons trouvé les bonnes solutions techniques. En fait nous sommes face à une transformation profonde de cette même biosphère qui a permis notre émergence en tant qu’espèce. Et nous devrons vivre pour les siècles à venir avec les conséquences des transformations que nous aurons provoquées.

Même si nous cessions d’émettre des GES aujourd’hui, le climat continuerait à se transformer pendant des siècles ; l’acidification des océans continuera. Les espèces aquatiques déjà éradiquées ou en cours d’effondrement ne reviendront pas ; les complexes chaînes trophiques ont été trop profondément démantelées ; si nous cessions de pêcher, les océans, après des centaines voire des milliers d’années, retrouveraient une biomasse fort différente de celle d’aujourd’hui. On peut dire la même chose des écosystèmes terrestres, les espèces disparues ne reviendront pas. La comparaison entre la biomasse des vertébrés et la biomasse humaine (+ élevage) est frappante. Il y a 10 000 ans la biomasse humaine rapportée à celle des vertébrés représentait moins de 1/1000ème, aujourd’hui, en y ajoutant l’élevage, elle représente plus de 97 %. L’impact sur la biodiversité est colossal. La biosphère atteindra un nouvel équilibre dont rien nous dit qu’il serait favorable à l’espèce humaine. Et je ne parle pas de certaines pollutions ou de la radioactivité qui vont rester des milliers d’années.

C’est en cela qu’il faut parler d’irréversibilité. Qu’on le veuille ou non, le monde encore relativement peu pollué et où la vie était diversifiée et abondante, dans lequel certains d’entre nous ont passé leur enfance, les années 1950 et 60, ne reviendra pas. Nous sommes condamnés à gérer les conséquences de nos actes (ce qui inclue notre nombre) à travers des ajustements toujours précaires et périlleux avec « l’environnement ».
(un de nos correspondants, Philippe)

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Le programme idéal d’histoire n’existe pas encore

Une mémoire orientée n’est pas seulement la spécialité des systèmes autocratiques qui prétendent soumettre les faits à leur propre conception. L’enseignement de l’histoire en collège ne célèbre presque plus le « roman national »* mais la monarchie française reste encore un thème obligatoire. Rappelons que l’histoire a servi à justifier les dynasties, puis les nations, puis les impérialismes, mais qu’elle n’a jamais servi à éviter une seule guerre, une seule crise économique ou une seule révolution. L’enseignement actuel de l’histoire ne sert donc à rien, si ce n’est à favoriser le roman national et faire le jeu du nationalisme. Historiquement les profs d’histoire avaient une fonction identitaire, il fallait fabriquer des petits français. L’histoire enseignée à l’école offre peu d’ouverture sur le monde, très peu d’ouverture sur la science, encore moins d’ouverture sur ce qui n’est pas humain.

Nous devrions abandonner l’histoire particulière des groupes ethniques particuliers au profit de la big history, une vision à large échelle qui démarre au moment du big bang et se déroule jusqu’au monde contemporain. C’est l’histoire globale qui seule devrait importer, l’histoire commune des humains et des non-humains, une histoire universelle qui ne se limite pas à l’histoire de la race humaine. Il s’agit d’appréhender le monde comme un tout, depuis l’origine de l’univers, des galaxies et du système solaire jusqu’au sociétés agraires, l’émergence des villes et l’anthropisation de notre monde. L’histoire humaine n’est pas celles des ethnies particulières, même pas celle des hominidés, elle est aussi ce qui récuse toute forme d’ethnocentrisme pour se centrer sur les relations de l’humanité et de la Biosphère. Ce qui importe, ce sont les histoires des déséquilibres que les pratiques agro-industrielles ont entraînés dans le passé comme dans le présent et les perspectives d’avenir souhaitable pour les générations suivantes mais aussi pour les non-humains.

L’histoire formate l’esprit humain, l’idéologie du territoire national doit laisser place au sens du biotope. Les écoliers et collégiens ne doivent plus apprendre le temps des Capétiens qui défendent leur royaume contre ses voisins (histoire inversée chez les autres pays concernés), mais le niveau de respect des forêts et des autres espèces qu’on pouvait avoir à chaque époque. Alors nos scolaires pourront un peu toucher du doigt ce qui forme le contre-sens de l’histoire, cette guerre que nous menons contre la nature et qui n’aboutira à rien de bon.

* LE MONDE du 14 mai 2015, Le programme d’histoire idéal n’existe pas

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Sylvie Brunel, la « Claude Allègre » de l’agriculture

L’universitaire Sylvie Brunel a les honneurs du MONDE*. Elle tire à boulets rouges sur tout ce qui se revendique d’une agriculture durable : polyculture (« la monoculture n’épuise pas les sols »), manifestations à Sivens contre l’irrigation (« démarche criminelle »), dénonciation des OGM (« le génie génétique est une solution »), évolution vers le bio et les semences paysannes (« ressemer expose à de maigres résultats »), appel à moins consommer de viande (« qui fait disparaître les éleveurs »). Par contre elle prône une agriculture productiviste qui éviterait la pénibilité du travail et le départ des femmes des campagnes, qui emploierait la bonne dose de pesticide « calculée au plus juste », qui amènerait la sécurité alimentaire en France et dans le monde entier. Elle conclut : « Cessons d’accuser injustement les paysans. » Voici quelques commentaires significatifs sur lemonde.fr :

Migrateur 11 : Hello Le Monde ! Dans plusieurs de vos articles vous dénoncez à juste titre les conflits d’intérêt dans l’industrie pharmaceutique (par exemple) et vous osez publier un papier de quelqu’un qui est lié à la FNSEA pour défendre les méthodes agricoles les plus agressives…. Faut le faire !! Peut-être devriez-vous vérifiez les conflits d’intérêt de ceux qui vous proposent des articles et les indiquer pour que les lecteurs soient au courant !
Céline Pérez : Il est scandaleux, Mme Brunel, que vous osiez écrire entre autre inepties que « Refuser l’irrigation est une démarche criminelle« . Irriguer oui mais pour produire quoi ? Du bon mais Monsanto pour aller nourrir des porcs de batterie ? Pour faire pousser les algues vertes des le mois de Mars ? Mais qui vous paye ???
Jacques Dyonet : Tous les poncifs : « la poule sur son tas de fumier, la faim dans le monde inéluctable sans la chimie »… Et le meilleur : bio, « croyance irrationnelle, religion obscurantiste »… Très curieux : aucune allusion aux conséquences désastreuses des produits chimiques sur la santé des hommes. Mme S Brunel oublie de parler des perturbateurs endocriniens aux conséquences dramatiques. Pour qui roulez-vous Mme Sylvie Brunel ?
Michel Buisson : erreurs volontaires, amalgame, simplification outrancière, tout y passe. Qualifier tous les producteurs agricoles de « paysans » revient à mélanger tout le monde du « paysan » véritable qui essaye d’échapper le mieux possible à la pression des firmes … et les agriculteurs productivistes, familiaux ou capitalistes, alliés de ces firmes. « La colère gronde » : contrevérité et mélange … encore le terme de paysans, pour faire croire à une « unité » que plus personne n’ose utiliser. Non les vrais paysans ne sont pas des pollueurs et personne de sensé ne les accuse de ça mais ceux que l’auteur veut défendre sont effectivement des pollueurs.
Quant à qualifier de « criminelle » l’opposition à l’irrigation, il y a non prise en compte que, à de rares exceptions près, ce n’est pas l’irrigation adaptée qui est critiquée mais son abus sur des cultures d’été en zone de fort déficit estival et aux détriments des autres usages, sans oublier les financements publics. Sur la viande, encore un raisonnement totalement binaire et excessif. La question des semences est traitée de la même façon, à la serpe sectaire et dogmatique. On peut reconnaître une part de vérité dans ce qui est dit sur les vertus du maïs, mais pour en faire abusivement une panacée avec zéro défaut, ce qui est pour le moins une erreur qu’aucun bon agronome n’ose plus faire. Tout ça en voulant nous faire croire que seule sa vision de la modernité est la bonne !!
Bob : Plus de CO2 avec le désherbage mécanique, arf ! vision passéiste , en évitant le recours massif aux engrais fabriqués avec du gaz et des produits pétroliers, quelques litres de carburant pour tracter une bineuse pèsent peu, de toutes façons il faut aussi du carburant pour tracter les pulvérisateurs et épandeurs de pesticides et engrais chimiques.
Juan Manuel Cuesta : Grâce à notre agriculture intensive la France nourrit « aussi des pays structurellement importateurs, où l’accessibilité à la nourriture garantit la paix sociale. » Elle garantit surtout la stabilité politique des dictatures africaines, ou autres. Mais elle détruit aussi par ses prix bas parce que subventionnés l’agriculture locale, ce qui pousse les populations à l’exil. On les retrouve en Méditerranée et frappant à nos portes. Madame Sylvie Brunel est la Claude Allègre de l’agriculture !
André Rey : Madame Brunel ne défend pas l’agriculture et sous couvert de prôner la lutte contre la faim prône en la défense d’un capitalisme sauvage des villes et des campagnes.
Sylvestre Reclus : Si Madame Brunel semble assez bien savoir ce que font les jardiniers du dimanche, elle ignore visiblement ce qui se passe dans nos campagnes sacrifiées à l’agriculture intensive : l’abus des nitrates et autres pesticides qui ont rendu les eaux impropres à la consommation, les agriculteurs victimes de maladies liées aux produits chimiques qu’ils déversent sur les champs, les terres stérilisées… Pour que ça continue à payer, ils s’empoisonnent eux-mêmes en même temps qu’ils nous empoisonnent !
JR : Cet article me laisse plus que dubitatif tant il fait l’impasse sur la destruction des terres par les engrais et pesticides, les ravages sur la santé, la nuisance des produits de l’industrie agroalimentaire lié à une agriculture productiviste, la sur consommation de viande et ses dangers, sans parler du grand gâchis des nourritures jetées sans être mangées dans nos sociétés occidentales. On dirait un tract de la FNSEA qui au lieu de défendre tous les agriculteurs, défend surtout les plus gros très liés aux producteurs de produits phytosanitaires comme Monsanto.
Antoine Roulet : Quelques arguments contre cet article : Si une partie (heureusement minoritaire) du bio consommé en France vient de l’autre bout de la planète, c’est aussi car la demande française est supérieure à l’offre, d’ou l’intérêt de développer le bio localement. Il est avéré depuis des années que l’intérêt du bio ne réside pas dans ses qualités nutritionnelles ou gustatives mais dans l’impact à long terme sur l’environnement et sur la santé. Le droit à ressemer ? Il est tout à fait possible d’améliorer génétiquement des semences qui peuvent être ressemées (comme c’est le cas du blé par exemple, qui n’obtient pas de « maigres résultats »…). La production de semences stériles (variétés hybrides, en plein développement) augmente également la dépendance des agriculteurs vis à vis de leurs fournisseurs, ce qu’il ne souhaitent pas forcément… Stocker l’eau en amont a des impacts sur les débits des cours d’eau et sur la disponibilité de la ressource en aval, il faut donc essayer d’avoir une vision intégrée de l’ensemble du bassin versant. Concernant l’élevage, il est possible, via des politiques publiques de maintenir les éleveurs en zones défavorisées tout en réduisant l’élevage industriel en zones favorisées (qui a d’ailleurs un impact négatif sur l’environnement).
Le gaspillage alimentaire dû aux règles de calibrage des produits dans les filières industrielles est bien supérieur à celui dû à la faible conservation des produits bio… Comparer les agriculteurs aux jardiniers n’est pas très pertinents, il suffit de regarder les surfaces et les quantités de produits concernés pour réaliser que ces 2 catégories ne jouent pas dans la même cour. 90 % des fois ou une exploitation agricole disparaît, ses terres sont réparties entre les voisins qui s’agrandissent pour rester concurrentiel dans un marché libéralisé, il n’est donc point question d’enfrichement généralisé. Les écoles ou les hôpitaux produisent des biens non marchands aussi appelés services publics, dans l’intérêt général des habitants. Etrange de les comparer à des exploitations agricoles dont l’objectif est d’être rentable…
BB : Les arguments déployés sont ceux lus et relus depuis 20 ans contre l’agriculture bio, ils sont plus fallacieux les uns que les autres. Le summum est atteint ici : « Ils (les aliments bios) se conservent en outre très peu de temps, d’où un gaspillage immense. » Avec des arguments comme ceux-ci, on en est arrivé à une époque à utiliser chloroforme et formol dans la conservation de la viande.
Bertrand Vincent : Selon cette géographe, consommer bio augmente le CO2 car le bio « arrive du bout de la planète ». Donc il ne faut pas consommer bio. Tout l’article est à l’image de ce syllogisme. Il ne vient pas à l’idée de cette dame de penser que du coup, il faudrait cultiver bio en France. Vous êtes payée par Monsanto ? Pour info, je viens de la campagne profonde.

* LE MONDE du 29 avril 2015, Les agriculteurs ne sont pas des pollueurs empoisonneurs

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« manuel de collapsologie » lu par Biosphere-Info

Le bimensuel biosphere-info n° 350 présente le livre* de Pablo Servigne & Raphaël Stevens « comment tout peut s’effondrer, petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes ». Ce livre est significatif de l’inquiétude qui commence à se généraliser dans la population. En effet, à la question « l’humanité a-t-elle un avenir vivable et viable ? », les réponses sont plutôt pessimistes et les scientifiques ne disent pas le contraire. La collapsologie présente cette hypothèse de façon claire et détaillée.

Les auteurs demandent une réflexion collective pour que la catastrophe en marche soit limitée… dans la mesure du possible. Ils sont les dignes successeurs de Jean-Pierre Dupuy (pour un catastrophisme éclairé) et Hans Jonas (le principe responsabilité).

Pour recevoir l’intégralité de ce bimensuel, vous pouvez vous abonner gratuitement en écrivant à biosphere@ouvaton.org
Merci de votre attention

* Editions du Seuil, collection Anthropocène, 304 pages, 19 euros

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Retour en force de l’écologie punitive… au tribunal

Les procureurs des tribunaux de grande instance et des cours d’appel français ont reçu consigne* d’une plus grande répression des infractions environnementales, « tout particulièrement dans le champ des contentieux communautaires [pollution des eaux d’origine agricole, traitement des eaux résiduaires urbaines, protection des espaces naturels et des espèces menacées, qualité de l’eau, contrôle des pêches, déchets] ». 8 159 condamnations ont été prononcées en 2013 concernant les atteintes à l’environnement, ce qui reste une part infime des condamnations pénales en France : 1 091 934 pour la même année, soit moins de 1 %.

Quel opportunisme absolu. Ce pseudo-volontarisme cache mal les tendances gouvernementales qui sont plus celles de la préservation d’une croissance économique à tout crin plutôt qu’un quelconque souci environnemental. Pour ne prendre que l’exemple de la pêche, chaque année Bruxelles et Paris subventionnent des modes de captures – chalutage profond, senneurs, sondes DCP, etc… – toujours plus destructeurs pour les écosystèmes, soutenue en cela par les lobbies de la pêche industrielle. D’ailleurs la circulaire ne s’attaque pas aux problèmes du préjudice environnemental et de sa réparation, qui relèvent du droit civil. La future loi sur ces questions, annoncée depuis de longs mois par le gouvernement, est toujours en préparation. On dirait que l’article 4 de la Charte de l’environnement (28 février 2005) n’a pas d’application réelle : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. »

N’attendez pas de la lente évolution de la loi et de ses applications encore plus vacillantes une solution à la chute de la biodiversité. Engagez-vous personnellement dans une association de protection de la nature.
* Le Monde.fr | 22.04.2015, Renforcement de la politique pénale française contre la criminalité écologique

Pour en savoir plus avec ce blog :
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2015/01/27/dune-definition-de-lecocide-a-une-application-penale/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2013/05/20/prejudice-ecologique-ou-plutot-crime-ecologique/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/10/05/crime-ecologique-crimes-verts-ecocide/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2009/08/05/crime-ecologique/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2008/06/25/crime-radioactif/
NB : Laurent Neyret vient de publier Des écocrimes à l’écocide : le droit pénal au secours de l’environnement (éditions Bruylant, mars 2015, 468 pages)

Retour en force de l’écologie punitive… au tribunal Lire la suite »

Collapsologie : Comment tout peut s’effondrer

Voici un résumé d’un texte de Vincent Mignerot* sur un livre** à lire de toute urgence :

« Pour ceux qui se questionnement sur l’avenir, l’année 2015 pourra être cruciale. Elle sera peut-être celle à partir de laquelle il ne sera plus possible de nier rationnellement qu’un effondrement ce la civilisation est engagé.
En effet, nous sommes sûrs de quatre choses :
1. la croissance physique de nos sociétés va s’arrêter dans un futur proche,
2. nous avons altéré l’ensemble du Système-Terre de manière irréversible (en tout cas à l’échelle géologique des humains),
3. nous allons vers un avenir très instable, « non-linéaire », dont les grandes perturbations (internes et externes) seront la norme,
4. nous pouvons désormais être soumis potentiellement à des effondrements systémiques globaux. »

Pablo Servigne et Raphaël Stevens proposent avec cet ouvrage « Comment tout peut s’effondrer » une introduction à la collapsologie (étymologiquement « l’étude de l’effondrement »), qui pourra devenir un domaine de recherche à part entière, s’il n’était déjà investi par des scientifiques qui étudient le climat, l’énergie, la démographie, l’agronomie…Afin de présenter le concept de collapsologie et son contexte, les auteurs procèdent dans un premier temps à un état des lieux très complet de la littérature scientifique, état des lieux d’autant plus remarquable que les problématiques évoquées restent bien articulées les unes avec les autres, et ce malgré la difficulté de l’exercice. Il s’agit d’introduire l’esprit systémique d’une correcte étude de l’effondrement, afin que le lecteur investisse au mieux ses propriétés synergiques et d’auto-renforcement.

Les chiffres qui illustrent cette contextualisation nous feront estimer des ordres de grandeur et nous laisseront abasourdis :
« Un PIB (par exemple de la Chine) qui croît de 7 % par an représente une activité économique qui double tous les 10 ans, donc qui quadruple en 20 ans. Après 50 ans, nous avons affaire à un volume de 32 économies chinoises, soit, aux valeurs actuelles, l’équivalent de près de quatre économies mondiales supplémentaires ! »
« En l’espace d’une vie, une personne née dans les années 30 a vu la population passer de 2 milliards à 7 milliards ! Au cours du 20e siècle, la consommation d’énergie a été multipliée par 10, l’extraction de minéraux industriels par 27 et celle de matériaux de construction par 34. L’échelle et la vitesse des changements que nous provoquons sont sans précédent dans l’histoire. »
« Quel pêcheur professionnel anglais réalise qu’avec toutes les technologies de son bateau, il ne ramène plus que 6 % de ce que ses ancêtres en bateaux à voiles débarquaient 120 ans plus tôt après avoir passé le même temps en mer ? »

Au-delà des chiffres l’ouvrage propose des éléments d’analyse pour comprendre pourquoi nous ne parvenons pas à modifier nos comportements destructeurs. Nous retiendrons particulièrement la notion de « verrouillage socio-technique », qui explique comment il est difficile et parfois impossible de revenir en arrière après le développement de certaines techniques. L’exemple de l’agriculture est notable : il a été largement montré désormais qu’une exploitation moins intensive des terres et moins dépendante au pétrole pourrait obtenir d’aussi bons rendements. Mais la mise en place de l’agriculture industrielle a impliqué le déploiement d’infrastructures devenues toutes interdépendantes et trop puissantes pour que de nouvelles initiatives se développent, même si elles sont efficaces, même si elles sont économiquement viables !
« (…) les « petites pousses » ne sont pas en mesure de rivaliser avec le grand arbre qui leur fait de l’ombre. »

Mais si l’effondrement est certain et qu’on ne peut pas le connaître, que faire de cette question ? Nous pourrons discuter d’une vision idéalisée d’un programme d’anticipation, tel qu’il est proposé à la fin de l’ouvrage. Que deviendront Elaboré les régions protégées du “système-monde”, plus résilientes après un effondrement par leur fonctionnement autonome, lorsque les grandes villes seront touchées par des pénuries ? La nécessité de cette réflexion sur la coexistence de « deux systèmes, l’un mourant et l’autre naissant », est toutefois bien posée à la fin de l’ouvrage.

Nous saluerons aussi l’ouverture à des questions polémiques voire subversives : « Mais si nous ne pouvons aujourd’hui envisager de décider collectivement qui va naître (et combien), pourrons-nous dans quelques années envisager sereinement de décider qui va mourir (et comment) ? ». »

* http://adrastia.org/comment-tout-peut-seffondrer-pablo-servigne-raphael-stevens/
**Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne & Raphaël Stevens
Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes
Edition du Seuil, collection Anthropocène, 304 pages, 19 euros

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Collapsologie : catastrophe et non catastrophisme

« Nous disposons aujourd’hui d’un immense faisceau de preuves et d’indices qui suggèrent que nous faisons face à des instabilités systémiques croissantes qui menacent sérieusement la capacité de certaines populations humaines – voire des humains dans leur ensemble – à se maintenir dans un environnement viable. C’est ce que le prince Charles appelle un « acte de suicide à grande échelle ». Mais a-t-on vu un réel débat, par exemple sur le climat, en termes de changement social ? Non, bien sûr. Trop catastrophiste. D’une part on subit des discours apocalyptiques, survivalistes ou pseudo-mayas, et d’autre part on endure les dénégations « progressistes » des Luc Ferry, Claude Allègre et autres Pascal Bruckner. Les deux postures, toutes deux frénétiques et crispées autour d’un mythe (celui de l’apocalypse vs celui du progrès), se nourrissent mutuellement par un effet « épouvantail » et ont en commun la phobie du débat posé et respectueux, ce qui a pour effet de renforcer l’attitude de déni collectif qui caractérise si bien notre époque.

Ne pensez-vous pas qu’il y a un vide à combler, un trait d’union à faire entre les grandes et rigoureuses déclarations scientifiques et la vie de tous les jours, qui se perd dans les détails et la chaleur des émotions ? C’est précisément ce vide que tente de combler ce livre*. Faire le lien entre l’Anthropocène et votre estomac. Nous proposons les bases de ce que nous nommons, avec une certaine autodérision, la collaposologie, du latin collapsus, « qui est tombé en un seul bloc ». Prendre un tel chemin ne laisse pas indemne. Le sujet de l’effondrement de la civilisation est un sujet toxique qui vous atteint au plus profond de votre être. Nous avons même fait l’expérience de voir la colère d’un proche se projeter sur nous. C’est un énorme choc qui dézingue les rêves. Commencer à croire en l’effondrement, au sens d’Yves Cochet « processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi », revient à renoncer à l’avenir que nous nous étions imaginé.

Au fil des ans, nous nous sommes clairement éloignés de la doxa, c’est-à-dire de l’opinion générale qui donne un sens commun aux nouvelles du monde. Faites l’expérience : écoutez les informations avec la perspective d’un collapsus, et vous verrez, cela n’a rien à voir ! C’est une sensation étrange que de faire partie de ce monde, mais d’être coupé de l’image dominante que les autres s’en font. »

* extraits de « Comment tout peut s’effondrer » de Pablo Servigne & Raphaël Stevens
(Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes)
Edition du Seuil, collection Anthropocène, 304 pages, 19 euros

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Lewis MUMFORD (une juste plénitude) de Thierry Paquot

La collection sur « Les précurseurs de la décroissance » dénonce l’imposture du développement durable. A travers l’étude de figures historiques de la pensée humaine, on montre l’émergence de l’objection de croissance. Rapport qualité/prix, le petit livre à 8 euros dédié à Lewis Mumford (1895-1990) est imbattable. Il présente un analyste clairvoyant de notre réalité en devenir. Il refuse le gratte-ciel en 1925, combat dès 1946 ces « fous qui préparent la fin du monde » en utilisant la bombe atomique, prévoit dès 1950 la fin de notre économie minière et critique constamment le mythe de la mégalopole. On peut résumer sa pensée par cette citation : « Il existe un antagonisme fondamental entre une économie mécanique, centrée sur la puissance, et l’économie plus ancienne, centrée sur la vie… Une économie centrée sur la vie respecte les limites organiques, elle ne cherche pas à s’adjuger la plus grande quantité possible d’un bien. » Cet auteur mérite d’être mieux connu en France, voici quelques courts extraits de cette synthèse réalisée par Thierry Paquot.

La transformation de l’homme, 1956
« En contraste avec la diversité organique, présente originellement dans la nature et enrichie des efforts historiques de l’homme, l’environnement dans sa totalité devient aussi uniforme et rectiligne qu’une autoroute de béton, afin de permettre le fonctionnement uniforme d’une masse uniforme d’unités humaines. Plus on se déplace rapidement, plus uniforme est l’environnement qui favorise mécaniquement le mouvement, et plus minime est le dépaysement une fois parvenu à destination ; si bien que le changement pour l’amour du changement et la vitesse pour l’amour de la vitesse ont pour résultat le plus haut degré de monotonie.
Si le but est l’uniformité, il n’est pas un aspect de la nature ou de l’homme qui ne soit menacé. Pourquoi l’homme posthistorique devrait-il rechercher à préserver quoi que ce soit de la diversité environnementale qui existe encore sur terre et dont la richesse élargit le champ de la liberté humaine : prairies, marécages, forêts, déserts et montagnes, lacs ou chutes d’eau ? Au rythme actuel de l’urbanisation, il ne faudra guère qu’un siècle pour que la destruction de tous les espaces vivants naturels, ou plutôt leur transformation en tissu urbain de basse qualité, ne laisse plus rien subsister qui permette d’échapper à la vie posthistorique.
Les ressources de la planète sont finies et limitées. A un certain point, encore indéterminé, la population mondiale devra être stabilisée : peut-être même, pour favoriser un plein épanouissement de l’homme, à un nombre d’individus inférieur à celui d’aujourd’hui. »

La cité à travers l’histoire, 1961
« Les sociologues et les économistes, qui fondent leurs prévisions sur l’étude des tendances actuelles, nous annoncent comme objectif de l’évolution urbaine une mégalopole mécanisée, standardisée et parfaitement déshumanisée. Tout possibilité de mener une vie libre et active, favorable aux plein épanouissement de leurs facultés, sera refusée aux habitants de leur « cité future ». L’existence quotidienne y sera conforme aux exigences de la machine.
Les formes originales d’anciens quartiers, cellules sociales conservant encore l’aspect structurel du village, ne sont plus aujourd’hui que vestiges. Une fonction essentielle de la cité, qui consiste à témoigner de la permanence des activités humaines, est ainsi gravement menacée. »

Résumé du seul entretien de Lewis Mumford publié en France (Métropolis, 1974)
« Je résumerai la question de la technologie en une phrase : nous avons aujourd’hui le pouvoir de tout faire même l’impensable, mais ce pouvoir est une contrainte. Nous pensons généralement que si nous avons le pouvoir, nous devons l’utiliser : c’est faux. Von Neumann disait que les possibilités technologiques étaient pour l’homme irrésistibles. C’est une erreur. Si nous avons ce pouvoir, nous devons au contraire le contrôler. Le grand problème de notre civilisation technique est de contrôler ses gigantesques quantités et ses énormes possibilités.
Je dirai que le retour en arrière est, aujourd’hui, le seul moyen d’aller de l’avant. »

Lewis MUMFORD (pour une juste plénitude), 112 pages, 8 euros.

éditions le passager clandestin, 2015, collection « Les précurseurs de la décroissance »

Vous pouvez aussi lire sur le réseau de documentation des écologistes un résumé du livre de Lewis Mumford sur « les transformations de l’homme »

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Manuel Valls, un démagogue contre l’agro-écologie

Ceux qui se posent encore la question d’un retour au gouvernement des écologistes n’ont encore rien compris au fonctionnement anti-écolo de ce gouvernement socialiste. Encore un autre exemple ci-dessous… On ne négocie pas avec un gouvernement productiviste, on le combat.

communiqué FNE du vendredi 27 mars 2015
Moins de démagogie et plus d’agro-écologie, monsieur le Premier ministre !
A trois jours du deuxième tour des élections départementales, Manuel Valls a déclaré à la FNSEA que les agriculteurs étaient « les meilleurs écologistes de notre pays », alors que les annonces gouvernementales défavorables à l’environnement se multiplient. FNE rappelle qu’en cédant aux lobbies de l’agro-industrie, et en passant sous silence le projet agro-écologique du ministre de l’Agriculture, le Premier ministre ne défend ni l’environnement… ni l’agriculture.

Les agriculteurs, « meilleurs écologistes », soyons sérieux !
En réponse à Xavier Beulin qui avait déclaré « Nous sommes les vrais verts », Manuel Valls a qualifié les agriculteurs de « meilleurs écologistes de notre pays ». Dans la même lignée, l’Assemblée nationale a reconnu dans le cadre de la loi sur la biodiversité l’ensemble des activités agricoles et sylvicoles comme positives pour la biodiversité, sans distinction entre les pratiques. L’agriculture, qui utilise les ressources naturelles (eau, sol, biodiversité, air, climat) pour produire est certes en première ligne lorsqu’il s’agit d’environnement : en première ligne pour le préserver, en première ligne pour le dégrader.
Et si on regardait la réalité en face ? Si de plus en plus d’agriculteurs s’engagent vers des pratiques agro-écologiques, ce n’est malheureusement pas le cas de tous, c’est même loin d’être le cas de la majorité. L’état des ressources naturelles nous le rappelle chaque jour. Alors que la France s’était engagée lors du Grenelle de l’environnement à réduire de moitié l’usage des pesticides, celui-ci a augmenté de 5% entre 2009 et 2013. 602 pesticides différents ont été identifiés dans les cours d’eau français en 2012, mettant en péril l’atteinte du bon état écologique des eaux prévu par la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE). La mortalité des abeilles ne cesse d’augmenter et la responsabilité des pesticides, en particulier les néonicotinoïdes, est de plus en plus démontrée. Seules 4% des terres agricoles françaises sont en bio. Les algues vertes, dues aux excédents de nitrates, continuent de proliférer sur nos côtes et la France a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour mauvaise application de la Directive Nitrates.
Pour Jean-Claude Bévillard, Vice-Président de FNE en charge des questions agricoles : « Affirmer que les agriculteurs sont les meilleurs écologistes est de la pure démagogie. Il n’y a pas une, mais des agricultures. Certains producteurs sont engagés dans l’agroécologie, d’autres pas du tout. »

Les agriculteurs, premières victimes du droit de polluer
Depuis de nombreux mois, le gouvernement n’a eu de cesse de prendre des mesures en faveur d’une industrialisation de l’agriculture, au détriment de la préservation de l’environnement : suppression des études d’impact et enquêtes publiques pour les élevages industriels, paiements verts de la PAC pour la monoculture de maïs, intégration de cultures traitées aux pesticides dans les « surfaces d’intérêt écologique » de la PAC, politique en faveur des retenues de stockage pour l’irrigation, budgets incertains pour l’agriculture biologique… Pour Jean-Claude Bévillard, Vice-président de FNE en charge des questions agricoles : « En cédant aux lobbies de l’agro-industrie, le gouvernement n’a de cesse de rendre l’agriculture toujours plus dépendante des engrais, des pesticides, de l’eau d’irrigation. C’est bien sûr défavorable à l’environnement, mais ça l’est aussi pour l’agriculture. Une agriculture dépendante des intrants et destructrice des ressources naturelles n’est ni compétitive, ni durable. Agriculture et écologie doivent aller de pair. C’est bien l’agro-écologie qu’il faut promouvoir, une agriculture nourricière, qui s’appuie sur les ressources naturelles pour produire, sans les dégrader. »

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Le petit livre noir des grands travaux inutiles, 7 euros

Adepte des Grands travaux inutiles et imposés, le gouvernement persiste et signe. La déclaration d’utilité publique d’une ligne à grande vitesse (LGV) reliant Poitiers à Limoges figure au Journal officiel du dimanche 11 janvier 2015 et porte la signature de Manuel Valls et de Ségolène Royal. Les réactions hostiles sont innombrables : Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), le maire de Guéret et député de la Creuse, Michel Vergnier (PS), le Collectif des riverains impactés, l’association France Nature Environnement et même la Cour des comptes, qui avait rendu en octobre 2014 un rapport sur la grande vitesse ferroviaire. Les magistrats de la rue Cambon ont noté que le projet « n’avait fait l’objet d’aucune réflexion préalable et ne s’appuyait pas sur une définition des besoins de mobilité des habitants des régions concernées ». Que le coût en était surestimé, la fréquentation sous-évaluée. Pis peut-être : que Réseau ferré de France n’avait pas « rendu compte de manière rigoureuse des positions et débats » qui ont traversé la population.*

Pour une approche plus globale, lisez « Le petit livre noir des Grands travaux inutiles »**. Il n’y a pas que les LGV, il y a aussi Iter et Astrid (super-centrales nucléaires), des aéroports, des autoroutes, le Stade des Lumières, la tour Triangle, les incinérateurs géants, etc. Nos grands élus se comportent comme les pharaons qui ont fait ériger les pyramides et Louis XIV qui a commandé son château de Versailles. La quête d’éternité rencontre la folie des grandeurs, le pouvoir manifeste sa donation par la grandiloquence de certaines infrastructures. Mais il existe une faille grandissante entre une élite qui s’affranchit ouvertement des contraintes écologiques, financières et démocratiques d’une part et un peuple qui commence à réagir d’autre part. Les GTI illustrent à merveille les dérives d’un système productiviste qui ne survit qu’à force de gaspillage énergétique. Les « Trente Glorieuses » sont devenues les cinquante gaspilleuses. Impulser une vaste politique de grands travaux ne répond en rien à la crise écologique qui conduit aux crises économiques et sociales. La transition énergétique est éternellement repoussée, alors qu’il aurait fallu agir avec détermination dès 1972 (rapport sur les limites de la croissance).

Apprécions à sa juste valeur le dernier paragraphe de ce petit livre noir : « Les ZAD (Zones à défendre) ne sont pas seulement des lieux de contestation, elles sont aussi des lieux d’apprentissage, des agoras où renaissent l’esprit de lutte, l’envie d’échanger, le besoin de s’engager. A toutes celles et ceux qui ont osé sortir des sentiers battus et reprendre les chemins (parfois boueux) de la mobilisation, à toutes celles et ceux qui,  sans renoncer à leur individualité, savent se fondre dans un collectif, nous n’avons qu’une seule chose à dire : continuez ! Continuons… »

* lemonde.fr | 15.01.2015, Le futur TGV Poitiers-Limoges, nouveau grand projet inutile

** éditions le passager clandestin, 130 pages, 7 euros

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Sauvons la planète (Julie Wornan et Philippe Honnoré)

Il est toujours important que la bande dessinée traite de l’urgence écologique. C’est pourquoi cette aventure d’Elodie et Hugo qui visitent tous les lieux qui souffrent de l’activité humaine mérite attention. Ils sont amenés sur les ailes d’un papillon blanc de Madère, en fait son fantôme : il est déclaré espèce disparue en 2009, les humains ont détruit son habitat. Le changement climatique est aussi mis en évidence, la problématique des gaz de schiste bien traitée. On s’attarde avec juste raison sur l’association « Kids vs Global Warming » (iMatter) fondée par Alec Loorz à 13 ans. La question qu’il pose à ses parents et aux dirigeants est incontournable : « Est-ce que je compte pour vous ? » Cependant Julie Wornan laisse croire que ce sont les jeunes qui pourront transformer une « situation incertaine » en avenir de bien-être. C’est là déculpabiliser à peu de frais la génération adulte qui ne fait actuellement presque rien pour les générations futures.

Cette BD donne des explications assez pointues de la crise écologique, il s’adresse plutôt à des enfants à partir de 12-13 ans. Nous émettons seulement un bémol sur son contenu ouvertement pro-nucléaire, avec en plus une présentation de ce type d’énergie en annexe A de 7 pages qui n’avait rien à faire dans ce type d’ouvrage pour jeunes.

Les presses du midi 2015, 116 pages, 19 euros (bande dessinée)

 

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L’Europe et la planète malades de la présence humaine

Nous nous préoccupons beaucoup dans les médias du FN (« acteur incontournable aux cantonales ») ou de la fessée (« pas encore interdite en France »), mais vraiment pas assez dans notre comportement pour les choses essentielles. Rappel :

1/2) Biodiversité, état des sols, pollution : l’environnement se dégrade en Europe
L’artificialisation des sols, due principalement à l’urbanisation, s’accompagne de leur fragmentation (30 % du territoire de l’UE est aujourd’hui fortement morcelé), mais aussi de leur dégradation, du fait de l’intensification de la production agricole et de l’érosion, qui touche plus de 25 % de l’espace européen… L’utilisation « non durable » des terres, facteur majeur de la perte de biodiversité, menace aussi les « services écosystémiques » assurés par les sols (comme le stockage de l’eau ou la filtration de contaminants), en même temps qu’elle accroît la vulnérabilité de l’Europe au changement climatique et aux catastrophes naturelles. Cette situation, qu’il est « difficile ou coûteux d’inverser », « ne devrait pas changer de manière favorable »…
L’AEE (agence européenne de l’environnement) exhorte à « une refonte complète des systèmes de production et de consommation qui sont à l’origine des pressions exercées sur l’environnement et le climat ». Ce qui nécessite, ajoute-t-elle, « de profonds changements dans les institutions, les pratiques, les technologies, les politiques et les modes de vie et de pensée prédominants ». (LE MONDE du 4 février 2015)

2/2) La Terre a perdu la moitié de ses populations d’espèces sauvages en 40 ans
La planète est malade, et sa guérison semble de plus en plus incertaine. La pression exercée par l’humanité sur les écosystèmes est telle qu’il nous faut chaque année l’équivalent d’une Terre et demie pour satisfaire nos besoins en ressources naturelles, tandis que le déclin de la biodiversité est sans précédent. Ce sont les conclusions alarmantes du Fonds pour la nature (WWF), dans la dixième édition de son rapport Planète vivante, le bilan de santé le plus complet de la Terre… L’empreinte écologique de l’humanité atteignait 18,1 milliards d’hectares globaux (hag, hectares de productivité moyenne) en 2010, soit 2,6 hag par personne.
Le problème, c’est que cette empreinte mondiale, qui a doublé depuis les années 1960, excède de 50 % la biocapacité de la planète, c’est-à-dire sa faculté à régénérer les ressources naturelles et absorber le CO2. Ce « dépassement » est possible car nous coupons des arbres à un rythme supérieur à celui de leur croissance, nous prélevons plus de poissons dans les océans qu’il n’en naît chaque année, et nous rejetons davantage de carbone dans l’atmosphère que les forêts et les océans ne peuvent en absorber… Résultat : les effectifs de ces espèces sauvages ont décliné de 52 % entre 1970 et 2010. Autrement dit, la taille de ces populations a fondu de moitié en moins de deux générations. (Le Monde.fr | 30 septembre 2014)

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Nous aurions dû rester des singes… selon Gaël Derive

– Nous aurions dû rester des singes. J’en suis intimement convaincu. Je me demande pourquoi l’évolution biologique naturelle a attribué autant d’envergure à une espèce dotée de si peu de conscience. J’aurais préféré rester un singe, et être heureux en haut de la canopée, au cœur des majestueuses forêts primaires. La nature est mal faite !
– L’influence anthropique affecte déjà l’océan à plus de 3000 mètres de profondeur, et aussi la stratosphère qui s’étend jusqu’à 50 kilomètres d’altitude. La dernière fois que l’atmosphère de la planète Terre a connu une concentration en CO2 supérieurs à 400 parties par million (ppm), valeur que l’on a atteint en 2013 puis maintenant dépassé, c’était il y a 3 millions d’années. Nous sommes en train de créer un climat préhistorique ! La stabilité du climat est pourtant un gage de durabilité de notre civilisation.
– Les civilisations sont éphémères. A chaque fois, une trop forte augmentation de la population, une mauvaise répartition des richesses et une mauvaise gestion environnementale – comme aujourd’hui ! – ont entraîné la chute de ce que l’on croyait inébranlable. La lutte contre le dérèglement climatique n’est donc pas une option, mais la seule voie possible pour que l’humanité puisse mener une vie décente.
– Le mode de vie à la française est hors normes, car un français émet en moyenne 7,1 tonnes de gaz à effet de serre par an (en 2011), alors que les émissions de la majorité des hommes et des femmes que j’ai rencontrés sont très faibles : 1,1 tonne au Bangladesh, 1,7 tonne en Ethiopie. Je pense qu’un des préceptes devrait être un partage équitable de la quantité mondiale des émissions de carbone requis pour limiter le réchauffement à 2°C d’ici la fin du siècle. Dans ce cas, nous devrons diviser par 3 les émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2050, ce qui représente un droit per capita aux alentours de 1,5 tonnes par an et par personne.
– Aujourd’hui, il n’est pas question de faire un choix entre démographie maîtrisée et développement social humain. Nous aurons les deux ou nous n’aurons ni l’un ni l’autre. Je me dis que notre génération n’est pas à la hauteur, et moi le premier.
C’était quelques extraits du livre de Gaël Derive, Nous aurions dû rester des singes…
(Indigène éditions, 2014) 50 pages, 5 euros

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Crime écolo, difficultés du principe pollueur-payeur

Détruire complètement la nature sauvage n’est ni un crime, ni même un délit. « Le végétal, l’animal, la chose n’ont pas de valeur indemnisable tant qu’ils n’entrent pas dans le patrimoine d’une personne physique ou d’une personne morale », constate Christiane Taubira. C’est pourquoi ministre de la justice présentera au cours du premier semestre 2015 un projet de loi relatif à la responsabilité civile environnementale*. Problème : quelle valeur accorder à ce végétal, cet animal, cette chose, pour ouvrir droit à des réparations ? Il ne suffit pas de parler de « valeur intrinsèque » comme Arne Naess dans la plate-forme de l’écologie profonde :

1) le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.
2) la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

Il peut y avoir remise en état du milieu aux frais de celui qui l’a dégradé, en vertu du principe pollueur-payeur. Et en cas d’impossibilité manifeste, il peut être envisagé une indemnisation. Mais quand une espèce disparaît, comment estimer cette perte irrémédiable ? Comment donner une valeur marchande à une nature sauvage qui n’a pas de prix, dont l’existence et la capacité d’évoluer par elle-même sont des données incommensurables, sans aucune mesure avec la valeur utilitaire qu’on peut lui donner. Combien pour un oiseau, pour un arbre, pour une montagne ? Il faut également « élaborer la liste des personnes habilitées à demander réparation ». Qui ? L’Etat, les collectivités locales, les associations de défense de l’environnement, les naturalistes ? Il faut surtout déterminer qui est responsable alors qu’il s’agit souvent de crimes collectifs : consommer de l’huile de palme revient à détruire des forêts primaires et la biodiversité qui va avec. Et quand on détermine la responsabilité de l’éleveur de porc breton, l’Etat couvre ses agissements même quand l’Union européenne n’est pas contente.

Ce n’est donc pas demain qu’il y aura un volet pénal à la lutte contre la criminalité écologique. Et pendant ce temps-là la nature continue d’être dévastée… Militez avec une association environnementaliste !
* LE MONDE du 12 février 2015, Le préjudice écologique va être inscrit dans la loi

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