anthropisation

L’écologie trouve place dans le dernier CHARLIE HEBDO

Il est rare que Charlie Hebdo parle d’écologie, dommage. Dans le dernier numéro, après que l’équipe rédactionnelle ait été massacrée en grande partie par des « Fous de dieu », un article de Fabrice Nicolino, qui a été lui aussi criblé de balles et se trouve encore à l’hôpital, sous morphine, nous interpelle. En voici un résumé :

« Il n’y a plus d’ailleurs. Et voilà pourquoi mon site Internet s’appelle Planète sans visa. La planète est devenue une banlieue où s’entassent les peuples. L’homme, devenu un agent géologique de première puissance, a inventé l’anthropocène. Ce site parle donc de la crise écologique, à ma manière. Sans concessions, sans inutiles précautions, sans vain respect pour les hommes et les institutions qui ne le méritent pas. Car il se passe un événement si considérable, tellement inédit, à ce point stupéfiant que la pensée refuse de l’admettre : nous sommes les contemporains de l’anéantissement de la vie. De la destruction des conditions de vie de l’humanité. De l’asservissement des autres êtres vivants à notre bon plaisir imbécile. D’une crise d’extinction des espèces comme la planète n’en a pas connu depuis la fin des dinosaures, voici 65 millions d’années. Je pense qu’il faut marquer au plus vite une rupture complète avec notre manière de penser la société. Il nous reste peu de temps pour imaginer un avenir qui ne soit pas de guerre et d’affrontements majeurs. Le rêve des droits de l’homme, né en France autour de 1789, atteint sous nos yeux ses limites. L’individu n’a pas, ne peut plus, ne doit en aucune manière avoir tous les droits que lui reconnaissent, pour le plus grand profit des marchands, la publicité et la propagande. Nous devons travailler ensemble à une Déclaration universelle des devoirs de l’homme. Car l’homme a désormais la responsabilité de protéger et de sauvegarder ce qui peut l’être encore. Les plantes et les arbres. Les singes et les colibris. Les fleuves et les pierres. Le vent et les abysses. Sans nous oublier nous-mêmes… »*

Fabrice Nicolino a eu « Le président de la République au bout du fil » le 19 janvier vers 15h45 ! Voici en bref ce qu’il en  dit : « Comment a-t-il été ? Parfait, en vérité. Je n’ai pas de raison de douter de la sincérité de François Hollande, ni de l’empathie manifestée pour nous autres, les victimes. Mais comment dire ? J’avais la tête ailleurs, car vous savez mon obsession : la tragédie écologique planétaire, qui menace tant de formes de vie, dont la nôtre. Avais-je le droit de passer mon tour ? Bien sûr que non. Je lui ai dit : « Vous avez encore une minute ? ». Et j’ai ajouté : « Je crois que vous-même, votre gouvernement, les hauts responsables de l’État et des administrations centrales êtes dramatiquement sous-informés de l’état réel, planétaire, des écosystèmes. Avec tout le respect que je vous dois. » J’ai un petit peu développé, insistant sur les inévitables conséquences de cette crise multiforme sur cette France qu’il préside. Et comme il me fallait être « positif », j’ai indiqué qu’il fallait à mon sens créer un instrument adapté (…) François Hollande n’a pas hésité, et il m’a répondu : « Venez donc me voir quand vous serez sur pied » (…) »**

* Charlie Hebdo n° 1778, 14 janvier 2015, 3 euros

** http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1865

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Manifestons massivement sur les « limites planétaires »

Une équipe de chercheurs internationaux a forgé dans Nature en 2009 la notion de « limite planétaire ». Leurs travaux identifiaient les seuils-limite à ne pas franchir pour éviter que « le système-Terre ne bascule dans un état très différent [de l’actuel], probablement bien moins favorable au développement des sociétés humaines ». Vendredi 16 janvier 2015 la même équipe identifie quatre limites déjà franchies ou en cours de dépassement*.

– Sur le front du climat, les auteurs estiment que la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone (CO2) ne doit pas dépasser une valeur située quelque part entre 350 parties par million (ppm) et 450 ppm. La teneur moyenne actuelle est d’environ 400 ppm, soit au beau milieu de la ligne rouge. L’objectif des deux degrés de réchauffement, fixé par la communauté internationale comme limite à ne pas dépasser, représenterait déjà des risques significatifs pour les sociétés humaines partout sur Terre.

– Les auteurs estiment que la diversité du vivant peut s’éroder à un rythme de 10 espèces par an sur un capital d’un million, sans impacts majeurs pour les société humaines. Cette limite est largement dépassée par le taux d’érosion actuel, 10 à 100 fois supérieur.

– Le changement rapide d’usage des sols est, lui aussi, globalement hors limite. Les chercheurs estiment ainsi qu’il faudrait conserver 75 % de couvert forestier dans les zones auparavant forestières ; au niveau mondial, le taux moyen actuel est estimé à tout juste un peu plus de 60 %.

– La quatrième limite franchie est la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore qui assurent la fertilité des sols agricoles. Ces perturbations sont principalement causées par l’utilisation excessive d’engrais et la mauvaise gestion des effluents des exploitations animales. Les phosphates naturels, qui servent à produire les engrais phosphatés, ont été recensés en 2014 par la Commission européenne comme faisant partie des 20 matières premières critiques, et c’est la seule qui concerne directement les questions de sécurité alimentaire. 

Voici ci-dessous un graphique** qui explicite l’obligation pour l’humanité de se situer entre en plancher social et un plafond environnemental. L’économie ne peut qu’être écologique sauf à nous conduire au désastre… Soyons plusieurs millions dans les rues pour l’exiger.

* LE MONDE du 17 janvier 2015, La planète a dépassé certaines de ses limites

** Vivement 2050 ! (Programme pour une économie soutenable et désirable)

éditions les Petits matins, 232 pages, 14 euros

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L’agriculture biologique est bien la plus performante

L’agriculture biologique est un mode de culture qui proscrit les intrants chimiques, engrais, pesticides et autres produits phytosanitaires. En fait il s’agit de la méthode appliquée dans les pays développés avant l’utilisation des engrais artificiels, ce que Albert Howard appelait la mentalité NPK (azote, phosphore, potassium). Il s’agit presque toujours de la méthode encore appliquée dans les pays pauvres. Commentons l’article de Pierre Le Hir dans LE MONDE* :

« Fin 2011, l’agriculture biologique n’occupait que 37,2 millions d’hectares dans le monde, soit seulement 0,9 % de la surface agricole totale. »

commentaire de Biosphere : étonnant, on fait comme si la majorité des cultures faites par les paysans des pays pauvres n’était pas biologique. Or il s’agit bien d’une agriculture qui se passe d’intrants chimiques, engrais, pesticides et autres produits phytosanitaires !

« Ses détracteurs lui reprochent ses piètres rendements, comparés à ceux de l’agriculture conventionnelle. Les dernières grandes études internationales sur le sujet, publiées en 2012, indiquaient que les rendements moyens des productions végétales sont, en mode biologique, de 20 % à 25 %  inférieurs à ceux des pratiques traditionnelles. »

commentaire de Biosphere : Le calcul des rendements est faussé car il ne considère pas tous les éléments du rapport productif. Pour avoir une vision complète du rendement à l’hectare, il faudrait mettre en comparaison le nombre de calories des végétaux produits sur une superficie donnée et tous les facteurs de production qu’on peut transformer en calories : le tracteur, les engrais, les pesticides, l’irrigation, etc. En terme imagé, nous mangeons du pétrole. Le résultat de ce rendement « généralisé », c’est que l’agriculture biologique (traditionnelle) est dans presque tous les cas bien plus performante que l’agriculture conventionnelle (productiviste).

«  Une récente publication montre que le différentiel est beaucoup plus faible lorsque les exploitations biologiques ont recours soit à la polyculture (plusieurs plantes cultivées sur la même parcelle), soit aux rotations : il tombe alors à respectivement 9 % et 8 %. »

commentaire de Biosphere : il faut pouvoir toujours compenser la perte de fertilité entraînée par les productions végétales et animales. L’agriculture productiviste le fait de façon artificielle et non durable, la fin des énergies fossiles marquera le glas de ce type de surexploitation des sols. L’agriculture biologique est inséparable de la polyculture associée à l’élevage et des jachères. Concluons avec Claire Kremen : « Augmenter la part de l’agriculture faisant appel à des pratiques durables n’est pas un choix, mais une nécessité : nous ne pouvons tout simplement pas continuer à produire de la nourriture sans prendre soin des sols, de l’eau et de la biodiversité. »

* lemonde.fr | 10.12.2014, L’agriculture biologique, plus productive qu’on ne le pense

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Vandana Shiva, qui mérite d’être mieux connue en France

Au milieu des paillettes du luxe, de la mode bling bling et du clinquant sur papier glacé que décline à satiété M le magazine du MONDE se trouve parfois un article sur ce qui compte vraiment. Ainsi ce reportage sur « la diva verte », Vandana Shiva*. Mais Vandana est plus qu’une diva, c’est une déesse de l’écologie en marche. Elle ne s’arrête jamais, elle court le monde pour défendre ses positions radicales, elle est une icône altermondialiste et éco-féministe, héroïne de la résistance écologique, à l’avant-garde de la lutte anti-OGM. Elle s’oppose aux semences génétiquement modifiées et, pour tous les partisans des biotechnologies et de l’agriculture intensive, elle est devenue la femme à abattre.

Des articles à charge remettent en question la corrélation qu’elle ferait entre l’arrivée du coton Bt (transgénique) en Inde et l’augmentation dramatique des suicides chez les paysans. Ses détracteurs affirment qu’il n’y a aucune causalité prouvée, et que la militante est une « dangereuse affabulatrice », voire une « démagogue » qui déforme les faits et les chiffres. Lionel Astruc, journaliste spécialisé en développement durable, et auteur de Vandana Shiva, victoires d’une Indienne contre le pillage de la biodiversité (Terres vivantes, 2011) la défend ainsi : « Alors que Vandana dirige son association non lucrative avec des bouts de ficelle, elle est confrontée à des multinationales qui déploient des systèmes complexes et des moyens colossaux pour s’opposer à elle. »

                La simplification outrancière est la marque de fabrique des firmes qui veulent semer le doute sur la crédibilité de leurs opposants. En fait Vandana Shiva se réfère toujours à une argumentation complexe qui remonte bien au-delà du coton Bt. Ainsi cette déclaration sur le suicide reprise par le livre Solutions locales pour un désordre global (2010) : « La révolution verte a reçu le prix Nobel de la paix sous le prétexte que les nouvelles technologies en chimie allait apporter la prospérité, et que la prospérité apporterait la paix. Cela s’est appelé la révolution verte, par opposition à la révolution rouge qui se répandait en Inde, venant de Chine. Les Américains se sont dit : « Diffusez les produits chimiques et vous éviterez le communisme. » Malheureusement ces produits coûtaient cher et nuisaient à l’environnement. Tout cela s’est révélé au bout de dix ans, si bien qu’au lieu d’être en paix et de profiter de la prospérité, les jeunes ont connu une nouvelle pauvreté et pris les armes.  Après la répression très violente par les forces militaires contre les insurgés dans le Punjab, on ne pouvait plus prendre son fusil ; alors les agriculteurs ont commencé à boire les pesticides pour mettre fin à leurs jours. Au cours de la dernière décennie, nous avons ainsi perdu 200 000 agriculteurs. »

                Pour l’instant les multinationales règnent sur le monde, un jour la tête de leurs dirigeants se retrouvera sur les piques de la révolution paysanne. L’agriculture industrielle et ses OGM fera en effet faillite avec la fin des énergies fossiles. Place au retour à la terre et aux semences paysannes.

* M le magazine du MONDE (6 décembre 2014), La diva verte

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Santé ou environnement, il ne faudrait pas avoir à choisir

« Vouloir préserver l’environnement n’est pas qu’une lubie de « bobos-écolos » : c’est aussi et avant tout une question de santé publique. »* Cette phrase de Stéphane Foucart dans sa chronique « Planète » nous fait mal. Parler de bobos-écolos sonne faux et mettre la santé humaine avant la santé de la biosphère est un contre-sens total. Comme il l’indique d’ailleurs dans son article, les deux sont liés irrémédiablement : « Le lien est fait entre les dégradations de l’environnement et l’épidémie de maladies chroniques que nous connaissons actuellement et sur laquelle l’Organisation mondiale de la santé a attiré l’attention à l’automne 2011 »… « Il n’est plus seulement question d’évaluer les effets ponctuels de l’exposition d’une substance sur une population donnée : il faut désormais parler en termes d’exposome, c’est-à-dire des expositions chroniques cumulées à des agents chimiques, y compris à faibles doses, sur la population générale », dixit Gérard Bapt, député PS.

Quand Stéphane Foucart ramène la protection de l’environnement à une sauvegarde de la santé humaine, il exprime un point de vue idéologique. Posez cette question autour de vous : « Comment te caractérise-tu, humain ou terrien ? » Répondre « humain », en premier, c’est faire preuve d’anthropocentrisme, ne penser à la santé de la biosphère que par rapport à la santé humaine. L’enjeu éthique est bien plus vaste. Le journaliste ne relate le livre de Rachel Carson, Printemps silencieux, que pour mettre en évidence la faculté de l’insecticide DDT à se stocker dans les graisses et à s’accumuler le long de la chaîne alimentaire… dont Homo sapiens fait partie. Le message de Rachel Carson est bien plus profond, elle écrivait : « Nous avons à résoudre un problème de coexistence avec les autres créatures peuplant notre planète. Nous avons affaire à la vie, à des populations de créatures animées, qui possèdent leur individualité, leurs réactions, leur expansion et leur déclin. Nous ne pouvons espérer trouver un modus vivendi raisonnable avec les hordes d’insectes que si nous prenons en considération toutes ces forces vitales, et cherchons à les guider prudemment dans les directions qui nous sont favorables… Les extraordinaires possibilités de la substance vivante sont ignorées par les partisans de l’offensive chimique, qui abordent leur travail sans aucune largeur de vues, sans le respect dû aux forces puissantes avec lesquelles ils prétendent jouer. »

                Nous sommes tous des terriens, enracinés dans la nature qui nous fait respirer, manger et vivre. La nature n’est pas seconde, elle est première, nous devons en respecter les lois… sinon notre santé physique et mentale en souffre fortement.

* LE MONDE du 24 novembre 2014, L’environnement, c’est la santé !

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La tour Triangle : doit-elle monter jusqu’au ciel ?

La tour Triangle imaginée à la porte de Versailles devrait monter jusqu’à 180 mètres. A quoi va servir cette tour ? Triangle comportera 80 000 m2 de bureaux, Rien d’autre que des bureaucrates. Pas de logements, pas de commerces, pas d’espace vert à portée des yeux. Les avis divergent sur ce projet. Les Verts en appellent à une « ville plus basse et plus apaisée »*.

Anne Hidalgo, la maire de Paris, se retranche derrière une conception tronquée de la démocratie qui serait « recherche de l’intérêt commun » contre « pratiques tacticiennes » : « Seul un discours émancipé des considérations d’appareil et de pouvoir peut faire advenir une décision authentiquement démocratique. »** Ce qui veut dire pour elle de raisonner uniquement sur des potentialités en matière d’emploi, l’arrivée d’un investissement privé de 500 millions d’euros et une « très grande qualité architecturale ». Mais l’emploi n’est que fantasme, Paris est déjà suréquipé en bureaux. Quant aux capitaux privés, il est vraiment paradoxal que ce soit le PS et le PCF qui militent pour une tour de promoteurs ! Quant au goût des architectes pour de grandioses projets inutiles qui ne satisfont que leur ego de créateurs, il faut être un politique des années 1960 pour y croire encore.

La tour Triangle pourrait être beaucoup plus haute, comme la Burj Khalifa à 828 mètres, la Kingdom Tower en construction (prévue pour atteindre 1000 mètres) ou dépasser sa concurrente à Paris, la Tour Montparnasse qui culmine à 210 mètres. Mais elle pourrait aussi être beaucoup plus basse, à 37 mètres, hauteur standard de la Lutèce moderne. Ou bien encore rester au niveau de la terre, un étage au maximum. Constatons d’ailleurs que les architectes habitent de préférence au rez-de-chaussée, avec vue sur le jardin. De toute façon l’avenir des villes ne sera durable que s’il est accompagné d’une désurbanisation maîtrisée pour préparer la nécessaire relocalisation des activités dans un contexte probable de chocs énergétiques et climatiques. La tâche du futur maire de Paris sera de faire naître une agriculture urbaine, d’inciter chacun à avoir son poulailler et de permettre à tous de composter ses déchets dans le bac au coin de la rue. Le futur de Paris ne reposera pas sur la multiplication des tours, nous devrons revenir à une ville à taille humaine, écologiquement compatible si c’est encore possible… quand il y a des banlieues tentaculaires. Ah, «le grand Paris » !

* LE MONDE du 22 novembre 2014, Pas de quartier pour la tour

* LE MONDE du 22 novembre 2014, Ne renonçons pas à la tour Triangle !

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A Sivens et ailleurs, où sont vraiment les criminels ?

La mort violente d’un jeune homme sur le projet de barrage de Sivens de 21 ans fait dire au professeur Xavier Crettiez : « La défense des espèces et espaces protégés réunit une minorité déterminée, héritière des éco-guerriers anglo-saxons. Les luttes engagées proposent un cadre de lecture séduisant par sa limpidité. Aux défenseurs désintéressés d’une nature sauvage et belle s’opposent les bâtisseurs polluants alliés aux intérêts mercantiles et politiques. Pour une part minoritaire de cette mouvance, il faut donc libérer par tous moyens certains espaces de l’influence néfaste des intérêts marchands. »* Voici une tribune qui se garde bien de dénoncer le renforcement de la violence d’Etat. Au moins l’auteur pourrait-il rappeler deux faits très précis : 1/ Rémi Fraisse était non violent. 2/ Il est mort le dos explosé par la grenade des forces de l’ordre.

                Le style ironique de Xavier Crettiez  sur la nature forcément « sauvage et belle » n’empêche que le fond du problème, la chute de la biodiversité et la raréfaction de l’espace disponible, est devenu une réalité inquiétante. Par exemple la France s’artificialise au rythme annuel de 1 %, soit la perte d’un département tous les 7 à 10 ans. Les meilleures terres agricoles, les prairies, les landes, sont bâties, asphaltées, transformées en ronds points… ou en retenues d’eau. Il est donc légitime d’agir. Au niveau des moyens, ce professeur de sciences politiques  met l’accent sur la violence alors que la grande majorité des militants sont des activistes, certes, mais non violents voire pacifistes. Les zadistes ont vu leur campement, leur affaires brûlées, des lacrymos jetées dans une caravane fermée, de nombreux blessés dont on ne parle JAMAIS. Pourtant face à cette violence d’Etat les réactions restent le plus souvent calmes et festives. Les écologistes activistes ont compris que la violence renforce le pouvoir qu’on veut combattre.

                Le directeur de Greenpeace France, Jean-François Julliard constate : « L’Etat augmente le niveau de répression exercé à l’égard des militants écologistes. Pas un mois ne s’écoule sans que l’un de nos militants écope d’une peine de prison ou d’une forte amende… En France, le gouvernement prend peur au moindre mouvement de contestation et réagit de la pire des manières… A l’inverse, dans les démocraties bien établies, les militants non violents ne sont jamais condamnés, ni même poursuivis en justice… Plus que jamais, il faut agir pacifiquement. Notre-Dame-des-Landes, Sivens et Bure (centre d’enfouissement de déchets radioactifs), ces projets tout aussi inutiles et nocifs ne verront jamais le jour si le mouvement environnemental s’en tient à cette ligne de conduite… »** Ajoutons que les forces de l’ordre mériteraient d’être entraînées aux méthodes de l’action non violente…

* LE MONDE du 31 octobre 2014, Il existe une éthique de violence propre à la galaxie altermondialiste

** LE MONDE du 1er novembre 2014, Cessons de criminaliser les militants environnementaux

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F. Bourgeon, le cycle de Cyann et l’utopie écologique

Cyann achève son cycle… en BD. Son créateur, François Bourgeon, montre que les dessinateurs peuvent avoir une conception écologique poussée. Voici sa réponse à cette interrogation : Cyann arrive sur une planète où elle découvre une sorte d’utopie écologique…*

« Il y a le combat politique et le combat écologique. Ils peuvent être liés ou ne pas l’être. En ce qui concerne le combat politique, j’ai toujours une admiration pour les gens qui se battent pour une idée qu’ils croient juste, même s’ils se trompent d’idée, de méthode, de moyen, etc. Mais au moins, ils ont fait un choix. Le combat écologique, c’est autre chose. Depuis 200 ans, on est entré dans ce que les géologues appellent l’anthropocène, un âge géologique que l’on constatait en examinant les carottes de glace polaire, à partir duquel l’homme modifiait la vie sur Terre et le climat. Les humains laissent des traces depuis l’avènement du charbon, des machines à vapeur… Pourquoi a-t-on conservé aussi peu d’armures du Moyen-âge ? Parce qu’il n’était pas question de jeter une armure abîmée : on prenait le métal et on en refaisait une neuve ! Aujourd’hui on fait des câbles électriques par milliers de kilomètres depuis le milieu du XIXe siècle sans les recycler, comme si la terre allait fournir à l’infini du cuivre, de l’acier, du nickel ou des métaux plus rares comme l’uranium qui fournit l’énergie nucléaire.

Nous sommes trop nombreux pour continuer à vivre comme nous avons vécu. C’est un problème sur lequel personne ne travaille réellement, alors que c’est une urgence ! Que ce soit dans dix ans ou dans cent ans, il se posera, et de façon très grave. Il est temps que l’on se préoccupe de notre survie car, finalement, l’univers peut très bien se passe de nous. Nous sommes dans une époque où le capitalisme est international et s’impose à tout. Nous ne sommes pas face à des gens qui se disent : « Il y a un mur en face de nous, il faut que je freine… », mais face à des gens qui se disent «  Il ne faut surtout pas que je freine, car mon concurrent risque de passer devant moi et de prendre son bénéfice à ma place… » Ils accélèrent pour aller dans le mur et ils nous emmènent avec eux. Les solutions, je ne les ai pas, mais je suis malade pour mes petits-enfants, pour tous ceux que l’on se permet de mettre au monde alors que l’on ne se préoccupe pas de leur avenir. »

* Zoo numéro 54 (septembre-octobre 2014), propos recueillis par Didier Pasamonik

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Fragilité et effondrement : une prévision de Dmitry Orlov

« Ma prédiction est que les États-Unis s’effondreront dans un avenir prévisible… et cela ne s’est pas encore produit. Et donc, inévitablement, on me pose encore et encore la même question : Quand ? Et inévitablement, je réponds que je ne fais pas de prédictions chronologiques. Il est possible de prédire que quelque chose va se produire avec une troublante précision. Par exemple, tous les empires finissent par s’effondrer, sans exception ; par conséquent les États-Unis s’effondreront. C’est une sorte de propriété générale des choses qu’elles se construisent lentement et s’effondrent rapidement. Les exemples de cette sorte abondent (bâtiments, ponts, digues, empires militaires, économies, supernovas…). Mais il n’est pas possible de prédire quand quelque chose va se produire. Cependant, en observant le rythme de détérioration, nous pouvons parfois dire quand la date approche. Alors, observons ensemble.

Le gouvernement fédéral américain dépense actuellement environ trois cent milliards de dollars par mois. Pour ce faire, il « emprunte » environ cent milliards par mois. Le mot « emprunte » est entre guillemets, car la plus grande part de cette dette nouvelle est créée par le Trésor et achetée par la Réserve fédérale, donc, en substance, le gouvernement se fait juste un chèque de cent milliards de dollars tous les mois. Personne ne peut dire combien de temps un tel scénario peut continuer de se dérouler.

Ugo Bardi présente un modèle merveilleusement simple et clair, qu’il a appelé l’effet Sénèque. Ce modèle inclut deux éléments : une base de ressources et une économie. La vitesse d’exploitation de la base de ressources est proportionnelle à la fois à la taille de la base de ressources et à la taille de l’économie. Aussi, l’économie décline à une vitesse proportionnelle à sa taille. Les choses grossissent et grossissent, et soudainement elles s’arrêtent.

Maintenant, ajoutons un troisième élément, qui peut être nommé diversement bureaucratie, pollution ou frais généraux. Il décline aussi à une vitesse proportionnelle à sa taille. Il y a un problème avec ce modèle : nous ne savons pas vraiment quels éléments de l’économie sont productifs (en terme de contribution à la vitesse à laquelle la base de ressources est convertie en capital) et lesquels sont improductifs et tombent dans la catégorie bureaucratie/pollution/frais généraux. Quand nous regardons le monde, nous voyons la somme des deux et nous ne pouvons les distinguer. Avec ce détail dissimulé à la vue, l’effondrement devient difficile à voir : les gens peuvent être affamés, mais il y a aussi beaucoup de bureaucrates gras se mangeant leurs amples fessiers les uns les autres.

Un problème associé est que la fraction des ressources allant dans bureaucratie/pollution/frais généraux commence généralement en étant raisonnable (un quart ou un tiers environ) mais plus l’économie se rapproche de l’effondrement, plus cette fraction augmente. On peut observer cela aux États-Unis : de plus en plus de ressources sont allouées aux sauvetages financiers, aux projets bidons de relance économique et à la sécurité nationale. Tandis que la partie productive de l’économie commence à lâcher, les bureaucrates se désespèrent mais, étant des bureaucrates, tout ce qu’ils peuvent faire est d’augmenter indéfiniment la charge bureaucratique, accélérant la glissade descendante.

Les choses grossissent et grossissent, puis s’arrêtent soudainement. Regardons l’exemple du commerce de détail américain. Autrefois, il y avait une industrie locale qui vendait des produits dans de petits magasins. En quelques décennies, l’industrie a déménagé dans d’autres pays, principalement la Chine, et les petits magasins ont été évincés par les grands magasins, puis par les centres commerciaux, culminants avec Walmart qui pratique le commerce sur brûlis : comme la plupart de ce qu’il vend est importé, il vide d’argent l’économie locale, puis il est forcé de fermer, laissant la dévastation dans son sillage. Et une fois que les services d’UPS et FedEx sont devenus inabordables à cause de l’augmentation des prix de l’énergie ou indisponible à cause de routes et de ponts non entretenus et infranchissables, l’accès local aux marchandises importés est perdu.

Pareillement, avec les banques américaines. Autrefois il y avait des petites banques de quartier qui prenaient les économies des gens et les prêtaient aux particuliers et aux entreprises, aidant la croissance économique locale. En quelques décennies, ces petites banques de quartier ont été remplacées par quelques énormes méga-banques, qui, après 2008, sont devenues effectivement la propriété du gouvernement. Une fois que les méga-banques ferment leurs branches locales, l’accès à l’argent est perdu.

Peu de choses continuent de fonctionner aux États-Unis une fois que le réseau électrique est en panne. On a récemment constaté que l’incidence des coupures d’électricité majeures doublait chaque année. C’est un réseau sévèrement surchargé, fait de lignes électriques et de postes de transformateurs vieillissants, certains datant des années 1950. Il y a plus de cent réacteurs nucléaires, qui deviennent vieux et dangereux, mais leur vie opérationnelle est en train d’être artificiellement étendue par certification. Il n’y a pas de plans, et pas d’argent, pour les démanteler et pour séquestrer les déchets à haut niveau radioactif dans un lieu souterrain géologiquement stable. Si elles étaient privées à la fois de l’électricité du réseau et de carburant diesel pendant un long intervalle de temps, ces centrales fondraient, à la Fukushima Daiichi. L’incidence des coupures d’électricité majeures ne peut doubler qu’un certain nombre de fois avant qu’il soit temps de distribuer les tablettes d’iodure de potassium.

Sans électricité, il n’y a ni chaleur ni eau chaude ; il n’y a pas d’eau courante ou, plus effrayant, plus d’évacuation des eaux usées. Les systèmes de sécurité et les systèmes de paiement cessent de fonctionner. Les téléphones mobiles et les ordinateurs portables ne peuvent être rechargés. Les tunnels autoroutiers et le métro son inondés et les ponts ne s’ouvrent pas pour laisser passer le trafic maritime — tel que les barges chargées de diesel. Pouvons-nous être sûr que le diesel continuera d’être fourni à toutes les centrales nucléaires actives alors même que tout le reste s’écroule ? »

Résumé du texte de Dmitry Orlov (5 juin 2012)

Source : http://www.orbite.info/traductions/dmitry_orlov/fragilite_et_effondrement.html

Dmitry Orlov est né à Leningrad en 1962 et a immigré aux États-Unis à l’âge de douze ans. Il a été témoin de l’effondrement soviétique lors de plusieurs visites prolongées sur sa terre natale russe entre la fin des années 1980 et le milieu des années 1990. Il est aussi un théoricien majeur du pic pétrolier et estime que l’Union soviétique était mieux préparée à l’effondrement économique que le sont les États-Unis !

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Des routes, encore des routes, beaucoup trop de routes

Personne ne s’interroge sur le bien-fondé d’une infrastructure dédiée aux déplacements individualisés sur quatre roues. L’importance démesurée des réseaux de voirie entraîne une dégradation effroyable des écosystèmes par l’artificialisation des territoires et leur fragmentation. En France, on compte au moins 10 000 kilomètres d’autoroutes et 18 000 kilomètres de routes nationales. Les départementales occupent 365 000 kilomètres et les chemins ruraux environ 600 000 km (chiffres de 2004). Pour la Biosphère, jamais une société française respectueuse de l’environnement n’aurait du dépasser le niveau des chemins vicinaux qui ne font qu’entretenir les rapports de voisinage. Mais la folie des larges pistes et de la vitesse a gagné le monde entier.

Sur l’ensemble du globe, « au moins 25 millions de kilomètres de routes nouvelles sont prévus d’ici à 2050 ». De quoi faire « plus de 600 fois le tour de la Terre »*. Cette course à l’asphalte est sans précédent dans l’histoire. A l’horizon du milieu du siècle, la longueur cumulée des voies de communication devrait être de 60 % supérieure à celle qu’elle atteignait en 2010. L’article du MONDE essaye de distinguer les axes routiers bénéfiques et préjudiciables en tentant la quadrature du cercle : meilleure préservation des milieux naturels et plus grand développement économique. Les raisons des réseaux de transport sont multiples, qu’il s’agisse de l’exploitation des ressources naturelles ou des échanges commerciaux. Pour le business as usual, les raisons de protéger la nature sont à l’heure actuelle inexistantes. L’écologie s’efface devant l’économique. Avec pour conséquences prévisibles une augmentation spectaculaire de la colonisation de terres et de la perturbation d’habitats naturels ainsi qu’une surexploitation des espèces sauvages et des ressources naturelles.

Les futures routes du développement ouvrent la boîte de Pandore des problèmes environnementaux. Dans l’idéal seul les sentiers pour piétons permettraient à la nature de garder son équilibre durable. La planète ne peut supporter que quelques millions d’humains à consommation modérée, nous sommes plus de 7 milliards atteints de consumérisme exacerbé !

* LE MONDE du 28 août 2014, Vingt-cinq millions de nouvelles routes, de quoi faire 600 fois le tour de la Terre

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Karl Marx, productiviste, ne pouvait pas être écolo

La place de l’écologie dans la pensée économique depuis Adam Smith (1776) a toujours été négligeable. Si la question du renouvellement des ressources naturelles est au cœur des interrogations de Malthus, les classiques et les néo-classiques ont exclu la nature du champ économique. La pollution industrielle apparaît pendant la seconde moitié du XIXe siècle (combustion du charbon…) sans que l’on s’en préoccupe. Le problème majeur est de produire, le reste importe peu. Karl Marx est dans la même lignée. Il est d’abord le continuateur de l’école classique (fondatrice du libéralisme). Dans le livre 1 du capital, il développe sa conception de la valeur travail en partant principalement des travaux de Smith et Ricardo. La question de l’épuisement des ressources ne se pose pas. A.Smith et K.Marx ne jurent que par le travail puisque, pour eux, seul le travail est créateur de richesses. S’ils expliquent que le travail met en valeur des richesses qui sont données par la nature, c’est d’abord pour valoriser, dans une société avancée, les richesses naturelles externes en moyens de travail tels que chutes d’eau, rivières navigables, métaux, charbon… Ils pensent que la fertilité du sol, eaux poissonneuses, etc. ne sont importantes qu’aux origines de la civilisation. Le premier groupe (richesses externes) peut être assimilé à des ressources naturelles qui ont été valorisées : les métaux, le charbon doivent être extraits de la terre pour être utilisé.

Mais Marx va encore plus loin, il pense que le capitalisme (le socialisme) doit accroître l’emprise de l’homme sur la nature : « La patrie du capital ne se trouve pas sous le climat des tropiques, au milieu d’une végétation tempérée. Et ce n’est pas la fertilité absolue du sol, mais plutôt la diversité de sa composition géologique et la variété de ses produits naturels qui forment la base naturelle de la division sociale du travail et qui incitent l’homme à multiplier ses besoins, ses moyens et modes de travail ». La contrainte naturelle est même sensée perdre en intensité à mesure que l’industrie se développe. En d’autres termes, l’homme reste toujours maître de la nature. Il n’y a pas dans l’analyse de Marx l’idée que le capitalisme va dépérir parce qu’il exploite de façon outrancière les ressources de la nature. La cause principale de disparition du  capitalisme reste pour lui la baisse tendancielle du taux de profit. Le développement de l’industrie est en partie « déterminée par la nécessité de diriger socialement une force naturelle, de s’en servir, de se l’approprier en grand par des oeuvres d’art, en un mot de la dompter ». Il rejoint ainsi un classique comme JB Say. Ce qui le préoccupe, ce ne sont pas les ressources de la nature, puisqu’elles sont supposées faciles d’accès et gratuites. Ce sont celles qui doivent être transformées par le travail des ouvriers et le capital des entrepreneurs. En d’autres termes, alors que le facteur travail reste l’élément dominant, l’accumulation de capital technique l’emporte sur le facteur ressources naturelles pendant la révolution industrielle. Aucun souci à se faire, il s’agit  de richesses brutes données par la nature en abondance. Pour Marx, la nature en tant que telle ne produit pas de richesses.

Ces analyses anciennes sont prolongées par les tenants actuels de la durabilité faible qui forment le courant économique dominant (de droite comme de gauche) : le capital naturel peut toujours être remplacé par des éléments fabriqués, donc par du travail et du capital technique.

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Nous sommes pollués au mercure sans nous en apercevoir

La concentration de mercure des eaux de surface – jusqu’à 1 000 mètres de profondeur – de quasiment tous les océans a triplé du fait des rejets d’origine humaine. Le mercure, très volatil, se disperse dans l’atmosphère et le milieu marin constitue une « pompe à mercure ». Il est transformé par les bactéries en méthylmercure, la forme la plus toxique de ce métal. Celle qui se retrouve dans les poissons de mer que nous consommons. Les concentrations sont infinitésimales, mais au fil de la chaîne trophique, jusqu’aux plus gros poissons comme le thon ou l’espadon, cette concentration est multipliée par dix millions*. Seulement trois réactions (dont une hors sujet) sur lemonde.fr… cela montre le peu d’intérêt des humains pour ce qui les empoisonne ! Il est vrai que ce type de pollution, comme les gaz à effet de serre, possède des caractéristiques qui nous empêchent d’en mesurer les risques. En voici un répertoire :

                 « Les problèmes écologiques présentent cinq caractéristiques dont chacun met mal le principe même du gouvernement représentatif :

           le rapport à l’espace, au sens des frontières politiques, mais aussi des conséquences de nos actions. Les pollutions touchent des régions entières, des continents, voire dans certains cas la biosphère.

           l’invisibilité des problèmes écologiques. Ni les radiations nucléaires, ni la présence de micropolluants dans l’air et l’eau, ni la réduction de la couche d’ozone, ni le changement de la composition chimique de l’atmosphère, ni l’accélération du rythme d’érosion de la biodiversité, ni la perturbation des grands cycles biogéochimiques ne constituent des phénomènes accessibles à nos sens.

           leur imprévisibilité.  Aucun des grands problèmes environnementaux découverts durant la seconde moitié du XXe siècle n’a été anticipé. Tous ont constitué des surprises. Tel fut le cas pour les effets de la radioactivité sur la santé, les effets du DDT et plus largement des pseudo-hormones sur les systèmes reproducteurs, la déplétion de la couche d’ozone, le changement climatique d’origine anthropique.

           la dimension temporelle, sous la forme des conséquences à long terme de nos actions. L’inertie évoque le temps de réponse – très long – des écosystèmes aux dégradations qu’on leur inflige. Les polluants libérés dans les sols ont besoin de longues années avant d’atteindre les nappes phréatiques, le réchauffement climatique se poursuivra bien au-delà du XXIe siècle et le réchauffement des océans perdurera durant des millénaires. L’irréversibilité dénote l’impossibilité, à l’échelle des sociétés humaines, de revenir à des états que nous aurons contribués à détruire.

           la qualification même des difficultés écologiques. L’essentiel de nos difficultés ne relève plus à proprement parler de pollutions, mais de flux. Alors que les pollutions sont susceptibles de connaître des solutions techniques, à l’exemple des filtres pour les émanations industrielles, il n’en est plus de même des flux. Alors que les problèmes de pollution se traitent en produisant mieux, ceux relatifs aux flux exigent que l’on consomme moins.

 La somme des menaces environnementales peut se ramener à un risque unique mais dramatique : la réduction et l’appauvrissement de notre habitat terrestre »**.

 * LE MONDE du 9 août 2014, Trois fois plus de mercure à la surface des océans depuis le début de l’ère industrielle

** Vers une démocratie écologique (le citoyen, le savant et le politique) de Dominique Bourg et Kerry Whiteside (Seuil, 2010)

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Débat feutré entre l’anthropocentrisme et le biocentrisme

La très grande majorité des personnes ont une  conception de la nature anthropocentrée. Un écolo véritable pensent que c’est une mauvaise base de départ. Mais nous n’avons pas à jeter l’invective, il faut seulement privilégier le raisonnement. En effet les écologistes n’ont pas d’adversaire puisque toutes les personnes sont potentiellement des écologistes. Nous n’avons donc que des personnes à convaincre. Bien souvent d’ailleurs la « confrontation » porte simplement sur une différence de définition des concepts. Exemple de débat :

Anthropocentrique : sans l’Homme il n’y a pas de nature, il n’y a que de la matière.

Biocentrique : la nature, qui n’a pas besoin des humains pour exister, c’est de la matière transformée en formes multiples du vivant .

Anthropocentrique : La nature est une construction sociale. Autrement dit , il y a autant de « définitions » de la nature que de périodes historiques ayant précédé le capitalisme.

Biocentrique : Il y a confusion entre « nature », qui n’a pas besoin d’être définie pour préexister à l’homme, et « environnement » (autour de l’homme), marquée par le regard humain. C’est à cause de cette distinction que FNE est la Fédération à la fois pour la nature et l’environnement.

Anthropocentrique : l’atome ou la matière  ne se pensent pas, l’araignée ne se pense pas

Biocentrique : Il ne faut pas mettre sur le même plan la composition commune de l’homme et de l’araignée (des molécules et des gènes) et une araignée qui pense à ce qu’elle fait pour survivre et se reproduire… comme l’homme.

Anthropocentrique : si la nature ne procède que de la pensée de l’homme

Biocentrique : l’expression « si » montre que nous sommes dans un contexte particulier de définition qui entraîne la suite du raisonnement. Mais si la base est biaisée, tout le reste du raisonnement n’a plus de fondement.

Anthropocentrique : pas un seul millimètre carré de cette planète qui n’ait été profondément transformés par l’activité humaine

Biocentrique : nous sommes bien d’accord, nous sommes entrés dans l’anthropocène à la différence d’une époque où la nature sauvage existait encore. Comme  cette transformation, issu d’un processus de production et de consommation qui dégrade profondément la biosphère qui nous fait vivre, c’est d’ailleurs pour cela que l’écologie politique existe, pour dénoncer cette dégradation et faire autrement.

Anthropocentrique : Dès que vous avez observé un paysage, il est déjà éternellement modifié

Biocentrique : rappelons simplement que la vie sur cette planète a environ 3,8 milliard d’années et homo sapiens à peu près 200 000 ans seulement. Jusqu’il y a 10 000 ans d’ailleurs, les chasseurs-cueilleurs s’adaptaient au paysage plutôt que l’inverse.

Anthropocentrique : pour Marx  » l’homme réalise (dans la nature) son propre but, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté”…  Il convient que nous soyons débarrassés du capitalisme !

Biocentrique : Marx est un productiviste et c’est pour cela qu’il ne se différencie pas des buts du capitalisme. C’est aussi pourquoi Marx ne peut pas être une bonne référence pour un écolo. Il croyait aussi qu’il y avait une « loi » (de transformation du capital), nous savons maintenant qu’il n’y a pas de loi en matière d’organisation humaine.

Anthropocentrique : ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.

Biocentrique : notre sur-développement cérébral (qui permet l’abstraction et le n’importe quoi) est une explication valable de pourquoi l’homme détruit les conditions de vie sur terre alors que l’abeille ne fait que son boulot de pollinisateur dans la dynamique évolutive du vivant. La civilisation thermo-industrielle nous a fourni un nombre incalculable de mauvais architectes et autres ingénieurs…Ils ne sont pas utiles avec leur cerveau concepteur, les abeilles qui agissent plutôt par instinct sont indispensables.

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notre civilisation, un nain par rapport aux forces naturelles

En 2012, une tempête solaire d’une puissance jamais vue depuis 1859 est passée tout près de la Terre, sans la frapper. C’est une chance : elle aurait pu perturber tous les circuits électriques de la planète et « renvoyer la civilisation contemporaine au XVIIIe siècle », selon un communiqué de la NASA diffusé le 23 juillet*. Cela prouve la fragilité de notre société thermo-industrielle, d’autant plus susceptible d’effondrement qu’elle est trop complexe. Ci-dessous quelques commentaires avisés sur lemonde.fr :

Pierre B : L’homme ne se rend pas compte qu’il doit son existence à une incroyable succession de coup de chance depuis 200 000 ans 😉 Le niveau d’énergie du XVIII avec 66 Millions d’habitants, bonjour les dégâts si cela devait durer ou que des petits malins en profitent !

Bob : Il y a une chose que je trouve extrêmement préoccupante dans cet article, bien qu’elle soit presque évidente : plus une société est techniquement avancée, plus elle dépend de la technologie, et donc plus elle est sensible à un dysfonctionnement. On pourrait espérer (et certains doivent le croire) que l’Homme se construit une société de plus en plus sûre, or c’est l’inverse qui se produit, la société est de plus en plus instable et soumise aux aléas. Le culte du progrès a ses limites.

Du bon sens : Cette perturbation aurait peut-être été une chance pour sortir de cette société techniciste, productiviste et surconsumériste… Remettre nos pendules à l’heure ? Il serait temps que Dame Nature s’en préoccupe car nous ne saurons le faire par nous-mêmes.

Bob : Il y aura d’autres occasions : épuisement des ressources minières accessibles, climat extrême, pandémies diverses et variées, explosions de centrales nucléaires ou d’usines chimiques, impact de la pollution sur la chaîne alimentaire, impact sur les récoles de l’effondrement de la population de pollinisateurs… L’Homme est un grand artiste pour se préparer un avenir de m*** en gardant le sourire et en faisant comme si de rien n’était.

Johan : Cette menace est l’une des pire qui soit pour une civilisation « électrique ». Les effets d’une (très) grosse tempête solaire sont catastrophiques. Mise hors service des satellites, des réseaux électriques, de tous les appareils électroniques non protégés, autrement dit c’est une menace concrète sur la globalité de l’infrastructure qui porte la civilisation actuelle. Par ailleurs le rayonnement qui accompagne une éruption solaire a un impact sur le vivant.

Tétramorphosis : ça me fait penser à Ravages de René Barjavel.

Stéphanie : Peut être que cette tempête aurait été la solution pour régler nos problèmes de pollution, surnombre humain, réchauffement climatique ? Enfin, ouf, on a eu chaud!! 🙂

Perplexe @ stéphanie : Très belle remarque qui montre que l’écologisme extrême s’intéresse à l’environnement non pour le bien de l’Homme, mais à son détriment : le rêve serait pour ces idéologues de nettoyer la planète de cette engeance qu’est l’Humanité.

Bob @ Perplexe. Notez, sur le fond, l’Homme a fait plus de mal à l’environnement que toutes les autres espèces réunies – et aucune autre n’a jamais essayé de contraindre l’environnement à son bon vouloir. Il ne faut pas perdre de vue cela lorsqu’on considère notre présence sur cette planète : clairement, elle fait plus de mal que bien d’autres espèces, il n’y a aucun doute à ce sujet.

* http://lemonde.fr/sciences/article/2014/07/25/la-terre-a-echappe-de-justesse-a-une-gigantesque-tempete-solaire-en-2012_4462546_1650684.html

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Notre très inquiétante séparation d’avec la nature

« Que reste-t-il de la vraie nature dans nos villes, nos intérieurs aseptisés, nos supermarchés climatisés, nos jardinnets engazonnés, nos autoroutes embouteillés et nos parcs d’attraction ? A la maison, à l’école ou au travail, quand sommes-nous en contact sensoriel avec la texture de la terre, la lumière, les cycles de la terre, les esprits des arbres, la puissance de la vie ? Où et comment apprenons-nous cela ? De par leur formatage intérieur dès la petite enfance, nombre de personnes sont – existentiellement et émotionnellement – trop séparées de la nature pour être véritablement touchés par les maux qui l’affectent. Fruit de la modernité, la culture de la société industrielle est déconnectée de son substrat naturel. Nous savons notre impact écologique négatif, mais nous n’y prêtons guère attention, car la nature ne fait plus vraiment partie de notre être et de notre vie. »

Ainsi s’exprime Michel Maxime Egger dans son livre « La terre comme soi-même (repères pour une écospiritualité)* ». Dans sa préface, Pierre Rabhi exprime la même inquiétude : « Nous sommes coupés de la nature et de ses flux de vie : nous grandissons dans des crèches, étudions dans des bahuts, logeons et travaillons dans des cubes de verre et de béton, circulons dans des « caisses », allons en « boîte » pour nous divertir, confinons nos aînés dans des maisons de retraite, en attendant notre cercueil. Nous ne savons plus respirer, nous vivons en disharmonie avec les rythmes de la nature et les pulsions de notre coeur. Quand sortirons-nous de notre aveuglement et de notre surdité ? »

Michel Maxime Egger conclut ainsi, et c’est la seule façon d’espérer : « Les défis écologiques sont si amples et si complexes qu’ils semblent souvent au-delà de nos forces. Ils le sont sans doute. Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras et ne pas accomplir tout ce qui est possible à notre niveau. C’est la philosophie du colibri** proposée par l’agroécologiste Pierre Rabhi. »

* éditions Labor et Fides 2012, 328 pages, 25 euros

** philosophie du colibri (légende amérindienne ) : « Un jour il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces quelques gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part. » Une association Colibris relaye ce message en France.

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Tout le monde sur le terrain et personne dans les gradins

Dans une brochure de studioCLES, « Le progrès a-t-il un avenir », financée par EDF et distribuée grâce aux bons soins du MONDE, Jacques Attali y fait du catastrophisme : «  Le progrès peut nous faire peur par le risque qu’il engendre… Le progrès implique une fragilisation qui rend l’innovation moins acceptable… La solitude, la frustration augmente… Dans de nombreux domaines, on ne voit pas de progrès arriver, en particulier dans le domaine de la gouvernance… Le risque de la catastrophe existe. Il y a devant nous 5 étapes. D’abord le déclin relatif de l’empire amériacin avec le désordre que cela crée. Nous y sommes. Deuxième étape, une tentative de remise en ordre par une sorte de gouvernement constitué de 15 ou 20 puissances. Nous y sommes aussi, mais je ne crois pas que cela marchera. Si ça ne marche pas, les pouvoir des nations et des démocraties vont s’effondrer dans une troisième étape. Les entreprises domineront le monde. Mais sans Etats, sans règles de droit, c’est le chaos garanti. C’est déjà en train de se faire. Quatrième étape : la guerre. Devant de telles contradictions, la violence apparaît. Est-ce que c’est une violence de type 1914 ou de type 1939 ? Aujourd’hui, tout est possible. Nous sommes dans une sorte de stade de foot où tout le monde est sur le terrain et personne dans les gradins. L’équipe d’en face, c’est la Nature, la violence du monde. Quand on regarde l’histoire de l’humanité, on a toujours changé les choses après les catastrophes et pas à la place des catastrophes. »

Dire que dans la présentation de cette brochure éditée par studioCLES*, on ose écrire : «  CLES conteste le scepticisme sur le progrès. Avec le soutien d’EDF, nous avons interrogé experts et penseurs qui croient, eux aussi, que le progrès a encore un avenir. » Il est vrai que CLES se présente sur le net comme un « magazine de Luxe » qui réintroduit « la valeur du sens et du temps », bimestriel qui « s’affranchit de l’actualité éphémère pour traiter de l’essentiel » et qui se veut  « le premier magazine de Luxe Responsable,  pour le respect de l’Homme et de la Nature. » LE MONDE ferait mieux de faire la publicité pour le seul bimensuel qui compte, le nôtre, BIOSPHERE-INFO. Même Ivan Illich s’abonnerait à notre bimensuel, certainement pas à studioCLES.

* studioCLES, entreprise « artisanale », menée par les actionnaires uniques, Jean-Louis et Perla Servan-Schreiber

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Le monde va à la catastrophe, les yeux grands ouverts

Nous savions, mais nous n’avons rien fait. Juste des assemblées et des commissions, des études et expertises, du blabla sans conséquence. L’environnement fout le camp, la nature part en lambeaux. Blabla, blabla. Voici un aperçu sur lemonde.fr de ces jours-ci :

LE MONDE | 25.06.2014, Le déclin massif des insectes menace l’agriculture

« Les preuves sont très claires, affirme Jean-Marc Bonmatin. Nous assistons à une menace pour la productivité de notre environnement agricole et naturel. Loin de sécuriser la production alimentaire, l’utilisation des néonicotinoïdes met en péril les pollinisateurs qui la rendent possible. »

Le Monde.fr | 24.06.2014, Un appel pour sauver la haute mer, un « Etat en déliquescence »

L’océan va mal. Il faut le dire, le marteler à coups de prises de position solennelles, de cris d’alarme, de démonstrations d’experts. Le travail que la Commission océan mondial rend public mardi 24 juin à New York tient de tout cela à la fois.

Le Monde.fr avec AFP | 23.06.2014, L’ONU lance sa première Assemblée pour l’environnement

La nouvelle Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA) se réunit à Nairobi, avec pour objectif affiché de faire de l’environnement un sujet aussi important que la paix, la sécurité, la finance, le commerce ou la santé. Elle se veut « une plateforme mondiale pour l’élaboration de politiques environnementales au plus haut niveau ». Le PNUE s’est alarmé, dans un rapport, de la menace que font peser les déchets plastiques sur la vie marine. La Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (Cites) a appelé à agir plutôt qu’à discourir…

Un commentateur sur lemonde.fr : « Dire que ces gens-là sont grassement payés pour constater ce que tout le monde sait déjà. Mais pour agir ? C’est toujours ok sur autour d’une table, sur le papier. Mais pour agir, c’est toujours zéro acte concret. »

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Les humains, des animaux pas si perfectionnés que ça

Beaucoup de monde croit que l’homme n’est pas un animal. La croyance en la supériorité de l’être humain est en effet incommensurable. C’est un mythe qu’un écologiste se doit de déconstruire.

                En fait l’homme est d’une certaine façon moins complexe qu’un grain de riz. Avec ses 20 000 à 25 000 gènes il en possède moins que le riz, qui en compte 30 000 à 40 000*. Pourquoi ? Alors que l’homme peut se déplacer pour se mettre à l’abri, les plantes sont obligée de rester sur place et de s’adapter à leur environnement. Pour ce faire, elles disposent de jeux de gènes qui s’expriment spécifiquement dans telle ou telle condition : le froid, la sécheresse, etc. On peut même aller loin dans la comparaison animal, homme et végétal. L’analyse de l’ADN de différentes espèces révèle que tous les êtres vivants, animaux et végétaux, on en commun au moins 25 % de leur gène. Si l’espèce humaine partage 98 % de ses gènes avec le chimpanzé, il en partage 36 % avec la jonquille Narcissus jonquilla. Cela veut dire tout simplement que l’homme a des ancêtres communs avec les singes, mais également avec les plantes. L’homme ne descend pas des singes, il est lui-même un singe qui devrait savoir que faire son arbre généalogique sur dix générations n’est pas un véritable exploit. S’il remontait bien avant, il trouverait des hominidés il y a 6 ou 7 millions d’années, des petits mammifères au temps des dinosaures, et quelque acides aminés au début de la grande aventure du vivant. L’être humain a besoin de se faire modeste, et de prendre la grain de riz pour ce qu’il est, un très lointain cousin.

Dès lors qu’il y a unité du vivant, la stratégie cartésienne de rupture entre l’homme et les autres espèces ne peut plus fonctionner. L’existence d’êtres vivants capables d’avoir des états conscients n’est pas plus extraordinaire que celle d’animaux ayant des ailes qui leur permettent de voler ou encore de micro-organismes se reproduisant pas des spores capables de survivre pendant des décennies. Aucune comparaison n’implique une hiérarchie : on peut étudier des différences et des parentés, voire établir des généalogies, mais non pas construire une hiérarchie téléologique. Il faut le répéter encore une fois : toutes les espèces qui vivent aujourd’hui sont évolutivement nos contemporains, ce qui veut dire qu’elles voyagent dans le même « train » que l’espèce humaine. « Toute analyse qui voudrait opposer le genre humain aux autres formes de la vie est condamnée à l’échec, parce que toute notre existence témoigne d’une communauté de destin avec les autres êtres vivants. En fait la notion même d’« environnement » est malheureuse : la relation de l’homme avec ce qui n’est pas humain n’est pas une relation entre une entité autonome et un « environnement » car l’homme lui-même est plongé dans un écosystème. »**

Les humains appartiennent à l’ordre de la vie et cette appartenance nous lie à un destin qui s’est noué en notre absence et dont tout indique qu’il va se dénouer sans nous.

* Sciences&vie n°1115, août 2010, 80 incroyables vérités de la science

** La fin de l’exception humaine de Jean-Marie Schaeffer (Gallimard, 2007)

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L’homme est-il un animal ? Une opposition fondamentale

L’homme est-il un animal ? Dans le petit Larousse, il y a trois définitions de « Animal » :

1) être vivant, généralement capable de se mouvoir, se nourrissant de substances organiques.

2) être animé, dépourvu du langage (par opposition à l’homme).

3) Personne stupide, grossière ou brutale.

On peut donc répondre aussi bien que l’homme est un animal selon la première définition, que l’homme n’est pas un animal selon la seconde et que, d’après la troisième l’homme n’est pas un animal, bien qu’il soit traité d’animal ! Pour s’y retrouver, mieux vaut dire que celui qui veut différencier l’homme de l’animal fait preuve d’anthropocentrisme (les humains avant tout)  alors que celui qui voit la proximité étroite entre l’homme et l’animal témoigne d’une humilité qu’on peut appeler biocentrisme : Homo sapiens est une forme de vie parmi d’autres, apprenons à vivre en harmonie avec toute la chaîne du vivant…

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Pour réduire notre espace, pas de divorce ou pas d’enfant

Autrefois en France la fratrie dormait dans la même pièce, parfois même en partageant avec les parents. Et puis la génération des Trente Glorieuses donna une chambre à chaque enfant. D’un point de vue écologique, l’emprise territoriale des logements s’accroissait. Notons que le système libéral va au bout de sa logique, éclatement total de la cellule familiale et envahissement de l’espace. Cette évolution n’ayant pas de limite, la multiplication des divorces donna à chaque enfant deux chambres, une chez papa et l’autre chez maman. Aujourd’hui on va officialiser cet état de fait avec une loi relative à l’autorité parentale. L’article 7 spécifie : « La résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents. » Quels sont les argumentations en présence du point de vue de l’intérêt de l’enfant ? Maurice Berger*, chef de service en pédopsychiatrie, est totalement opposé à Françoise de Singly**, sociologue.

Maurice Berger : Le lobbying des associations de pères va entraîner un désastre au niveau de l’enfance dans notre pays.

Françoise de Singly : La proposition de loi sur « l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant » déclenche une offensive contre le père éducateur. Lorsque la loi sur le divorce par consentement mutuel avait été votée en 1975, la question du père n’avait pas été posée. Il y avait une évidence partagée : la mère est l’éducatrice principale, voire unique de l’enfant. Le père était passé à la trappe.

Maurice Berger : Ce projet prônant une relation de l’enfant « équilibrée et régulière avec ses deux parents » ignore que le premier besoin d’un enfant petit est de bénéficier d’un lien principal avec une personne stable, unique, que l’on nomme figure d’attachement sécurisante, et d’une stabilité des lieux.

Françoise de Singly : La théorie de l’attachement n’a jamais affirmé que l’enfant ne pouvait s’attacher qu’à une seule personne, qu’il ne devait avoir qu’une seule personne de référence. Pour la pensée traditionnelle  sur la famille, un bon père est un père « absent ». La mère pour l’enfant dans la vie quotidienne, le père, de loin, pour de grandes décisions. Telle est la division du travail défendue par les attaquants de la résidence alternée.

Maurice Berger : Plusieurs recherches montrent que la personne la plus sécurisante pour l’enfant petit est le plus souvent la mère. La résidence alternée a très souvent un impact nocif sur les enfants de moins de 6 ans et crée des troubles affectifs que nous ne savons pas traiter.

Françoise de Singly : Avec la montée progressive des pères éducateurs dans la vie quotidienne, la résidence alternée devient une revendication pour conserver un rôle important. Puisque l’enfant a besoin de ses parents, alors il a le droit d’avoir deux « chez nous ». Il est « chez nous » au domicile de sa mère, il est « chez nous » au domicile de son père. C’est une preuve de la stabilité de son histoire personnelle. Il n’a pas à être considéré comme un intrus, comme un étranger, lorsqu’il va chez son père. Il est chez lui aussi.

Maurice Berger : Le père et la mère proposent des relations de nature complémentaire, mais non interchangeables. C’est cette stabilité qui lui procure un sentiment de sécurité indispensable dans la suite de son existence.

Françoise de Singly : Pour que l’enfant se sente chez lui, aussi bien chez son père que chez sa mère, il faut plus qu’un espace. Il faut une présence. Le père doit prendre « soin » tout autant que faire autorité. Avec cet article 7, le père devra être présent et s’occuper de son enfant.

Maurice Berger : En cas de conflit, c’est la loi du plus fort, le plus virulent l’emporte, et c’est le plus souvent le père.

Françoise de Singly : L’intérêt de l’enfant d’aujourd’hui, c’est de ne pas avoir un père lointain doté de sa seule autorité. L’enfant n’a pas un parent principal et un parent secondaire. Il a vraiment besoin aussi de la demeure de son père. L’article 7 pose un principe d’égalité entre les deux parents. Cela n’implique pas de rendre la garde alternée obligatoire.

En fin de compte, Maurice Berger rejoint la position des féministes avec des raisons opposées. Ce n’est plus le Père lointain symbole de l’autorité, c’est le père é-li-mi-né. Et Françoise de Singly soutient le système libéral :  « L’enfant de la famille recomposée, en ayant deux chez soi, incarne une nouvelle figure de l’individu, moins ancré dans un seul territoire, apprenant la mobilité (géographique) ». De toute façon nos constructions sociales font en sorte que nous ne considérons l’intérêt de l’enfant que dans le court terme et pour notre espace propre. Un adolescent devrait être élevé collectivement. Tous les enfants sont nos enfants… et nous n’avons qu’une seule planète.

* LE MONDE du 22 mai 2014, La résidence alternée déstabilise l’enfant

** LE MONDE du 22 mai 2014, Les demeures de chaque parent sont structurantes

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