anthropisation

Perdre l’imaginaire de la nature nécessite de le retrouver

« Dans notre imaginaire, le monde naturel bat en retraite. Il s’amenuise et s’appauvrit. Dans l’univers merveilleux de Disney, les décors naturels sont moins présents : ils occupaient en moyenne 80 % du temps dans les films produits dans les années 1940, contre environ 50 % dans les années 2010. De plus, lorsque des environnements naturels sont représentés, il s’agit de plus en plus de paysages anthropisés (zones agricoles, jardins, etc.). Surtout, le nombre d’espèces animales apparaissant dans chaque film baisse continuellement avec les années. Les enfants jouent moins dans la nature et, lorsqu’ils deviennent scénaristes, tendent à moins la représenter dans les histoires qu’ils écrivent… contribuant à leur tour à forger chez les enfants un imaginaire toujours plus éloigné des beautés du vivant. Le monde sauvage et libre s’efface peu à peu. Comment préserver ce qui a déserté notre imaginaire ? »*

 Ce texte de Stéphane Foucart mérite réflexion, d’autant plus que c’est minimiser le drame, notre éloignement croissant d’avec la nature. Il prend comme exemple Walt Disney qui avait pour fond de commerce la vie anthropisée des animaux. Mais que dire de tous ces films et ces séries télévisées qui ont la ville immense comme fond d’écran ou bien le face à face interhumain dans une pièce close. Voici quelques commentaires sur lemonde.fr, mais l’essentiel est d’adhérer à une association environnementaliste tant qu’il reste encore un peu de Nature.

 Nathan Novella : Concernant Disney, l’explication réside aussi dans le fait que les personnages principaux sont de moins en moins des animaux et de plus en plus souvent des humains. Fatalement, ils sont confrontés à moins d’animaux différents. Sinon, que dire à part que c’est logique ? Il ne faut pas forcément le voir comme une mauvaise chose, c’est juste une évolution. Nous vivons dans des villes, donc nous écrivons des histoires sur les villes.

 Michel Sourrouille : Oui Nathan, nous sommes victimes d’un anthropocentrisme croissant, les humains d’abord. Mais comme les villes n’ont plus de lien direct avec les ressources, alimentaires entre autres, quand il y aura contraction économique à cause de la déplétion énergétique, les citadins vont souffrir énormément. J’espère qu’avant d’en arriver là, les citadins comprendront qu’il faut d’urgence écrire des histoires sur les campagnes et voudront retrouver la Nature…

 Jean Latu : Avec les pesticides, les files ininterrompues de camions sur l’autoroute, les laides éoliennes qui font du bruit, les avions qui larguent leur pollution, les abeilles qui meurent, la désertification médicale, tout le monde ne rêve que d’un chose, vivre dans les grandes villes et surtout à Paris-Boboland.

 Aline Maginot : Enfin une bonne nouvelle. L’imaginaire se modernise et se dénaturalise, il rattrape les conditions de vie effective : pas trop tôt. Qu’est-ce qu’on en a à faire, au fond, que les petits citadins s’intéressent au fait que le lait vient des vaches plutôt que de l’usine de briquettes ? Qu’ils le sachent, OK. Mais que cela nourrissent leur imaginaire, non. Au-delà de Disney, on peut penser la France va enfin pouvoir sortir de sa condition de nation paysanne collée à la Terre qui ne ment pas.

 Philippe Zunzarren : Il suffit simplement de parcourir une galerie d’art pour se rendre à l’évidence que la « nature » n’intéresse quasiment plus personne. Certes il existe encore une ultra minorité de gens sensibles aux thèmes de la nature mais cela ne peut pas faire vivre un artiste. La Nature n’a plus du tout les faveurs de notre imaginaire. Pauvre Caspar David Friedrich (ndlr : l’homme pour qui l’art se présentait comme médiateur entre la nature et l’homme et qui a découvert la « tragédie du paysage ») . L’Humanité me semble à terme condamnée.

* LE MONDE du 18-19 mai 2014, L’imaginaire de la nature en voie de disparition

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Quel consensus européen sur la pression migratoire ?

L’Union européenne accueille le plus grand nombre d’immigrés au monde, soit un peu plus de 71 millions. Quel pourrait être un consensus européen sur les flux migratoires à venir ?

Le journaliste Jean-Pierre Stroobants récite la vulgate commune* : « Un accroissement naturel européen qui devient négatif… Une population vieillissante qui a besoin de migrants pour s’occuper d’elle… Un apport nécessaire des allochtones à la population active nationale… Un soutien de l’économie européenne sur la scène de la mondialisation… Les migrations issues des zones de conflits ou découlant des effets du dérèglement climatique se multiplieront… L’Europe devra rester fidèle à ses valeurs de solidarité… » Ce discours à sens unique repose comme d’habitude sur le tout-économique : la croissance a besoin de bras, les gens ne sont que des assistés potentiels… les problèmes du multiculturalisme et les tensions sociales ne sont pas envisagés. Jean-Pierre Stroobants nie la réalité présente et à venir : les lois contre les étrangers se durcissent un peu partout, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, aucun espace géographique n’est à l’abri de la construction d’un mur à ses frontières. Des conflits d’espace vital et de ressources découleront encore plus, dans les décennies à venir, la non-acceptation des migrants. La limitation des migrations ne touchera pas seulement les migrants économiques, mais aussi toutes les autres catégories. Le plus difficile sera le statut à donner aux éco-réfugiés, nombre qui sera fortement accru par les effets du réchauffement climatique. Cela posera sans doute un problème peut-être insoluble à l’idée de solidarité humaine. Telle que fonctionne la société actuelle, nous n’anticipons pas politiquement les problèmes, nous les subissons. Là est le vrai scandale.

Les arguments comparant démographie et écologie sont d’ordre scientifiques, ils reposent sur la formule mathématique, I = PAT :  l’Impact de l’espèce humaine sur un territoire est déterminé, à Technique donnée, par sa Population et par ses Affluences (Activités, niveau de vie). Pour réduire les impacts I, il est donc nécessaire d’agir sur l’efficacité technique T, l’Affluence (réduire le nombre d’unités de production ou de consommation par personne) et la population P (réduire le taux de natalité… ou l’immigration). La décroissance matérielle devrait, sur un territoire dont on a dépassé la capacité de charge comme l’Europe, s’accompagner d’une politique démographique qui agit tant sur la fécondité que sur les flux migratoires.

* LE MONDE du 14 mai 2014, Immigration : la funeste myopie européenne

Pour en savoir plus, le livre « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) »

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L’inhumaine loi des hommes contre les lois de la nature

Une « loi de la nature » décrit une réalité objective qui ne peut souffrir la moindre exception sauf à détériorer les cycles naturels. Dans une société où la loi humaine se veut plus forte que la loi de la nature, il n’est que temps de revenir à ce qui aurait du rester les fondamentaux de toute culture. Une chronique de Stéphane Foucart* insiste sur cet aspect des choses :

«  Le Sénat de Caroline du Nord a prétendu en mai 2012 commander aux lois de la nature. Le texte en question entendait définir strictement les conditions dans lesquelles les scientifiques opèrent leurs estimations d’élévation à venir de l’océan. Aucune estimation ne pouvait ainsi être prise en compte par les autorités de l’Etat si elle n’avait été produite par sa Commission des ressources côtières, selon un cahier des charges très strict. Les taux d’élévation futurs ne pouvaient pas excéder ceux des enregistrements historiques. « Les taux historiques d’élévation du niveau marin pourront être extrapolés, pour estimer les taux d’élévation futurs, mais ne devront pas inclure des scénarios d’augmentation accélérée du niveau marin », précisait le texte qui, devant la consternation et le tollé suscités, a finalement été amendé. Précisons que le consensus scientifique est que l’élévation de la mer s’est accélérée depuis le début du XXe siècle, et la probabilité est très forte que cette accélération se poursuive. »

Stéphane Foucart ajoute : « Il s’agissait de protéger les propriétaires de la dévaluation de leurs biens côtiers au moyen d’une garantie législative. Aux lois de la nature, il s’agissait donc d’opposer la loi des hommes. Le problème, c’est que les lois de la nature ne paraissent pas aux yeux de la plupart des gens comme quelque chose que nous ne pouvons pas transgresser. Ainsi de la différence des sexes pour procréer ou les idées de géoingénierie contre le réchauffement climatique. » L’activisme humain perturbe toutes les lois de la nature, les cycles de l’eau, du carbone, du phosphore, et même celles de la naissance et de la mort. En conséquence, il nous paraît urgent de définir quelles sont les lois de la nature que nous ne pouvons pas enfreindre. La parole est aux commentateurs de ce blog…

* LE MONDE du 11-12 mai 2014, Réchauffement : les Etats-Unis opposent lois de la nature et loi des hommes

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Les abeilles, qui ne peuvent pas se défendre en justice

La bataille des écologistes  contre le système thermo-industriel est en train d’être perdu, la guerre ne fait que commencer.

1/3) la justice vient au secours des pesticides

Depuis 2001, le groupe Bayer faisait l’objet d’une information judiciaire concernant son produit, le Gaucho, soupçonné de provoquer la disparition de cheptels d’abeilles. La justice a tranché : « La communauté scientifique n’a pas démontré l’existence d’un lien de causalité entre l’introduction du Gaucho dans les cultures agricoles et l’augmentation de la mortalité des abeilles ». L’instruction a conclu que d’autres facteurs que ce seul insecticide intervenaient dans la mortalité des abeilles, tels que des parasites comme le Varoa, le frelon asiatique ou la perte de diversité des cultures. Si les apiculteurs reconnaissent la multiplicité des causes, ils soutiennent que les pesticides en sont la principale. Pour le juge « appréhender les troubles du cheptel apicole sous l’angle pénal apparaît d’emblée malaisé ». Pourtant, au pénal, quand vous êtes co-responsable, vous êtes quand même condamnés !

(Le Monde.fr avec AFP | 22.04.2014, Mortalité des abeilles : non-lieu pour Bayer)

2/3) les experts font mourir les abeilles

La suspension pour deux ans par Bruxelles de trois insecticides néonicotinoïdes dont le gaucho, impliqués dans le déclin des pollinisateurs, peut être interprétée comme une cuisante défaite. Tardive et pusillanime, la décision de la Commission apparaît en effet comme le symptôme d’une formidable faillite des systèmes d’évaluation des risques. Les pesticides aujourd’hui sur la sellette auraient dû être retirés du marché voilà de nombreuses années. Selon Stéphane Foucart, certaines « expertises » ont entretenu le pouvoir politique dans une ignorance « socialement construite ». Ainsi le rapport rendu en 2008 par la défunte Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) reprenant dans des conditions d’intégrité discutables la vulgate des agrochimistes : les troubles des abeilles étant « multifactoriels », les nouveaux produits phytosanitaires n’y joueraient aucun rôle déterminant. Il y a fabrique du doute par les marchands de mort. Résultat ? L’Europe affiche un déficit de 13,4 millions de colonies d’abeilles, soit 7 milliards d’individus, pour correctement polliniser ses cultures.

(écologie du risque et course contre le temps (10 mai 2013)

3/3) …alors les hommes deviennent des abeilles

Dans les vergers du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine, tous les habitants du village sont mobilisés pour la pollinisation à la main. Les plus adroits de ces paysans acrobates arrivent à déposer le pollen sur toutes les fleurs d’un arbre en à peine une demi-heure ! La baisse de la population d’abeilles est évidente depuis les années 1990. Les cultivateurs, peu éduqués, utilisent largement les produits phytosanitaires pour éliminer les insectes qui menacent leurs fruits. Et préfèrent en répandre trop que pas assez, car leurs revenus dépendent largement de leur récolte. Avec 0,08 hectare de terre arable par habitant en Chine (contre 0,28 en France et 0,51 aux Etats-Unis), « les paysans veulent exploiter leur champ de la manière la plus intense ». Comme il convient de pulvériser les produits chimiques avant la floraison, aucun loueur d’abeilles ne se risquerait dans les plantations : « Les abeilles ne survivraient pas. » De toute façon, aucune étude sérieuse n’a jusqu’à présent été réalisée sur le déclin des pollinisateurs en Chine.

(LE MONDE du 24 avril 2014, Dans le Sichuan, des « hommes-abeilles » pollinisent à la main les vergers)

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Une journée dans un monde peuplé de fous et d’assassins

Nous aimerions un monde peuplé d’écolos non-violents. Mais c’est à désespérer de la nature humaine, voici ce que nous dit un seul numéro du MONDE* :

– Un régime, celui de la famille Assad, a décidé d’écraser sa population sous les balles et sous les bombes. Au bas mot, 150 000 personnes – les Nations unies ont renoncé à compter – ont péri et près de 3 millions de Syriens (pour une population de 22 millions) ont fui à l’étranger…

– Dans le port de Buenaventura, il y a des assassins qui découpent leurs victimes vivantes. La ville est devenue la plus violente de Colombie. Avec 375 000 habitants, on compte 187 homicides en 2013, des centaines de disparus et plus de 13 000 déplacés. Buenaventura est un petit morceau d’Etat-voyou…

– L’horreur à Bentiu. Des tueries sur des fondements ethniques ont été perpétuées dans cette capitale de l’Etat d’Unité au Soudan du sud. On aperçoit des piles de corps dans les rues. Deux cents personnes ont été assassinées dans la mosquée Kali-Ballee…

– Des indications évoquent l’utilisation d’un produit chimique industriel toxique, probablement  du chlore, en Syrie ce mois-ci…

– Pyongyang pourrait préparer un  quatrième essai nucléaire à l’approche de la tournée de Barack Obama en Asie…

– Des policiers ivres parcourent les rues en titubant et en tirant des coups de feu au hasard, des razzias de villages par des centaines d’hommes de tribus… telle est la réalité de cette région oubliée du monde, le Darfour.  Combien de personnes sont mortes depuis 2003 ? La dernière estimation officielle, qui remonte à avril 2008, était de 300 000…

– En 1915, suivant un plan établi à l’avance et une mise en acte méthodique, un million et  demi d’Arméniens étaient assassinés dans l’Empire ottoman, avec pour but ultime de détruire leur civilisation…

– En 2013, le Premier ministre japonais Shinzo Abe s’était rendu au sanctuaire Yasukuni où sont honorés quatorze criminels de guerre…

– En 2008, Leopoldo Lopez voulait briguer la mairie de Caracas au Venezuela. Utilisant un prétexte administratif, le pouvoir a suspendu ses droits politiques jusqu’en 2014. Il est détenu dans une prison militaire depuis le 18 février 2014…

– Le problème est que la Russie ne reconnaît pas son incursion militaire en Ukraine. Comment pourrait-elle appliquer l’accord actuel qui prévoit le retrait de leurs forces armées et la libération des bâtiments occupés ?…

– En Grèce, devenir chômeur, c’est perdre dans l’année qui suit sa couverture médicale. Avec un taux de chômage à 27 % de la population active, ce sont aujourd’hui 3 millions de personnes qui se retrouveraient totalement exclues du système de santé…

La seule toute petite raison d’espérer, ce sont les petites annotations au cours des mêmes pages du MONDE sur l’émergence balbutiante du mouvement écolo :

– La pêche des mammifères marins sauvages et leur reproduction en captivité deviendraient illégales en Californie. La loi dite de bien-être et de la sécurité de l’orque vise à interdire la captivité des épaulards…

– L’Oregon est le premier Etat où l’Earth Liberation Front, organisation écologique, anticapitaliste et terroriste née au Royaume-Uni, s’est manifestée aux Etats-Unis. Dans le film américain Night Movies, trois jeunes gens sans vocation criminelle préparent l’explosion d’un hors-bord bourré de dynamite contre un barrage hydraulique…

– L’acteur Jesse Eisenberg : « J’achète des produits locaux parce que c’est ce que vendent les boutiques près de chez moi, je suis végétarien par tradition familiale. Disons que je protège la planète par accident. »…

– Le documentaire Allergies planétaires, à qui la faute ? expose les principaux facteur mis en cause par les études scientifiques ; alimentation, pollution aux particules, excès d’hygiène… Indiscutablement le mode de vie moderne est pointé du doigt. De quoi devenir allergique au progrès ?

– Un documentaire français à la fois sociologique, scientifique et politique sur un enjeu vital de notre temps, La Ligne de partage des eaux. Face à la puissance aveugle d’une certaine logique économique, la résistance s’organise à pas comptés…

* LE MONDE du 23 avril 2014

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Alain Hervé, une figure historique de l’écologie

Né en 1932, Alain Hervé fonde les Amis de la Terre en 1970. Il supervise le hors-série du Nouvel Observateur en 1972 : « La dernière chance de la Terre ». À partir de 1973, il dirige le mensuel écologique Le Sauvage. Lors de la candidature de René Dumont à la Présidence de la République en 1974, il est responsable du bureau de presse. Il a relancé Le Sauvage sur Internet. Il a écrit de nombreux livres, le dernier s’intitule « Le Paradis sur Terre, le défi écologique ». Nous l’avons rencontré.

— Quelle est l’origine de ton engagement écologiste ?

Ma vocation remonte à l’enfance. Je suis né à Granville, en Normandie, les pieds dans l’eau. J’ai toujours souffert de l’environnement urbain, de l’enfermement dans le métro, dans un bureau. J’ai pendant trois ans parcouru les tropiques à bord d’un voilier : l’homme est un animal des latitudes chaudes qui s’est exilé dans le froid. Il a alors été obligé d’inventer des techniques qui nous ont menées là où nous en sommes actuellement… Je ne crois pas du tout au progrès technique qui a entraîné cet âge industriel qui sévit sur notre planète et la ravage.

Une autre origine de ma sensibilité écologique, c’est ma participation aux jardins potagers que mon père avait entrepris pour nous nourrir pendant la Seconde Guerre mondiale. J’aimais retourner la terre, planter des légumes et des arbres fruitiers, écraser les doryphores…

— Ta vision actuelle de l’écologie ?

Nous sommes tous écologistes, nous n’avons pas le choix, nous devons tous respirer, déféquer. C’est une évidence. C’est beaucoup plus qu’une approche de droite ou de gauche, il s’agit d’une vision globale de l’univers dans lequel nous sommes. Nous sommes conscients des limites. Il faut observer, comprendre et se conformer aux lois de la nature.

Mais les Trente glorieuses sont en fait trente désastreuses. En 1967-68, j’étais journaliste à la FAO, j’en ai démissionné au bout de six mois. J’ai compris qu’ils menaient une politique criminelle. Le marché mondial a détruit l’agriculture vivrière traditionnelle pour installer les monocultures du coton, du café, du maïs, du soja, du cacao… pour l’exportation. Les personnes chassées de leurs terres peuplent les banlieues de capitale bidon où ils meurent. J’en arrive à penser que ce génocide de millions de paysans est similaire à la Shoah.

— Tu crois donc à la catastrophe ?

L’abus de la nature a atteint sa limite létale. Je me pose la question (futile) de savoir si elle aura lieu de mon vivant… Mes amis millénaristes Pierre Samuel, Teddy Goldsmith ou André Gorz sont morts avant que la catastrophe qu’ils avaient annoncée advienne.

La catastrophe peut servir de pédagogie et déclencher une prise de conscience. Mais la mémoire de l’humanité est extrêmement courte, nous cultivons un opportunisme de l’immédiat, nous n’apprenons rien de notre passé. Ni la retraite de Russie, ni Tchernobyl ne nous ont rien appris. Fukushima pourra peut-être servir de catharsis, surtout si Tokyo devait être évacué. Car il faudra que le drame aille très loin pour que les hommes abandonnent leur utopie technicienne.

— Que faut-il changer ?

L’écologie n’est pas une prise de position religieuse ou politique, c’est admettre que nous sommes de simples éléments de la nature, c’est une nouvelle philosophie. Il nous faut abandonner notre anthropocentrisme pour ressentir profondément notre appartenance à la communauté des vivants. L’humanisme qui donne la priorité absolue à l’homme ne me satisfait absolument pas. L’humanisme devrait consister à nous faire accéder à des stades supérieurs d’intelligence de la coévolution.

Sinon nous devenons des destructeurs terrifiants, nous enfantons beaucoup plus de Hitler que de Mozart. Il y a une écologie superficielle qui perpétue l’anthropocentrisme, qui dit que la planète est en danger, qu’elle nous appartient. On fait des parcs naturels, ce sont des alibis pour répandre la merde autour. L’homme a été doté d’une capacité de transformation trop brutale de l’environnement. Nous sommes devenus des dictateurs assassins du vivant. Nous échappons aux régulations naturelles comme les épidémies. Pasteur a conjuré la mortalité infantile naturelle. Il ne savait pas qu’il contribuait ainsi à rompre l’équilibre démographique. Maintenant le milliard d’hommes qui naissent et meurent affamés n’accède plus vraiment à l’état humain, il en reste à un état infra-animal.

— N’as-tu pas l’impression d’exagérer ?

On peut me traiter d’antihumaniste ; le politiquement correct est devenu une peste intellectuelle. Je me fous complètement de la réputation qu’on peut me faire, je vais bientôt mourir, j’ai atteint l’âge de la liberté. Le progrès social, l’égalitarisme et la démocratie ne peuvent advenir avec le pullulement humain.

(Propos recueillis par Michel Sourrouille, chronique de mars 2011 parue sur lemonde.fr)

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La nature sans les humains se porterait beaucoup mieux

L’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) inaugure le 22 avril, au cœur de la Drôme, la première réserve privée de vie sauvage, celle du Grand Barry. Objectif de ce lieu inédit en France : laisser la nature s’exprimer sans la moindre intervention humaine. Sont interdits la chasse et la pêche, l’exploitation forestière et agricole, l’élevage, les feux, les dépôts de déchets, le passage de chiens non tenus en laisse et même la cueillette. Seule la promenade non motorisée, sur les sentiers, est autorisée. Ce niveau de protection très élevé et unique en France correspond à la catégorie 1b (zone de nature sauvage) du classement des aires protégées, réalisé par l’Union internationale de conservation de la nature. Le seul mode de gestion est la libre évolution*. Bravo !

                Mais les chamois, chevreuils, biches ou cerfs vont pulluler. Qui servira de régulateur s’il n’y a plus de  chasseurs ? Faudra-t-il réintroduire des loups ? En fait le problème essentiel du Grand Barru est sa petite taille, 110 hectares. La libre évolution sur une aussi petite superficie nous semble impossible. A titre de comparaison, le parc national de Yellowstone, créé en 1872, s’étend sur 8 983 km2, soit 898 300 hectares, une superficie plus importante que celle de la Corse. Mais laisser de la place à la vie sauvage permet de nous faire rêver : que serait donc la planète sans l’espèce humaine ?

Il ne nous semble pas que le règne de ce singe qui se croit intelligent soit la meilleure chose qui soit arrivé à la biosphère. Un livre** recense tout ce que les humains laisseraient derrière eux s’ils disparaissaient soudainement. « Regardez votre maison, votre ville, les terres alentours… Ne touchez à rien, contentez-vous d’extraire les être humains. Et voyez ce qui reste… Les réseaux péniblement entretenus par des myriades d’humains se briseraient rapidement, les canalisations d’eau exploseraient avec le gel, les métros souterrains seraient envahis par les eaux, les barrages et canaux engorgés de vase déborderaient, la végétation recouvrirait le bitume et le béton, tout ce qui fait les routes et les villes, les maisons et les usines disparaîtrait du regard. Ce processus ne prendrait que quelques centaines d’années. Mais les métaux lourds comme le plomb, le mercure ou le cadmium mettraient des millénaires à être recyclés et la concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère ne retrouverait des niveaux pré-humains que dans au moins 100 000 ans. Il faudra même attendre que les processus géologiques refaçonnent la surface de la Terre pour que soit anéanti le plastique de la poupée Barbie. »

                Pour conclure, terminons par cette fabuleuse image d’une société sans nature sauvage : « Le destin final de l’homme posthistorique est de se transformer en un homoncule artificiel dans une capsule autopropulsée, voyageant à la vitesse maximale et ayant éliminé toute forme spontanée de vie de l’esprit. Considérons un pilote d’avion supersonique. Voici le nouvel homme mécanique, avec tout son harnachement, hermétiquement isolé de l’extérieur, sa combinaison chauffée électriquement, son casque à oxygène, monstrueux animal squameux ressemblant plus à une fourmi géante qu’à un primate. Peut-on appeler cela une vie ? Non. C’est un coma mécaniquement assisté. » (Lewis Mumford, 1956)

* LE MONDE du 20-21  avril 2014, Dans la Drôme, des terres rendues à la vie sauvage

**Homo disparitus d’Alan Weisman

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A-t-on vraiment le droit de saboter un chantier de TGV ?

Chantier titanesque, le TGV Lyon-Turin suscite la colère des écologiste. L’écrivain italien Erri De Luca a déclaré: « Le TGV doit être saboté », les actes de sabotage « sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est un chantier inutile et nocif (1er septembre 2013 sur le Huffington Post)». Une plainte a été déposée par LTF, qui a abouti à la mise en examen de l’écrivain pour « incitation à la violence » le 24 janvier.

1/2) Déclaration (résumée) d’Erri De Luca dans LE MONDE* :

« Je suis très sensible au droit à la parole. Comme écrivain, c’est par l’écrit que je m’engage. C’est un engagement évident, élémentaire. Mais mes propos sur le Huffington Post ne sont qu’une opinion. Ce n’est que mon point de vue sur ce projet, et sur ce qu’il serait bon de faire : saboter ces travaux. Il ne s’agit donc pas d’un acte. Les magistrats ont pris mes phrases et ils les ont mises entre guillemets, ils les ont interprétées pour les censurer. C’est comme de mettre des menottes à mes mots. Le sabotage est une forme de résistance politique qui ne peut s’entendre seulement au sens matériel. Ce mot a un sens plus large, un sens politique. Quand des députés s’opposent à une loi, au Parlement, ils la sabotent à leur manière. L’Italie est pleine de chantiers abandonnés, des ponts, des routes, des hôpitaux… Il y en a des centaines. D’une certaine façon, ces chantiers-là se sont autosabotés. Partout où il y a de grandes industries, il y a des tragédies écologiques. La défense de l’air, du sol, de l’eau, ça, c’est révolutionnaire. Le devoir moral de désobéissance existe. Le pouvoir est immobile, donc il faut parfois des activistes pour mener le combat, au nom du plus grand nombre. Je risque la prison. Si je suis condamné, je ne ferai pas appel. »

2/2) commentaires de Biosphere

Erri De Luca cite des actions de sabotage comme « couper des filets de protection d’un chantier » ou « endommager un compresseur ». Il ne s’agit donc pas d’atteinte directe aux personnes. On se place dans le cadre de l’action non-violente puisque c’est fait à usage découvert, avec l’espoir qu’une poursuite judiciaire fera connaître ses idées. Erri De Luca accepte la prison. Nous avons déjà traité de cette problématique dans un article précédent, agir contre les TGV, est-ce terrorisme ou bon sens. Mais Erri ne peut se défendre en justifiant du simple usage de sa libre parole, il y a bien dans ses propos « incitation à la violence ». Il lui faudrait assumer la liaison directe qui existe entre les mots et l’action, même si des personnes différentes sont concernées par la parole et l’acte.

                Ce qui nous semble plus intéressant dans le discours d’Erri De Luca, c’est la dénonciation du « sabotage » systématique par la civilisation thermo-industrielle de ses propres productions (chantiers surdimensionnés, friches industrielles, aéroports sans passagers, etc.), ce qu’il faut appeler à juste titre les Grands travaux inutiles. Il faut ajouter que la croissance économique s’est accompagnée non seulement par des tragédies écologiques, mais aussi par la détérioration des relations sociales (marchandisation des rapports humains) et la disparition forcée des métiers d’antan (exode rural, disparition de l’artisanat et du petit commerce…). Le problème, c’est que l’Etat a favorisé ce sabotage en règle au nom du soi-disant progrès social et du soi-disant progrès technique. En fait cela n’était que fuite en avant vers l’effondrement prévisible de notre civilisation basée sur des ressources rares et souvent non renouvelables. En ce sens le sabotage d’une ligne à grande vitesse s’apparente à un acte de résistance au rouleau compresseur de la « modernité », comme faisaient contre un système totalitaire quelques cheminots français lors de l’occupation allemande. Pour un écologiste, le sabotage de la ligne TGV Lyon-Turin ne devrait être qu’une manifestation parcellaire d’une révolte globale contre le système technicien.

* LE MONDE Culture&idées du 12 avril 2014, « Le devoir moral de désobéissance existe »

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Homo demens plutôt que sapiens (selon Michel Tarrrier)

 « Notre espèce du genre Homo fut décrite en 1758 par Carl von Linné et élogieusement nommée sapiens. Or Homo sapiens n´est rien de plus qu’une espèce parmi deux millions d’autres officiellement recensées. Sauf que l´humain brille par l´ampleur des destructions qu´il opère sur les écosystèmes. Sans doute parce que sa fameuse conscience n´a pas pris conscience qu´il s´agissait des murs de sa propre maison, cette maison dont il retire chaque jour une ou plusieurs briques.

Sapiens, comme sage ?

– Des millions de morts lors des croisades, des pèlerinages armés et dévoyés ;

– Des centaines de milliers d´Aborigènes australiens décimés par les colons britanniques ;

– L’extermination de 20 à 60 millions d´Amérindiens, depuis la « découverte » espagnole jusqu’à la Conquête de l’Ouest ;

– Les traites négrières (orientale, intra-africaine et atlantique) totalisèrent plus de 50 millions de victimes ;

– 40 millions de morts lors de la Première Guerre mondiale et 65 millions durant la Seconde (dont les 5 millions de la Shoah)…

Mais quel est donc cet ennemi si exécré, sinon nous ?!!

Sapiens, comme intelligent ?

– Déforestation, productivisme agricole, agroterrorisme, mort biologique du sol, désertification, sixième crise de la vie et extinction massive d´espèces par causes anthropiques, pollutions, réchauffement du climat, fonte des glaces, montée des océans, tarissement accéléré de toutes les ressources non-renouvelables ;

– 20.000 ha de couvert forestier disparaissent chaque jour. Nous avons perdu en 30 ans près de 30 % de tout ce qui vivait sur Terre. L´ours polaire marche sur les eaux, l´aigle impérial se fait éboueur, le vautour s’attaque au vivant, l´orque et le dauphin tournent en rond dans des bassins de ciment, le panda géant porte un collier-émetteur, le croco est mocassin, la panthère se porte dans les beaux quartiers, les oiseaux chantent sur des barbelés, les libellules se noient dans des piscines, il n’y a plus rien à butiner, les ruches sont désertées, les papillons sont en volière, la grande forêt est vide, le corail est au rayon des souvenirs ; Exterminateur et invasif, Homo sapiens est la seule espèce de grande taille à investir selon une croissance infernale la quasi-totalité des niches écologiques des autres espèces.

Notre politique est bien celle de la terre brûlée. Pour les trois quarts de l´humanité, la Terre-nourricière ne l´est déjà plus. Nous, Homo demens, vils urbanistes, économistes imbus, agronomes-valets ou politiques impérieux, fourbes et bouffis, nous ne sommes pas sapiens, nous ne le sommes plus. Homo sapiens n’est qu’une sombre brute. »

Michel Tarrier (en résumé)

Article complet : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/nous-deux-fois-sapiens-100283

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Trois « enfants sauvages » dans un HLM à La Courneuve

Dans une barre HLM à La Courneuve, trois garçonnets de 2, 5 et 6 ans, privés de soins, d’école et de tout suivi médical depuis leur naissance, partageaient dans le dénuement le plus complet une pièce d’un appartement. Aucun signe de la présence d’enfant en bas âge, à l’exception d’un lit pliant de bébé. Aucun jouet. La baignoire ne semble pas avoir servi depuis des mois. Les deux enfants les plus âgés présentent des troubles majeurs du développement, ils ne parlent pas, ils ne marchent pas. On ne parle pas une langue qu’on n’a pas apprise. Ces « enfants sauvages », selon les mots des enquêteurs, ont été retirés à leur famille.

Les 3 auteurs de l’article* se contentent d’un rapport factuel sur les circonstances de ce drame familial sans en tirer d’enseignement sur les rapports entre nature et culture. Pourtant la saga des enfants sauvages est bien documentée. L’expression enfant sauvage est apparue dans un rapport de police relatant la capture du « sauvage de l’Aveyron » en 1799. Dans une région reculée de l’Inde un pasteur recueille en 1920 deux fillettes qui avaient été adoptées par des loups. L’une et l’autre ont d’épaisses callosités à la paume des mains, aux coudes, aux genoux. Elles laissent pendre leur langue, imitent le halètement des loups et ouvrent parfois démesurément les mâchoires. Le goût exclusif pour les aliments carnés conduit les fillettes (deux et huit ans à peu près) aux seules activités dont elles sont capables : donner la chasse au poulet et déterrer les charognes ou les entrailles. Insociables, indifférentes à l’égard des autres enfants, elles expriment leur hostilité par un mouvement rapide de la tête.

Ces exemples d’enfant sauvage sont rares, mais ils montrent que notre socialisation résulte d’un apprentissage. Un enfant élevé dans un placard ressemblera à son placard et aux petites fractions d’humanité qu’il aura pu saisir quand s’ouvre le placard. Certains croient encore au développement naturel de l’enfant alors que rien de son comportement n’est inné si ce n’est quelques arcs-réflexes donnés dès la naissance comme la succion. Ce ne sont pas les gènes qui régentent l’univers synaptique du cerveau humain, c’est une forte poussée du lobe frontal qui permet au bébé la construction autonome de son cortex cognitif et affectif grâce aux impressions laissées par le milieu socioculturel. La petite enfance est le temps de l’imitation, l’enfant est comme une éponge qui s’imprègne de tout ce qui passe à côté de lui. L’éducation est aussi un dressage, un conditionnement cérébral. Certaines connexions entre neurones sont fréquemment sollicitées par l’environnement, d’autres le sont moins. L’enfant voudra vérifier la légitimité des règles sociales qui l’entourent, mais seulement dans la mesure où son apprentissage verbal lui a laissé une capacité d’autonomie de pensée.

Les humains ne sont pas des « sauvages », ce sont des animaux qui ont élaboré la bonne/mauvaise idée de mettre des mots à la place des choses. Le langage sert à la fois à mettre des mots sur des sensations et à transmettre de l’information. La Nature est donc pour les humains un mot avant d’être une chose. En d’autres termes, la seule Nature qui existe est un champ linguistiquement constitué. Lorsqu’un enfant regarde un coucher de soleil, il le fait à travers le prisme d’une socialisation verbale qui va lui ouvrir ou lui fermer les yeux en disant la beauté du soleil ou son insignifiance. Les mêmes causes donnant les mêmes effets, si l’enfant est  élevé en dehors de toute relation avec la société, il restera « sauvage » ; si l’enfant est  élevé en dehors de toute relation avec la Nature, il intégrera le plus parfait mépris pour tout ce qui n’est pas affaire humaine. Une socialisation qui oublie l’importance de la Biosphère ne peut que conduire à l’égoïsme humain et à la catastrophe.

* LE MONDE du 22 mars 2014, Trois « enfants sauvages » découverts dans un logement à La Courneuve

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semences paysannes contre marchandisation de la vie

Un projet de la Commission européenne censé « simplifier » la commercialisation des semences au sein de l’Union vient d’être massivement désavoué par le Parlement européen*. Selon Tonio Borg, le commissaire à la santé et à la consommation, le texte visait simplement à harmoniser et à accélérer le processus d’enregistrement des semences sur le catalogue officiel européen, qui recense les quelque 30 000 variétés autorisées à la culture au sein de l’Union. Parallèlement, le projet reconnaissait le droit des agriculteurs à utiliser leurs propres semences (appelées « semences de ferme ») et allègeait les restrictions imposées à la commercialisation des variétés anciennes. « Certains députés ont voté contre parce qu’ils considéraient que le texte faisait trop de concessions à ceux qui défendent les semences de ferme », constate José Bové. Pour s’y retrouver, voici quelques indications relevées dans la littérature  sur les semences de ferme :

Silvia Pérez-Vitoria dans Les paysans sont de retour2005

« Traditionnellement, le paysan a pratiqué un travail de sélection de ses plantes en mettant de côté ses meilleures graines. Au XXe siècle, l’émergence des « hybrides » oblige l’agriculteur à acheter à l’industrie les semences qu’il produisait auparavant lui-même. La plupart des aides européennes aux agriculteurs sont conditionnées par l’utilisation de ces semences « améliorées ». Pourtant il s’agit avant tout d’une technique d’expropriation et non d’une amélioration puisque la plante ne conserve pas ses caractéristiques d’une génération à l’autre. Avec l’introduction des semences à haut rendement l’appauvrissement génétique s’est accru au Nord comme au Sud. L’étape suivante est le développement d’OGM par les biotechnologies. Pour les agriculteurs, la dépendance s’accroît puisqu’ils doivent acheter très cher des semences et les produits qui les accompagnent. De plus ils doivent subir régulièrement les contrôles des entreprises qui tiennent à s’assurer qu’ils ne disposent pas des semences à leur guise. »

Dominique Guillet (président fondateur de Kokopelli) dans Solutions locales pour un désordre global (avec Coline Serreau…)2010

« Jusqu’en 1961, les multinationales de l’agrochimie avaient commencé à prendre le contrôle de la chaîne alimentaire, mais pas de la semence. Or la semence, c’est le début de la chaîne alimentaire. Celui qui contrôle la semence contrôle l’humanité. Ils se sont donc donnés un cadre juridique qu’on appelle l’UIPOV (Union internationale pour la protection des obtentions végétales). A partir de ce moment-là, il y a eu une offensive tous azimuts : ils ont racheté un millier de semenciers en l’espace de trente ans et aujourd’hui 5 multinationales contrôlent 75 % de la semence potagère, le numéro un étant Monsanto. Ils ont éradiqué les anciennes variétés qui se reproduisaient chaque année, et les ont remplacées par des hybrides F1, qui génèrent ce qu’on appelle un marché captif, c’est-à-dire que le paysan est obligé de racheter des semences tous les ans, car l’hybride F1 est soit stérile, soit dégénérescent l’année d’après. L’association Kokopelli promeut le jardinage familial. On se bat pour l’autonomie semencière et l’autonomie potagère. »

Claude Bourguignon dans Solutions locales pour un désordre global (avec Coline Serreau…)2010

« Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’il y a une entente entre les semenciers et les marchands d’engrais. Prenons l’épeautre, qui est une espèce de blé très rustique qui n’a pas besoin d’engrais. Il a été éliminé du catalogue autorisé des semences parce que, comme il ne nécessite pas d’engrais, on ne peut pas faire de l’argent avec lui. On avait 10 espèces de blé en 1900 avec des centaines de variétés de chaque espèce. Nous n’en avons gardé que deux, une qui fait le blé dur, Tricitum durum, et une qui fait le blé classique, Tricitum aestivum. Autrefois les champs de blé étaient très hauts. Maintenant on sélectionne pour que les blés soient tous à la même hauteur et que la machine puisse les couper correctement. C’est-à-dire que ce n’est pas la machine qui s’adapte à la vie, c’est la vie qui doit s’adapter à la machine. »

Jacques Testard, Agnès Sinaï et Catherine Bourgain dans LABO Planète (où comment 2030 se prépare sans les citoyens) 2010

« Alors que les communautés paysannes sélectionnaient leurs semences depuis le néolithique, la spécialisation des tâches a cantonné l’agriculteur dans un rôle de producteur. Les connaissances se sont retrouvées aux mains d’experts au lieu d’être partagées. En conséquence l’innovation en matière de semences se retrouve avant tout guidée par les enjeux de la compétitivité de l’industrie semencière. Les sélectionneurs se sont fondés sur des variétés homogènes pour augmenter la production. La possibilité d’une valorisation économique par le brevet devient un nouveau critère, et les marchés financiers de nouveaux évaluateurs de recherche.

A l’opposé des techniques d’uniformisation qui dominent aujourd’hui la recherche en agronomie, ce sont des approches holistiques qu’il faut mobiliser ; penser des innovations pour accompagner les évolutions spontanées du vivant ; penser une agriculture qui s’appuie sur les processus de l’écosystème ; adopter la démarche fondatrice de l’écologie, qui consiste à tenir compte de l’ensemble des interactions qui lient les êtres vivants entre eux et avec leur milieu de vie. Il n’y a pas de raison d’opposer une bonne diversité sauvage et une mauvaises biodiversité cultivée. La diversité est une caractéristique du vivant. Elle signe sa capacité d’adaptation et de récupération après un traumatisme, autrement dit sa résilience. Autrefois, comme il n’existe pas deux terroirs identiques, des centaines voire des milliers de variétés étaient utilisées. La création en 2003 du réseau Semences paysannes remet les paysans au cœur du processus d’innovation végétale. Il est temps de faire un meilleur usage des rayons solaires et de l’azote terrestre. »

Vandana Shiva dans Victoires d’une Indienne contre le pillage de la biodiversité 2011

Les lois qui favorisent le monopole de l’industrie sur les graines sont comparables au monopole sur le sel dénoncé par le Mahatma Gandhi ; celui-ci avait déclenché le Salt Satyagraha, une lutte non violente basée sur la désobéissance civile. Satyagraha, l’étreinte de la vérité. Vandana va lancer à son tour la Bija Satyagraha, une « désobéissance des graines ». Quels que soient les accords internationaux que signerait l’Inde, les paysans devraient continuer à conserver et reproduire leurs semences comme ils l’avaient toujours fait.

Vandana Shiva fonda l’association Navdanya qui signifie en hindi « les neuf graines » ou « le don renouvelé ». En 1995, Vandana Shiva achète une sorte de « désert toxique » sur lequel devait s’implanter Navdanya. La culture des semences allait remplacer la monoculture d’eucalyptus et de canne à sucre qui avaient rendu infertile le sol. Outre les centaines de variétés de millets, de céréales, de graines oléagineuses, de légumes ou encore de plantes médicinales, l’association a réuni plus de 250 variétés de riz et 75 de blé. De 8 hectares, la surface du site était passée à 18 hectares et les effectifs avaient atteint 20 personnes. Sous l’impulsion de Satish Kumar, on ajoute en 2002 une université de la Terre, appelée Bija Vidyapeeth (« école de la graine » en hindi). La gestion de l’eau, la vie des sols, la cuisine écologique figuraient parmi les programmes proposés, tout comme la non-violence, la souveraineté alimentaire ou l’art de l’activisme.

* LE MONDE du 13 mars 2014, Le Parlement européen, théâtre de la guerre des semences agricoles

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Souvenirs, Mansholt et les limites de la croissance

Suite à une réunion en 1969 en Autriche et après quelques tergiversations, le Club de Rome confie en 1970 au professeur Denis L. Meadows, du MIT, une recherche prospective et globale sur l’avenir de la planète. Plusieurs hypothèses sont formulées dans le rapport intitulé Limits to Growth (les limites de la croissance). Est d’abord constatée la courbe exponentielle de la croissance démographique. Outre le fait que la croissance économique creuse les inégalités entre les Nords et les Suds, on s’interroge sur les ponctions sur la nature nécessaires à la satisfaction de la population mondiale. Par ailleurs, à la menace en amont de raréfaction des ressources s’ajoute celle en aval de l’économie du gaspillage, des déchets et de la pollution. Les auteurs du rapport insistent ensuite sur le risque d’effondrement lié à la pénurie de matières premières, avant de s’en prendre à la croyance dans le progrès technique: « Pas d’opposition aveugle au progrès, mais une opposition au progrès aveugle »[9]. Ils concluent par un appel à l’état stationnaire, à une « croissance zéro »…

              Traduit en trente langues et vendu à dix millions d’exemplaires, l’impact médiatique du rapport Meadows est très important alors que s’annonce la première conférence des Nations unies consacrée à l’homme et son milieu, prévue pour le mois de juin 1972 à Stockholm. Sicco Mansholt, ancien grand propriétaire terrien, socialiste hollandais et vice-président de la Commission européenne, adresse dès février 1972 une lettre au président de la Commission dans laquelle il préconise un plan économique prévoyant « une forte réduction de la consommation des biens matériels par habitant, compensée par l’extension des biens incorporels […], la prolongation de la durée de vie de tous les biens d’équipement […], la lutte contre les pollutions et l’épuisement des matières premières »[18]. Il propose également des mesures fiscales et un système de certificats de production pour faire respecter une réglementation écologique, ainsi que la réorientation de la recherche vers l’utilité sociale plutôt que vers la croissance. Et il précise: « Il est évident que la société de demain ne pourra pas être axée sur la croissance, du moins pas dans le domaine matériel. »[19]

              En France, c’est le tollé lorsque le communiste Georges Marchais dévoile la lettre au grand public dans une conférence de presse le 4 avril 1972. Pour lui, le document a été « dissimulé à l’opinion public »[20] alors que se profile un référendum sur l’élargissement de la Communauté européenne à quatre nouveaux membres, dont la Grande-Bretagne, contre lequel milite le PCF. La position communiste est partagée par le Conseil national du patronat français (CNPF): « Au nom de la recherche d’une meilleure qualité de la vie […] faut-il proposer une société de pénurie et de rationnement, ainsi que la nette diminution du niveau de vie actuel ? Cela n’est pas notre politique. Une forte croissance économique est indispensable pour couvrir les immenses besoins non encore satisfaits et améliorer le niveau de vie des plus défavorisés. »[22]

Sicco Mansholt devient finalement président de la Commission européenne le 22 mars 1972. Il accorde un entretien au Nouvel Observateur, au cours de la Conférence de Stockholm. Ce chantre du productivisme technocratique, auteur d’une restructuration de la Politique agricole commune (PAC) visant à dégager des gains de productivité par l’exode rural et l’agrandissement des exploitations, avoue avoir eu une « révélation »[34] à la lecture du rapport du Club de Rome. Il revendique sa conversion: « J’ai compris qu’il était impossible de s’en tirer par des adaptations : c’est l’ensemble de notre système qu’il faut revoir, sa philosophie qu’il faut radicalement changer. » Puis il va au bout de sa pensée: « est-il possible de maintenir notre taux de croissance sans modifier profondément notre société ? En étudiant lucidement le problème, on voit bien que la réponse est non. Alors, il ne s’agit même plus de croissance zéro mais d’une croissance en dessous de zéro. Disons-le carrément : il faut réduire notre croissance économique, notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance celle de la culture, du bonheur, du bien-être. »[35] Il n’est cependant pas suivi, son vice-président chargé de l’Économie et des Finances Raymond Barre, traducteur de Friedrich Hayek[36], s’oppose publiquement à lui et Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre des Finances et des Affaires économiques de la France, répond qu’il ne veut pas « devenir objecteur de croissance »…

             L’élan initial s’essouffle face à l’impératif de retour à la croissance né du choc pétrolier d’octobre 1973. Mais le Japan Prize décerné à Dennis Meadows en 2009 témoigne de l’actualité des thèses « zégistes ». À l’heure où la décroissance, à la fois slogan et concept, jaillit de nouveau dans le champ intellectuel et dans le champ politique (même sous la forme édulcorée proposée par Europe Écologie), peut-être est-il temps de donner un second souffle à ces idées anciennes et pourtant toujours neuves et d’entamer l’urgente bifurcation manquée la première fois.

(Extraits, avec l’autorisation de  Timothée Duverger, Doctorant en histoire)

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Pas d’inquiétude, nous serons les maîtres de l’univers

Le livre de Tim Flannery, « Penser la Terre* », n’est pas très intéressant car mû par un optimisme délirant : « Celui qui s’avisa le premier de faire pousser la canne à sucre donna à l’humanité sa plus rentable ressource végétale. Dans un monde à l’aube de la révolution des biocarburants, son importance en fera que croître, car la canne à sucre est notre meilleure source d’éthanol. » (…) « Ma voiture hybride peut se garer sans assistance, et pourrait bientôt se conduire seule. » (…) « Il est clair que l’adoption de véhicules électriques entraînera la mise en place de technologies « intelligentes » » (…) « Le réseau intelligent finira par ressemble à notre système nerveux autonome, qui contrôle automatiquement, sans que nous nous en rendions compte, notre respiration et nos battements cardiaques » (…) « Il semble peu probable de voir des dictateurs s’installer dans l’ouest de l’Europe » (…) « Le cours de l’histoire peut être modifié par certains individus dotés d’un tempérament et de talents particuliers. »  (…) «  Si notre civilisation survit à ce siècle, la démocratie pourrait bien se répandre sur la planète et créer un mode de gouvernement universel » (…) « Si nous sommes le premier super-organisme intelligent, alors nous sommes destinés à peupler l’univers. Si nous réussissons, alors Gaïa entrera dans la puberté ; elle deviendra fertile, transmettant l’étincelle de vie d’une sphère morte à l’autre. »

Le livre s’enlise dans le détail des gènes et des mnèmes, de l’expansion humaine et de notre suprématie apparente : « L’homme, la seule espèce de primates bipèdes qui ait survécu, est devenu le maître du monde. » (…) « La démocratie fabrique un ciment de super-organisme bien plus solide qu’aucun autre auparavant : l’intérêt personnel. » (…) « Seule la démocratie peut garantir le droit des individus, notamment le droit à la propriété » (…) «  Si le super-organisme humain survit et évolue, grâce aux système de surveillance, on pourrait forger une Terre intelligente capable de prédire les dysfonctionnements, et d’y parer avec précision. » (…) « Nous serons bientôt capables de faire des voyages interstellaires, il ne faudrait que 5 à 50 millions d’années pour conquérir la galaxie. » 

Bien entendu il y a aussi quelques remarques intéressantes, 348 pages ce n’est pas rien… mais l’auteur, mammalogiste,  n’est certes pas un militant engagé : « Réduire la consommation des riches est une tâche ardue. Si l’on dénonce systématiquement la surconsommation, qu’il s’agisse de véhicules 4×4 circulant en ville ou de maison surdimensionnés voraces en énergie, on réussira peut-être. Mais cela nécessite du courage et l’engagement de tous. Lorsque je suis témoin de ces excès, je suis tenté d’intervenir. Trop souvent, je me tais, par peur du ridicule. »

Les deux seules pensées de ce pensum à retenir sont en définitive la première et la dernière phrase : « Ce livre est une biographie jumelle, de notre espèce et de notre planète, qui s’interroge sur la notion de durabilité : non pas sur le moyen d’y parvenir, mais sur sa définition. Il a été écrit à une époque où il semble vain d’espérer que l’homme prenne les mesures nécessaires pour éviter un désastre climatique. » (…) « Ce dont je suis sûr, c’est que si l’homme ne s’efforce pas d’aimer son semblable et sa planète autant qu’il s’aime lui-même, plus aucun progrès ne sera possible pour l’humanité ici sur Terre. »

* Penser la Terre (plaidoyer optimiste pour notre futur)

Editions Buchet-Chastel, 348 pages, 22 euros (novembre 2013)

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Eradication des baleines, une volonté d’ignorer les limites

Il y a plus de quarante ans, l’impossibilité de poursuivre une croissance indéfinie dans un monde fini était déjà démontrée par le rapport du Club de Rome dont voici ci-dessous un extrait :

« Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Ce rapport entre les limites de la terre et les activités humaines est en train de changer. Même l’océan, qui, longtemps, a semblé inépuisable, voit chaque année disparaître, espèce après espèce, poissons et cétacés. Des statistiques récentes de la FAO montrent que le total des prises des pêcheries a pour la première fois depuis 1950 accusé une baisse en 1969, malgré une modernisation notable des équipement et des méthodes de pêche (on trouve par exemple de plus en plus difficilement les harengs de Scandinavie et les cabillauds de l’Atlantique.

Le secteur de l’industrie baleinière est un secteur marginal de l’économie globale, mais il fournit l’un des exemples les plus caractéristiques de l’accroissement sans frein d’une activité dans un cadre matériellement limité : les baleines les plus rentables, les baleines bleues, ont été systématiquement exterminées avec des moyens sans cesse plus puissants et plus perfectionnés. Pour maintenir et accroître le tonnage d’huile produit chaque année, on a mis en œuvre des bateaux de plus fort tonnage, plus rapides et dotés de moyens de traitement plus productifs. En conséquence il a fallu pourchasser en nombre croisant les baleinoptères dont le rendement en huile était inférieur. Cette seconde espèce puis une troisième étant en voie de disparition, les baleiniers en sont maintenant à chasser le cachalot. C’est l’ultime folie. Déjà depuis les années 1965, le tonnage capturé accuse une baisse sensible. On a voulu que l’industrie baleinière survive à la baleine, ce qui se passe de commentaires. »*

Nous en sommes là en 2014, le « choc de croissance » qu’attend François Hollande n’est pas celui qu’il imagine… le rapport du club de Rome a été récemment actualisé. En voici la conclusion : « Une chose est claire : chaque fois que la transition vers un équilibre soutenable est repoussée d’un an, les choix qui restent possibles s’en trouveront réduit. Les problèmes augmentent, alors que les capacités de les résoudre sont moindres. Attendre vingt ans supplémentaires, et on se trouve embarqué dans une expérience chaotique et finalement sans issue. »**

* édition Fayard 1972, Halte à la croissance ? 318 pages, 26 francs

** traduction française de The limits to Growth – The 30-year update (2004)

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noces impossibles du productivisme et de l’agroécologie

Nous savons déjà que le projet de loi « Avenir de l’Agriculture et de l’agroécologie » va se terminer par des décrets d’application qui ne laisseront passer qu’une goutte d’eau ! En effet l’agroécologie a été définie comme un « système de production privilégiant l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité en diminuant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires ». Or il est impossible de concilier la compétitivité (internationale) des filières agricoles et le passage à une agriculture non productiviste et autonome. Il s’agit encore une fois d’un oxymore, l’union impossible des contraires comme « développement durable » ou « croissance verte » ! Le texte a aussi pour ambition de « préserver le caractère familial de l’agriculture » alors que depuis 60 ans on a éliminé la plus grande partie des agriculteurs et de leur famille au profit de l’agrandissement excessif des exploitations et de l’érosion continue des surfaces agricoles. Pourtant l’intention législative est bonne. La preuve ? La levée des boucliers syndicaux et politiques.

Le syndicat majoritaire et productiviste FNSEA dénonce les contraintes environnementales. Il veut faire pression sur le gouvernement en présentant une liste de propositions pour renforcer la compétitivité des exploitations agricoles*. La réaction de la droite parlementaire est aussi particulièrement significative. Contre un amendement écologique introduisant « la conversion à une agriculture biologique » comme l’une des finalités de la politique agricole, le député UMP Nicolas Dhuicq n’a pas hésité à parler d’un « amendement profondément réactionnaire » qui veut « retourner à un système d’exploitation post-néolithique » et à « l’âge d’or idéal d’avant l’apparition de la chimie ». Le chef de file des députés UMP Christian Jacob a même souhaité « qu’on puisse reprendre la recherche sur les OGM en plein champ car le blocage de la recherche a permis à Monsanto d’avoir une situation de monopole »**.

Pourtant le passage d’un modèle agricole productiviste vers une « agroécologie » est inéluctable. L’agriculture mécanisée, irriguée et dopée par les engrais artificiels n’est rentable que parce que le pétrole est encore à bas prix. Peut-on expliquer à des agro-industriels baignés dans les illusions de la croissance perpétuelle des quintaux à l’hectare que la loi des rendements décroissants en agriculture est incontournable ? Peut-on expliquer que si on met en relation le nombre de calories nécessaires pour produire une denrée alimentaire et le nombre de calories dégagées par cette denrée, le bilan est globalement négatif  ? Peut-on expliquer sereinement à des paysans qu’on a transformé en « exploitants » agricoles la validité durable des méthodes de production ancestrale ? peut-on expliquer que la sécurité alimentaire passe par la souveraineté alimentaire et les circuits courts ? Ce serait le rôle de l’écologie politique que de mettre tout cela sur la table… à manger.

* LE MONDE du 8 janvier 2014, Les syndicats se mobilisent alors que la loi d’avenir agricole arrive à l’Assemblée

** Le Monde.fr avec AFP | 09.01.2014, Vifs débats à l’Assemblée autour de l’agroécologie

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Vœux qui se réaliseront en 2014 : soyons bêtes et heureux

Soyons contents,
la croissance de nos destructions continuera de protéger (un peu) nos emplois !
Soyons contents, contents,
la croissance économique psalmodiée par François Hollande ne sera pas au rendez-vous !
Soyons contents, contents, contents
tout ira de bien en pire pour la  croissance artificielle de la masse monétaire et des spéculations hasardeuses !
Soyons contents, contents, contents, contents,
puisque nos médias nous disent que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes… sauf pour Michael Schumacher !

Soyons contents, contents, contents, contents, contents,
puisque tout le monde se sera souhaité bonne et heureuse année… sans oublier la santé !

Restons en 2014 dans les illusions de la société de croissance… Soyons heureux !

De notre côté, nous préférons vous souhaiter une année de sobriété volontaire et d’engagement écolo. Je livre la sage parole qu’on m’a transmise un jour ou j’étais anéantie par mon (notre) incapacité à améliorer le monde : « Tu es dans l’illusion de la toute puissance, comme les enfants. Mais tu es un adulte et ton engagement témoigne tous les jours de ce que tu es et de ce que tu crois. Ce n’est pas rien. Tu fais ta part. Même si elle est infime. »

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le Revenu d’existence, universel et inconditionnel ?

Dans toute proposition de l’écologie politique, nous devrions voir mis en évidence son aspect environnemental. Appliquons cette grille de lecture au Revenu d’existence universel qui a fait l’objet de la motion ponctuelle n° 4 pour le congrès EELV en 2013.

Selon ce texte, ce revenu « se justifie comme un dividende reçu par chacun au nom de la propriété commune de la Terre et de ses biens ». Il s’agit donc d’une conception anthropocentrique et utilitariste. L’espèce humaine est considérée comme « propriétaire » de la Terre et peut donc user et abuser de ses richesses en toute liberté, sans limites préétablies, quitte à diminuer le capital naturel. En tant qu’écologistes, nous savons pourtant que les biens communs connaissent déjà un potentiel fortement dégradé qui nécessite en conséquence une pression moindre sur les ressources. L’expression monétaire de la satisfaction des besoins humains n’est validée que si elle est en adéquation avec les réalités physiques.

Si le REU fait l’impasse sur ce qui existe déjà en France comme revenu attribué sous condition à des catégories de population exclues du marché du travail, il garde cependant la forme d’un revenu monétaire. Or la monnaie nous fait oublier les réalités physiques. La division de l’économie d’Ernst Friedrich Schumacher en trois niveaux est particulièrement utile. L’économie primaire comprend tout ce qui est produit par la Nature (plus précisément sans l’intervention de l’humain), comme par exemple le pétrole, le miel et les minerais. L’économie secondaire contient toutes les activités d’extraction et de transformation réalisées par l’être humain à partir des produits de l’économie primaire. Elle correspond donc aux secteurs primaires, secondaires et en partie tertiaire dans la nomenclature classique. Pour Schumacher, l’économie tertiaire correspond à la finance, c’est-à-dire toutes les opérations économiques qui ne concernent que l’argent. Le fait que les acteurs de cette économie tertiaire ignorent l’existence de l’économie primaire dans leurs raisonnements conduit des Etats à accumuler des montagnes de dette. Le REU sera une charge supplémentaire pour les travailleurs, ce qui est difficilement acceptable alors que les prélèvements obligatoires en France atteignent déjà des sommets et que les largesses sociales se font aussi en empruntant. Il y a déficit de la sécurité sociale, la générosité se fait déjà à crédit. Le REU ne fera qu’ajouter une strate supplémentaire à cette monétarisation non gagée par les réalités physiques. Nous avons perdu le sens des limites par une trop grande vénération de l’abstraction monétaire.

De plus cette notion de revenu « universel » fait l’impasse sur qui doit bénéficier de cette « propriété commune de la Terre ». S’il s’agit, comme le texte l’indique, de la population en France, en Europe et en Suisse, il faut souligner qu’il s’agit de garantir un pouvoir d’achat à une fraction seulement de la population mondiale. Le REU n’est qu’une simple résurgence des utopies de l’abondance par la profusion des biens… pour l’égoïsme de certains qui se croient souverains dans leur île. Triste déviance  de l’idée de « propriété commune », il ne s’agit nullement en effet de mettre en place le REU pour « toute citoyenne et pour tout citoyen » comme l’affirme en conclusion cette motion. Remarquons que si ce revenu était donné à tous les membres de la communauté mondiale, cela ne ferait sans doute que quelques euros par mois pour chaque Français, une somme dérisoire par rapport aux besoins du Français moyen. Le terme « universel » est donc un trompe l’œil et correspond à une conception à la fois individualiste et étatisée de la solidarité humaine… limitée à quelques humains.

Analysons maintenant les modalités de cette mesure, un revenu universel et « inconditionnel ». Nous avons déjà montré pourquoi on ne pouvait pas considérer ce revenu comme « universel » puisque non dédié à la population mondiale. Le REU veut aussi ignorer ce qui est déjà son équivalent « inconditionnel », le revenu de solidarité active (RSA), qui est destiné à assurer un minimum d’au moins 493 euros mensuel aux personnes sans ressource ou disposant de faibles ressources. Il est vrai que la motion pose une définition très large des bénéficiaires du REU, « sans contrôle de ressources ni exigence de contre-partie » ; on s’éloigne de la notion de solidarité active. Il permettrait en effet à un éternel oisif de « vivre une vie décente » sans jamais rien donner en échange. C’est là une conception vraiment bizarre de la vie communautaire et de la solidarité humaine. En termes anthropologiques, un don ne peut se concevoir sans un contre-don. C’est la triple obligation de donner-recevoir-rendre qui autorise, en créent un état de dépendance, la recréation permanente du lien social. Ce revenu distribué sans aucun obligation en retour sera sans doute considéré par la population comme un vol manifeste à l’heure où les charges sociales deviennent insupportables pour beaucoup de contribuables. Il y aura une image des écologistes en politique encore plus mauvaise et nous n’avons certes pas besoin de cela à EELV.

Cette motion n’aborde pas non plus le niveau acceptable des besoins humains, chacun pourra dépenser à sa guise ce REU. La motion indique seulement que ce revenu doit « permettre d’assurer un niveau de vie décent », qu’on soit chômeur, sans activité particulière ou même salarié (puisque ce revenu est considéré comme cumulable). Le problème, c’est que la notion de « vie décente » est un concept flou. Par exemple faut-il avoir un revenu suffisant pour s’acheter et entretenir une voiture, objet jugé souvent comme indispensable. Faut-il avoir aussi un portable, une carte bancaire, un ordinateur personnel et un lave vaisselle ? Notons que la définition actuelle de « seuil de pauvreté » est une notion relative au niveau général des revenus dans une société donnée. En d’autres termes, celui qui gagne le revenu social d’autonomie (RSA) en France peut être considéré comme très riche dans un autre pays. Préciser le montant de ce REU sera donc un exercice encore plus compliqué et électoralement risqué que celui du salaire minimum.

Prenons pour terminer un dernier passage du texte de la motion, un revenu reçu du « fruit en partage des progrès techniques ». Ce sont les énergies fossiles qui contribuent au financement des avancées sociales en permettant à la fois l’explosion technologique et la profusion d’esclaves énergétiques Le pic pétrolier est là, la descente énergétique se précise, c’est la fin de l’abondance par les machines. Une motion sur le REU participe d’une idéologie de l’illimité qui oublie que la fin du pétrole marquera irrémédiablement l’arrêt de la distribution de cadeaux sociaux.

Une telle motion dans un parti qui se dit écologiste semble donc à la fois irréaliste et incompréhensible. Un parti écologiste est normalement garant du long terme. Or les contraintes financières, sociales et écologiques vont devenir encore plus brutales que ce qu’elles sont actuellement. Dans une situation prochaine où l’Etat central ne pourra plus assumer toutes ses charges, il faut envisager un retour aux solidarités de proximité qui ont été pour la plupart supprimées par un Etat à la fois productiviste et dépensier. Cela ne veut pas dire que l’intervention régulatrice de l’Etat disparaîtra. Par exemple il y a de fortes chances qu’en situation (prévisible) de pénurie énergétique, nous soyons tous un jour détenteurs d’une carte carbone ; un système de rationnement est le système le plus juste et équitable qui soit. L’instauration d’un système de quotas énergétique serait véritablement une bien meilleure proposition de motion écologique que celle du « revenu universel et inconditionnel ».

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Savourons à fond la nature… avec Robert Redford

En 1961, il achète quelques arpents dans les montagnes de l’Utah. Il faut faire fondre la neige pour avoir de l’eau. Il s’y installe avec sa famille une partie de l’année. Tout Robert Redford est là, au plus près de la nature *. Quand si peu de personnes aiment vraiment la nature, il est important d’écouter les pensées de Robert Redford :

« Nous vivons dans une société vouée au développement. C’est le principe que l’on appelle aux Etats-Unis le “manifest destiny”, le “destin manifeste” : cette doctrine sous-tend que nous avons été créés par Dieu pour entreprendre, conquérir et développer ce que nous pouvions. Elle a fait beaucoup de mal. Nous avons créé nos propres démons. »

« La nature est en permanence en guerre avec des gens qui veulent la spolier. Quand vous commencez à penser aux entreprises gigantesques, Chevron-Texaco, Exxon, aux sommes d’argent qu’ils ont à disposition pour extraire l’énergie de la Terre, aux dommages, aux menaces qui en résultent, vous comprenez que, si on ne pense que profits à court terme, il ne restera bientôt pas grand-chose de la planète. La conséquence ? Notre extinction. La Terre pourra alors se soigner, se regarnir, se repeupler… mais nous ne serons plus là pour le voir. »

« L’homme a toujours défié la nature. Depuis des siècles... Mais en général, l’homme perd. » All Is Lost, « Tout est perdu », un film de J. C. Chandor qui met en scène la survie de Robert Redford sur un bateau qui prend l’eau… comme notre planète !

« Il y a un moment dans le film où, entre les tempêtes, tout est calme et silencieux, le personnage s’assoit sur le pont et il regarde au loin, et c’est l’infini, il n’y a rien d’autre que cette surface plane de l’océan, et le ciel. Si les gens partent de plus en plus sur les chemins de randonnée, dans les coins sauvages, en mer, c’est qu’ils sentent que leur chance de communiquer avec cette nature est en train de disparaître. Et qu’ils n’en peuvent plus de cette société submergée par les communications et l’électronique, et les bavardages, le bruit. »

« J’aime la nature, mais je crois aussi que la nature et la civilisation doivent coexister… C’est quand le développement écrase la nature que je m’inquiète. Je suis persuadé que notre futur sera le fruit d’un équilibre entre ce que nous développons pour notre survie et ce que nous préservons pour notre survie. »

* LE MONDE culture&idées du 14 décembre 2013, Robert Redford, le rêveur américain

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La nature a une valeur… à vrai dire incommensurable !

Les uns écrivent que le capital vert offre de nouvelles perspectives de croissance*, les autres peuvent prouver que la préservation de la nature passe par la décroissance de l’activité humaine. La base du raisonnement est commune. Alors que les économistes postulaient jusqu’à peu que la nature constituait un stock illimité de ressources, les pénuries croissantes commencent à les faire réfléchir. Certains croient que le manque de capital naturel pourra être compensé par plus de capital technique et plus de travail humain (soutenabilité faible). Mais les machines et les innovations techniques nécessitent toujours plus de ressources naturelles, même s’il y a une certaine efficacité énergétique (moins d’énergie pour le même montant de production). Et le travailleur sans voiture ni portable ne vaut plus grand chose aujourd’hui. D’autres croient au miracle du marché : il suffit de donner un prix à la nature. Sauf que le prix de la nature est incommensurable. Il ne peut être déterminé de manière incertaine que par des jugements humains. En fait la nature n’a pas de prix, elle se désintéresse complètement de l’existence humaine pour suivre sa propre vie. Elle n’offre pas ses services, nous les prenons par la force. On peut dire par exemple que la civilisation minière opère un véritable viol de notre mère nature. Et si les humains n’ont rien à offrir en échange de leur prédation, alors la nature se meurt. On peut par exemple le constater avec la stérilisation des sols et la désertification ou le réchauffement climatique qui acidifie les océans.

Le rapport Stern avait calculé combien coûte une croissance basée sur les ressources fossiles. Selon ce rapport britannique remis au gouvernement le 30 octobre 2006, le réchauffement climatique pourrait coûter dans les prochaines années 5 500 milliards d’euros à l’économie mondiale et provoquer une récession comparable à celle des années 1930. Pavan Sukhdev voulait mettre en place une comptabilité verte : « Il faut donner un prix à la biodiversité. » Le rapport Sukhdev de 2010 n’a eu comme résultat que de conseiller de réduire l’impact de l’activité humaine sur les ressources naturelles et leur pérennité. Toute la pensée de ce banquier indien était pourtant reliée à l’intérêt pour l’homme d’une sauvegarde de la planète. Il avait oublié que si nous en sommes arrivés à cette disparition accélérée du capital naturel, c’est justement parce que nous avons donné un prix à toute chose sans nous soucier que la nature qui nous permet de vivre avait une valeur intrinsèque.

La Biosphère n’a pas de prix, elle a une valeur non comptabilisable. Par contre le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur en soi qui doit être respectée. La richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes. Les valeurs portées par la Nature sont donc indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. Ce ne sont pas des valeurs marchandes. Si vous voulez consulter l’article de Rémi Barroux** qui pense le contraire, libre à vous…

* Le Capital vert. Une nouvelle perspective de croissance par Christian de Perthuis et Pierre-André Jouvet
** LE MONDE du 13 décembre, la nature a une valeur… capitalistique (panégyrique du livre ci-dessus nommé)

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La décroissance est en marche, même LE MONDE l’écrit

« Les taux de croissance sont en baisse depuis quarante ans… Les appels au retour d’une « croissance forte » semblent désuets et irréalistes… La prise en compte du caractère limité des ressources énergétiques et la nécessité de contenir la hausse des températures à l’échelle de la planète pourraient réduire encore un peu davantage le potentiel de croissance…. Un tel horizon effraye : sans croissance, un pays ne peut prospérer. Cette affirmation, si profondément ancrée dans notre idéal collectif, ne devrait-elle pas être réexaminée ?… Si l’on regarde du côté des enquêtes mesurant le « bonheur individuel », il apparaît que sur le long terme la croissance n’y est pas corrélée… Prospérer sans croissance, c’est d’abord un enjeu et une ambition politique… »* Les réactions des internautes sur lemonde.fr méritent lecture :

– Première fois que je lis dans un journal « reconnu » que notre système est en train de changer. Le paradigme de la croissance aurait-il du plomb dans l’aile ?

– Cette chronique entre-ouvre timidement la porte au débat sur la décroissance. Ou on l’organise, ou elle sera sauvage. C’est le retour de malthusianisme qui s’annonce.

– Dans un monde fini, une croissance infinie est une folie. Combien de temps encore allons-nous pouvoir massivement consommer ce que l’on ne produit plus ?

– « Prospérité sans croissance » est aussi le titre d’un livre fort intéressant de Tim Jackson, dont on s’étonne qu’il ne soit pas cité ici. D’autant plus que lui ne s’en tient pas au constat, ni à l’affirmation générale qui fait le titre de l’article. Il envisage non seulement les moyens, mais aussi le type de société qui en résulte : plus frugale, massivement investie dans sa conversion écologique. Un bon aperçu du prix de notre survie !

– Il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte que croissance nulle et productivité croissante signifient chômage de masse et paupérisation de la population.

– Allez voir du côté du collectif Roosevelt et de ses propositions sur le partage du travail et d’éléments de réorientation de l’activité vers plus d’écologie et moins d’ostentation et de consommation vaines et destructrices.

– C’est la volonté de vouloir continuer la croissance qui est la source de tout les dysfonctionnements

– Le plaisir, le bonheur sont irrémédiablement de la sphère privée : la vraie divergence et la difficulté à rompre avec les illusions des idéologies de la croissance, c’est sans doute là.

– L’Homme étant ce qu’il est, le risque est élevé, en cas de croissance molle durable, de parvenir à une société de plus en plus inégalitaire.

– Sans croissance, c’est le déclin assuré des classes moyennes au vu de l’appétit sans cesse croissant de quelques uns qui veulent toujours plus. Quand aux salariés lambda, ce sera dur, très très dur pour eux.

– Que fait-on de ceux qui jugent que la croissance de leurs revenus, l’achat de superflu, le luxe sont indispensables à leur épanouissement personnel ? On les envoie en camps de rééducation ?

– Comment peut on parler de croissance quand la consommation des ménages moteur dominant de la croissance en France est financée par de la dette publique, opium des politiques qui sont des malades mentaux de la dépense pour satisfaire leurs électeurs qui sont les cocus du système.

– Ce qui est sûr, c’est que nos politiciens sont à la ramasse sur le sujet, le populisme a de beaux jours devant lui.

– Il y a eu dans le passé des idéologies de la non-croissance, de la fin des changements, du bonheur par l’immobilité. La plus illustre a été celle de la dernière dynastie impériale chinoise. « Nous avons tout » avait répondu l’empereur Qianlong à l’ambassadeur d’Angleterre qui parlait de commerce international.

* LE MONDE éco&entreprise du 10 décembre 2013, Oublions les « trente glorieuses », une prospérité sans croissance est possible

propos de Lucas Chancel et Damien Demailly (Institut du développement durable et des relations internationales – Iddri-SciencesPo)

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