anthropisation

« sortir de la pauvreté protège la nature », idée fausse

Quand on est profondément écolo, il faut avoir le cerveau bien accroché et ne pas se faire d’illusion sur notre avenir commun. Un des pays le plus en pointe sur les déclarations d’intention en matière environnementaliste, l’Equateur, sombre dans le reniement. Tout un chapitre de la Constitution Équatorienne de 2008 est dédié aux droits de la Nature ; son article 71 dispose que la « Nature ou Pacha Mama, où se reproduit et réalise la vie, a le droit à ce que soient intégralement respectés son existence, le maintien et la régénération de ses cycles vitaux, sa structure, ses  fonctions et ses processus évolutifs.  » Or le président de l’Equateur, Rafael Correa, avait demandé au Congrès le jeudi 15 août 2013 l’autorisation d’exploiter le pétrole dans une importante réserve écologique du Parc Yasuni.

Dans un amphithéâtre de la Sorbonne, Rafael Correa confirme ses illusions.  Pour lui, « l’opulence détruit le plus la planète (…). Mais, la pauvreté aussi porte atteinte à l’environnement. Le principal danger pour la forêt amazonienne, ce n’est pas le pétrole, c’est l’extension des terres agricoles et de l’élevage. Les paysans colonisent la forêt, il faut des hectares pour nourrir de petits troupeaux. Sortir de la pauvreté, c’est ce qui la protège véritablement la nature ». Il ne perçoit pas la contradiction entre lutte contre la pauvreté avec du pétrole et protection de l’environnement : la santé de l’économie équatorienne fluctue au gré des cours du pétrole, principale source de revenus du pays (environ 30 % des revenus de l’Etat et 60% des exportations). Ce sont les ressources pétrolières qui ont permis de développer les programmes sociaux et de réduire les inégalités. Pire, il envisage de suivre le même modèle de développement que les pays riches. Correa mise sur l’économie de la connaissance pour « changer la matrice productive équatorienne » et accompagner la mutation du pays vers une société de services. Société de services, la pire organisation sociale qui soit en matière d’environnement.

Le confrère de Correa, le président de la Bolivie Evo Moralès, milite aussi pour la reconnaissance de Pacha mama, nom de la Terre mère dans les cultures indigènes. Mais il accuse clairement la source de tous nos maux : « Pour guérir Mère Terre, continue Moralès, il est nécessaire de comprendre que sa maladie a un nom : le système capitaliste mondialisé. Il n’est pas suffisant de dire que le changement climatique est le résultat de l’activité humaine. Il est nécessaire de dire que c’est un système, une façon de penser et de sentir, une façon de produire la richesse et la pauvreté, un mode de « développement » qui nous conduisent au bord de l’abîme. Afin de préserver la planète, la vie, et l’espèce humaine, nous devons en finir avec le capitalisme. »

Ce qui veut dire aussi, mais Moralès en a-t-il conscience, qu’il faut revoir à la baisse le standard de vie de la population humaine et qu’il est par exemple nécessaire d’arrêter le plus rapidement possible l’extraction du pétrole (et du charbon, sans oublier le gaz). L’usage d’une voiture individuelle est une atteinte directe à Pacha Mama.

* LE MONDE du 17-18 novembre 2013, Equateur : pour Rafael Correa, « sortir de la pauvreté protège la nature »

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l’anthropocène confirme l’irresponsabilité humaine

L’humanité domine toute la Terre de sa puissance technique démesurée. Un sentiment de responsabilité à l’égard de la planète qui nous (sup)porte devrait donc être généralisé. Malheureusement c’est l’inverse qui se passe.

1/2) L’action de l’homme est devenue la force géophysique dominante. Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz (L’Evénement anthropocène) en dévoilent les grands déterminants dans LE MONDE*. En résumé : « Le constat scientifique de l’empreinte gigantesque, tellurique, des humains sur le devenir de la Terre, est incontestable. Nous ne sommes pas entrés dans l’anthropocène par inadvertance, mais par des processus qui ont systématiquement placé hors jeu des mises en garde « environnementales » ou des résistances sociales à développer telle ou telle technologie, à faire tel ou tel choix économique. Les précédents historiques de réduction des émissions correspondent à des crises subies : Etats-Unis après la crise de 1929, Allemagne après 1945, Russie après 1992. Avec la chute de l’URSS, Cuba a été privée du pétrole soviétique dès le début des années 1990 et sous embargo américain. Des mesures d’économie drastiques ont concerné tous les secteurs d’activité : l’industrie, les transports, l’agriculture, etc. La ration journalière des Cubains est tombée à 1 900 calories par jour et ils ont perdu 5 kg en moyenne. Pourtant, malgré cet effort énorme, les émissions de CO2 [dioxyde de carbone] n’ont décru en dix ans que d’un tiers. Une réduction mondiale ne pourra pas s’obtenir avec des technologies vertes, des plans d’isolation thermique ou des écotaxes suspendues aux premiers remous. Parmi les acteurs qui ont contribué à la situation actuelle, l’institution militaire tient une place centrale. En inventant des outils pour tuer les humains, elle a développé des outils pour tuer le vivant en général. Les pesticides sont directement hérités des travaux menés pour mettre au point les gaz de combat. Le développement des engrais azotés a été intimement lié à celui des explosifs. Les nouvelles technologies de pêche – qui permettent la surexploitation des océans – sont récupérées des radars et des sonars inventés pendant la seconde guerre mondiale. Même le nylon des filets de pêche est une invention militaire ! De manière générale, l’institution militaire ne prête aucune attention à la sobriété énergétique… »

2/2) Nous conseillons aussi la lecture du livre Voyage dans l’anthropocène de Claude Lorius et Laurent Carpentier. En résumé : « Aussi courte soit-elle, l’ère anthropocène est à la fois l’âge d’or – celui des grandes découvertes, du progrès scientifique, de la démocratie, de l’allongement de la vie -, et l’ère de l’aveuglement. La conférence internationale sur le climat tenue à Villach pourra conclure dès 1985 que les émissions de CO2 conduiraient dans la première moitié du XXIe siècle à une température que les hommes n’ont jamais connue. L’industrie décolle, l’économie décolle, les avions décollent. C’est l’ère des grandes vitesses et des grandes dépenses d’énergie. C’est Prométhée franchissant le mur du son. En 2009, au cœur de la crise économique, les constructeurs français font un record avec 2,25 millions d’automobiles vendues. la faute originelle de l’Homo anthropocenus est à chercher dans l’univers de l’ingénieur. Une civilisation thermo-industrielle où tout repose sur la puissance motrice du feu. Le probable est la désintégration. L’improbable mais possible est la métamorphose. La question du dépassement est essentielle dans l’histoire d’une civilisation. Une population qui franchirait le seuil au-delà duquel elle ne peut plus assurer le renouvellement de ses ressources s’expose inévitablement à son propre effondrement. Il apparaît que ce pisse-froid de Malthus avait raison d’affirmer qu’il y avait une limite à l’expansion humaine, au-delà de laquelle l’humanité serait en crise… mais il est très difficile à l’homme d’admettre ce type de raisonnement. »

* LE MONDE Culture&Idées du 8 novembre 2013, Remettre l’histoire au cœur de la crise environnementale

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de l’homme au loup, une trop troublante similitude

Un berger s’exclame : « On élève des brebis, pas des loups. On n’a pas signé pour faire des croquettes fraîches. » Un loup rétorque : mieux vaut des croquettes fraîches qu’un  Big Mac de chez McDonald’s. Voici un comparatif entre ce qu’on sait de l’espèce humaine et ce que dit des loups LE MONDE* :

– La population d’homo sapiens en France dépasse les 65 millions, elle augmente chaque année de 360 000 personnes environ. « La population de Canis lupus, qui regroupe autour de 250 individus, croît en France à un rythme de 20 % par an* ».

– La croissance de l’espèce humaine s’explique en raison de la nourriture abondante et diversifiée (on a inventé les boîtes de conserve et les transports frigorifiques). « La population de loups se développe en raison de la nourriture abondante et diversifiée (le nombre d’ongulés sauvages est en hausse depuis trente ans). »

– Un émigré quitte son pays pour des raisons économique ou quand il demande asile politique. « Des loups quittent la meute quand les jeunes de l’année ont besoin de nourriture ou quand il y a conflit pour accéder au statut de reproducteur. »

– Les humains peuvent biologiquement vivre n’importe où : dans les montagnes, les forêts, les grandes plaines agricoles, les déserts froids, les régions chaudes, etc. C’est vraiment une espèce « plastique » qui s’adapte à tous les écosystèmes. C’est d’ailleurs le mammifère terrestre qui a eu l’aire de répartition historique la plus large au monde : la planète entière. « Le loup peut biologiquement vivre n’importe où : dans les montagnes, les forêts, les grandes plaines agricoles, les déserts froids, les régions chaudes, etc. C’est vraiment une espèce « plastique » qui s’adapte à tous les écosystèmes. C’est d’ailleurs le mammifère terrestre qui a eu l’aire de répartition historique la plus large au monde : l’hémisphère Nord. »

– L’être humain est un super-prédateur : il n’a pas de concurrence avec d’autres espèces. « Le loup est un super-prédateur : il n’a pas de concurrence avec d’autres espèces. »

– Chaque Américain dévore en moyenne 330 grammes de viande par jour (plus de 120 kilos par an). « Le loup mange en moyenne 2 à 3 kg de viande par jour, mais peut jeûner plusieurs jours. »

– Autrefois il n’y avait des hominidés qu’en Afrique. Maintenant ils sont partout. « Au XVIIIe siècle, il y avait des loups partout en France, y compris près de Paris, dans les forêts de Rambouillet, de Versailles ou en Sologne. L’espèce a finalement reculé en raison de la concurrence avec l’homme. »

* LE MONDE du 25 octobre 2013, « La population de loups croît en France à un rythme de 20 % par an »

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Leonarda, le PS pris au piège des droits de l’hommiste

La collégienne Leonarda a été expulsée avec toute sa famille. C’est un dirigeant du PS qui l’affirme : « Si vous ne faites pas revenir Leonarda, droits de l’hommiste et multiples réseaux de gauche en seront ulcérés ; si vous la faite revenir, frontistes et droite dure en feront leur choux gras. C’est une machine infernale*…  » Charybde ou Scylla ! L’éditorial du MONDE s’indigne : « La tartufferie du PS sur l’immigration. » Il ironise sur la formule de François Hollande, une politique d’immigration « ferme et humaine » alors que le ministre de l’intérieur se félicite des 13 510 retours contraints, « tendance supérieur à celle constatée entre 2009 et 2011 ». Mieux que Sarkozy !?

Mais le MONDE se garde bien de préciser quelle politique migratoire serait juste et efficace, « un débat esquivé jusqu’à présent, prudemment tenu à distance par les socialistes depuis des années** ». Quelle serait la politique migratoire dans ce contexte incertain si nous sommes écologistes ? Il faut aller en Suisse pour le découvrir. L’association Ecologie et Population (ECOPOP) s’occupe depuis 1970 de l’impact lié à une population de plus en plus importante sur la nature et les ressources naturelles. Les objectifs des autres associations protectrices de l’environnement visant la réduction de la production de pollution par habitants sont aussi partagés par ECOPOP. Cependant il faut aussi considérer le nombre d’habitants comme facteur déterminant, ce qui est souvent négligé dans la politique de nos jours. C’est pour cela que ECOPOP se préoccupe de la croissance de la population mondiale et suisse.

ECOPOP considère le problème d’une population mondiale croissante.
ECOPOP est politiquement neutre, humaniste, écologique et à caractère social.
ECOPOP travaille sur l’impact de l’homme sur notre terre, indépendamment de son origine, de sa nationalité ou de sa religion.
ECOPOP considère comme point déterminant la densité de la population et non l’origine de cette population.

ECOPOP est contre la xénophobie et le racisme.

Les arguments d’ECOPOP sont d’ordre scientifiques, ils reposent sur la formule mathématique, I = PAT, qui semble irréfutable :  l’Impact de l’espèce humaine est déterminée, à Technique donnée, par sa Population et par ses Affluences (consommations, niveau de vie). Pour réduire les impacts I, il est donc nécessaire d’agir sur l’efficacité technique T, l’Affluence (réduire le nombre d’unités de production ou de consommation par personne) et la population P (réduire le taux de natalité). Sauf à trouver immédiatement des solutions techniques extraordinaires, la décroissance matérielle devrait, sur un territoire dont on a dépassé la capacité de charge, s’accompagner d’une politique démographique qui agit tant sur la fécondité que sur les flux migratoires. Les phénomènes migratoires sont en prise directe avec la difficulté ou non de vivre en symbiose avec son écosystème…

La réussite d’un pacte républicain passe nécessairement par un pacte écologique : il faut obtenir les ressources nécessaires à son humanisme, sinon il y a rejet de l’étranger.

* LE MONDE du 20-21 octobre 2013, Comment l’Elysée veut clore l’affaire Leonarda

** LeMonde.fr | 19.10.2013, Leonarda : François Hollande peut-il espérer éteindre l’incendie ?

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un mauvais choix gouvernemental, l’agro-industrie

Après avoir détruit l’agriculture paysanne depuis la fin de la seconde guerre mondiale pour mettre en place une agro-industrie, le gouvernement ne se rend toujours pas compte de ses erreurs. Non seulement il aide une activité en déclin, mais il mise sur des substituts qui n’ont aucun avenir.

Le premier ministre français Ayrault annonce un plan d’aide de 15 millions d’euros au volailler doux, aux ateliers de traitement du saumon ou à un abattoir porcin. C’est le résultat d’une « industrie productiviste à bas coût » comme le souligne LE MONDE*. Mais l’analyse historique est totalement absente des différents articles sur la question. Ce n’est pas un mauvais positionnement dans la mondialisation à l’heure d’une concurrence internationale sauvage. C’est un mauvais choix d’origine, dénoncé par René Dumont qui fut pourtant un des artisans du plan Monnet au sortir de la guerre et un propagandiste de la révolution agricole à base d’exode rural, d’engrais chimiques et de tracteurs. Jusqu’en 1953, il y fera merveille, intensifiant, défrichant, élargissant les mailles des bocages et assainissant les marais. La révolution fourragère des près en culture continue ne suffit pas, il y adjoint la mécanisation : « On ne peut mettre un tracteur dans chaque ferme de huit hectares. ».** Trente ans plus tard, alors qu’il atteignait les 70 ans, découvrant l’irruption de la crise écologique et son impact sur la production agricole. René n’a pas hésité à se transformer en premier écologiste politique de France : « Le productivisme fait perdre tous les éléments de base à la culture paysanne fondée sur l’économie des ressources et le respect du pain quotidien, de la nature et de la vie. » Le gigantisme, les grands barrages, les combinats, les élevages industriels, l’abus d’engrais… tout ce qui dépasse l’échelle de la communauté concernée maintenant l’effraye. Comme l’agriculteur dans son champ, il a la conscience des limites : « Quand les prévisionnistes nous disent qu’en l’an 2000 l’agriculture des Etats-Unis ne produira plus que 0,5 % du PNB, je me demande si nous n’allons pas, au siècle prochain, manger du marketing. » L’agro-industrie nous a mené à une impasse, on licencie en masse après avoir poussé pendant des années à la fin des paysans, à l’exode rural, à la reconversion.

Mais si la reconversion des agriculteurs était relativement facile du temps des Trente Glorieuses, elle est devenus impossible alors qu’il y a chômage de masse. Le gouvernement actuel rêve maintenant d’investissements d’avenir, « énergie marine » ou « développement des usages du numérique ». Ces domaines d’activité sont très capitalistiques et utilisent peu de main d’œuvre. Il ferait mieux d’encourager les circuits courts et le retour à une agriculture paysanne, seul moyen de créer des emplois en masse à une époque qui va connaître la pénurie énergétique.

* LE MONDE du 18 octobre 2013, Bretagne : un plan d’aides pour pallier de mauvais choix

** René Dumont, une vie saisie par l’écologie de Jean-Paul Besset

506 pages, 20 euros, éditions les Petits Matins – 2013 (première édition en 1992)

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Le genre et le sexe, des différences aux inégalités

Le parti écolo EELV s’intéresse aux choses du sexe, il avait programmé lors de ses journées d’été à Marseille l’atelier « le genre pour les nuls ». Le titre était alléchant, nous y avons envoyé un correspondant. Première grosse surprise, nous nous attendions à un public d’homos, de trans et de bi. Que nenni, était venu le tout-venant des écolos. Deuxième surprise, nous n’avons pas du tout parlé de sexualité, mais des inégalités des rôles masculins et féminins dans une tradition toujours bien présente, même en France. L’intervenante, Céline Petrovic est la délégué thématique « genre, sexe et société » d’EELV, mais aussi docteure en sciences de l’éducation. Nous avons donc eu un débat très interactif sur la sociologie du genre. Ce terme est défini comme un concept réaliste et pas du tout comme une « théorie » : c’est un système, une construction sociale qui résulte d’un apprentissage et non d’un déterminisme génétique, inné. Depuis des millénaires, on disait que la différence entre hommes et femmes étaient programmées par la nature. Il y a au contraire un processus observation par l’enfant, puis identification, intériorisation et enfin imitation. Catherine Vidal a par exemple démontré qu’il y avait déterminisme culturel. Or tout ce qui est construit rend possible la déconstruction. La hiérarchisation entre mâle et femelle humaine peut donc être contestée et modifiée.  Ce n’est pas parce qu’on est égalitariste qu’on prône l’identique. La notion de genre permet de se démarquer d’un certain féminisme « essentialiste » qui croit encore à un déterminisme biologique. C’est pourquoi il serait préférable d’avoir à EELV, plutôt qu’une commission féminisme et une autre LGBT (lesbienne, gay, trans et bi), une commission transversale « genre, sexe et société ».

Un article du MONDE* confirme les analyses de Céline Petrovic : « Le genre est un concept utilisé dans les sciences sociales. Il désigne tout ce qui, dans la construction de l’identité dite sexuelle et dans la formation de la division entre les sexes, relève de mécanismes d’ordre social et culturel. Ainsi les transsexuels peuvent-ils affirmer que leur identité de genre ne correspond pas à leur sexe. La notion de genre sert à dénaturaliser la division des rôles dans la société, au travail et au sein de la sphère domestique. Elle permet de montrer qu’elle n’est pas un fait de nature mais de culture. Faire le ménage ou élever des enfants sont des tâches sociales, qu’aucune programmation biologique n’assigne en propre aux femmes… L’objectif de programmes comme l’ABCD de l’égalité est de remettre en question les normes qui font que chaque sexe adopte, dès le plus jeune âge, un certain comportement. Par exemple, les filles, encouragées à jouer à des jeux plus doux, sont plus sages alors que chez les garçons, il est considéré comme normal qu’ils soient plus turbulents. Il ne s’agit pas pour autant de nier la différence des sexes. Ce serait confondre la déconstruction des inégalités avec celle des différences. L’objectif est d’ouvrir le champ des possibles aux deux sexes afin de leur donner les mêmes chances ultérieurement. Pas de les encourager à changer de sexe ou à « choisir » une orientation sexuelle. »

Il n’y a donc pas d’ordre « naturel » dans les inégalités selon le sexe. « On ne naît pas femme, on le devient », écrivait déjà Simone de Beauvoir en 1949. Il n’empêche que l’évolution des espèces a été favorisée par la différence mâle/femelle et que la procréation implique nécessairement le rapprochement des deux sexes. Il y a un ordonnancement culturel, mais il y a aussi les lois de la nature.

* LE MONDE du 15-16 septembre 2013, la théorie du genre, nouvel ennemi de l’ordre « naturel »

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JDE (août 2013) : Quelle nature voulons-nous protéger ?

 Le compte-rendu ci-dessous montre que cette question n’a pas été vraiment traitée à Marseille lors des journées d’été d’Europe Ecologie Les Verts (23 août 2013). Pourtant CatherineLarrère est le co-auteur du livreDu bon usage de la nature (pour une philosophie de l’environnement) qui faisait le tour du problème. Extraits : « Faute d’avoir interrogé la vision moderne de la nature, on avait dramatisé le conflit entre défenseurs de l’humanité et protecteurs de la nature. Si l’homme fait partie de la nature, nul besoin de dramatiser ; il n’y a pas à choisir entre la nature et l’homme. On peut les protéger tous les deux, lier la préservation de la diversité biologique, par exemple, à celle de la diversité culturelle… Toutes les éthiques reposent sur un seul présupposé : que l’individu est membre d’une communauté de parties interdépendantes. L’éthique de la Terre élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux… Mais inclure l’homme dans l’analyse écosystémique s’avère extrêmement difficile. L’homme est une boîte noire particulièrement fantasque. Ses activités ne sont pas des ajustements automatiques à un contexte de sélection. Il s’agit en effet de stratégies intentionnelles. Les logiques économiques, sociales et culturelles qui président à la variabilité de ces actions échappant à l’analyse de l’écologue, l’homme apparaît comme une population sujette à de perpétuelles mutations… »

Atelier de la Fondation écologique : Quelle nature voulons-nous protéger ?

Catherine Larrère, présidente de la Fondation :

« Aux Etats-Unis, où une partie du territoire était encore récemment vierge et sauvage, est née l’idée de wilderness, une nature dans laquelle l’homme n’intervient pas. Il n’est qu’un visiteur. En France, pays artificialisé depuis longtemps, on s’est d’abord préoccupé des beaux paysages. Ce sont des peintres qui ont œuvré pour la protection de la forêt de Fontainebleau. »

Patrick Blandin, du Museum :

« La nature n’a pas eu besoin de nous pendant des millions d’années. Plusieurs espèces sont très anciennes, mais nous avons la particularité d’être la plus envahissante… alors que nous voulons éradiquer les autres espèces envahissantes. Nous provoquons un bouleversement des écosystèmes en introduisant de nouvelles molécules qui n’avaient jamais existé auparavant ! Même s’il n’y a pas d’état idéal de la nature, nous détournons son évolution du cours qu’elle aurait suivi si l’espèce humaine n’avait jamais existé. Nous sommes l’Homo tranformator, mais aussi le compagnon d’aventure de la nature. Mon point de vue, c’est qu’il faut rendre la biosphère durablement adaptable. Cette adaptabilité tient à la diversité. Or nous détruisons la biodiversité. Quelle valeur accorder aux autres êtres vivants ? »

Gilbert Cochet, président de l’association Forêts sauvages :

« L’homme se prend pour Dieu ; le forestier croit qu’au premier jour, il a créé la forêt. Pourtant l’homme n’est pas indispensable, on pourrait laisser la nature évoluer librement. Je suis garant de la protection des gorges de l’Ardèche qui accepte le tourisme : tout dépend de comment nous nous comportons. Par exemple les parcours d’escalade sont en nombre très limités. Mais les parcs et réserves naturelles ne couvrent que 1 % du territoire. Vouloir protéger ces 1 % n’est certainement pas de l’intégrisme. Plus un territoire est petit, plus la biodiversité est réduite. Je constate aussi que 98 % de la biomasse des vertébrés est constituée de l’espèce humaine et de ses animaux domestiques. Il reste seulement 2 % pour les écureuils et tous les animaux sauvages. Et puis quand je me retrouve au sein de Mère nature non transformée, je me sens bien. Une certaine sanctuarisation de lieux naturels est nécessaire. »

Baptiste Lanaspèze, fondateur de la maison d’édition wildproject :

« Après avoir été un défenseur de l’écologie profonde, je suis maintenant passionné par la randonnée pédestre en ville. La moitié des Bouches du Rhône est classée en zone Natura 2000, mais il existe un mélange d’une anthropisation violente et de paysages infiniment variés. J’aime passer lentement sous un pont autoroutier, cela transforme mon regard sur le péri-urbain. »

Catherine Larrère :

« Un pour cent du territoire est protégé, que faire des 99 % qui restent ? On ne peut pas faire n’importe quoi. Comment en décider ensemble, c’est une question à la fois scientifique, politique ET philosophique. Le réjouissant, c’est l’herbe qui repousse sur les trottoirs… »

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Journaliste = poser des limites à la croissance du PIB

La croissance est partout, même au Bhoutan. Ce petit pays, adepte du bonheur national brut, possède un jeune roi qui préfère marcher pour se rendre dans les hameaux isolés plutôt que se déplacer en hélicoptère. Mais il y est accueilli avec des boissons américaines, Fanta ou Coca-Cola, plutôt qu’avec la boisson locale, l’ara*. Ecrasé par le poids de sa dette, le Bhoutan dépend aussi de l’assistance financière indienne qui manipule le cours du gaz importé et exploite des centrales surpuissantes le long des fleuves bhoutanais. La réalité de la croissance économique fait peu de cas du bonheur national brut.

La croissance est partout, surtout en Chine. Les journalistes du MONDE** sont dithyrambiques : « Ce pays pourrait bénéficier d’une croissance du PIB de 7,5 % en 2013… Il a profité d’un regain de la demande extérieure et d’un rebond de la demande intérieure… Bons résultats des ventes au détail et des ventes de véhicules individuels… Bonne nouvelle, la production industrielle progresse de 9,7 %… » Si l’article se termine sur le mode dubitatif sur le rythme futur de cette croissance, il ne remet nullement en question l’idée même de croissance.

Or nous savons que le Produit intérieur brut n’a rien à voir avec le Bonheur national brut. Nous savons que la mondialisation des échanges commerciaux est source de déséquilibres durables. Nous savons que la course à la consommation est une course à l’abîme. Nous savons que la multiplication des véhicules individuels est une aberration à l’heure où le pétrole se raréfie. Nous savons que la production industrielle globale ne dit rien de l’utilité réelle de cette production. Nous savons aussi que l’appétit gargantuesque de la Chine pour les ressources naturelles qui contribue à leur raréfaction sera source de conflits entre nations. Nous savons que la croissance économique de la Chine s’accompagne d’un bilan écologique désastreux. Tout cela, les journalistes Alain Faujas et Brice Pedroletti font semblant de l’ignorer. Leur article d’éloge de la croissance n’est pas un bon article. Mais il est significatif d’une société globalisée qui a oublié le sens des limites en répétant constamment : « croissance, croissance, croissance. » D’ailleurs le président français François Hollande ne s’exprime pas autrement !

* LE MONDE du 9 août 2013, L’Elvis du Bhoutan décoiffe la monarchie

** LE MONDE du 11-12 août 2013, L’économie chinoise montre des signes de rebond

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Les tours à la conquête du ciel, signe de notre déclin

La tour de Babel s’est effondrée, les tours jumelles sont tombées le 11 septembre 2001. Mumford le disait, just glass-and-metal filing cabinets. Les gratte-ciel sont à l’image de notre démesure, c’est la perte du sens des limites qui signera notre perte.

Pourtant la critique des immeubles qui veulent se faire plus grand que la raison humaine est rare. C’est pourquoi un article du MONDE** mérite d’être signalé : « Shanghai Tower atteindra 632 mètres… La tour de l’assureur Ping An, à Shenzhen atteindra les 660 mètres de hauteur… Toutes les autres villes chinoises veulent la leur… Démonstration de mégalomanie, le milliardaire Zhang Yue envisage de construire la plus haute tour du monde à 838 mètres… Auteur de recherches sur la corrélation historique entre la course vers le ciel et l’avènement des grandes crises, Mark Thornton, économiste à l’institut Mises à Auburn (Etats-Unis), prévient : « La construction des gratte-ciel est un événement précurseur et le signe des troubles économiques d’une région. L’Empire State Building et la tour Chrysler, inaugurés à New York alors que l’Amérique sombrait dans la Grande Dépression, ou les tours jumelles Petronas à Kuala Lumpur achevées après la crise financière de 1997 en Asie du Sud-Est en portent le témoignage… Les tours les plus élevées sont un syndrome d’économies coupées de la réalité. Les gratte-ciel sont juste un symptôme de politiques économiques extravagantes de la part d’un gouvernement… » On veut une tour qui en jette au moment même où la croissance se ralentit en Asie.

« Les villes deviennent si grandes et les forêts si petites. Les gratte-ciel de Manhattan sont trop immenses et rendent l’homme trop petit. »*

* LE MONDE du 4-5 août 2013, les villes chinoises veulent toutes leurs gratte-ciel géants

** Fatu Hiva, le retour à la nature de Thor Heyerdahl (1974, traduction française 1976, éditions du Pacifique)

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Tous ensemble contre les Grands Projets Inutiles

Les projets pharaoniques étaient de droit divin dans l’Égypte ancienne : pour la gloire d’un seul, on exploitait tout un peuple. Aujourd’hui on fait croire au peuple qu’on construit des éléphants blancs pour son plus grand bonheur. Sinistre illusion qui couvre la terre de béton ou de trous que la descente énergétique rendra prochainement caduc. Mine d’or de Rosia Montana en Roumanie, train à grande vitesse du Pays basque espagnol, aéroport de Notre-Dame-des-Landes en France, ligne ferroviaire souterraine qui pourrait passer sous Florence, ce sont tous de « grands projets inutiles et imposés » (GPII)*. Contre ce culte de la démesure, des écoguerriers se mobilisent : expertises scientifiques ; bataille juridique ; mobilisations de rue ; occupation des lieux, etc. Voici quelques références pour en savoir plus :

– carte de France listant 95 Grands Projets Inutiles

http://www.rue89.com/2013/07/01/carte-100-grands-projets-juges-inutiles-imposes-243786

– carte mondiale sur les Grands Projets Inutiles

http://www.mouvements.info/Carte-des-grands-projets-inutiles.html

– le « petit livre noir des grands projets inutiles« , aux éditions du Passager Clandestin

C’est un petit livre synthétique et écrit à plusieurs mains par » Camille », sur les grands projets d’infrastructures inutiles, autrement dit sur les grands projets d’aménagement du territoire pensés par des promoteurs, des ingénieurs et des maîtres d’ouvrages prêts à tout pour vendre la construction d’un aéroport, d’une autoroute, d’une centrale nucléaire, d’une ligne de TGV ou d’un centre commercial… sans se préoccuper une seule seconde de la réelle utilité d’un tel ouvrage.

– l’art des grands projets inutiles

Les grands projets d’aménagement du territoire ne visent pas toujours à satisfaire des besoins. Pour vendre la construction d’une ligne de train à grande vitesse que peu de gens souhaitent utiliser ou celle d’un aéroport dans une région qui n’en nécessite pas, ingénieurs, promoteurs et maîtres d’ouvrage rivalisent d’habileté et de rhétorique. Justifier l’inutile est devenu une véritable culture (…) Si la tournure des événements l’impose, la possibilité de décréter un chantier « zone militaire d’intérêt stratégique » n’est pas à écarter.

http://www.monde-diplomatique.fr/2012/08/DEVALPO/48057

* LE MONDE du 28-29 juillet 2013, Troisième rencontre européenne des militants contre les « projets inutiles »

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L’arbre doit aussi avoir le droit de gagner en justice

Une pollution qui provoque un blessé grave est maintenant considérées comme un crime en Chine. Ils vont même beaucoup plus loin. Les cas très graves, à partir d’un mort, peuvent conduire à de très lourdes peines, et éventuellement à la peine capitale*. Nous voyons les limites de cette perception juridique : il faut qu’il y ait atteinte à l’homme pour qu’il y ait poursuite judiciaire. Cela veut donc dire qu’on peut, du moment qu’il n’y a ni mort humaine, ni blessé grave,  complètement dévaster la planète entière ! Il suffira de payer quelques amendes. Contre cette lacune de la pensée anthropocentrée, il faut donc donner aux arbres, aux rivières et aux montagnes le droit d’agir en justice.

En 1972, Christopher D.Stone se posait cette question : “Should Trees Have Standing? Toward Legal Rights for Natural Objects”. Ce passage du statut d’objet naturel à celui de sujet de droit s’inscrit pour Stone dans la continuité du processus historique d’extension des droits légaux : après les étrangers, les femmes, les fous, les Noirs… les arbres. Voici un résumé de son texte** :

« Darwin fait observer que l’histoire du développement moral de l’homme a pris la forme d’une extension continue du champ des objets concernés par ses « sympathies » : « Ses sympathies s’étendirent aux hommes de toutes les races, aux simples d’esprit, aux animaux inférieurs. » Désormais il n’est plus nécessaire d’être vivant pour se voir reconnaître des droits. Le monde des avocats est peuplé de ces titulaires de droits inanimés : trusts, joint ventures, municipalités. Je propose que l’on attribue des droits juridiques aux forêts, rivières et autres objets dits « naturels » de l’environnement, c’est-à-dire, en réalité, à l’environnement tout entier. Cela ne signifie en aucun cas que nul ne devrait être autorisé à couper un arbre. Si les êtres humains ont des droits, il reste néanmoins possible de les exécuter.

Partout ou presque, on trouve des qualifications doctrinales à propos des « droits » des riverains à un cours d’eau non pollué. Ce qui ne pèse pas dans la balance, c’est le dommage subi par le cours d’eau, ses poissons et ses formes de vie « inférieures ». Tant que l’environnement lui-même est dépourvu de droits, ces questions ne relèvent pas de la compétence d’un tribunal. S’il revient moins cher au pollueur de verser une amende plutôt que d’opérer les changements techniques nécessaires, il pourra préférer payer les dommages-intérêts et continuer à polluer. Il n’est ni inévitable ni bon que les objets naturels n’aient aucun droit qui leur permette de demander réparation pour leur propre compte. Il ne suffit pas de dire que les cours d’eau devraient en être privés faute de pouvoir parler. Les entreprises n’ont plus ne peuvent pas parler, pas plus que les Etats, les nourrissons et les personnes frappées d’incapacité. Si un être humain, commençant à donner des signes de sénilité, est de jure incapable de gérer ses affaires, les personnes soucieuses de  ses intérêts en font la preuve devant les tribunaux. Le tuteur légal représente la personne incapable. Bien sûr, pour convaincre un tribunal de considérer une rivière menacée comme une « personne », il sera besoin d’avocats aussi imaginatifs que ceux qui ont convaincu la Cour suprême qu’une société ferroviaire était une « personne » au sens du quatorzième amendement (qui garantit la citoyenneté à toute personne née aux Etats-Unis).

Mais je suis sûr de pouvoir juger avec davantage de certitude quand ma pelouse a besoin d’eau qu’un procureur ne pourra estimer si les Etats-Unis ont le besoin de faire appel d’un jugement défavorable. La pelouse me dit qu’elle veut de l’eau par son jaunissement, son manque d’élasticité ; comment « les Etats-Unis » communiquent-ils avec le procureur général ? Nous prenons chaque jour des décisions pour le compte d’autrui et dans ce qui est censé être son intérêt ; or autrui est bien souvent une créature dont les souhaits sont bien moins vérifiables que ceux des rivières ou des arbres. »

* LE MONDE du 22 juin 2013, En Chine, le crime de pollution, passible de la peine de mort

** in les Grands Textes fondateurs de l’écologie, présentés par Ariane Debourdeau

(Flammarion 2013, Champs classiques, 384 pages, 10 euros)

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Avons-nous encore besoin de rivières sauvages ?

Une table ronde avait été organisée le 31 mai sur le thème « un label rivières sauvages pour quoi faire ? » Il était question de La Vis, un torrent qui coule dans un canyon profond. Or une rivière totalement naturelle n’existe plus en France. Après 15 kilomètres de parcours souterrain, la résurgence de la Vis près du cirque de Navacelles est occupée depuis près de mille ans par un moulin maintenant abandonné qui fournissait la farine aux villages environnants. Aujourd’hui une partie de l’effluent est captée par un canal qui court au flanc de la montagne pour alimenter une centrale hydroélectrique à Madières. Où est la sauvagitude, le wilderness diraient les anglo-saxons ? Les écrevisses ont disparu, chassées par l’espèce invasive américaine. Il y a bien des truites autochtones, les plus anciennes, « océaniques », subsistent depuis des siècles avant la résurgence. Mais le maire de Madières n’est pas dupe : une extension du tourisme est « mortellement dangereuse ». C’est ce qu’on appelle le tourisme autodestructeur. A l’origine, des pêcheurs découvrent un coin de nature sauvage qu’ils décrivent comme un paradis à leurs amis : des truites océaniques, dans le Gard, sur la Vis ! C’est bientôt un essaim de pêcheurs  qui s’affairent autour du cours d’eau. Les poissons endémiques disparaissent, il faut maintenant faire des lâchers de truites d’élevage. Alors le maire rêve d’une « maison de la Vis » pour éveiller les gens à ce que la nature peut nous apporter sans nécessairement y toucher.

Nous en sommes là, nous ne pouvons plus côtoyer la nature sauvage, le wilderness ; nous ne pouvons plus rencontrer qu’un environnement anthropisé. C’est pourquoi le combat pour la préservation et l’extension d’aires de vie sauvage ou proches de la vie sauvage doit s’étendre. Aux Etats-Unis, le Wilderness Act de 1964 protège intégralement certains espaces non habités de façon permanente par l’homme. En France il y a des parcs naturels, il y aura bientôt des rivières sauvages : le label est en voie de création. Il s’agit de lutter contre la volonté de puissance des humains qui débouche nécessairement sur l’hubris, la démesure. Cette démesure finit par supprimer toute extériorité, tout référent basé sur une nature protégée de l’emprise humaine. Il n’y a plus que des finalités anthropocentriques. Alors l’homme se retrouve seul, confronté à lui-même, à la violence sociale ou économique. Il a donc besoin d’une nature sauvage, sanctuaire nécessaire à la pensée d’un équilibre entre humains et écosystèmes. Il s’agit de donner une valeur intrinsèque à la nature : les éléments de la biosphère possèdent une valeur en soi, leur valeur n’est plus simplement relative à l’usage que l’on peut en faire. Il s’agit d’une nouvelle conception de l’existence, d’un humanisme élargi porté par l’écologie profonde. Il s’agit d’affirmer un profond respect et même de la vénération pour toutes les formes de vie. Pour qualifier ce sentiment, Arne Naess emploie le terme de care : « Nous ne cherchons pas à déplacer notre souci [care] des humains vers les non-humains, mais à l’étendre et à l’approfondir [deepen]. Il n’y a aucune raison de supposer qu’il y aurait un potentiel de care humain constant et fini, et que, de tout accroissement du care pour certaines créatures, s’ensuivrait nécessairement une quantité plus réduite pour d’autres. »

On aimerait vérifier cette conception avec la restauration des espaces naturels dégradés et la réhabilitation de rivières sauvages. Comme l’exprime Catherine Larrère, « Là où disparaît le wilderness, le care apparaît ». C’est pourquoi à notre avis, sur les rives à nouveau sauvage de la Vis, il ne faudrait que regarder et rien toucher. C’est la philosophie de la plongée sous-marine, regarder et rien toucher. Seulement contempler, ressentir, revivre. Sur une rivière à nouveau sauvage, il ne faudrait pas pêcher, même pas le « no kill » des pêcheurs à la mouche. Il faudrait même fermer des routes : la nature sauvage se mérite, il est nécessaire de marcher pour la retrouver. Alors un jour nous pourrions admirer les nuages en pensant à la beauté de notre planète. Alors un jour nous pourrions observer les truites s’approcher et nous regarder sans crainte. Alors le  combat écologique prendrait sa véritable dimension, éthique, l’éthique de la Terre. Toutes les choses sont liées entre elles, telle devrait être la maxime principale qui résume l’écologie.

Lu sur le site JNE et approuvé par la biosphère…

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en mémoire de l’agronome René Dumont (4/9)

Pour nourrir les hommes, il faut d’abord aimer la terre. Et c’est peu dire que René Dumont se passionne pour la terre. « Dès que j’ai eu la force physique de prendre la fourche au poing, je l’ai fait. » Intégré à l’Institut agronomique national en 1922, le professeur qu’il deviendra a voué sa vie et son métier à la production agricole. Des djebels aux deltas, des savanes aux sierras, ce sont des centaines de sociétés rurales que l’agronome étudie de près et dont il ramène les angoisses et les colères. En Asie ou en Afrique, il partage le bol de riz ou la boule de mil. « Etre expert, c’est d’abord connaître et partager la vie des paysans. » Partout dans le tiers-monde, l’agronome plaide pour la réhabilitation du travail manuel. « Apprendre à labourer est plus urgent que le théâtre de Racine », répète-t-il en Afrique où le diplôme universitaire a pris une dimension quasi-mythique. Péché mortel selon Dumont : les diplômes servent principalement à fabriquer des fonctionnaires parasitaires. Abidjan, faculté des sciences. Les étudiants applaudissent à tout rompre son discours sur la dégradation des termes de l’échange et les inégalités Nord-Sud. Soudain il hausse le ton et tend un doigt accusateur : « Vous êtes un par chambre, vous vivez comme des petit-bourgeois, savez-vous combien ça coûte aux familles de paysans pour vous entretenir ? » Silence glacial. Il en appelle à une éducation fonctionnelle : « à six ans les enfants peuvent repiquer, sarcler en terre légère, arroser, commencer à produire des légumes ».

Dumont découvre l’Amérique du Sud en 1957. Dès son arrivée à Bogota, on le prévient : « Si vous prononcez le seul mot de réforme agraire, vous serez immédiatement expulsé. » Pourtant en 1957, il s’envole vers Mexico ; Norman Borlaug vient de créer une variété de blé adaptée aux milieux tropicaux semi-arides, capable d’accepter de fortes doses d’engrais azotés. Pour le tiers-monde, l’agronome a cru aux semences miracles de la « Révolution verte »  Dumont sera le premier agronome européen à rencontrer Borlaug : vive la science et la technique ! Mais chez lui, le technicien est toujours inséparable du sociologue. Il s’interroge sur les conditions socio-économiques de l’application de la Révolution verte dans un pays comme l’Inde. Le paquet technologique nécessaire coûte très cher : usage massif d’engrais chimique et de pesticides, mécanisation, irrigation. « Seuls les riches peuvent investir, si bien que la Révolution verte enrichit les riches et appauvrit les pauvres. »

René est mort le 18 juin 2001, souvenons-nous de ses compétences en agriculture, partie intégrale d’un savoir-faire écologique…

Source : René Dumont, une vie saisie par l’écologie de Jean-Paul Besset

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Les différentes facettes de l’écologisme, un handicap

Les écologistes, comme tout mouvement émergent, se présentent dans différentes structures avec des discours souvent conflictuels, si ce n’est contradictoires. Cela fait désordre. Pour nous, sur ce blog, il est essentiel de séparer une écologie superficielle, qui se contente de verdir la réalité sans en modifier les capacités de destruction de la biosphère, et une écologie approfondie ou « profonde » qui nous permettrait de bâtir une autre civilisation. Voilà le dialogue qui en découle :

Superficiel : Les citoyens ne font toujours pas la différence entre « écologie » et « environnement ».

Profond : C’est inexact, il faut parler de différence entre nature (qui existe sans l’homme) et environnement (autour de l’homme), les deux positions différenciant l’approche écologiste ; l’anthropocentrisme valorisant l’homme d’un côté, le biocentrisme de l’autre, respectant toutes les formes de vie.

Superficiel : L’écologie est avant tout un humanisme.

Profond : C’est vrai pour ceux qui préfèrent parler d’environnement, mais cela témoigne d’un humanisme étroit. L’écologie profonde reflète au contraire un humanisme élargi, un humain qui ne se regarde pas simplement le nombril.

Superficiel : Déverdir notre discours aurait une vertu pédagogique.

Profond : Il est vrai que parmi les Verts, il y a les verts verts, les verts rouges et maintenant les verts roses…  Mais c’est se tirer une balle dans le pied que de déverdir le discours écolo au moment même où un greenwashing pernicieux repeint tout en vert !

Superficiel : La complexité de la pensée écologiste ne permet pas aux citoyens de se représenter clairement ce type de politique.

Profond : C’est vrai, le discours de l’extrême droite est beaucoup moins complexe et plus « palpable » par le citoyen. Une réponse fausse (vive le nationalisme) mais simple reste toujours plus attractive. Il n’empêche que cela reste aussi une réponse fausse qui ne prépare qu’une situation encore plus conflictuelle.

Superficiel :  Nous devons moins théoriser, moins invoquer les valeurs pour parler concret.

Profond : C’est vrai, il faut parler concret, sobriété énergétique, utilisation des moyens doux de déplacement, constitution de communautés de résilience, transformation de sa pelouse en jardin potager, etc. La théorie de la démondialisation comme remise en cause la théorie du libre-échange peut aussi se mettre en pratique.

Superficiel :   Nous devons parler du présent, de l’immédiat plutôt que du long terme.

Profond : Cela ne nous semble pas « mentalement inenvisageable » pour un citoyen d’envisager le sort de ses enfants et des enfants de ses enfants. Basculer dans le court-termisme, c’est la mort de l’approche écologiste… et la désespérance des générations futures. Il faut que tous les citoyens apprennent à s’exprimer au nom des acteurs absents.

Superficiel :  Toute notre communication politique doit être entreprise avec le souci d’être 1) visualisable, 2) tout de suite, 3) par tout le monde.

Profond : Un conférencier a fait un exposé sur « un avenir sans pétrole ». Alors que personne ou presque dans la salle ne savait ce qu’est un « pic pétrolier », l’assemblée a été scotchée pendant près de deux heures… devant des courbes et des prévisions qui ont convaincu tout le monde qu’il fallait changer de mode de vie…

Superficiel :  Nous sommes perçus comme défenseurs de l’environnement, ce qui est évidemment une préoccupation mineure par rapport à la satisfaction de besoins fondamentaux (logement, emploi, santé, sécurité-justice, enfance-éducation).

Profond : Nos besoins fondamentaux ne peuvent être satisfaits que dans la mesure où les écosystèmes et les ressources naturelles sont disponibles pour assurer un niveau de vie donné. Il ne peut pas y avoir d’échelle de préférence entre les possibilités de la nature et la satisfaction de nos besoins fondamentaux, sauf à faire de la démagogie. Le « toujours plus » est une plaie de notre système actuel de pensée. Il nous faudrait plutôt pratiquer la simplicité volontaire.

Superficiel :  La vision planétaire de l’analyse écologiste (le « Penser global ») ajoute à ce sentiment d’éloignement des préoccupations immédiates.

Profond : L’analyse écologiste tend actuellement au « penser local », mais n’importe quel citoyen peut comprendre aussi ce que « glocal » veut dire quand on lui explique.

Superficiel :  La modernité de l’écologie  doit être affirmée avec force grâce à la popularisation du concept d’écologie moderne.

Profond : Nous connaissions l’écologie scientifique, politique, sociale, productive, pragmatique, superficielle, profonde… mais pas encore l’écologie moderne. Il y a déjà suffisamment de qualificatif pour l’écologie sans qu’on y rajoute un autre, « moderne », qui n’est qu’un mot valise, un mot qui ne signifie rien puisqu’on peut y mettre tout ce qu’on veut.

Superficiel :  Il y a un fort sentiment d’insécurité chez une majorité de citoyens auquel il faut répondre.

Profond : De quelle insécurité parle-t-on ? Dans des territoires quasi dépourvus d’immigrants, l’extrême droite fait de bon score à cause de la peur de l’étranger. Le sentiment d’insécurité est donc une perception socialement construite. L’insécurité dont porte témoignage les écologistes est d’ordre écologique, et là aussi il y a suffisamment à dire sur la détérioration de la biosphère sans être « catastrophiste ». Même l’armée s’intéresse maintenant au possible chaos.

Superficiel :   l’échelon communal doit être l’échelon de base de notre mouvement écologiste.

Profond : D’accord sur ce point si cela veut dire faire de notre « commune » une « communauté » en transition.

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Les humains, prédateurs suprêmes, cancer de la Terre

Les humains sont le cancer de la Terre. Le quotidien LE MONDE* a un vocabulaire plus feutré : « L’homme est une espèce prédatrice sous-estimée ». C’est en effet l’espèce qui a le plus d’influence sur le fonctionnement des milieux naturels. A première vue, la découverte n’en est pas une. Les biologistes s’intéressent à la fois au sommet de la chaîne alimentaire (les grands prédateurs) et à la base de la pyramide, la quantité de végétaux disponibles. L’ensemble forme ce qu’on appelle « l’équilibre prédateur-proie ». Le modèle Lotka-Volterra montre une évolution cyclique. Mais l’homme influence aussi bien le mécanisme descendant que ascendant. Dans une région au sud de l’Alberta, qui présente une densité de population à peu près équivalente à celle des campagnes françaises, des chercheurs canadiens ont remarqué une double influence humaine. D’une part, la production de fourrage liée à l’agriculture et à l’élevage augmente les ressources alimentaires des herbivores. D’autre part, en journée, la simple présence de l’homme écarte les prédateurs.  Résultat : Le nombre d’herbivores augmente et les espèces sauvages sont stressées.

En France, Florent Mouillot, a établi que les paramètres humains sont dix fois plus influents que ceux liés au climat pour expliquer le déclenchement des incendies. Ce n’est pas seulement  les fumeurs ou les pyromanes qui sont malveillants, mais la densité humaine, trop importante, joue un rôle prépondérant. Au nombre d’hommes s’ajoute des moyens techniques démesurés de détérioration des chaînes alimentaires, fusils de chasse ou filets de pêche, artificialisation des sols, gaz à effet de serre d’origine anthropique, etc. Le résultat, c’est que tous les cycles vitaux sont détériorés. Oui, l’espèce humaine est une espèce prédatrice redoutable, oui l’homme est l’animal dominant, oui l’image de l’homme comme cancer de la Terre est une bonne métaphore. Mais seulement une métaphore !

* LE MONDE | 20.05.2013, L’homme, une espèce prédatrice sous-estimée

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manger des insectes dans un environnement dégradé

D’un côté l’UICN* établit une liste rouge pour les écosystèmes en danger, de l’autre la FAO** encourage l’élevage et la consommation d’insectes. Ainsi va le monde contemporain qui détériore l’environnement et qui nous prie de nous adapter à l’insupportable.

Le baromètre de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) retient quatre critères : l’évolution de la superficie qu’occupe un écosystème, sa répartition sur l’ensemble du globe, les dégradations environnementales à l’intérieur même du milieu, les variations biologiques qui s’y produisent. Résultat des comptes, pas avant 2025. Nous ne pourrons que constater les dégâts déjà réalisés, la plupart d’ailleurs irréversibles. Le rapport d’évaluation des écosystèmes pour le millénaire, établi en 2005 par les Nations unies, estimait déjà que plus de 60 % des services rendus à l’homme par les écosystèmes étaient dégradés ou surexploités. Il est naïf de croire que les entreprises et institutions financières, « soucieuses de la préservation des écosystèmes », « sauront où investir en priorité ». Notre système croissanciste vit de la dégradation de la nature, il ne sait pas penser autrement.

Alors nous mangerons des insectes. Ils se reproduisent rapidement, « présentent des taux de croissance et de conversion alimentaire élevés et ont un faible impact sur l’environnement pendant tout leur cycle de vie », note l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). En outre, les insectes « sont nutritifs, avec une teneur élevée en protéines, matières grasses et minéraux ». Ils peuvent « être consommés entiers ou réduits en poudre ou pâte et incorporés à d’autres aliments ». De grosses blattes OGM bien grasses nourries au lisier de porc… J’en salive d’avance, rien que du bonheur ! Ou plutôt nécessité fait loi. Selon la FAO, « d’ici à 2030, plus de 9 milliards de personnes devront être nourries, tout comme les milliards d’animaux élevés chaque année », au moment où « la pollution des sols et de l’eau due à la production animale intensive et le surpâturage conduisent à la dégradation des forêts ».

Alors là, on comprend mieux d’où vient la dégradation des écosystèmes… Les humains, responsables, mais pas coupables ?

* LE MONDE du 15 mai 2013, Une liste rouge pour les écosystèmes en danger

**Le Monde.fr avec AFP | 13.05.2013, La FAO encourage l’élevage et la consommation d’insectes

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sexe ou genre, l’art de tromper l’entendement humain

Il y a des choses que nous comprenons, par exemple le fait que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas fondées sur la nature ; elles sont historiquement construites et socialement reproduites. Il n’est par exemple nullement génétique d’aimer les voitures ou le maquillage ! C’est ce qu’affirmait déjà Simone de Beauvoir en 1949 en écrivant « On ne naît pas femme, on le devient. » Il n’y a aucune raison de faire des différences entre les sexes, habiller de rose le nouveau-né féminin et en bleu le garçonnet. Il n’y a aucune raison de ne pas vivre les crèches comme des lieux neutres où des fillettes peuvent manipuler des camions et les garçons jouer à la poupée. Il n’y a aucune raison de toujours dire « Monsieur » à un homme et de différencier entre Madame et Mademoiselle pour une femme.

Il y a des choses que nous ne comprenons pas, par exemple enseigner au primaire la notion « d’égalité de genre* ». Quelle différence avec l’égalité des sexes ? Autrefois notre langue nommait en grammaire le genre masculin, féminin ou neutre, ou « le mauvais genre » pour les comportements peu recommandables. Pourquoi aller plus loin ? Les travaux sur « le genre » permettaient certes à l’origine de penser des cas particuliers de fonctionnements sexuels qui ne rentraient pour dans les catégories binaires (H/F) : ambiguïtés anatomiques, androgynie. Mais que les chromosomes bafouillent parfois pour déterminer le sexe apparent n’en fait pas un drame. Or la Queer Theory, l’étude du genre, consiste en une analyse engagée : la distinction entre homme et femme est conçue comme l’expression d’une binarité artificielle, construite par une culture hétérosexuelle étouffante. Il n’y aurait plus de sexes déterminés, rien que des genres, construits sur des pratiques sexuelles différenciées. On veut ainsi nier le clivage basé sur la complémentarité dans la différence qui se concrétise dans le couple hétérosexuel. Nier les différences sexuelles homme/femme pour « combattre les inégalités », cela n’a pourtant aucun sens, si ce n’est vider les mots de leur sens.

Ce n’est pas la sexualité des individus qui fonde le mariage, ni d’ailleurs la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-dire la distinction naturellement déterminée des hommes et des femmes. Cette distinction est inscrite dans les chromosomes de chaque être humain, elle est irréductible. Cela constitue un fait, et non une opinion.  Le nier nuit gravement à la cohérence sociale quand le critère de distinction devient l’indistinction basée sur la toute puissance de l’affirmation de soi.

Les jeunes d’aujourd’hui savent souvent qu’il y a des hétérosexuels, des homosexuels, des bisexuels, des transsexuels et même des travestis. A chacun sa liberté. Mais de là à sacraliser en droit le mariage pour tous (les homosexuels), il y avait une marge… A force de trop vouloir s’éloigner de la nature, on se retrouve sans normes ni même morale et sans institutions stables.

* LE MONDE du 20 avril 2013, Fronde à droite contre l' »invasion » de la théorie du genre à l’école

Lire aussi sur notre blog Nature et sexualités, le débat sur le genre humain (01.09.2011)

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Nous ne descendons pas d’Adam et Eve, mais du Big Bang

En comparant entre elles les variations génétiques de différents groupes ethniques, en les comparant aussi avec celles de notre proche cousin le chimpanzé et en estimant la vitesse à laquelle ces mutations apparaissent, les chercheurs ont pu remonter dans le temps et construire notre arbre généalogique. Jusqu’à présent on pouvait faire remonter tous les chromosomes Y des hommes à l’« Adam génétique » il y a environ 140 000 ans. Mais d’après l’analyse de l’ADN d’un Afro-Américain, Albert Perry, notre ancêtre commun aurait vécu il y a près de 340 000 ans. Or d’après les données fossiles, l’apparition de l’homme moderne date d’il y a environ 200 000 ans. Le scénario de l’évolution de l’homme n’est donc pas linéaire mais semblable à un buisson dont les branches se séparent… puis se recroisent*.

L’arbre généalogique d’une famille ou de l’espèce humaine est une étude intéressante… mais très anthropocentrée. Mieux vaut le long souvenir de notre histoire commune. En remontant il y a au moins 10 000 générations, tu trouveras ton premier ancêtre homo sapiens. Mais ton origine est encore antérieure ; il y a 100 000 générations, ceux par qui tu es arrivé étaient des hominidés. Quelques dizaines de millions d’années auparavant, ton ancêtre, un tout petit mammifère, vivait au temps des derniers dinosaures. En remontant encore, ton ancêtre était amphibien. Si tu continues à remonter la chaîne du vivant qui mène jusqu’à toi, tu arrives aux unicellulaires, à la formation de la Terre, à la naissance de l’univers. Cet exercice mental bien documenté par la science te permet alors d’agir selon ton âge véritable de quinze milliards d’années, et de prendre part au changement de cap vers une société qui soutient la vie, qui respecte tous les êtres vivants. Au contraire, valoriser la conscience subjective d’une existence rattachée seulement à tes derniers ancêtres « modernes » t’empêche de percevoir que toutes les autres espèces vivantes forme ta parentèle, que la biodiversité est aussi une composante de ta famille.

Nous avons déjà traité de  cette thématique sur notre blog, « à la recherche de notre ancêtre commun ». Les humains appartiennent à l’ordre de la vie et cette appartenance nous lie à un destin qui s’est noué en notre absence… et dont tout indique qu’il va se dénouer sans nous.

* http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/03/10/homme-qui-ne-descendait-pas-d-adam/

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Les élucubrations d’un anti-écolo : qui les a écrites ?

– Il n’est pas surprenant que l’apogée du film d’horreur soit contemporain de l’émergence de l’écologie depuis trente ans.

– L’écologie est la philosophie du crépuscule, du blafard.

– Les écologistes, tout à leur science-fiction éthique, se soucient plus de nos méfaits éventuels que des injustices présentes.

– A quoi reconnaît-on un écologiste ? A ce qu’il est contre tout, le charbon, le gaz de schiste, l’éthanol, le pétrole, le nucléaire, le TGV, l’avion… Comme la poupée de la chanson de Polnareff, il dit toujours non et non.

– Un slogan fait fureur chez les néo-puritains verts : la simplicité volontaire. Il faut aimer l’indigence, la chérir comme notre bien le plus précieux.

– Ici triomphe l’usage de l’oxymore : la frugalité heureuse, l’abondance frugale et pourquoi pas « la misère riante » et la « famine sympa » ?

– Les liens de l’écologie et du fascisme ont souvent été soulignés et mériteraient une étude spécifique.

– Les amis de la terre ont été trop longtemps les ennemis de l’humanité.

– Ne prévoit-on pas de distribuer des tickets de rationnement climatique qui pénaliseraient les personnes coupables d’avoir dépassé leur bilan carbone ? C’est là que l’aimable verbiage de quelques originaux pourrait tourner facilement au fascisme si, par malheur, ils arrivaient au pouvoir.

– Voitures, portables, écrans sont à tous égards non des gadgets, mais des agrandissements de nous-mêmes.

– Rien ne serait plus triste que des objets increvables qui nous priveraient de la frénésie d’achat, nous épargneraient la séduction folle de la nouveauté.

– Il faut accéder à l’abondance pour en combattre les maux. Le meilleur remède contre la dégradation de l’environnement, c’est l’enrichissement matériel du plus grand nombre, c’est l’industrialisation à marche forcée.

– C’est à repousser les frontières de l’impossible qu’il faut travailler, jet hypersonique qui volera dans la stratosphère, fusion de l’hydrogène, mini-centrales nucléaires sous-marines, etc.

– La vie continue. C’est cet énoncé banal qui faut opposer à tous les prophètes de malheur.

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Nous avons lu cet éloge de l’écologie : qui l’a écrit ?

Seule force originale du demi-siècle écoulé, l’écologie, c’est son mérite, a remis en cause les finalités du progrès, posé la question des limites. Elle a réveillé notre sensibilité à la nature, souligné les effets du dérèglement climatique, constaté l’épuisement des ressources fossiles. Elle est devenue l’humeur dominante de ce début de siècle. L’écologie est devenue une idéologie globale qui couvre l’intégralité de l’existence, les modes de production autant que les manières de vivre. En effet notre vie quotidienne provoque chaque jour d’effroyables dégâts. Se soucier de son confort égoïste peut tuer autant qu’un meurtre prémédité. Manger, se loger, voyager fait de nous des assassins en puissance dont les actes les plus anodins ont des répercussions incalculables. L’appétit du superflu est à la fois diabolique et médiocre ; outre qu’il engendre une abondance factice, il suscite l’envie du plus grand nombre qui s’efforce de rattraper en vain l’aisance des plus prospères. Des millions d’individus sont saisis par le démon de la rapacité. Quant à la viande, elle entraîne dans sa production intensive déforestation, ruine des sols, maintien de centaines de millions de têtes de bétail dont les gaz intestinaux contribuent à l’effet de serre.

Forêts tronçonnées, montagnes éventrées, animaux décimés, océans pollués, mégapoles invivables, notre époque est en pleine faillite, son naufrage ne laisse aucune place au doute. Au-delà d’un certain seuil critique, les systèmes les plus performants basculent dans des configurations hautement indésirables et se retournent contre leurs utilisateurs. Des conquêtes irréfutables, l’éradication d’un certain nombre de maladies, sont remises en cause par le retour d’anciens virus ou bacilles plus agressifs sans compter l’apparition de nouvelles souches ultra-résistantes face auxquelles les antibiotiques n’agissent plus. D’où le  caractère potentiellement tragique de toute innovation. En voulant se libérer des contraintes naturelles, l’homme s’est soumis au joug d’un nouveau maître, les machines. Une domination technique inouïe va de pair avec l’impossibilité d’endiguer cette même puissance. L’homme est un démiurge pathétique. Nous nous conduisons en parasites qui détruisent leur hôte en l’envahissant. L’éclipse du meilleur et la persistance du pire : voilà ce que nous vivons. Les hommes se retrouvent dans l’enfer du développement dont ils doivent sortir sous peine de désintégrer leur planète.

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