anthropisation

Société « post-croissance » ou désastre ? Les deux…

Résumé du point de vue* des économistes Irmi Seidl et Angelika Zahrnt :

« Pétrole bon marché, besoin de reconstruction d’après-guerre mondiale, modèle fordiste…, depuis les années 1950 on croit à la permanence de la croissance économique. Or le produit intérieur brut échoue à mesurer le bien-être, les écarts de revenus augmentent, le taux de chômage croît constamment, la dette publique monte en flèche, les problèmes environnementaux empirent, la crise financière et budgétaire s’installe. Malgré cela, politiciens, économistes et médias continuent à aspirer à la croissance économique. La croissance est supposée guérir tous les maux qu’elle amène dans son sillage. Ceux qui mettent en question la validité de cette hypothèse sont difficilement audibles. Qu’est-ce qui rend si forte cette fixation sur la croissance économique ?

La réponse tient au fait que l’aide sociale, les entreprises, le secteur bancaire et financier, les marchés, l’industrie des biens de consommation et les individus sont réglés sur l’hypothèse d’une croissance constante. D’ailleurs, il suffit que la croissance marque le pas pour que le désordre politique et social advienne. Considérons l’industrie des biens de consommation : lorsque la sécurité de l’emploi diminue, les gens réduisent leur consommation. Il s’ensuit que l’activité de ce secteur industriel ralentit, entraînant une croissance du chômage qui se conjugue avec la diminution des revenus, etc. Bref, un cercle vicieux.

Pour que les politiques changent, il faut trouver une solution… qui fait défaut.  Le passage à la post-croissance est inévitable. Mais il serait préférable d’y arriver par la voie de la raison plutôt que par celle du désastre. »

Le commentaire de biosphere : il sont rares les économistes à montrer que la période de croissance n’est qu’une parenthèse historique et à envisager en conséquence le passage à la « post-croissance ». Cela mérite d’être salué. Malheureusement Irmi Seidl et Angelika Zahrnt se refusent encore à employer le terme « décroissance » alors que c’est bien de cela dont il s’agit.

On laisse encore croire sur les plateaux médiatico-politiques que la décroissance est une lubie de l’écologie radicale. Mais c’est l’idée de la croissance perpétuelle du PIB dans un monde fini qui se révèle être un fantasme. Une étude approfondie des réalités contemporaines montre que nous nous dirigeons inéluctablement soit vers une décroissance subie et inégalitaire (récession, puis dépression), soit une décroissance choisie, maîtrisée, partagée de façon solidaire. La volonté de croissance économique doit faire place au sens des limites, il faut organiser une société de décroissance. Sinon c’est le désastre, comme le prévoient d’ailleurs Irmi Seidl et Angelika Zahrnt…

* LE MONDE du 5 février 2013,  Comment guérir de notre dépendance à la croissance ?

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Les riches détruisent la planète, de Galbraith à Kempf

Le taux maximal d’imposition des revenus aux Etats-Unis était de 94 % en 1944-1945. A l’époque, l’impératif fiscal était d’empêcher quiconque de s’enrichir. Telle était l’intention du président Roosevelt, personne ne devait devenir millionnaire grâce à la guerre. Sous la présidence de Ronald Reagan, la réforme fiscale américaine de 1986 a eu une conséquence désastreuse : elle a contribué à faire exploser la rémunération des chefs d’entreprise, car ceux qui se trouvaient à la tête de grandes sociétés ont estimé plus avantageux de s’accorder de généreuses rémunérations. En conséquence, des résidences et des yachts somptueux occupent les banlieues et les marinas américaines. Or l’enrichissement des dirigeants d’entreprise provient de sociétés qui ont gagné de l’argent grâce à un effort collectif*. Cette analyse de Galbraith mérite des prolongements écologistes.

« Nous limiterions notre gaspillage, nous chercherions à changer notre mode de vie, tandis que les gros, là-haut, continueraient à se goberger dans leurs 4×4 climatisés et leurs villas avec piscine ? Non. La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle, donc le revenu, de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas. »**

Le taux d’imposition des revenus a-t-il un impact important sur l’activité économique ? L’expérience montre que non. Les inégalités de revenu détruisent-elles sur la planète ? A l’évidence, c’est oui.

* LE MONDE du 11 janvier 2013, Ce que la société doit attendre des plus riches par James K. Galbraith

** Comment les riches détruisent la planète d’Hervé Kempf (Seuil, 2007)

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Un écolo contre le « mariage pour tous » est-il écolo ?

La droite est en croisade contre le mariage gay, les religions s’insurgent, qu’en pensent les écolos ? La ministre EELV Cécile Duflot s’est affichée dans les rangs de la manifestation pro-mariage « pour tous ». Est-cela l’écologie politique ? Thierry Jaccaud, rédacteur en chef de la revue L’Ecologiste, a un avis contraire à la ligne officielle d’EELV. Dans un texte récent, « La vérité pour tous », il affirme que « le projet du gouvernement prévoit rien de moins que d’affirmer avec la force de la loi un mensonge sur la filiation ». Quels sont ses arguments ? Il montre que les options juridiques choisies par le gouvernement socialiste posent de nombreuses questions sur notre rapport culturel à la nature : « adoption plénière, c’est-à-dire suppression légale de la filiation biologique réelle de l’enfant… Suppression dans le Code civil de centaines de références sexuées…  La filiation biologique deviendrait un cas particulier… Un enfant pourrait avoir officiellement deux mères (et pas de père) ou deux pères (et pas de mère)… » En clair, le discours légal contredirait la réalité de l’existence de deux parents biologiques de sexe différent. Mais pourquoi attacher de l’importance aux mécanismes naturels ?

Thierry Jaccaud précise : « Si le projet de loi devait être adopté, ce serait une négation sidérante de la nature, l’aboutissement consternant de notre société industrielle qui détruit la nature non seulement dans la réalité mais aussi dans les esprits. L’homme se prend pour un démiurge : nucléaire, OGM, nanotechnologies… sans jamais mettre la moindre limite à son action. « No limits », tel est le slogan des ultra-libéraux qui définissent le politiquement correct. Dans la vaste entreprise de marchandisation du monde, toutes les règles sont ainsi progressivement éliminées. Que cette logique ultra-libérale et ultra-individualiste se retrouve dans le projet de loi d’un gouvernement de gauche est affligeant. »

En fait Thierry indique assez clairement que le mariage pour tous, en fait la confusion qui se voudrait bientôt légale entre mariage hétérosexuel et homosexuel, n’est pas une rupture de civilisation, mais au contraire le prolongement d’une société qui élimine peu à peu tous les repères au nom de l’exacerbation de la liberté individuelle. Il s’agit maintenant pour l’écologie véritable de définir une pensée des limites. Or la seule source de raisonnement ne peut être ni la religion (dont le dieu abstrait n’a rien à dire), ni la tradition (la droite conservatrice et souvent homophobe), mais le respect des lois de la nature. C’est la différenciation sexuelle qui a fait l’évolution des espèces sur la planète, certainement pas la relation homosexuelle qui, par définition, ne peut être source de vie. Alors pourquoi EELV, un parti écolo qui se veut normalement pour la protection de la nature, veut-il institutionnaliser le mariage pour tous ? Parce que les Verts ont une double origine, les mouvements de mai 68 pour lesquels il est interdit d’interdire (le mariage homo, le cannabis, l’immigration, etc.) et les mouvements environnementalistes. Un des aspects fait malheureusement oublier un peu trop souvent l’autre aspect : les Verts noirs, anarchisants, étouffent la voix des Verts verts, écologisants.

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2000 articles sur ce blog et rien n’a vraiment changé

C’est notre 2000ème post sur ce blog avec 4048 commentaires. L’acte fondateur de nos analyses est un article du 13 janvier 2005 qui mettait en parallèle le traitement sur-médiatisé d’un tsunami en Thaïlande (quelques décès d’êtres humains) et une information très brève sur la disparition prochaine des primates. Extrait : « L’humanité envoie en avion ses touristes occidentaux à l’autre bout du monde pour accélérer le changement climatique, mais elle n’a presque aucun respect pour la vie des non-humains sous toutes ses formes ; l’humanité s’apitoie sur son propre sort, mais elle n’a pas beaucoup de considération pour le déclin de la biodiversité dont elle est pourtant le principal responsable. Il y a quelque chose d’absurde sur cette planète… »

Cette première contribution « Solidarité avec les bonobos » a été suivie par une analyse de plus en plus régulière de l’information véhiculée principalement par LeMonde, jusqu’à  écrire presque chaque jour un billet. Et depuis douze ans, rien n’a fondamentalement changé, nous sommes toujours préoccupés par l’accessoire au point d’en oublier l’essentiel. La 18e conférence de l’ONU sur le climat s’est tenu à Doha jusqu’au 7 décembre 2012. Vingt ans de négociations, un nouvel échec ! Les négociations internationales ne servent absolument à rien. Le 13 décembre 2012 a été la date retenue par l’OMT (Organisation mondiale du tourisme) pour marquer l’arrivée symbolique du milliardième touriste qui a voyagé de par le monde en 2012. Comme si le réchauffement climatique n’existait pas ! Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est maintenu par un Parti socialiste au pouvoir en France alors qu’il est inutile et coûteux. Le président Obama verse des larmes sur un massacre dans l’école Sandy Hook alors que ses émissaires ont bousillé la conférence de Doha au détriment des générations futures. A quoi donc peut bien servir les capacités extraordinaires du cerveau humain pour arriver à un tel résultat ?

La même conclusion s’impose aujourd’hui comme il y a huit ans : il y a quelque chose d’absurde sur cette planète. Et cela s’appelle l’espèce humaine.

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Sexe et enfant, l’homosexualité en lutte contre la nature

L’homosexualité témoigne de deux manières différentes de la volonté de s’affranchir des limites naturelles. Il s’agit d’abord de promouvoir une sexualité hors norme, ensuite d’exiger une reproduction qui ne peut être que bizarre.

Au niveau sexuel, la possibilité du coït par un couple de lesbiennes est ignorée sauf utilisation d’un godemichet, ce qui ne constitue qu’un succédané de la relation physique entre sexes différents. Entre deux hommes homosexuels, il y a le plus souvent mimétisme : un homme joue le rôle « passif », celui de la femme, offrant son anus faute de vagin et l’autre partenaire se veut « actif », jouant le rôle de l’homme tout en niant la place de la femme. Le coït n’est pas évident, il vaut mieux utiliser un lubrifiant pour faciliter la pénétration. Cette sexualité entre femmes ou entre hommes nie la différenciation sexuelle, mécanisme inventé par la nature pour faciliter le brassage des gènes tout en permettant la reproduction à l’identique. Pourtant, c’est un fait, l’homosexualité existe à toutes les époques. Comment expliquer cette déviance par rapport à l’ordre sexué inscrit par la nature dans nos chromosomes ?

Le comportement des humains n’est pas fixé par la nature, mais par la culture. Tout est alors possible. Les anthropologues ont renouvelé l’approche du rapport homme/femme en montrant l’importance de la perte de l’œstrus. La relation entre les sexes est soumise chez les mammifères, y compris les grands singes, à une horloge biologique et hormonale qui détermine les périodes de rut ; pour les humains au contraire, l’absence de cette détermination naturelle met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente. Toute société doit donc déterminer une certaine image de chaque sexe, une façon licite de faire l’amour. D’où une variabilité très grande des normes selon les cultures, de la répression sexuelle la plus féroce à la permissivité la plus grande. De plus, dans le cadre familial, l’identification à son propre sexe ne se passe pas toujours normalement car la nécessaire socialisation dès le plus jeune âge prend des formes multiples. Il n’est pas évident pour un couple parental homme/femme de personnifier l’image du couple parfait ; le complexe d’Oedipe n’est pas un schéma toujours intériorisé de la même façon. Que le petit garçon de 4-5 ans veuille imiter le rôle masculin joué par son père et puisse tomber en conséquence amoureux de sa mère pour plus tard trouver de l’intérêt à ses petites copines dépend du reflet projeté par ses parents… qui parfois ne s’aiment pas du tout ! Le type de relation noué par les parents présente à sa progéniture une multitude de facettes que d’ailleurs l’enfant va interpréter comme il le pourra. Que la petite fille ait pu subir des contraintes sexuées qui l’éloigne de l’attachement à une personne de sexe masculin est aussi une lacune grave qui peut pousser au rejet de l’altérité. La relation homosexuelle doit donc être respecté comme marque d’une imperfection dans les mécanismes de la socialisation. Ce n’est pas une maladie, simplement une déviance par rapport au modèle donné par la nature d’une sexualité entre sexes complémentaires. Le 17 mai 1990 l’OMS retirait l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Mais ce type de relation sexuelle reste du point de vue biologique « contre-nature ». La nature nous a fait homme et femme pour faire l’amour ensemble, sinon nous serions unisexe. Venons-en au mariage pour tous, projet de loi qui est à l’heure actuelle discuté en France.

Aussi bien pour l’acte sexuel que pour la formation des couples, nous constatons l’extrême variabilité de l’organisation sociale : endogamie ou exogamie, monogamie, polyandrie ou polygynie, homosexualité ou hétérosexualité. Conformément à ce que nous avons dit précédemment sur l’exercice de notre sexualité, tout est culturel. Mais comment s’y retrouver, quel cadre donner au mariage ? Alors que la sexualité peut se donner libre cours, que ce soit dans les règles admises ou dans l’ombre des alcôves, le mariage est une instance sociale qui structure la vie du couple depuis très longtemps pour l’échange des femmes, fonde une communauté appelée la famille et donne des règles à la filiation. Donner à des expressions marginales de la sexualité comme l’homosexualité le label officiel de mariage civil ne nous semble pas justifié, sauf à promouvoir des règles vouées à se modifier sans cesse au gré des évolutions « culturelles ». En effet la vie en communauté d’adulte consentant porte déjà en France des formes juridiques multiples (concubinage, PACS, contrats…) qui peuvent déjà satisfaire tous les goûts. De plus l’ouverture de la filiation aux homosexuels par le mariage, la modification du statut des enfants, constitue une rupture brutale par rapport aux lois de la nature.

La faculté de reproduction constitue le deuxième élément naturel qui fonde la différenciation sexuelle. Or les couples de même sexe ont un problème physiologique pour concevoir. Ce n’est pas une pathologie, il s’agit d’un simple constat : un spermatozoïde ne peut en tout état de cause rencontrer un ovule quand il s’agit de sexes identiques. La volonté d’accéder à l’homoparentalité est bien plus déviante que la simple relation homosexuelle car elle nécessite l’usage de moyens artificiels beaucoup plus important qu’un peu de vaseline ou un plug anal. Il s’agit d’utiliser la procréation médicalement assistée (PMA) pour deux lesbiennes ou la gestation pour autrui (GPA) pour deux gays. Le couple parental n’est plus un homme et une femme, mais concerne plusieurs personnes dont on va ou non proclamer le statut parental ou l’anonymat. Que des gouvernements envisagent non seulement le mariage comme auberge espagnole ouverte aux couples homosexuels est déjà assez extraordinaire, mais qu’une majorité de députés socialistes français puisse sérieusement envisager la PMA comme moyen légal de procréer pour un couple marié de lesbiennes nous paraît extravagant.

Les députés, avant de voter dans l’air du temps, feraient mieux de réfléchir à l’implication finale de leurs actes. Il s’agit ni plus ni moins que de fonder une famille dans laquelle plus aucune contrainte naturelle ne serait admise. Le mariage pour tous et la reproduction homosexuelle n’est que le symbole éclatant de la négation totale de la nature par la société occidentale industrialisée. La culture ne reflète plus notre nature sexuée, elle devient l’expression de la liberté totale des hommes et des femmes insérés dans des institutions dont on a transgressé la stabilité. La volonté des gays et lesbiennes d’avoir un enfant n’est qu’un symptôme de cette dérive de la pensée qui découle à la fois du libéralisme moral (tout découle de la volonté humaine) et de la technique extrême (tout est possible). La rapidité avec laquelle la déviance est devenue la norme est stupéfiante. Jusque dans les années 1990, les gays et les lesbiennes faisaient de leur sexualité, stérile par définition, un élément censurant leur désir d’enfant. Et puis ils ont obtenu le PACS, pratiqué la PMA, accédé au mariage et bientôt peut-être à la GPA. Permettre que les homosexuels puissent « faire » des enfants n’est que la marque ultime de cette récupération continue des mécanismes de la nature par l’ingéniosité humaine.

Une telle société est vouée à l’échec. Non seulement l’enfant n’est qu’un jouet supplémentaire dont on peut disposer à son gré dans les sociétés riches, mais la liberté totale sans aucune limite dissout les liens sociaux et présage du pire. Des lesbiennes qui nient l’image masculine ne voudront-elles pas transformer leur fils en femme à coup d’hormones et de bistouri chirurgical ? Les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, est-ce cela l’égalité des sexes ? Nous laissons maintenant à nos lecteurs le soin de méditer sur cette phrase de Sylvie Faure-Pragier : « Le psychanalyste n’a pas à s’opposer à la volonté de donner aux enfants des homosexuels la reconnaissance de leur filiation, même si celle-ci est contraire à la biologie. » (LE MONDE du 26 décembre 2012, Non aux condamnations idéologiques)

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Les humains, des singes qui se croient intelligents !

Contrairement à d’autres civilisations, la culture occidentale pense le monde en insistant sur le dualisme et les différences : elle place les humains au centre du cosmos en théorisant l’opposition homme et animal, culture et nature, esprit et corps. Cet anthropocentrisme commence juste à évoluer… vers du primatocentrisme. Selon cette conception, les primates nous ressemblent comme des frères, mais certainement pas les autres formes vivantes ! Ainsi ce dossier* consacré aux grands singes :

« Une femelle orang-outang tressait à vive allure des nœuds d’une grande complexité… Les chimpanzés, les bonobos, et les gorilles se réapproprient des savoir-faire que l’on croyait réservés aux humains… Le premier chimpanzé vivant arrive à Paris en 1740, la découverte des grands singes est un choc en Europe… Mais Buffon souhaite maintenir une frontière étanche entre l’homme et l’animal et affirme que ce dernier possède de simples facultés d’imitation… L’éthologie a mis beaucoup de temps à s’imposer… Il faudra attendre Darwin à la fin du XIXe siècle pour constater qu’un singe à qui l’on interdit de manger une orange la mange, mais prend la précaution de cacher les épluchures, comme s’il éprouvait, à l’instar des hommes, un sentiment de honte, sentiment précurseur de la morale… La primatologie prend son essor au lendemain de la seconde guerre mondiale… Dans les années 1960-1970, Jane Goodall découvre que les chimpanzés de Tanzanie utilisent des outils, Diane Fossey dépeint la complexité des relations sociales chez les gorilles du Rwanda… A l’aube des années 2000, les généticiens confortent ces recherches en découvrant que 99 % des 3 milliards de paires de bases formant notre double hélice d’ADN sont identiques à celles du chimpanzé… On peut appliquer aux chimpanzés la « théorie de l’esprit », c’est-à-dire la capacité de deviner les intentions de ceux qui vous entourent… Le langage (des signes) qui trônait au Panthéon du « propre de l’homme » se révèle accessible aux chimpanzés… L’un des piliers de la morale humaine – le sens de la réciprocité – est présent chez les grands singes… Certains singes refusent même de manger du raisin tant que leur voisin n’en a pas obtenu… Au fil des recherches, le « propre de l’homme » se dérobe sous les pas des éthologues… »

Mais découvrir que les grands singes sont nos proches cousins ne suffit pas, il faut généraliser à l’ensemble du vivant. Ecoutez aussi cette histoire : « Je m’appelle Frank Reese et je suis éleveur de volailles. J’ai toujours aimé la beauté de mes dindes, leur personnalité. Elles sont tellement curieuses, tellement joueuses, amicales et pleines de vie. Quand je suis chez moi et que je les écoute, je sais aussitôt si elles se sentent bien ou pas. Je connais tout leur vocabulaire. Au bruit qu’elles font je sais reconnaître quand ce sont deux d’entre elles qui se disputent, ou si c’est un opossum qui s’est introduit dans le hangar. Quand elles sont pétrifiées de peur, elles font un bruit particulier et un autre quand quelque chose de nouveau les excite. C’est très étonnant d’écouter une maman dinde. Elle a une incroyable gamme vocale pour s’adresser à ses petits. Et les petits comprennent. Elle peut les appeler pour qu’ils viennent se blottir sous ses ailes, ou bien leur dire de se rendre à tel endroit. »**

Le concept du « propre de l’homme » est toxique car il insiste sur l’idée de séparation : le but est de rechercher des différences entre l’homme et l’animal afin de placer l’homme dans une catégorie ontologique à part. Il y a, bien sûr, des différences, mais cela ne nous met pas au-dessus des autres espèces ; différences ne veut pas dire inégalité. La vraie question est celle de l’appartenance à un destin commun. Il faudra, pour savoir y répondre, renoncer au point de vue anthropocentré qui a longtemps été le nôtre. Cela s’appelle anti-spécisme, biocentrisme et écocentrisme, écologie profonde. Concluons avec Claude Lévi-Strauss : « Que règne, enfin, l’idée que les hommes, les animaux et les plantes disposent d’un capital commun de vie, de sorte que tout abus commis aux dépens d’une espèce se traduit nécessairement par une diminution de l’espérance de vie des hommes eux-mêmes. Un humanisme sagement conçu ne commence pas par soi-même mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui. »***

* LE MONDE CULTURE ET IDEES du 15.12.2012, Humain comme un grand singe

** Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer (éditions de l’Olivier, 2010)

*** Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss (édition Plon, 1955)

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Définir anthropocentrisme, biocentrisme, écocentrisme

« Au nom d’une conception inspirée par l’écocentrisme et le biocentrisme, on propose d’éliminer la différence ontologique et axiologique entre l’homme et les autres êtres vivants, considérant la biosphère comme une unité biotique de valeur indifférenciée. »

(Discours de Jean-Paul II au Congrès Environnement et Santé, 24 mars 1997)

– L’attribution d’une considération morale exclusive aux seuls êtres humains est qualifiée d’anthropocentrisme. Parce que seuls certains êtres humains sont dotés de rationalité morale, les valeurs sont fondamentalement anthropogéniques ; elles sont générées par des êtres humains.

(philosophie de la biodiversité – petite éthique pour une nature en péril de Virginie Maris)

– Différentes théories morales proposent d’inclure l’ensemble des êtres vivants dans la sphère des individus méritant une considération morale directe. On parle alors de biocentrisme. Paul Taylor considère que tout être vivant est un centre-téléologique-de-vie. Les organismes vivants ont leur finalité, ils possèdent un bien qui leur est propre, l’accomplissement de leurs fonctions biologiques, qu’ils poursuivent par leurs propres moyens. Selon l’égalitarisme biocentrique, tous les êtres vivants ont la même valeur, et cette valeur nous impose le respect.

(philosophie de la biodiversité – petite éthique pour une nature en péril de Virginie Maris)

– Le biocentrisme  comme le pathocentrisme (l’antispécisme), s’ils remettent en cause l’anthropocentrisme, restent cependant tributaires d’une approche individualiste de la considérabilité morale. Or la protection de la biodiversité s’intéresse surtout à des entités supra-individuelles, comme les espèces ou les écosystèmes. Les tenants de l’écocentrisme invitent à prendre en compte dans la délibération morale ces entités globales. Elles ont, comme les êtres vivants, un bien propre qu’il est possible de promouvoir ou d’entraver par nos actions, et qui devrait donc nous imposer certaines obligations morales. Dans le préambule de la Convention sur la diversité biologique, les 189 pays signataires se déclarent conscients de la « valeur intrinsèque » de la biodiversité. La diversité biologique a une valeur intrinsèque, indépendamment de sa valeur instrumentale ou utilitaire.

(philosophie de la biodiversité – petite éthique pour une nature en péril de Virginie Maris)

– L’écocentrisme met l’accent sur l’interconnexion des formes de vie au sein d’un tout complexe et harmonieux. Poussant cette logique à l’extrême, l’écologie profonde considère que les espèces et leurs habitats, en plus de leur valeur pour l’homme et de leur valeur en tant qu’éléments essentiels d’un tout, ont une valeur dite « intrinsèque », c’est-à-dire inhérente, par elles-mêmes et pour elles-mêmes.

(l’écologie pour les nuls de Franck Courchamp)

– Le sociocentrisme conduit à ne voir dans l’environnement qu’un mode de problématisation de la société et dans la nature qu’un endroit où se promener. L’environnement, dans une telle perspective sociocentriste, c’est nous, ce n’est pas la nature. Le sociocentrisme s’accomplit ainsi en socionombrilisme. On arbitre un conflit d’experts comme une crise politique entre factions rivales, niant qu’il puisse y avoir des repères objectifs. En fin de compte, le sociocentrisme justifie aussi bien la négligence que l’autoritarisme du vrai. Le meilleur moyen d’éviter les dérives sociocentristes serait, selon Serres, de s’inspirer d’une alliance, une façon de se lier, ou de se relier, à la nature.

(Du bon usage de la nature – pour une philosophie de l’environnement de Catherine et Raphaël Larrère)

 

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Contradiction du temps écologique et du temps social

Résumons la pensée de Dominique Méda*. A l’été 2012, Mitt Romney, candidat républicain à la présidence US, choisissait les attentions apportées aux humains contre l’attention à apporter à la planète : « Obama avait promis de ralentir la montée des océans et de soigner la planète. Ma promesse, c’est de vous aider, vous et votre famille. Je créerai 12 millions d’emplois. » Au même moment, un article – Approaching a state shift in Earth’s biosphere – indiquait dans la revue Nature: « Désormais, les humains modifient la planète selon des modalités qui menacent sa capacité à nous supporter, nous les humains. » En effet les transitions critiques causés par des effets de seuil peuvent conduire à des changements néfastes de manière rapide et  irréversible. Dominique Méda, spécialiste de la place du travail dans la société, commence donc à douter : « On peut même se demander si la croissance, loin de constituer le remède à l’emploi, n’augmenterait pas le mal à moyen et à long terme. »

Le temps écologique du long terme et le temps social du court-termisme se télescopent. Mitt Romney et consorts, y compris François Hollande, nous  préparent un avenir douloureux. Par incapacité de se projeter dans le futur, ils flattent toux ceux qui donnent la préférence au présent. Ils sont à l’image de ces Français qui ignorent la montée des périls écologiques. A la question « Qu’est-ce qui, selon vous, menace le plus la capacité à bien vivre ensemble en France », ils répondent à 47 % « la crise économique et financière », à égalité (27 %) « l’accroissement des inégalités sociales et les extrémismes religieux », à 25 % « l’individualisme »… Aucune trace dans leurs préoccupations de la déplétion pétrolière, du réchauffement climatique ou de la perte de biodiversité ! Cela doit changer.

Notre blog BIOSPHERE s’interroge sur la crise écologique et les solutions à donner. Faites connaître ce blog et le site-réseau de documentation des écologistes qui lui est rattaché… Abonnez-vous gratuitement à notre bimensuel électronique, il suffit d’envoyer un courriel à biosphere@ouvaton.org.

* LE MONDE du 29 novembre 2012, Temps écologique et temps social : « Difficile de concilier les efforts à mener à long terme –préserver la planète – et le besoin immédiat de juguler la crise (article de Dominique Méda)

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Ayraultport, déni socialiste de l’écologie d’avenir

François Hollande se veut clair au sujet du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : « (A Nantes), il y a la force du droit et la primauté de la volonté, non seulement de l’Etat, mais aussi des élus. » Belle illustration du centralisme démocratique ! Nous savons très bien que l’Etat peut faire n’importe quoi, à commencer par lancer de Grands Projets Inutiles dont l’histoire de France est farcie. Ensuite les élus ne sont pas tous favorables à un nouvel aéroport à Nantes, loin de là.

– Pascal Canfin, ministre du développement de François Hollande : « Si je n’avais pas été membre du gouvernement, je serai allé manifester à NDDL comme l’ensemble des parlementaires écologistes disponibles. »

– Ronan Dantec, sénateur écologiste, ancien adjoint à l’environnement de Jean-Marc Ayrault : « Le problème principal, c’est que le débat démocratique n’a pas été respecté. Lors de l’enquête coût-bénéfice sur le projet, l’Etat a manipulé les chiffres. L’enquête publique a démenti l’hypothèse d’une saturation de l’aéroport existant. Il n’y a aucun urgence à envoyer 500 CRS piétiner une zone humide. Le gouvernement ne peut pas passer en force. Le coût politique de cette affaire est totalement disproportionné. »*

– José Bové, député européen : « Quand M.Hollande dit que le décret d’utilité publique doit être respecté, je lui rappelai que, pour le Larzac, le décret avait été pris et que le politique, en l’occurrence François Mitterrand, était revenu dessus. »

– Jean-Paul Naud, maire de la commune de NDDL : « La condition pour être sur ma liste était d’être contre le projet d’aéroport… La saturation de Nantes Atlantique, c’est faux. L’aéroport de San Diego en Californie, avec une seule piste, accueille 30 millions de passagers chaque année. »

Plusieurs dirigeants de partis politiques se sont aussi déclarés contre le projet NDDL. Le parti de gauche avec Jean-Luc Mélenchon, le Modem avec Jean-Luc Bennahmias, EELV avec son secrétaire national Pascal Durand… Pourtant ce n’est pas le nombre des élus ou des dirigeants politiques qui font la validité d’une opinion, encore moins la « volonté de l’Etat », c’est la durabilité d’une infrastructure construite normalement pour plusieurs années. Or la crise du pétrole est imminente, le kérosène nécessaire aux avions va devenir bientôt inabordable, les avions vont rester au sol pour la plupart, et les émissions de gaz à effet de serre sont déjà trop importantes… Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, anciennement maire de Nantes, fait preuve depuis trop d’années d’un aveuglement néfaste à propos de NDDL. Mais quand il a viré sa ministre à l’écologie, Nicole Bricq, à peine nommée, il avait déjà montré qu’il ne supporte pas la contradiction, surtout si on lui dit ses quatre vérités.

*LE MONDE du 17 novembre 2012, entretien avec Ronan Dantec (à lire absolument)

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pas assez de loups, trop de moutons, difficile cohabitation

La population de loups en France est estimée à 250 individus, la population humaine en métropole à 63,5 millions. En conséquence la cohabitation du loup avec les Français est en train d’atteindre son point de rupture. Entre la survie d’une espèce animale menacée, et celle d’une espèce prédatrice qui couvre toute la France, il s’agit de choisir. Le loup nous place devant l’impossible coexistence de l’animal et de l’homme quand les mêmes territoires sont en jeu. Les loups, dont la survie ne tient qu’à un fil, ne peuvent modifier leurs techniques de chasse au-delà de toute mesure. La présence du grand carnivore qu’est l’homme met en confrontation deux conceptions de la nature : l’une naturelle et sauvage, l’autre dite « civilisée ». Le loup, par sa présence, participe à la richesse de l’écosystème forestier et à la régulation de sa faune ; car la forêt française héberge des populations pléthoriques de cerfs et de chevreuils. La détérioration des alpages par des moutons trop nombreux est une réalité ; un régime trop carné pour les humains une autre.

Il nous faut accepter la régulation des populations de moutons et de Français. Vivre avec les humains sans éradiquer les loups* est un choix de compromis. Un choix difficile pour une humanité anthopocentrique.

C’était la conception de Biosphere, à comparer avec la conception du MONDE dans son éditorial** :

« A mesure que sa population augmente en France – elle est estimée à 250 individus -, la cohabitation du loup avec l’éleveur de moutons devient plus difficile. Elle est en train d’atteindre son point de rupture. Entre la survie d’une profession traditionnelle menacée, l’agropastoralisme, et celle d’une espèce prédatrice, il s’agit de choisir. Les bergers, dont le métier ne tient qu’à un fil, ne peuvent modifier leurs techniques de travail au-delà de toute mesure. Le loup nous place ainsi devant une réalité, l’impossible coexistence de l’animal et de l’homme quand les mêmes territoires sont en jeu. La présence du grand carnivore met en confrontation deux conceptions de la nature : l’une sauvage, l’autre civilisée. Le loup, par sa présence, participe à la richesse de l’écosystème forestier et à la régulation de sa faune. L’entretien des alpages par les éleveurs, lui, préserve le paysage de l’envahissement par les broussailles. Le loup pourrait apprendre, s’il y était contraint, à se nourrir de la faune sauvage. D’autant que la forêt française héberge des populations pléthoriques de cerfs et de chevreuils.

Mais protéger une bête qui se joue des frontières suppose aussi d’accepter la régulation de ses populations. Vivre avec le loup sans perdre l’agneau est un choix de compromis. Un choix difficile, mais peut-être pas hors d’atteinte. »

* LE MONDE du 4-5 novembre 2012, la politique de protection du loup dans l’impasse :

** LE MONDE du 4-5 novembre 2012, garder le loup sans perdre l’agneau : « L’orientation principale du prochain plan loup est d’abattre le maximum de loups, sans annoncer aucune mesure supplémentaire de protection, ni de formation des éleveurs à l’utilisation des moyens de protection existant. »

lecture complémentaire : Face aux éleveurs, des loups exaspérés

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la Terre en partage avec Ibrahima Coulibaly

Il est venu en France à l’occasion du colloque « La Terre en partage »*. Il est venu  à Brive pour commenter le documentaire de Boubakar Gakou sur l’exploitation des paysans par l’Office du Niger, Terre Verte. Il est venu échanger avec nous sur la crise alimentaire et la privatisation des biens communs. Nous avons lié amitié. Ibrahima Coulibaly est un paysan, vivant avec les 16 personnes de son groupe familial sur 20 hectares. Pourtant il est ingénieur agronome, il pourrait pantoufler dans un ministère malien, mais il a choisi la terre. Car il a connu à dix ans la famine de 1973 causée par la grande sécheresse. Il a compris ce qu’il fallait faire. Il a décidé de rechercher la sécurité alimentaire pour tous, ce qui passe nécessairement par la souveraineté agricole. Alors non seulement il cultive sa terre, mais il fait de la politique, ou plutôt du syndicalisme. Ibrahima Coulibaly est président de la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali, la CNOP. A ce titre, il participe fréquemment à des réunions au sommet avec l’Etat malien ; sans grand succès jusqu’à présent. Les politiques ne se penchent pas sur la réalité paysanne. Les administratifs ne savent  pas qu’un analphabète est capable de réfléchir à bon escient. La terre appartient à l’Etat qui en fait ce qu’il veut. Dans les zones irriguées, l’office du Niger reprend des terres ancestrales au paysan qui n’a pas pu payer la redevance pour l’eau. Le gouvernement loue des terrains à des pays comme la Chine qui les reloue à des Maliens pour en tirer bénéfice. Les commerçants maliens font en sorte que les paysans qui cultivent le riz soient endettés et en même temps importent du riz asiatique de mauvaise qualité.

Ibrahima sait tout cela. Il sait qu’il faut soulever des montagnes pour changer la donne. Il n’a pas d’illusion, mais grâce à lui les lignes bougent, les agriculteurs commencent à se parler, à se coordonner. La CNOP qu’il anime regroupe déjà 2 500 000 agriculteurs maliens. La CNOP adhère à via Campesina, le syndicat international des paysans. Ibrahima travaille sa propre terre, mais il participe aussi à une lutte mondiale. Ibrahima est en contact étroit avec José Bové, à ses côtés il était aussi au Larzac. Ibrahima  nous redonne confiance dans la nature humaine. La Terre a besoin d’Ibrahima, de beaucoup d’Ibrahima qui puissent se dresser un peu partout contre la corruption et les lobbies de l’agrobusiness.

Car le combat n’est pas gagné d’avance. Ibrahima connaît le livre de René Dumont, « L’Afrique noire est mal partie » (Seuil, 1962). Le constat reste valable cinquante ans après. Ibrahima s’inquiète de l’urbanisation de l’Afrique, sans structures d’accueil des migrants intérieurs. Les jeunes veulent des diplômes et devenir fonctionnaires, ils seront chômeurs. Même les diplômés en agriculture ne se voient par retourner à la terre. A ces blocages internes au pays, Ibrahima ajoute les contraintes externes : les règles absurdes du libre échange imposées par l’OMC alors qu’il faudrait instaurer un certain protectionnisme agricole ; le poids des intermédiaires dans le commerce alimentaire international ; les subventions à l’exportation agricole dans les pays riches ; la main-mise par certains pays ou des gens bien placés sur les terres du Mali… Changer cette situation fait penser à Sisyphe. Ibrahima ne se décourage pas, à chacun de nous de prendre la Terre en partage à l’image d’Ibrahima.

  • colloque « La Terre en partage » du 28 au 30 septembre à l’Hôtellerie des frères franciscains à Brive. Intervenants : Ibrahima Coulibaly, Dany Dietmann, Alain Gras, Michel Griffon, Claude et Lydia Bourguignon, Geneviève Azam, Xavier Hauchart et Therry Gaudin. Débats animés par Ruth Stégassy.
  • Prochain colloque « Coopération et associativité, du big-bang jusqu’à l’homme » les 25-26 janvier 2013.

Contact colloque@lestreizearches.com

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LE MONDE adopte la thèse du catastrophisme

Deux pages sur le « catastrophisme » du biologiste Jared Diamond (annonce en première page du MONDE). Deux pages qui reprennent son point de vue avec ce sous-titre : « L’échec du Sommet de la Terre, cet été, rend plus crédible la thèse du géographe et biologiste américain : « De tout temps, les humains se sont massacrés et ont détruit leur environnement. » L’homme serait donc un animal suicidaire*.

LE MONDE retrace les cinq facteurs qui, selon Diamond, se retrouvent dans chaque effondrement :

–          Les hommes infligent des dommages irréparables à leur environnement, épuisant des ressources essentielles à leur survie ;

–          Un changement climatique perturbe l’équilibre écologique, qu’il soit d’origine naturelle ou issu de l’activité humaine ;

–          La pression militaire et économique de voisins hostiles s’accentue du fait de l’affaiblissement du pays ;

–          L’alliance diplomatique et commerciale avec des alliés pourvoyant des biens nécessaires se désagrège ;

–          Les élites aggravent l’effondrement en cours en continuant à protéger leurs privilèges à  court terme.

Impossible de ne pas voir dans ce tableau un descriptif de la situation contemporaine. Perte de biodiversité et pic des hydrocarbures, réchauffement climatique d’origine anthropique, concurrence sur les ressources et même guerres civiles, diplomatie du chacun pour soi, niveau de vie américain non négociable, etc.

Des historiens reprochent à Jared Diamond son  catastrophisme, mais ce n’est pas faire du catastrophisme que d’annoncer que nous allons au désastre en sciant la branche (la biosphère) sur laquelle nous nous trouvons. D’autres relèvent la capacité de résilience de nos sociétés et critiquent le fait qu’on puisse parler de catastrophe inéluctable. Mais ces critiques sur son pessimisme, Jared Diamond les écarte : « On oublie le sous-titre de mon livre Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Nous avons encore le choix. Plusieurs sociétés ont su déjouer les drames environnementaux, comme les Japonais sauvant leurs forêts à l’époque d’Edo. » Et quand on lui reproche de donner trop d’importance à la géographie et à l’écologie, Diamond a cette formule : « Allez faire pousser du blé au pôle nord, et ensuite revenez me parler du faible rôle du climat sur l’Histoire et l’esprit humain. » Jared Diamond fait donc de la pédagogie de la catastrophe pour que la catastrophe ne serve pas de pédagogie… un peu trop tard. Ce n’est pas là du catastrophisme !

* LE MONDE culture&idées, 29 septembre 2012

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exploration prochaine du gaz de schiste en France

Le gouvernement sud-africain vient de lever le moratoire instauré en 2011 sur l’exploration du gaz de schiste. Cette histoire africaine préfigure ce qui va se passer en France : lobbying, mirage de l’indépendance énergétique, illusions d’une solution au chômage, risques de pollution minimisés, manne financière, ministres se déclarant en faveur des gaz de schiste, levée du moratoire sur l’exploration, fracturation des sols, désastre écologique et sanitaire que nos arrières-petits-enfants devront gérer sans aucune aide possible du côté des énergies fossiles, épuisées. Pétrole et gaz ne sont pas un « cadeau de dieu », c’est plutôt la merde du diable…

Résumé de l’article du MONDE sur l’Afrique du Sud* :

– Le groupe anglo-néerlandais Shell a financé une étude sur les retombées économiques.

– Alors qu’un Sud-Africain sur quatre est au chômage, 350 000 emplois seraient créés.

– 8 milliards d’euros seraient injectés chaque année dans le produit intérieur brut.

– Fourniture de l’énergie nécessaire à l’Afrique du Sud pendant 400 ans.

– Plusieurs membres du gouvernement se sont exprimés en faveur des gaz de schiste.

– La ministre de l’énergie considère cette ressource comme un « cadeau de dieu ».

– Le rapport sur l’impact environnemental n’a toutefois pas été rendu public.

– Risque de pollution des nappes phréatiques.

– Comment garantir un développement durable à nos enfants et petits-enfants ?

* LE MONDE du 11 septembre 2012, L’Afrique du Sud lève son moratoire sur l’exploration du gaz de schiste

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effet de masse et seuil critique, la fin d’un monde

Energie, surconsommation, réchauffement… la Terre serait près d’un seuil critique qui modifiera radicalement les conditions de vie. Une étude parue dans la revue scientifique Nature* le confirme. Selon les chercheurs, l’effondrement est irréversible si 50 % des terres émergés sont modifiées par l’homme. Or nous en sommes déjà aujourd’hui à 43 % de la surface pour 7 milliards d’humains. Un tiers de l’eau potable est détournée pour les usages humains et 20 % de la production terrestre primaire sont réservés aux besoins humains. C’est beaucoup trop, les écosystèmes sont déstabilisés. Le quotidien Libération** a demandé son avis à l’ancienne ministre de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. NKM n’est pas surprise par cette étude : « La question du réchauffement climatique n’est pas le seul problème et ce qui se passe avec la biodiversité est au moins aussi grave. » Mais elle minimise la question démographique : « Quand Nature nous enjoint de réduire de façon drastique la pression démographique, j’estime que c’est une solution de facilité. Certes les choses sont plus faciles à gérer à 1 milliard plutôt qu’à 10, mais je trouve cela trop facile. Plutôt que de s’attaquer au nombre, il faut changer de système et inventer des politiques vertueuses vis-à-vis du climat ET de la biodiversité. »

NKM, c’est un peu trop facile que de s’attaquer sans preuves aux solutions malthusiennes. La collusion actuelle entre foi chrétienne ou musulmane et idéologies de droite (comme de gauche) bloquent toute tentative de régulation démographique. Les religions du Livre sont profondément natalistes car obnubilées par le respect de la vie humaine ; le conservatisme de droite est contre la maîtrise de la fécondité apparemment au nom de la liberté individuelle mais en réalité pour s’assurer une main d’œuvre servile et de la chair à canon ; le socialisme préserve la vulgate marxiste selon laquelle seule la modification du système de production peut rétablir l’équilibre entre expansion démographique et ressources. Dans ce contexte, il n’est pas du tout facile de revenir de 7 milliards de bouches à nourrir à beaucoup moins. D’ailleurs, à part quelques exceptions, aucun pays ne se lance dans l’aventure, et certainement pas la France !

Nathalie Kosciusko-Morizet conclut par l’optimisme facile : « Celui qui inventera une façon de produire économe en énergie et en ressources pourra exporter rapidement sa technologie à travers le monde. Voilà un motif d’espérance. » C’est la manière habituelle aujourd’hui de croire aux lendemains qui chantent grâce à la technologie et la mondialisation. NKM fait encore confiance à ce qui nous a mis dans la merde. Pourtant la voie du salut est à notre portée. A court terme, il s’agit de limiter les besoins des riches et de partager équitablement la pénurie. Pour diminuer l’effet de masse à long terme, il s’agit en plus de promouvoir la maîtrise de la fécondité. Ces solutions ne sont pas faciles, mais elles sont réalisables si les politiques étaient moins bêtes. Ah, si Yves Cochet était président de la République française…

* Approaching a state-shift in Earth’s biosphere

** Libé du 10 août 2012,  “Le réchauffement n’est pas tout”

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Des tomates sur son balcon, une nécessité pour tous

A la fin du XIXe siècle, la petite maison familiale avec jardin potager semblait la forme idoine de l’urbanisme résidentiel. Aujourd’hui les Chinois sont « à la recherche de graines et d’outils permettant de transformer leur balcon en potager*. » Le gouvernement est favorable au développement de ces potagers d’appartement. En septembre 2010, les autorités de Pékin avaient même offert graines et engrais pour promouvoir « un mode de vie sain et à faible intensité carbone ». Allons plus loin. Bientôt il y aura un retour de l’esprit paysan et non plus ce mépris actuel de beaucoup pour le travail de la terre. Dans un contexte de crise économique, de raréfaction des ressources et de paupérisation croissante, l’agriculture va se développer fortement en zone urbaine.

Ce n’est pas nouveau. Il y a un exemple historique, aux Etats-Unis. Initialement encouragés par l’administration Wilson pour lutter contre la pénurie alimentaire pendant la Première Guerre mondiale, les jardins potagers communautaires ou familiaux sont réapparus au début du New Deal et furent alors élevés au rang de stratégie de subsistance pour les chômeurs. Au lendemain de Pearl Harbor, l’enthousiasme populaire fit céder les résistances des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture et fit des « jardins de la victoire » le dispositif central de la campagne nationale « Food Fights for Freedom ». Dès 1943, haricots et carottes poussaient sur la pelouse de la Maison-Blanche, plantés par Eleanor Roosevelt. Aujourd’hui Michelle Obama a fait un livre sur le potager qu’elle a créé à la Maison Blanche, le premier depuis celui de 1943.

Dans LaRevueDurable n° 43 (août-septembre-octobre 2011), nous trouvons un dossier sur l’agriculture qui « regagne du terrain en ville » : « Aujourd’hui bétonnage et goudronnage sont les deux mamelles de la modernité inconsciente. Les terres disponibles pour l’agriculture vivrière diminuent de manière dramatique. Heureusement les signes de reconnaissance de ce fourvoiement se multiplient. Il ne tient qu’aux urbains, désormais majoritaires sur Terre, de renforcer les liens vitaux qui les attachent à l’agriculture, en commençant dans et autour des villes. » Dans l’article, « Les potagers se fraient une place en ville », on indique que la prolifération des plate-bandes décoratives, ce n’est pas ça qui va améliorer la qualité de la vie en ville. Pas plus que les alignements de thuyas. En revanche, un lieu où l’on peut admirer et suivre l’évolution d’une plante depuis le semis jusqu’à sa récolte aurait une indéniable valeur esthétique, agricole et sociale. Le saucissonnage, une zone pour l’habitat, une zone pour le sport, une zone pour l’emploi, une zone éloignée pour l’agriculture est dépassé. Il faut des espaces multifonctionnels. Partager, mutualiser et beaucoup d’imagination, voilà les maîtres mots d’un urbanisme dense qui accueille l’agriculture. On peut imaginer planter des haies d’arbres fruitiers, diffuser des toitures végétales productrices, etc.

Lausanne a décidé d’entretenir certaines pelouses avec des moutons et convertit d’autres pelouses en potagers urbains. 70 % des Lausannois jugent que ces « plantages » – des potagers collectifs aménagés au pied des immeubles d’habitation – augmentent la qualité de la vie en ville. En France, les jardins partagés font un tabac. A Genève, les différentes opérations de potagers urbains connaissent un franc succès. A Zurich, la liste d’attente pour accéder à une parcelle dans un jardin ouvrier est telle qu’il faut plusieurs années avant de l’obtenir…

* LE MONDE du 5 septembre 2012, Les Chinois aménagent caves et balcons en potager

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mécanismes d’un effondrement économique rapide

L’effondrement d’une civilisation peut être très rapide. En effet une société complexe repose sur des enchaînements qui agissent à la hausse comme à la baisse. C’est ce que les spécialistes appellent les rétroactions qui peuvent être très néfastes quand elles sont « positives ». Par exemple, comme l’eau absorbe beaucoup plus le rayonnement solaire qu’un glacier qui réfléchit la lumière, la fonte des banquises va contribuer à réchauffer l’atmosphère davantage. La rétroaction ou feedback est, au sens large, l’action en retour d’un effet sur le dispositif qui lui a donné naissance. Elle est positive quand elle amplifie le phénomène. En termes moins techniques, on peut parler d’effet boule de neige. Les mécanismes d’emballement économique sont nombreux, en voici quelques-uns.

Dans une société de croissance, le multiplicateur de revenu explique en partie la phase d’expansion du cycle, mais aussi la crise. Tout revenu supplémentaire, par exemple l’installation d’une entreprise dans une zone industrielle, induit grâce à la consommation des salariés arrivants d’autres revenus qui à leur tour vont aussi être dépensés, d’où un revenu total distribué qui dépasse largement le revenu initial. Mais si l’entreprise fait faillite ou se délocalise, d’autres entreprises seront touchées par l’effet multiplicateur et la contraction de l’activité sera plus grande qu’à l’origine. Au niveau financier, le mécanisme est similaire. Lorsque l’économie ralentit, la probabilité d’un remboursement des prêts accordés diminue, entraînant des défauts de paiement et des pertes d’emplois, donc moins de prêts accordés et moins d’argent en circulation. Ce processus s’auto-alimente, et une fois lancé il est très difficile de l’arrêter. Ainsi de la crise des subprimes.

L’économie est aussi très dépendante de la disponibilité des ressources naturelles, en particulier de l’énergie fossile. La tension de l’offre et de la demande provoque une volatilité des prix des carburants. La contraction de l’activité qui en découle entraîne à son tour une chute de la demande, donc une baisse des prix des hydrocarbures. La croissance peut reprendre, mais l’offre de pétrole peine à répondre à la demande, les prix repartent à la hausse, d’où une nouvelle crise. Ce cycle se poursuit, mais à chaque fois la reprise est plus courte et la rechute plus rude. Nous en sommes là, alors que la production mondiale de pétrole forme un plateau ondulant qui atteint son maximum probable, 90 millions de barils par jour. Rappelons l’analyse de Jean-Marc Jancovici : « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. » D’autres analystes comme Richard Heinberg lient énergie et disponibilité des autres ressources : « Lorsque l’énergie commence à se raréfier, cela déclenche un processus d’épuisement qui s’auto-alimente : l’extraction des métaux devient plus onéreuse, rendant la production d’énergie plus coûteuse, etc. »

L’économie verte ne permet pas d’échapper aux rétroactions positives. Par exemple améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, c’est participer à la croissance économique du pays et aux nécessaires économies d’énergie. Mais en période de récession économique, les revenus des ménages et de l’Etat diminuent, rendant improbable le financement de l’investissement nécessaire. Les maisons se délabrent, l’argent ne circule plus, l’économie s’enfonce dans la crise. Ces mécanismes d’effondrement seront nécessairement amplifiés par le fait de la division exacerbée du travail. Chacun de nous est dépendant d’une suite de travaux parcellaires de plus en plus éloignés de notre lieu de vie et nécessitant une énergie fossile de plus en plus importante. Mon emploi dépend d’une entreprise qui dépend d’un groupe qui dépend d’un fonds de pension qui gère le capital retraite d’une multitude de salariés, etc. Nous ne maîtrisons plus la chaîne de la spécialisation des tâches, rendant chaque individu complètement dépendant de la bonne marche de la société. Qu’il n’y ait plus de ceintures vivrières autour des villes, que presque personne ne sache produire le nécessaire, que de moins en moins d’artisans produisent avec des ressources locales, tout cela semble secondaire. Mais en cas de récession économique, nous nous rendrons compte de la fragilité extrême de l’organisation actuelle.

Si un pays tente de se protéger en relocalisant le travail, en achetant français par exemple, il s’ensuit obligatoirement des mesures de rétorsion des autres pays, d’où une contraction du commerce mondial qui est pourtant un facteur important de la croissance actuelle. La Grande dépression qui a suivi le krach boursier de 1929 n’a pu se résoudre que par l’irruption d’une guerre mondiale. Etant donné l’incohérence de la diplomatie mondiale actuelle, les blocages énergétique qui s’annoncent et les effets en chaîne que nous venons de décrire, les perspectives ne sont pas meilleures.

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arrêt des extractions minières partout dans le monde

A qui appartiennent les ressources minières du Groenland ? Les immenses ressources de son sous-sol attirent les convoitises ; l’accélération de la fonte de la calotte glaciaire permet d’envisager leur exploitation. Mais ces ressources n’appartiennent ni à l’Europe via le Danemark, ni aux autres Etats limitrophes. Ces ressources n’appartiennent pas non plus aux 57 000 habitants de cette île recouverte d’une couverture de glace atteignant 150 mètres d’épaisseur. Ces ressources n’appartiennent certainement pas aux firmes multinationales comme Exxon Mobil, Cairn Energy ou encore EnCana. Ces ressources n’appartiennent même pas aux générations futures qui n’en feraient pas un usage meilleur qu’aujourd’hui. Il faut lutter contre la logique extractive et sanctuariser les dernières et rares ressources du sous-sol qui nous restent.

Comme l’écrivait Thomas More en 1516, « La nature, cette excellente mère, a enfoui l’or et l’argent à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile. L’or et l’argent n’ont aucune vertu, aucun usage, aucune propriété dont la privation soit un inconvénient véritable ». Depuis malheureusement, nous ne courrons pas après l’utopie, mais après le gain facile et l’accumulation de marchandises. D’où le réchauffement climatique et la mise à nu du Groenland, l’épuisement des ressources renouvelables comme non renouvelables, et l’effondrement probable d’une civilisation thermo-industrielle fondée sur l’extraction minière.

Maristella Svampa nous invite aujourd’hui à déconstruire l’imaginaire extractiviste. Les gouvernements affirment que les activités minières sont la voie du progrès et du développement. Mais les gouvernements ont étranglé préalablement leurs économies locales. Les mines, c’est un modèle d’exportation qui utilise peu de main d’œuvre et déstabilise l’économie de la région. La rente minière est souvent une malédiction pour le pays. Les bénéfices sont transférés à l’étranger et une oligarchie dépouille son peuple. N’oublions pas le massacre de Marikana, les conditions de travail dans les mines sont ignobles. Quand on a exploité les veines les plus rentables, on utilise ensuite des techniques extrêmement destructrices pour l’environnement. Puis on ferme la mine, laissant un chômage structurel dans un territoire qu’on a socialement dévasté. Même l’Angleterre et la France ont subi cet enchaînement néfaste. La recherche de ressources minières dans d’autres pays ne fait que déplacer le problème dans l’espace et dans le temps. Car, en bout de course, les générations futures se retrouvent avec un capital naturel réduit à zéro. Il faut donc arrêter les extractions minières partout dans le monde. Les mineurs doivent rester sur la terre, pas perforer et violer notre mère Nature.

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LM, quotidien de merde ou quotidien de référence ?

LE MONDE devient un composite de Paris Match, l’Equipe et la presse de caniveau. Prenons le numéro daté du 4 août : un reportage sur Marilyn Monroe (4 pages), le supplément répétitif Londres2012 (8 pages) et une page entière pour la pratique sexuelle des gays. Les homos sont passés de la clandestinité à un travail de lobbying et d’affichage au nom de la modernité… LE MONDE est partie prenante !

Rien à dire de sérieux sur l’état de la planète, on consacre une demi-page à un ponton flottant japonais échoué sur la côte américaine suite au tsunami.. Il faut donc lire « M le magazine du MONDE » pour trouver, au milieu d’une série d’articles mode/beauté/design, une tentative d’article de fond sur le goût perdu de la tomate : sept pages, mais trois comportant uniquement une photo. Quant au contenu, inutile de chercher une attaque en règle contre les semenciers. C’est seulement la faute à la consommation de masse si on propose des tomates hybrides (qui ne se replantent pas) dont on a volé le goût. Et l’article de conclure que l’histoire du « vrai goût » n’est que de l’ordre du fantasme. Seul le consommateur est responsable : « La mémoire du goût, ça n’existe pas, il n’y a qu’une mémoire associative… Le goût est chose extrêmement subtile et personnelle… De nos cinq sens, la vision est prioritaire, les gens qui ont acheté un beau fruit sont donc content de le manger… Les mêmes consommateurs qui exigent plus de goût veulent en acheter en toute saison, même en hiver… Plutôt que de pester contre les progrès de la recherche, ne pas oublier que partout des producteurs et des institutions se démènent pour faire revivre des variétés malmenées par le recherche. »

Comprenne qui pourra pour cette dernière assertion ! Pour le reste, il faut assumer, si le consommateur achète n’importe quoi, c’est parce qu’il le veut bien. Alors LE MONDE, quotidien de référence ou quotidien de merde ?

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la Cour de justice contre les semences fermières

LE MONDE* fait un encart sur « La justice européenne contre les semences libres ». Il ne remet pas en question les motivations croissancistes de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : « La Cour estime que l’objectif premier des lois européennes en vigueur « consiste à améliorer la productivité des cultures de légumes » ce qui impose l’obligation de ne commercialiser que des semences de légumes recensées dans des catalogues officiels. » Alors laissons la parole à l’association Kokopelli qui a perdu un procès qui devait être gagné :

« Un changement de cap absolu qui ne manque pas de surprendre. La Cour de Justice, par sa décision rendue aujourd’hui dans l’affaire Kokopelli c. Baumaux, vient de donner un satisfecit intégral à la législation européenne sur le commerce des semences. Pourtant, le 19 janvier dernier, son Avocat Général nous donnait entièrement raison, en estimant que l’enregistrement obligatoire de toutes les semences au catalogue officiel était disproportionné et violait les principes de libre exercice de l’activité économique, de non-discrimination et de libre circulation des marchandises. (V. ses conclusions)

La Cour, aux termes d’une analyse étonnement superficielle de l’affaire, et d’une décision qui ressemble plus à un communiqué de presse qu’à un jugement de droit, justifie l’interdiction du commerce des semences de variétés anciennes par l’objectif, jugé supérieur, d’une « productivité agricole accrue » ! L’expression, utilisée 15 fois dans la décision de la Cour, consacre la toute puissance du paradigme productiviste. Ce même paradigme, qui avait présidé à la rédaction de la législation dans les années soixante, a donc encore toute sa place en 2012. La biodiversité peut donc être valablement sacrifiée sur l’autel de la productivité. Cela fait 50 ans que cela dure et le fait que ce raisonnement nous ait déjà amenés a perdre plus de 75% de la biodiversité agricole européenne n’y change donc rien. (V. les estimations de la FAO)

Si la Cour mentionne les dérogations supposément introduites par la Directive 2009/145 pour les « variétés de conservation », son analyse s’arrête à la lecture des grands titres. Comment les juges n’ont-ils pas voulu voir que les conditions d’inscription des variétés de conservation, dans la réalité, étaient restées pratiquement identiques à celles du catalogue officiel normal [1]? Le critère d’homogénéité, par exemple, particulièrement problématique pour les variétés anciennes, ne connaît aucune modération. La Cour n’a-t-elle pas lu les témoignages de nos collègues européens, déjà confrontés à des inscriptions impossibles de leurs semences sur cette liste ? Cette directive est un véritable leurre, que Kokopelli et tant d’autres organisations européennes ont déjà dénoncé, et ne vise pas à permettre la commercialisation des variétés anciennes ni même à conserver la biodiversité semencière.

De plus, cette biodiversité, qui a nourri les populations européennes pendant les siècles passés, est l’objet de la plus grande suspicion. La Cour va ainsi jusqu’a écrire, par deux fois, que la législation permet d’éviter « la mise en terre de semences potentiellement nuisibles » ! Cette remarque est totalement erronée puisque, comme l’avait justement relevé l’Avocat Général, l’inscription au Catalogue ne vise pas à protéger les consommateurs contre un quelconque risque sanitaire ou environnemental, auquel la législation ne fait même pas référence ! Cette remarque, surtout, est choquante, quand on pense que les semences du Catalogue, enrobées des pesticides Cruiser, Gaucho et autres Régent, ou accompagnées de leur kit de chimie mortelle, empoisonnent la biosphère et les populations depuis plus de cinquante ans !

Le lobby semencier (European Seed Association), qui a pris le soin, pendant le cours de la procédure, de faire connaître à la Cour son désaccord avec l’avis de l’Avocat Général, se réjouit, dans tous les cas, de cette totale convergence de vues avec la Cour. (V. son communiqué et sa lettre adressée à la Cour.) Nos adversaires directs dans cette procédure, c’est-à-dire la société Graines Baumaux, mais aussi la République Française, le Royaume d’Espagne, la Commission Européenne et le Conseil de l’UE, doivent également s’en frotter les mains.

Avec cette décision, les masques tombent : la Cour de l’Union Européenne est, elle aussi, au service de l’agriculture chimique mortifère et de son idéologie corruptrice. Tout cela se comprend par l’examen du contexte dans lequel prend place cette décision : en Europe, une réforme générale de la législation sur le commerce des semences est en cours. La procédure est placée sous le haut parrainage de l’industrie semencière. Les associations de sauvegarde de la biodiversité, petits producteurs, paysans et jardiniers passionnés, qui, à travers toute l’Europe, conservent clandestinement plus de variétés oubliées que tout ce que le catalogue des variétés appropriées n’en pourra jamais contenir, n’ont pas été invitées à la table des négociations…

Verra-t-on, dans ce cadre, le législateur européen redéfinir ses priorités ? Les semenciers veilleront à ce que cela ne soit pas le cas. La France, dans ce cadre, joue un rôle particulier. Le Ministère de l’Agriculture a dépêché l’une des collaboratrices du GNIS [2], Mme Isabelle Clément-Nissou, auprès de la Commission Européenne (DG SANCO), afin de rédiger le projet de loi ! Mais les conflits d’intérêt, inadmissibles, ne semblent choquer personne au niveau des institutions européennes…

Ainsi, l’étau se resserre et les perspectives pour la biodiversité n’ont jamais été aussi sombres. Et l’Association Kokopelli, qui depuis 20 ans veille avec passion à la préservation du patrimoine semencier européen, bien commun de tous, sans la moindre subvention publique, pourrait donc bien disparaître demain, car son activité, qui gêne l’une de nos sociétés commerciales les mieux installées, ne présente pas d’intérêt pour une « productivité agricole accrue ». Cette décision nous sidère, autant qu’elle nous indigne.

Kokopelli, le 13 juillet 2012

[1] La directive 2009/145 prévoit que les critères de distinction et de stabilité sont laissés à la discrétion des Etats membres et que, par contre, «pour l’évaluation de l’homogénéité, la directive 2003/91/CE s’applique» : art. 4 §2

[2] Le GNIS représente les semenciers professionnels en France et dit officiellement «défendre les intérêts de la filière semence» � V. son site Internet

* LE MONDE du 3 août 2012

la Cour de justice contre les semences fermières Lire la suite »

la France arrête d’exporter des armes, un projet écolo

Il existe aujourd’hui des dispositions mondiales régissant le commerce des os de dinosaures, mais pas celui des chars ! Le commerce des armes conventionnelles est pourtant estimé à 70 milliards de dollars (55 milliards d’euros) par an. Si ça amuse l’humanité de s’entre-tuer, la biosphère n’en a rien à cirer. Le problème, c’est que le conflit armé empêche les différentes ethnies qui se massacrent de construire la paix, ce qui se fait au détriment des équilibres des écosystèmes : on puise dans les ressources non renouvelables pour fabriquer les armes et payer les belligérants, on détériore les espaces naturels, on empêche les paysans de  cultiver la terre pour nourrir la paix. La France, quatrième exportateur d’armes avec un solde commercial positif de 2,7 milliards d’euros, est complice de cet état de fait. La conférence consacré au Traité international sur le commerce des armes classiques (TCA) a en effet débuté le 3 juillet que déjà on s’enlise dans les questions de procédure*. Les industriels français concernés ont transmis une lettre aux ministres de la défense et des affaires étrangères pour exprimer leurs inquiétudes commerciales**.

Pour le moment, l’UE interdit les exportations dans les pays présentant un « risque manifeste » de violation des droits de l’homme. Le Traité proposerait d’interdire selon un critère moins strict : « risque substantiel » d’atteinte aux droits humains.  Les Occidentaux, soucieux de protéger leurs intérêts industriels, se disent partisans d’un texte fort et contraignant uniquement s’il est suivi par l’ensemble des principaux pays exportateurs. Un consultant relève : « Si tous les Européens, représentant 29 % des exportations internationales d’armement, vont signer le traité, les Etats-Unis, avec 50 %, envisagent de ne pas le ratifier, tout comme la Russie, la Chine et Israël, qui font le reste du commerce mondial. » Mais les Etats-Unis sont à l’origine de 40 % des exportations. La Russie est le principal fournisseur du boucher de Damas. Ces pays feront tout pour bloquer le débat. Par exemple Moscou et Pékin ne veulent pas de contraintes et refusent toute référence aux droits de l’homme. Autant dire que le TCA ne verra pas le jour. En fait le problème de fond reste le même et paralyse toutes les conférences internationales quel que soit leur objet, les armes conventionnelles, la dissuasion nucléaire  ou le réchauffement climatique : qui commence ?

Attendre des autres qu’il soit fait un pas collectif dans le bon sens est une sinistre hypocrisie. Si j’étais président de la République française, j’arrêterai toute exportations d’armes vers d’autres pays, je mettrais fin à l’absurde dissuasion nucléaire, j’appliquerai le protocole de Kyoto en faisant de la France un pays en pointe dans les économies d’énergie, je servirai d’exemple pour les autres pays qui, un jour ou l’autre, emboîteront le pas en se disant : mais pourquoi donc  je n’ai pas agi ainsi avant ! Pourquoi donc avoir tant attendu pour suivre la voie de la sagesse ! J’ai bien peur de ne jamais connaître ce moment…

* LE MONDE du 4 juillet 2012, Ouverture confuse de la conférence sur les armes

** LE MONDE du 4 juillet 2012, Le scepticisme et l’inquiétude des industriels français

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