démographie

Actualisation de la question malthusienne

La réponse démographique ne peut pas être définie comme une solution universelle aux problèmes de la croissance économique actuelle. On peut penser, pêle-mêle et de façon non exhaustive, au rapport des sociétés contemporaines au vivant sous toutes ses formes, aux logiques de domination et d’exploitation induites par le capitalisme, à la déstructuration des rapports sociaux par leur monétisation, au caractère univoque de la concurrence comme mode de relations entre les humains, aux impératifs de rentabilité, de performance, de profit… ou encore à la montée en puissance du solutionnisme technologique, à l’amenuisement des formes collectives de délibération et de prise de décision, à la question de l’autonomie, etc. La question démographique mérite d’être prise en considération, c’était l’objet de notre série d’articles sur MALTHUS. Mais cette question ne peut être traitée qu’en lien avec toutes les autres problématiques, la question sociale, les diktats économiques, les inerties politiques. Elle n’a donc de réelle chance d’être considérée qu’au terme d’une transformation profonde de notre rapport à la science, à la technique, au vivant, bref, de notre rapport au monde. Sinon nous pourrions renouer avec les sombres impasses de la résurgence des totalitarismes et des guerres. C’est pourquoi nous pensons sur ce blog biosphere que l’humanité devrait adopter un nouvel imaginaire dont nous proposons ici quelques caractéristiques.

Il est indispensable de pratiquer la sobriété partagée et de contribuer ainsi à un décroissance économique maîtrisée, il est de même absolument nécessaire de maîtriser la fécondité humaine pour la faire correspondre étroitement aux capacités durables des écosystèmes. N’oublions jamais que le nombre d’automobiles est en rapport direct avec le nombre d’automobilistes. Autre point, s’il était positif que soit établie une déclaration universelle des droits des citoyen(ne)s, il est aussi incontournable de reconnaître que nos droits s’accompagnent toujours de devoirs. Le droit individuel à avoir un enfant va de pair avec nos devoirs envers la société. En France, la Charte de l’environnement était approuvée par les parlementaires français réunis en Congrès  le 28 février 2005 pour lui donner une valeur constitutionnelle : « Aux côtés des droits de l’homme de 1789 et des droits sociaux de 1946, et au même niveau, nous allons reconnaître les principes fondamentaux d’une écologie soucieuse du devenir de l’homme ». Cette Charte énumère plusieurs de nos responsabilités, par exemple : « Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.« Art. 3. – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »

La question démographique est apparemment absente de ces formulations, mais réfléchir sur nos actes de procréation, c’est bien également « prévenir les atteintes à l’environnement ». Il nous faut adopter le message essentiel de Malthus. Le rapport du nombre d’humains aux ressources alimentaires devient en langage moderne « vivre des fruits de la Terre sans porter atteinte au capital naturel ». Il ne faudrait causer aucune blessures inutiles à notre environnement, il nous faudrait respecter chaque élément de la Biosphère. En fin de compte, si une nouvelle spiritualité moins anthropocentrique pouvait se développer, si un humanisme pouvait s’élargir à l’ensemble des autres éléments de la trame du vivant, ce serait une bonne nouvelle. L’impératif d’aimer son prochain comme soi-même nous semble constituer un sous-ensemble du précepte d’aimer la planète comme soi-même : notre Terre-mère, disent certaines sagesses ancestrales. Rappelons en guise de conclusion le préambule de la Charte de l’environnement :

« Le peuple français, Considérant que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ; que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ; que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ; que la diversité biologique et l’épanouissement de la personne sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles… Proclame : « Art. 1er. – Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé… »

A nous d’en tirer les conséquences…

Pour une vison globale de MALTHUS, notre série d’articles :

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)

28 août 2020, MALTHUS, un scientifique éclairé en 1798 (9/13)

29 août 2020, MALTHUS, un religieux en dehors du dogme (10/13)

30 août 2020, MALTHUS réfute avec rigueur les critiques (11/13)

31 août 2020, Actualisation de la question malthusienne (12/13)

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MALTHUS réfute avec rigueur les critiques

Malthus était bien conscient du fait que le principe de population soulevait de multiples objections et il a consacré la dernière partie de son Essai à réfuter un certain nombre de critiques. Pour ceux qui se refusent à lire son livre, il en proposait même un résumé. Il s’est révélé un homme de dialogue tout en sachant qu’avec un certain nombre d’interlocuteurs, la discussion n’avance pas à grand-chose : « La plupart des attaques contre mon essai sont moins des réfutations que des déclamations ou des injures qui ne méritent aucune réponse. »

Une majeure partie de l’Essai de 1803 est constituée de comparaisons ethnologiques sur près de 300 pages. Elles révèlent le grand sens de la relativité culturelle de Malthus et portent même un regard critique sur la colonisation : « On a remarqué constamment, que toutes les colonies nouvelles établies dans des pays salubres, où la place et la nourriture ne manquent point, ont fait des progrès rapides dans leur population… Si l’Amérique continue à croître en population, les indigènes seront toujours plus repoussés dans l’intérieur des terres, jusqu’à ce qu’enfin leur race vienne à s’éteindre…. Aussi longtemps que l’Europe continuera d’être assez barbare pour acheter des esclaves en Afrique, nous pouvons être sûrs que l’Afrique continuera d’être assez barbare pour lui en vendre. » Cependant l’idée générale de Malthus est toujours de démontrer de façon déductive son point de vue de départ, la population est tendanciellement en trop forte expansion par rapport aux ressources. Malthus utilise aussi les prémices des statistiques en regrettant qu’elles soient imparfaites : « On a commencé, il n’y a pas longtemps, à cultiver cette branche de la statistique ; et de telles recherches répandront sans doute du jour sur la structure interne du corps social. Mais on peut dire qu’à cet égard, la science est encore dans l’enfance. Nous n’avons que des données imparfaites sur le rapport de la mortalité des enfants chez les pauvres et chez les riches, les variations du prix réel du travail… (Essai tome 1 p.81) »

Il y a un autre domaine où Malthus est un précurseur. A l’aube du XIXe siècle, à une époque où l’école pour le peuple n’existait pas, il a émis l’idée que l’éducation était nécessaire. Mais ce qui est le plus extraordinaire dans sa démarche, c’est qu’il interprète le « croissez et multipliez-vous » de la bible en tant que philosophe de la nature bien qu’il soit statutairement un homme d’Église. Il était toujours à l’écoute des critiques, prêt à discuter, toute la dernière partie de son Essai le démontre : « J’ai éprouvé autant de regret que de surprise, en remarquant qu’un grand nombre des objections élevées contre les principes et les conséquences de l’Essai sur la population, venaient de personnes dont le caractère moral et religieux m’inspiraient un vrai respect. Je serai toujours prêt à effacer tout ce qui, dans mon ouvrage, paraîtra, à des juges compétents, avoir un effet contraire au but et nuire aux progrès de la vérité. Par déférence pour de tels juges, j’ai déjà fait disparaître les passages qui avaient le plus donné lieu à des objections. Mais avant ou après ces changements, tout lecteur équitable doit, je pense, reconnaître que l’objet pratique que l’auteur a eu en vue par dessus tout, est d’améliorer le sort et d’augmenter le bonheur des classes inférieures de la société. »

Pour conclure, il semble qu’une considération sérieuse de la situation mondiale actuelle ne peut que ramener Malthus sur le devant de la scène. La course poursuite entre la population humaine et l’état des ressources naturelles s’accélère. La situation géopolitique mondiale montre l’émergence croissante de tensions et de risques de rupture. Jusqu’ici l’humanité semble s’en sortir grâce à l’organisation de grandes conférences internationales et sa capacité apparente de s’adapter, mais cela ne peut se faire de façon durable qu’en respectant les réalités biophysiques de la planète. Imaginons que Malthus revienne sur terre. La guerre, la famine, la pauvreté y règnent encore. L’inégalité, l’oppression, l’ignorance sont toujours le lot de l’espèce humaine. Malthus pensera qu’il a eu raison. Fin 2017, 815 millions de personnes se couchent le ventre vide ! Comment fermer les yeux plus longtemps sur la misère croissante dans des zones hyperpeuplées et toujours prisonnières du dilemme malthusien population/subsistances ? Ne disons rien des plus aveugles qui jurent qu’aucun problème ne se pose, ne s’est jamais posé, ne se posera jamais en Afrique ou dans les bidonvilles. Pessimiste, Malthus ne s’abandonnait pas à la fatalité ; il cherchait les moyens d’éviter la catastrophe.

Notre série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)

28 août 2020, MALTHUS, un scientifique éclairé en 1798 (9/13)

29 août 2020, MALTHUS, un religieux en dehors du dogme (10/13)

30 août 2020, MALTHUS réfute avec rigueur les critiques (11/13)

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MALTHUS, un religieux en dehors du dogme

Les écrits de Malthus questionnent aussi la pensée religieuse. L’affirmation que la population du globe, laissée à sa croissance naturelle, augmente plus que la nature ne peut la nourrir, ne va-t-elle pas à l’encontre de l’enseignement sur la bonté de Dieu ? Comment accorder ce constat avec le précepte de la Genèse « Croissez et multipliez ? ». Malthus répond explicitement dans son Essai à ce commandement. Pour la première fois, la religion chrétienne est confrontée à la problématique de la population énoncée à partir de données statistiques et avec une investigation de type sociologique. Le pasteur Malthus pose en principe que Dieu ne peut être connu qu’à partir de la nature et de l’observation de ses lois. Il évite soigneusement tout recours à la révélation : « Il semble absolument nécessaire pour nous de raisonner à partir de la nature jusqu’au Dieu de la nature, et non de prétendre raisonner sur la nature en partant de Dieu.» Il adopte ainsi le point de vue d’une théologie naturelle très moderne. Tout ce qui est se ramène à une seule réalité. Si nous qualifions de dualistes les philosophies qui distinguent Dieu et la Création, l’esprit et la matière, il apparaît que la perspective de Malthus est essentiellement moniste : « Nous serons tous disposés à convenir que Dieu est le créateur de l’esprit aussi bien que du corps ; ceux-ci, d’autre part, semblent se former et se déployer tous deux simultanément ; donc il ne peut être incompatible ni avec la raison ni avec la révélation, pourvu que cela semble compatible avec les phénomènes de la nature, de penser que Dieu est continuellement occupé à façonner l’esprit à partir de la matière. » Nous rejoignons ainsi la définition que donne Spinoza (1632-1677) d’un dieu qui se manifeste au travers du monde naturel, ce qui revient pour ainsi dire à exclure l’existence d’un dieu abstrait.

Dans un premier temps les penseurs catholiques ne font pas mauvais accueil à Malthus. Il y a une certaine harmonie entre le moral restraint malthusien et la chasteté dont l’Église fait traditionnellement l’éloge. La foi chrétienne peut en particulier donner la force de pratiquer la continence sexuelle. Mais au cours du XIXe siècle, l’Église va prendre conscience de la misère ouvrière et définir progressivement une doctrine sociale. Malthus réprouvait la charité organisée  et sa critique de l’assistance aux pauvres va être taxée d’inhumanité. On reproche aussi à Malthus de n’avoir pas tenu compte du génie inventif de l’homme, du pouvoir de l’industrie et des possibilité jugées quasi indéfinies d’extension des ressources. Telle est la perspective qui inspire notamment les encycliques Mater et magistra (1961) et Populorum progressio (1967). Le pape François, dans son encyclique Laudato’ Si de 2015, a une vision moins optimiste : « La technologie, liée aux secteurs financiers, qui prétend être l’unique solution aux problèmes, de fait, est ordinairement incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses, et par conséquent, résout parfois un problème en en créant un autre. » Mais ce pape reste néanmoins nataliste : « Il faut reconnaître que la croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire. Accuser l’augmentation de la population et non le consumérisme extrême et sélectif de certains est une façon de ne pas affronter les problèmes…  » Le pape François a toutefois, en particulier dans ses interventions en Afrique, nuancé son propos par la suite.

Un autre aspect de l’avant-gardisme de Malthus a trait à sa conception de l’éducation du peuple. Malthus n’est ni le premier, ni le dernier à juger les classes inférieures de la société plus proches du monde animal que les classes aisées, mais il gardait bon espoir que l’éducation éliminerait de telles différences de classe. Malthus nous prie de voir l’homme tel qu’il est, « apathique, paresseux et ennemi du travail à moins d’y être contraint par la nécessité ». Pour lui, c’est la nécessité qui est mère de l’invention : « Les efforts que les hommes sont obligés de faire pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille éveillent souvent des facultés qui autrement auraient pu rester endormies pour toujours. » En observant que les classes aisées de l’Angleterre avaient peu d’enfants, il se serait même convaincu qu’il y avait une possibilité de progrès, passant d’un point de vue biologique à un point de vue sociologique : l’homme vivant en société pouvait devenir capable de contrôler sa fécondité. En ce qui concerne l’instruction à dispenser aux pauvres, sa conception radicale d’instituer l’école pour le peuple trouve son origine chez Adam Smith. Celui-ci écrivait en 1776 : « Moyennant une très petite dépense, l’État peut faciliter l’acquisition de ces parties essentielles de l’éducation (lire, écrire, compter) parmi la masse du peuple, et même lui imposer l’obligation de les acquérir (…) Un peuple instruit et intelligent est toujours plus disposé à l’ordre, qu’un peuple ignorant et stupide. » Il se distinguait ainsi de la majorité de ses contemporains qui craignaient que l’éducation n’eut pour effet que de précipiter le peuple dans la rébellion. Malthus reprend explicitement les idées d’Adam Smith, sauf qu’il trouve à l’éducation un avantage supplémentaire, à savoir devenir plus prudent au niveau de la fécondité. Cet aspect de l’éducation est singulièrement absent aujourd’hui. Rien par exemple dans l’enseignement actuel en France ne prépare les élèves à raisonner en terme de capacité de charge des différents territoires. Les discours politiques, médiatiques et scolaires sont tous imprégnés de croissancisme. A une époque, le programme de sciences économiques et sociales en spécialisation confrontait les points de vue de Malthus et de Marx. Aujourd’hui l’enseignement de spécialité en terminale pose la problématique « Économie et démographie » de cette façon, dans l’air du temps : « Comment la dynamique démographique influe-t-elle sur la croissance économique ? Quel est l’impact des variables économiques et démographiques sur le financement de la protection sociale ? » Cet aspect (secondaire) de la démographie n’est étudié que par une frange des élèves de la filière SES, le mécanisme malthusien n’est plus du tout au programme.

Notre série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)

28 août 2020, MALTHUS, un scientifique éclairé en 1798 (9/13)

29 août 2020, MALTHUS, un religieux en dehors du dogme (10/13)

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MALTHUS, un scientifique éclairé en 1798

Thomas Robert Malthus peut également être considéré comme un précurseur de l’analyse socio-culturelle. Il a en effet replacé le principe de population dans un contexte social en s’intéressant à tous les paramètres qui agissent sur la fécondité humaine.

« En ce siècle, où tous s’interrogent sur les limites de la croissance économique et démographique, comment ne pas lire et relire Malthus ? » C’est ainsi qu’Antoinette Fauve-Chamoux introduisait le congrès qui a marqué le cent-cinquantenaire de la mort de Malthus (1766-1834). Ce congrès international consacré à « Malthus hier et aujourd’hui » se tint au siège de l’Unesco à Paris en 1980. C’est le seul événement d’importance qui a été consacré en France à la question démographique. Le Parti ouvrier européen alla jusqu’à qualifier ce Congrès d’émanation du Club de Rome ; il accusait les organisateurs de célébrer les théories raciales et les idéologies de génocide. Toujours cette propension à l’exagération pour déconsidérer un adversaire en lui faisant dire des choses qu’il n’avait nullement pensé et encore moins écrit. Initiateur du Congrès, l’historien Jacques Dupâquier a lancé le débat sur son vrai terrain en demandant : « Avez-vous lu Malthus ? » Les militants du POE n’avaient probablement pas lu Malthus. Or celui-ci mérite mieux que des anathèmes.

Un livre récapitulatif de ce congrès est paru aux éditions du CNRS en 1984. Onze communications ont traité de la dimension sociologique et même anthropologique de l’analyse malthusienne. La valeur d’un spécialiste des sciences sociales ne pouvant logiquement se mesurer à sa capacité de prévoir l’avenir, Malthus ne pourrait qu’être bien noté pour sa bonne analyse du passé et du présent de son époque. Une des principales modifications de l’Essai qui distingue la première édition de 1798 de la seconde en 1803 consiste en l’examen systématique par Malthus (sur près de 300 pages) des ouvrages des explorateurs de son temps. La documentation de Malthus est très étendue, fort bien choisie et comporte les principaux ouvrages publiés à l’époque. Ses sources sont pratiquement les mêmes que celles des plus remarquables géographes de son temps. On avait organisé des expéditions pour faire systématiquement l’inventaire des ressources du monde et constituer une « Histoire naturelle de l’Homme » dont Buffon s’était fait l’avocat. Pourquoi utiliser ces parcours par personnes interposées ? Malthus nous le dit lui-même, « pour reconnaître l’influence du principe de population sur l’état présent et futur de la société », « pour l’envisager dans toute son étendue », « pour prendre l’expérience comme guide ». C’est une démarche déductive, qui part d’un principe théorique pensé comme universel à une étude comparative pour illustrer cette hypothèse de départ. Malthus s’est servi de l’ethnographie à une époque où cette discipline n’existait pas encore ; les totalisations abstraites étaient la manière habituelle de faire des philosophes. Aucun anthropologue contemporain ne peut cependant souscrire à cette affirmation de Malthus, « J’ai considéré l’état de la société en différents pays et j’ai tiré de cette contemplation des conséquences toujours semblables. » Le biais ethno-centré est un piège, particulièrement dans le préjugé de Malthus en faveur de la famille monogamique et patrilinéaire européenne posée comme « norme ». Tous les spécialistes apprécieraient cependant l’idée que chercher sérieusement les causes qui règlent le mouvement des populations « jetterait de la lumière sur la structure interne du corps social ».

Ce qu’il y a de plus éclairé dans l’approche malthusienne, c’est d’avoir trouvé étrange et donc intéressant à analyser l’absence d’expansion démographique notée par les voyageurs à propos de nombreuses sociétés exotiques. Malthus s’est particulièrement intéressé aux différentes pratiques sociales employées pour arriver à ce résultat. Il veut « découvrir dans la manière de vivre de ces peuples quelques obstacle puissants à l’accroissement de leur population ». C’est ce que nous verrons dans les extraits choisis du chapitre sur les nations indigènes d’Amérique. Malthus n’ignore pas non plus que la surpopulation est toujours relative à la structure de la répartition sociale des richesses. Rappelons enfin que la théorie de Malthus a besoin de chiffres pour s’établir et que l’ethnographie de son temps ne lui en fournissait guère. Malthus le souligne pour le regretter mais quand il dispose de chiffres, il est remarquable qu’il ne les accepte pas sans précaution. La capacité analytique de Malthus vaut encore aux yeux de la science aujourd’hui ou tout au moins vaut la peine qu’on en discute. Les ratés actuels des « sciences » économiques, incapable de prévoir, de prévenir et a fortiori de juguler une crise comme celle de 2008 devraient nous faire réfléchir : il y a quelque chose qui a été oublié dans la collecte intensive des données, c’est l’imprévisibilité du changement socio-économique. Cela ne devrait pas empêcher de collecter des données pour mieux comprendre les tendances en cours comme le faisait Malthus. L’ethnologue Saladin d’Anglure souligne que son œuvre démontre combien toute théorie démographique comporte des choix idéologiques et combien toute idéologie implique un principe de population plus ou moins explicite.

Notre série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)

28 août 2020, MALTHUS, un scientifique éclairé en 1798 (9/13)

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MALTHUS, décroissant nié par les décroissants

Aujourd’hui encore, tout un pan du mouvement de la décroissance rejette le malthusianisme. Un dossier inclus en supplément de la revue La Décroissance (juillet 2009) titre : « La décroissance contre Malthus ». C’est une philippique contre les « malthusiens ». Vincent Cheynet, le rédacteur en chef, estime que c’est un débat miné : « Pour sauver l’humanité, faut-il sacrifier ce qu’il y a d’humain en nous ? » Il évoque une double facette du malthusianisme, la nécessité de prendre en compte les limites écologiques d’une part et une pensée antisociale d’autre part. Il écrit : « En fréquentant les milieux écologistes, nous croisons inévitablement des militants pour la réduction de la population humaine […] Il est particulièrement aisé de percevoir le caractère pathologique de leur démarche. » Serge Latouche, dans « Le pari de la décroissance » nuance le propos : « La question démographique constitue un élément incontestable du débat sur la décroissance. Toutefois il s’agit d’un point particulièrement délicat. Les prises de position risquent de déraper très vite vers l’eugénisme, voir le racisme au nom d’un darwinisme rationalisé. » Dans le périodique « La décroissance » en novembre 2013, François Jarrige fait une approche encore plus subtile, mais la conclusion reste la même : « Oublions Malthus. » La seule fonction de ce mot serait d’empêcher le débat, le malthusianisme étant considéré a priori comme une idéologie malfaisante. Son principal argument se veut pragmatique : « L’accusation de malthusianisme vaut mort médiatique et politique… La référence à Malthus est piégée, elle vise avant tout à fermer la discussion et à empêcher tout débat sérieux… Lorsque certains mots ne permettent plus d’avancer sur le chemin de la compréhension du monde, mieux vaut simplement les abandonner. » Pour Clément Wittmann, qui s’est voulu lors de la présidentielle 2012 candidat du mouvement des décroissants, « il n’y a aucun problème démographique, la seule menace pour la planète ce sont les riches et leurs mode de vie. » Le livre de Ian Angus et Simon Butler, « Une planète trop peuplée ? »présente le point de vue écosocialiste. Il s’agissait pour eux de répondre à la nouvelle vague du « malthusianisme vert » tel qu’il s’exprime notamment dans les pays anglo-saxons. Il faudrait remplacer le capitalisme actuel, anti-écologique, par un système pro-écologique qui défende un développement humain et durable. Selon eux les arguments malthusiens entravent cette cause. Ian Angus et Simon Butler reprennent le débat entre Paul Ehrlich et Barry Commoner. Pour l’un, « combien de vasectomies permettrait un programme financé par les 1,8 milliards de dollars qu’exige la construction d’un seul complexe nucléaire… Tout individu, cherchant à se procurer le nécessaire pour vivre, a un effet net négatif sur son environnement ». Pour l’autre, « La pollution commence non pas dans la chambre à coucher, mais dans la salle de conférences des entreprises… Un système économique beaucoup plus préoccupé de l’organisation des transaction privés que de la reconnaissance des impératifs sociaux est inadéquat  ».

Encore plus anti-malthusien est l’attitude du mouvement des décroissants d’obédience chrétienne, donc plutôt traditionnellement nataliste. Ainsi dans « Limites, revue de l’écologie intégrale », le point de vue de Gaultier Bès en 2015 : « Castrer chimiquement les pauvres pour qu’ils s’arrêtent de pulluler ? Ou bien attendre qu’une bonne vieille pandémie vienne réguler tout ça ? Et si une bonne part de la solution était là, sous nos yeux ? Décroître, réduire notre consommation plutôt que notre fécondité, le nombre de bagnoles plutôt que le nombre de gosses ». Dans le même dossier de ce numéro, « Produire moins pour se reproduire plus », cette phrase de Mahaut Herrmann : « Le malthusianisme n’est pas la décroissance. C’est l’égoïsme se donnant bonne conscience pour continuer à se goinfrer de gâteaux en espérant que les convives seront moins nombreux… Loin de l’individu unidimensionnel du modèle croissanciste, la décroissance permet à l’espèce humaine de se perpétuer sans craindre la surpopulation. » De son côté Pierre Rabhi écrivait en 2013 dans Kaizen : « Les arguments démographiques que les repus exhibent sans cesse pour justifier l’inanition des pauvres sont fallacieux et ne résistent pas à un examen attentif. Accuser le million de ventres vides d’être responsables du fléau dont ils sont victimes relèvent du cynisme que la raison et le cœur ne peuvent que récuser. Pour contribuer à réduire ou à supprimer ce terrible fléau, l’agroécologie est souveraine. » En 2017 dans le journal La Croix, il répond ainsi à l’avertissement des 15 000 scientifiques : « L’argument démographique est une imposture. Il y a largement de quoi nourrir tout le monde. La question est celle de l’équité, de la répartition des ressources. »

En définitive il est quand même étonnant que certains objecteurs de croissance, qui rappellent inlassablement les limites de la planète, adoptent parfois l’idée d’un monde sans limites lorsqu’ils abordent la question démographique. Il faudrait qu’ils intègrent dans leurs raisonnements l’équation I = P.A.T qui démontre que la démographie est toujours un multiplicateur des menaces, quel que soit le niveau de vie de la population et de ses techniques. Ajoutons qu’il paraît aujourd’hui bien plus difficile, à l’heure de la mondialisation des comportements, d’agir sur la boulimie consumériste de la population mondiale que sur son niveau de fécondité. Il faut de toute façon toujours replacer Malthus dans son contexte, le tout début du XIXe siècle, une époque où les facteurs terre et travail étaient déterminants alors qu’actuellement ce ne sont que deux paramètres parmi d’autres, le capital technique, le niveau technologique, le contexte socio-politique, le libre-échangisme, etc. Sauf que la quantité d’humains sur la Terre a désormais atteint un chiffre vertigineux, bientôt plus de 10 milliards, ce qui rend le sort des générations futures très incertain.

Notre série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)

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Libérons MALTHUS de la critique marxiste

En faisant de l’équilibre population/ressources la clé de la misère, Malthus heurtait de plein fouet les marxistes qui cherchaient plutôt la solution du côté de l’organisation sociale et dans le développement des forces productives. Continuateurs des Lumières, résolument optimistes, les socialistes ne voient pas de bornes au progrès humain. Karl Marx répondait à Malthus, quelque trois quarts de siècle plus tard, que la formation d’une population surnuméraire ne devait rien à des lois « naturelles » de la sexualité humaine ou des rendements agricoles. Ce serait selon lui les rapports sociaux capitalistes qui produisent « artificiellement » une population indigente.  « Certes, écrit-il dans un « Cahier » rédigé en 1858 et qui ne sera publié que de façon posthume, ce sont des lois naturelles, mais des lois naturelles de l’homme à un niveau déterminé de l’évolution historique, à un stade de développement des forces productives correspondant au processus historique de l’homme… Malthus transforme en limites extérieures des limites inhérentes, historiquement changeantes, du processus de reproduction humain… La surpopulation relative n’a pas la moindre relation avec les moyens de subsistance comme tels, mais avec la manière de les produire. » On voit bien l’approche, très moderne, de Marx : le niveau de reproduction humaine n’est pas une donnée, mais une conséquence du niveau de développement, lequel est fonction du système social. Dans Le Capital, Marx exprime le fondement idéologique du débat : « Il était naturellement bien plus conforme aux intérêts des classes régnantes d’expliquer cette « surpopulation » par les lois éternelles de la nature que par les lois historiques de la production capitaliste. » Ce n’est pas à la population de s’adapter aux capacités de production, ce sont à ces dernières de s’adapter à l’évolution de la population. Libérons le système productif du carcan capitaliste qui le bride, et le problème démographique sera réglé.

Le rapport au capitalisme est resté structurant dans l’anti-malthusianisme. Fondé sur l’appropriation privée des richesses produites et la logique de la production marchande, il est vrai que le capitalisme se montre incapable de satisfaire les besoins sociaux de toute la population (accès à un revenu et à des biens et services socialement nécessaires). Sa logique de production étant celle du profit privé, les capitalistes préfèrent même ne pas produire que de vendre à des prix insuffisamment profitables, excluant dès lors la demande non-solvable. Dans leur « soif d’accumulation », les capitalistes cherchent d’ailleurs à augmenter la productivité du travail en mécanisant de plus en plus la production. Ce qui pourrait être une bonne nouvelle pour l’humanité – travailler moins et produire plus – se transforme, dans le cadre des rapports sociaux capitalistes, en privation d’accès au revenu d’une partie de plus en plus importante des travailleurs. Cela n’est d’ailleurs pas sans rendre le système instable à tous points de vue… Et si la nature est menacée d’épuisement, c’est bien plus en raison de la logique de croissance du capitalisme, infinie et productiviste, que de celle la population. Cette conception, dite de la « surpopulation relative », a conduit à repenser les crises alimentaires et bientôt écologiques en les rapportant aux logiques des pratiques économiques (de production et de consommation) et non à une « surpopulation absolue ».

Karl Marx a-t-il ou non réussi à démontrer que la croissance de l’armée industrielle de réserve (le nombre de chômeurs), et par conséquent l’évolution des salaires, sont indépendants de la croissance démographique. Comme la fécondité est restée une variable exogène et incontrôlable, Marx a échoué à réfuter complètement la construction malthusienne.  Il paraît en outre intéressant de relever que Malthus a été, d’une certaine manière, un précurseur de Marx. Ils font tous deux une tentative d’expliquer de façon systémique toute l’évolution socio-économique par le « matérialisme historique ». Pour Marx il s’agit de l’infrastructure industrielle et culturelle, à l’origine de l’accumulation du capital. Pour Malthus il s’agit de l’infrastructure naturelle (permettant la production alimentaire) et de l’infrastructure socio-culturelle (déterminant la fécondité). En fait, ce que Marx ne peut accepter dans la proposition de Malthus, c’est qu’elle retarde le face à face des deux classes qui sont aux prises dans le processus d’accumulation, les deux seules qui comptent économiquement à ses yeux, le prolétariat et les capitalistes. En d’autres termes, elle retarde l’effondrement du capitalisme et l’avènement de la société communiste. Dans l’excès du nombre, Malthus redoute la foule barbare ; les marxistes voient poindre les armées conquérantes du prolétariat.

Replaçons Marx et Malthus dans leur contexte historique ; ils se situent à deux phases distinctes de la transition démographique. Malthus écrivait dans un monde pré-industriel, caractérisé par une double régulation de la croissance de la population, une forte natalité qui allait de pair avec une forte mortalité. Marx au contraire élabore sa théorie dans un monde industriel où la demande de travail (l’offre d’emploi) gouvernait le niveau de vie de la population. En termes marxistes, « ce n’est pas la reproduction naturelle qui fait l’armée industrielle de réserve (les chômeurs), ce n’est pas elle qui est le levier de l’accumulation (du capital). » Personne à l’époque de Malthus ne pouvait pressentir l’accélération de la révolution industrielle puisque le passé ne lui fournissait aucun exemple permettant d’imaginer qu’une rupture totale pouvait se produire. Sans qu’il soit possible d’établir une filiation directe avec Marx, le débat rebondit au tout début des années 1970. Les premiers écologistes avaient essayé d’attirer l’attention sur un éventail de problèmes allant des pesticides au contrôle démographique sans toujours les définir par ordre d’importance. Un des signes avant-coureurs d’une hiérarchie apparut lorsque Paul Ehrlich et Barry Commoner débattirent de l’importance relative de la maîtrise de la fécondité. Le malthusien Ehrlich avait publié en 1968 The Population Bomb, qui plaçait l’expansion de la population comme la menace écologique prioritaire : « Trop de voitures, trop d’usines, trop de pesticides. Pas assez d’eau, trop de dioxyde de carbone, tout peut être attribué à une cause unique : trop de personnes sur Terre. » Commoner lui répondit  en 1971 dans L’encerclement que « la dégradation écologique n’est pas la simple conséquence d’un processus unique qui va en s’amplifiant – croissance démographique, augmentation de la demande – mais également des changements importants dans les techniques de production, changements qui eux-mêmes dépendent de facteurs économiques et politiques importants. » Le débat entre Commoner et Ehrlich a rapidement dépassé le désaccord scientifique pour fonder deux stratégies radicalement différentes. Ehrlich définit ainsi « la surpopulation » comme le nombre d’habitants dépassant « la capacité d’accueil » de la Terre ; iI proposait un « bureau de la Population et de l’Environnement » pour apprécier le niveau de peuplement optimal, et préconisait les mesures permettant d’y arriver. De son côté, Commoner projetait de transformer la technologie moderne « pour satisfaire aux exigences indéniables de l’écosystème ». Une synthèse est-elle possible ?

Notre série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

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MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider !

Tout au long du XIXe siècle, les deux progressions antagonistes de l’Essai sur le principe de population de Malthus (progression géométrique de la population et progression arithmétique des subsistances) ont constitué un piège redoutable pour les idéologies généreuses issues de la Révolution française. La pression de la population sur les subsistances agit comme un étau qui se resserre dès que la croissance démographique est trop rapide, toute tentative de redistribution de la richesse dans un sens moins inégalitaire se trouve anéantie. Tel est le sens de l’allégorie du banquet qui figure dans la deuxième édition de 1803 : « Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille ne peut pas le nourrir, ou si la société ne peut pas utiliser son travail, n’a pas le moindre droit à réclamer une portion quelconque de nourriture, et il est réellement de trop sur terre. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller et elle ne tarde pas à mettre elle-même cet ordre à exécution. »

L’allégorie du banquet n’a pas échappé à Pierre Joseph Proudhon (1809-1865). Le 10 août 1848, dans un pamphlet qui fit grand bruit, Les Malthusiens, il s’écrie : « Ce sont 2 millions, 4 millions d’hommes qui périront de misère et de faim, si l’on ne trouve pas le moyen de les faire travailler. C’est un grand malheur assurément, vous disent les Malthusiens, mais qu’y faire ? Il vaut mieux que 4 millions d’hommes périssent que de compromettre le privilège : ce n’est pas la faute du capital, si le travail chôme : au banquet du crédit, il n’y a pas de place pour tout le monde. » Notons que Malthus avait supprimé cette allégorie des éditions ultérieures: « Je serai toujours prêt à effacer tout ce qui, dans mon ouvrage, paraîtra, à des juges compétents, avoir un effet contraire au but. » Mais cette allégorie du banquet a été constamment reprise pour dénoncer cet aspect de Malthus jugé sulfureux, sa manière d’envisager la question sociale.

La critique principale à l’encontre de Malthus porte donc sur son opposition au maintien d’une assistance aux pauvres. Une loi de 1536, souvent considéré comme la première loi anglaise sur les pauvres, est consacrée à l’organisation de fonds volontaires pour le secours aux personnes incapables d’exercer une activité. A partir de 1576, les communes sont tenues de faire travailler les pauvres qui y sont aptes. En 1795, dans le district de Speenhamland, on décide que la paroisse doit compléter tout salaire inférieur à un minimum considéré comme absolu en fonction du prix du pain et de la situation de famille. Cette loi bien intentionnée est en fait un soutien aux employeurs qui trouvent ainsi de la main-d’œuvre à bas prix, une main-d’œuvre qui ne peut ultérieurement selon Malthus que devenir toujours plus nombreuses, donc toujours moins chère. Il avait dans un premier ouvrage (jamais publié) en 1796 proposé le développement de l’aide aux pauvres. Deux ans après sa position sera exactement l’inverse. Il porterait ainsi une part de responsabilité intellectuelle dans la réforme de 1833 de la Loi sur les Pauvres, qui abolissait toute forme de secours au niveau des paroisses. Aujourd’hui encore une partie de l’intelligentsia fait mine de croire qu’il s’agit d’être « anti-pauvres » alors que Malthus pensait au contraire défendre la cause des pauvres. Il croit en une approche qu’on pourrait appeler aujourd’hui social-libérale, reposant sur la responsabilité individuelle : « Le peuple doit s’envisager comme étant lui-même la cause principale de ses souffrances… Si nous négligeons de donner attention à nos premiers intérêts, c’est le comble de la folie et de la déraison d’attendre que le gouvernement en prendra soin… En Angleterre, les lois sur les pauvres ont été incontestablement établies dans des vues pleines de bienveillance. Mais il est évident qu’elles n’ont point atteint leur but… Les lois sur les pauvres tendent manifestement à accroître la population sans rien ajouter aux moyens de subsistance… Ainsi les lois y créent les pauvres qu’elles assistent… Ce que je propose, c’est l’abolition graduelle des lois sur les pauvres, assez graduelle pour n’affecter aucun individu qui soit actuellement vivant, ou qui doivent naître dans les deux années prochaines… »

Le problème se pose aujourd’hui de la même manière : comment aider les enfants déjà nés sans susciter par là même la conception de nouveaux enfants qui eux aussi seront pauvres ? C’est le cercle vicieux de la pauvreté. Un vrai dilemme que la sentimentalité ne suffit pas à résoudre. On peut transposer ce dilemme au niveau international. Dans un compte-rendu de colloque, « Malthus hier et aujourd’hui » (1984), le politicien sénégalais Landing Savané affirme : « L’aide internationale est comparable à la Loi des pauvres puisqu’elle bloque la nécessité de développer la production locale et d’assurer l’autosuffisance alimentaire. On voit mal comment il serait soutenable de fournir en permanence des aides alimentaires toujours croissantes à une population dont la croissance provoquerait la dégradation des sols sur lesquels elle vit, et donc une diminution de ses propres ressources. » Donner des poissons ou apprendre à pêcher ? Malthus dans ses écrits laisse entendre qu’il n’aurait rien à redire à la solidarité internationale en temps de famine, du moins tant que cette solidarité ne renforcerait pas la dépendance des nations ainsi assistées ni ne réduirait leur capacité à résoudre leurs difficultés en faisant appel à leurs propres ressources. Évoquant les collectes importantes qui se firent en Angleterre auprès des classes riches pour venir en aide aux pauvres, il écrit à Samuel Whitbread : « Je serai enclin à penser que toute cette collecte a été bien employée, ou même qu’une somme plus importante encore l’aurait été si elle a servi uniquement à alléger le fardeau de ceux qui, en nombre relativement faible, étaient dans le besoin, s’il n’y a pas eu de réglementation publique en faveur de ces pauvres, et si on a pu les aider en évitant la conséquence fatale et inévitable d’augmenter ainsi continuellement leur nombre et de rendre toujours plus intenable la condition de ceux qui luttent pour se maintenir dans l’indépendance. »

Série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

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MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité

Que faire face à l’écart croissant entre population et alimentation, sachant que pour Malthus il était préférable d’agir sur la fécondité étant donné le blocage des rendements agricoles. Comment interférer avec le libre choix des couples quant à la reproduction humaine ? Après de longues fiançailles, Malthus ne s’est marié qu’à l’âge de 38 ans et il eut trois enfants, ce qui, étant donné l’importance de la mortalité infantile à cette époque, était insuffisant pour assurer la descendance. Le retard au mariage et l’abstinence sont essentiels pour Malthus. Bien après sa mort, Malthus a été abusivement mêlé à des controverses parfois violentes, et son nom associé à l’idée que la prévention des naissances par l’avortement forcé ou la stérilisation de masse était souhaitable, sinon nécessaire.

Il faut bien distinguer sa position de ceux qui se revendiquent de lui à la fin du XIXe siècle, les néo-malthusiens, partisan de la contraception. Malthus était profondément hostile à toute méthode de contraception pour des raisons d’ordre moral, mais aussi parce qu’à ses yeux seule la contrainte morale pouvait stimuler l’activité individuelle. Un article du Larousse encyclopédique de 1931 prenait soin de distinguer malthusianisme et néo-malthusianisme : « Le principe même de la doctrine de Malthus a reçu des applications pour une cause qui n’a plus rien à voir avec la raréfaction des ressources alimentaires. Cette cause est essentiellement égoïste et dérive surtout de la peur qu’a la femme des accidents de la grossesse et de l’accouchement, et l’homme des charges de famille. D’où dans les pays civilisés, une diminution de la natalité. Les médecins qui ont exagéré les risques de l’enfantement et ont, sans le vouloir, propagé l’usage des injections antiseptiques et des procédés abortifs, ont une part importante de responsabilité dans cet état de choses. Ce sont ces idées et ces moyens (mesures anticonceptionnelles, avortements provoqués, castration opératoire…) qui constituent ce qu’on appelle le néomalthusianisme car le malthusianisme de Malthus engageait seulement à la restriction volontaire par abstention.  »

En ce qui concerne la contrainte morale, Malthus l’a définie ainsi : il s’agit d’une conduite chaste, avec recul volontaire du mariage jusqu’au moment où l’individu a une chance raisonnable de pouvoir entretenir tous les enfants nés de son union. Il paraît certain que pour Malthus la contrainte morale n’impliquait aucun contrôle de la fécondité à l’intérieur du mariage. Quant à l’autre méthode de lutte contre un surplus de population, l’émigration, on peut résumer sa pensée par cette phrase : « Dans toute supposition qui pourrait être favorable au système de l’émigration, le secours qu’on pourrait tirer de cette pratique serait de très courte durée. » Le point de vue des darwinistes sociaux, partisan de l’eugénisme, aurait paru bien étrange à Malthus, pour qui le devoir de l’homme n’est pas simplement de travailler à la propagation de l’espèce, mais bien de contribuer de tout son pouvoir à propager le bonheur et la vertu.

L’œuvre de Malthus est beaucoup plus complexe que ce qu’on en dit sans l’avoir jamais lu. Pour l’économiste Malthus, il se dégage une interrelation constante entre les dynamiques de la croissance économique et de la croissance démographique. Le marché du travail est la charnière qui relie ces deux types de croissance. Malthus cherche dans les comportements démographiques et dans les mécanismes économiques des régulations, entendons par là des procédures d’ajustement qui sont à la fois inhérentes au fonctionnement social, conformes aux lois naturelles et capables d’éclairer la coordination de conduites disparates et de fonder des décisions. Le prix du travail est un déterminant essentiel du comportement des classes laborieuses. On trouve ce genre de phrases chez Malthus : « Une augmentation du nombre d’ouvriers qui reçoivent les mêmes salaires en argent doit nécessairement produire, par l’effet de la concurrence des demandes, une hausse monétaire dans le prix du blé. Au fait, c’est une baisse réelle du prix du travail. » Le salaire nominal est diminué des effets de l’inflation, d’où un salaire réel moindre. Plus généralement on peut déceler deux principes complémentaires. D’une part toute société est soumise à une contrainte de rareté qui constitue un principe restrictif. D’autre part le mécanisme de régulation qui permet de parvenir à un ajustement entre niveau démographique et niveau des richesses, la loi du marché, n’est rien d’autre que la recherche d’un équilibre socio-économique. Il s’exprime par le jeu de l’offre et la demande. Or il faut bien voir que la régulation peut engendrer son contraire, le dérèglement, ou encore que les mécanismes qui ramènent à l’équilibre peuvent aussi en éloigner. Les difficultés socio-économiques peuvent être considérés comme des stimulants de l’activité humaine, mais ils peuvent aussi conduire à des excès qui mènent à la crise. L’activé économique est cyclique, ponctuée de crises. Malthus écrivait : « Une des principales raisons pour lesquelles on n’a pas beaucoup remarqué ces oscillations, c’est que les historiens ne s’occupent guère que des classes les plus élevées de la société. » Il était aussi conscient que le cycle démographique n’est pas de même longueur que celui des phénomènes économiques. Malthus l’empiriste contre Ricardo le théorique prend aujourd’hui une revanche qu’il n’aurait sans doute jamais imaginée.

Contre des auteurs d’utopies comme Condorcet ou Godwin, Malthus respecte le principe de réalité. Pour lui, on doit tenir compte des imperfections de l’esprit humain autant que des réalités biophysiques. La Terre est un espace clos dans lequel tout n’est pas possible. Avec cette perception des limites, on peut donc considérer que Malthus est un précurseur de l’écologie. Il a élaboré sous forme mathématique ce qu’on appelle aujourd’hui la loi de Malthus qui observe un décalage tendanciel entre population humaine et ressources alimentaires. Il en tire la conclusion logique : comme il semble difficile de faire croître suffisamment la production agricole à cause de la loi des rendements décroissants, il est nécessaire d’agir sur la fécondité humaine. C’est à cette condition qu’on pourra améliorer le « bonheur national brut ». Sinon se déclenche le mécanisme régulateur de la famine, des guerres et des épidémies. Malthus envisage aussi la possibilité de l’émigration. Mais il prend toujours bien soin de distinguer solutions à court terme et impossibilités à long terme. Dans ses Principes d’économie politique, il envisagera aussi le progrès technique.

Notre série sur MALTHUS, il y aura 13 articles au total :

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

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MALTHUS, le prophète du sens des limites

Si l’on pense que la substance de l’Essai réside dans l’avertissement que la Terre constitue un espace clos et un fonds borné, alors Malthus précède de 170 ans le Club de Rome et ses courbes exponentielles. Pour ses opposants, Malthus n’aurait pas perçu les extraordinaires potentialités de la révolution agricole. Dans la course poursuite entre population et alimentation, on pourrait considérer que l’analyse de Malthus a été invalidé par la croissance de la production agricole. Dans un Larousse encyclopédique de 1931, on trouve déjà : « A l’époque où il écrivait, les conclusions de Malthus paraissaient assez justes parce qu’on ne connaissait pas encore les moyens d’accroître la production agricole. Mais depuis la fin du XVIIIe siècle, le sol peut nourrir ses habitants, si nombreux qu’ils soient, comme en témoigne la rareté des famines dans les pays civilisés. »

En fait Malthus s’appuyait sur une constante, la loi des rendements décroissants en agriculture : « Lorsqu’un arpent a été ajouté à un autre arpent, jusqu’à ce qu’enfin toute la terre fertile soit occupée, l’accroissement de nourriture dépend de l’amélioration des terres déjà mises en valeur. Cette amélioration, par la nature de toute espèce de sol, ne peut faire des progrès toujours croissants. » Cette approche reste toujours valide aujourd’hui quand on fait le calcul intégral des rendements. Si on compare le nombre de quintaux à l’hectare transformés en calories au nombre de calories d’énergie (tracteurs, engrais, irrigation…) nécessaire à cette production, on constate une diminution des rendements au fil des années. Les raisonnements sur la productivité réelle de l’agriculture sont complexes.

En 1971 Nicholas Georgescu-Roegen écrivait : « En ayant troqué l’énergie solaire, certes diffuse mais durable, contre l’énergie fossile concentrée mais sans avenir, l’agriculture a certes vu croître spectaculairement sa productivité, mais au prix d’une baisse non moins spectaculaire de son rendement thermodynamique, ce qui signifie une réduction proportionnellement accrue de la quantité de vie future. »

Comme l’exprimait en 1974 Philippe Lebreton : « S’il est statistiquement exact que l’agriculteur français actuel nourrit 20 personnes alors que son ancêtre n’en nourrissait que 2.5, il convient de souligner que l’écosystème agricole fonctionnait autrefois en circuit relativement clos ; l’agriculteur produisait sa propre force de travail (bœufs et chevaux), transformait et commercialisait une forte partie de sa production. Actuellement il faut ajouter à la population agricole ceux qui fabriquent les tracteurs, les pétroliers, les chercheurs en chimie et en génétique, les fonctionnaires de l’INRA et du Crédit Agricole, les transporteurs, les industries de transformation, les commerçants de gros et de détail… » Cette situation ne peut pas s’améliorer.

Comme l’exprimait Jean Autard en 2017 à l’adresse de l’institut Momentum : « Depuis le début du XXe siècle, l’usage d’engrais minéraux fossile ou de synthèse (azote produit par le procédé Haber-Bosch à partir de gaz) est devenu massif. Ils sont aujourd’hui devenus indispensables au maintien de la fertilité de sols utilisés de façon très intensive, et donc à notre agriculture. Or, les mines de phosphore et de potassium s’épuisent, de même que les hydrocarbures nécessaires à l’azote. Le problème du renouvellement de la fertilité est encore aggravé par ce que Marx appelé la « rupture métabolique » : alors que dans les systèmes agricoles traditionnels les nutriments consommés étaient pour une grande part rejetés (sous forme d’excréments, de déchets de culture…) sur place, aujourd’hui ils sont massivement exportés vers des villes lointaines où ils sont perdus définitivement vers la mer ou pollués dans des boues d’épuration mélangées de pathogènes, de métaux lourds et de produits chimiques divers. La valorisation des résidus de culture par les biocarburants ou les plastiques biosourcés aggrave encore ce problème, car c’est autant de matière retirée à des sols qui s’épuisent. De plus, dans un monde en effondrement, il deviendra difficile de soutenir les vastes infrastructures qui permettent leur approvisionnement mondial… »

La catastrophe démographique n’est pas survenue non pas parce que la Terre pourrait nourrir n’importe quelle population, mais parce que, jusqu’à présent, le développement agricole et industriel a pu grosso modo suivre la croissance des besoins. Or, il apparaît depuis quelques années que cette expansion que l’on croyait indéfiniment durable butte sur la double limite de l’épuisement des ressources naturelles et des capacités de régénération du milieu. Le principe de population resurgit là où on l’attendait le moins : dans l’air, dans l’eau et dans les sols. Malthus estimait déjà à son époque que des solutions bénéfiques à court terme peuvent être néfastes à long terme. C’est d’ailleurs une des caractéristiques du mouvement écologique aujourd’hui, vouloir gérer le long terme. On redécouvre que la sphère des activités économiques est dépendante de la reproduction de la biosphère. Au moment où l’homme met en péril les conditions de sa propre survie, un malthusianisme « élargi » nous rappelle la nécessité d’une pensée des limites, limites alimentaires à son époque, auxquelles il faut aujourd’hui ajouter les limites du consumérisme et de l’emprise techno-scientifique. Ce n’est plus seulement la nourriture qui est en jeu, mais les ressources globales de la planète. Ce qui est démontré par de multiples études, ce qui est dénoncé dans un message d’avertissement de 15 000 scientifiques en novembre 2017, c’est la perturbation des équilibres écologiques et de la biodiversité. Les scientifiques co-signataires de l’appel plaident notamment pour la stabilisation de la population humaine, en décrivant comment la pression démographique sur la Terre − accrue par une augmentation de la population mondiale de 35 % depuis 1992, soit deux milliards de personnes supplémentaires − est si forte qu’elle peut entraver les efforts entrepris dans le sens d’un avenir soutenable. Cet appel, relayé intégralement par le quotidien LE MONDE (14 novembre 2017), demandait entre autres aux politiques de « déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour soutenir cet objectif vital. »

Série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)



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1798, MALTHUS contre les optimistes crédules

A l’époque de Malthus, fin du XVIII et début du XIXe siècle, l’optimisme est une pensée répandue dans les élites. On célèbre le siècle des Lumières (1715-1789), L’Encyclopédie et la révolution française. Le girondin Condorcet, après un décret d’arrestation à son encontre, se cache pendant neuf mois et écrit Esquisse d’un tableau historique du progrès de l’esprit humain. Arrêté, retrouvé mort dans sa cellule en mars 1794, son ouvrage fut publié l’année suivante. Dans ce texte qui faisait un raccourci de l’histoire humaine, il prévoyait l’amélioration continuelle de l’existence individuelle et collective, sur le plan matériel comme spirituel. Son terme ultime verrait l’abolition de toutes les inégalités, un langage universel, une espérance de vie prolongée sans limite assignable. La même année de l’autre côté de la Manche, le livre de William Godwin, Essai sur la justice politique et son influence sur la moralité et le bonheur, nous offre une description aussi idyllique : « Chaque homme recherchera, avec une ineffable ardeur, le bien de tous. » Godwin promettait un avenir lointain où il n’y aurait plus de guerre, ni de crime, ni de gouvernement. Voici ce qu’en pense Malthus : « L’ouvrage de Condorcet est un exemple remarquable de l’attachement qu’un homme peut vouer à des principes démentis par l’expérience de chaque jour (…) Godwin se repose avec trop de confiance sur des propositions abstraites et générales. »

Contre cet idéalisme, Malthus fait preuve de réalisme. Sa conception repose sur deux postulats : « Premièrement que la nourriture est nécessaire à l’homme. Secondement que la passion entre les sexes est nécessaire et se maintiendra, à peu de choses près, telle qu’elle existe maintenant. » Cette pression sexuelle est la source de la tendance à la progression géométrique de la population. Elle agit universellement, avec la même force, que ce soit il y a fort longtemps ou au XXIe siècle. C’est pourquoi il faut, selon Malthus, des obstacles à cette tendance à l’explosion démographique. Le taux de croissance démographique mondiale a certes diminué aujourd’hui, il est passé de 2 % dans les années 1960 (doublement tous les 35 ans) à un peu plus de 1 % (doublement tous les 70 ans). Mais c’est toujours une évolution exponentielle comme le décrivait ainsi Malthus en 1798 : « Portons à mille millions d’homme le nombre des habitants actuels de la Terre : la race humaine croîtrait selon les nombres, 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256 » Une exponentielle est une évolution si rapide qu’il est souvent trop tard pour agir. Albert Jacquard faisait remarquer que, avec un taux d’accroissement de seulement 0,5 % par an, la population humaine, qui était d’environ 250 millions il y a  deux mille ans, serait de 5000 milliards aujourd’hui. De plus le calcul de l’empreinte écologique montre que l’on a dépassé dès 1960 les capacités de soutenabilité de la planète. Or à l’époque, la Terre ne comptait que 3 milliards d’habitants. Le fait de disposer d’une source d’énergie abondante et bon marché, le pétrole, a permis un bond prodigieux, faisant passer la population mondiale à plus de 7 milliards d’individus en 2017. La disparition de cette source non renouvelable nous condamnera peut-être à revenir à un chiffre de population compatible avec les capacités de charge de la planète, soit à peu près le chiffre de la population antérieur à l’industrialisation (1 milliard en 1860). Le point de vue de Malthus semble toujours valide ; l’humanité devrait impérativement maîtriser sa reproduction. Une société de décroissance ne pourra par évacuer la question d’un régime démographique soutenable. A travers les écrits de Malthus et de ses successeurs, il nous faut comprendre que la question de la surpopulation humaine est à l’origine du sens des limites qui progresse aujourd’hui dans les mentalités. Le problème, c’est que certains spécialistes n’en sont pas convaincus.

En France particulièrement, l’approche malthusienne se heurte à une idéologie nataliste. L’Institut national d’études démographiques (INED), créé en 1945, s’est sous des dehors scientifiques mis dès l’origine au service d’une telle propagande. Son fondateur, Alfred Sauvy, était partisan d’une répression rigoureuse de l’avortement dans un de ses écrits de 1943. Le congrès du parti communiste en 1956 le répète : « Le malthusianisme, conception ultra-réactionnaire, remise à la mode par les idéologues de l’impérialisme américain, est une arme aux mains de la bourgeoisie pour détourner les travailleurs de la lutte pour les revendications immédiates, pour le pain, pour le socialisme. » La naissance du 50 millionième français en 1968, est présentée comme un exploit national. Délégué de la France au Comité de la population des Nations Unies en 1974, Alfred Sauvy montre l’ambiguïté du positionnement officiel. Il plaide pour la limitation des naissances dans les pays à croissance démographique rapide ; mais pour les pays riches à structure par âge  » vieillissante « , Sauvy est partisan au contraire de l’incitation aux naissances afin de préserver une proportion suffisante de jeunes dans la population. A ceux qui arguent d’un trop-plein de population, il leur oppose que l’agression de l’environnement est moins une question de  » surnombre  » qu’une question de mode de vie. Oui, incontestablement, si tout le monde devait consommer comme un Américain moyen. Mais à l’inverse, la pratique de la diète par le Burkinabé de base pourrait offrir encore une large marge de manœuvre. Alors que dans le premier cas la population devrait décroître pour revenir à 1 milliard d’individus, elle pourrait s’élever dans le second cas jusqu’à 23 milliards ! Ce n’est pas le genre de société que désirait Malthus, qui voulait voir s’améliorer le sort des catégories défavorisées et non aligner tout le monde vers le bas.

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pour mieux connaître le démographe MALTHUS

Le mot « démographie » n’apparaît qu’en 1850. Les ouvrages sur la population sont rares, et portent le plus souvent sur les bienfaits d’une population nombreuse. C’est pourquoi « l’Essai sur le principe de population » de Thomas Robert Malthus en 1798 est iconoclaste. Ce pasteur anglican émet l’hypothèse qu’une population ne peut pas durablement augmenter plus vite que les ressources qui lui sont nécessaires. Cette analyse est remise en question par la résurgence du natalisme et la négation des limites jusque dans les années 1960 ; place à la révolution agricole et à la croissance économique. La conscience malthusienne revient à l’ordre du jour uniquement parce que les contraintes écologiques qui pèsent sur la (sur)vie humaine deviennent de plus en plus palpables.

Thomas- Robert Malthus est né en février 1766 près de Wooton dans le Surrey. Il a grandi dans une Angleterre soumise au règne de la misère. Mais il est aussi contemporain des prémisses de la révolution industrielle ; les premières presses mécaniques à vapeur apparaissent en 1790. Le père de Robert, Daniel Malthus, était un admirateur de Rousseau et un franc partisan des idées utopiques de Godwin. Il tenta de faire partager à son fils son propre enthousiasme. Mais le jeune homme, mathématicien de formation, est incapable de prendre les désirs pour des réalités. Le père et le fils se lancèrent dans une grande discussion dont ils étaient coutumiers. Malthus, mauvais orateur en raison d’un défaut de prononciation, n’aurait pas réussi à convaincre son père. Il s’en serait retourné chez lui en emportant les livres de Godwin et de Condorcet. En quelques semaines, il aurait alors mis par écrit ses objections qui forment en 1798 la première version de son livre. Il s’agit alors plus d’un pamphlet que d’un livre construit : Essai sur le principe de population et comment il intéresse l’amélioration future de la société ; 50 000 mots sans donner de nom d’auteur. Il voulait porter un coup mortel à tous les rêves d’un univers harmonieux. Dans une note de l’Essai, Malthus précisera son idée de fond : « A ce qu’il me semble personnellement, celui qui indique le moyen d’atteindre un mieux relatif est un bien plus grand bienfaiteur de l’humanité que celui qui se contente de discourir sur les tares de la société actuelle et la beauté d’une société différente, sans indiquer une méthode concrète, immédiatement appréciable, pour accélérer notre progression de l’une vers l’autre. » En 1803 Malthus publie une nouvelle édition augmentée et la signe alors de son nom : « Essai sur le principe de population ou exposé de ses effets sur le bonheur humain dans le passé et le présent avec des recherches sur nos perspectives de supprimer ou de diminuer à l’avenir les maux qu’il occasionne. »

C’est en tenant compte des limites matérielles que nous pourrions arriver à une société en adéquation avec son milieu. En ce sens, on peut considérer que Thomais-Robert Malthus est un précurseur de l’écologie.. Malthus pourrait aussi être considéré comme un précurseur dans plusieurs domaine, ethnologique, religieux, éducatif. L’ensemble de cette analyse est bien entendu sous-tendu par la question de la décroissance, mouvement qui s’intéresse aujourd’hui à l’impossibilité d’une croissance infinie dans un milieu délimité. Alors, Malthus est-il un précurseur de l’écologie ou/et de la décroissance ? Il est intéressant de savoir que la maison d’édition « Le Passager clandestin » a refusé d’inscrire Malthus dans sa collection des « précurseurs de la décroissance » sur la motivation suivante : « Nous estimons que les thèses que Malthus avance sont trop éloignées des idées que nous souhaitons porter avec cette collection. Il nous semble qu’il serait nécessaire d’approfondir les objections et réserves qui ont été faites au sujet des thèses malthusiennes, mais ce travail ne nous paraît pas envisageable dans le cadre des petits opuscules de notre collection… » L’anti-malthusianisme sévit même dans la gauche bien pensante !

Pour rendre tangible la complexité des 920 pages de l’Essai de Malthus1, nous vous avons déjà fourni hier sur ce blog une synthèse avec présentation des textes même de Malthus.

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MALTHUS, considérations de Serge Latouche

Le livre écrit par Michel Sourrouille, « Malthus, un précurseur de la décroissance », a été refusé par les éditions « Le passager clandestin ». Sur ce blog biosphere, nous allons vous le proposer dans son intégralité dans les jours suivants, mais en 12 morceaux. En guise de préface, voici le point de vue de Serge Latouche :

« Dans la collection des Précurseurs de la décroissance que je dirige aux éditions Le passager clandestin et pour des raisons de divergence idéologique et/ou politique, l’éditeur s’est refusé de publier un ouvrage de Michel Sourrouille sur Malthus et ce, en dépit de mon insistance. Cet épisode est assez révélateur des passions que suscite encore aujourd’hui le « sinistre pasteur ». Mais il faut reconnaître que, pour le meilleur ou pour le pire, Malthus est un précurseur. Il est difficile d’être spécialiste d’un auteur sans éprouver à son égard un minimum d’empathie. Michel Sourrouille, spécialiste reconnu du malthusianisme sur lequel il a publié plusieurs écrits, se reconnaît non seulement de la sympathie pour le pasteur, mais s’avoue même malthusien militant.

On peut parler d’une affaire Malthus comme on parle d’une affaire Darwin, les deux n’étant d’ailleurs pas sans lien puisque Darwin a eu l’intuition de sa loi de sélection naturelle à la lecture de l’essai sur le principe de population. Héritiers de l’optimisme des Lumières et ardents croyants dans la théologie du progrès, les penseurs socialistes ont tiré à boulets rouges sur Malthus, partisan raisonné de l’aristocratie foncière, au point que Proud’hon pourtant généralement pondéré, déclare qu’il n’y a qu’un homme de trop sur la terre, c’est Malthus. Le coup de grâce a été porté par Marx qui critique l’idée d’une loi universelle et trans-historique de population et met en évidence, dans le cas du capitalisme, une loi de surpopulation relative, due au chômage et à la création d’un prolétariat surnuméraire, pour faire pression sur les prix. Du coup le problème du divorce inévitable entre croissance à long terme de la production et croissance de la population, n’est pas abordée, d’autant qu’aucune limite n’est posée à la croissance des forces productives. Si tout chez Malthus est discutable dans le détail, l’ensemble n’en demeure pas moins vrai ; à savoir, qu’il est absurde de penser « qu’un territoire limité peut nourrir une population illimitée». Ma position personnelle qui correspond à celle des principaux théoriciens de la décroissance est que, si une croissance économique infinie est incompatible avec une planète finie, il en va aussi de même pour la croissance de la population.

Le mouvement de la décroissance est né comme protestation contre l’imposture du développement durable, cet oxymore qui mettait tout le monde d’accord en noyant la contradiction entre la croissance et les limites de la planète dans les mots et en présentant le projet, comme unique voie d’avenir pour l’humanité. Il convenait de dénoncer en premier lieu l’illimitation du paradigme économique dans le productivisme et le consumérisme. La crise écologique vient d’abord de cette illimitation. L’illimitation démographique, trop souvent instrumentalisée par ceux qui ne veulent rien entendre de la nécessité de remettre en cause l’économie de croissance est seconde. Le problème, c’est d’abord qu’il y a trop d’autos, plutôt que trop d’hommes (même si chaque auto suppose un automobiliste…), que les Américains consomment trop plutôt que les Chinois soient trop nombreux, (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne le soient pas…). La question démographique, de ce fait, est donc seconde en théorie, mais cela ne signifie pas qu’en pratique elle soit secondaire. Loin de là. Même si les Burkinabés produisent peu et consomment peu, leur multiplication pose problème : la disponibilité en terre, la déforestation, la pression foncière dans les centres urbains, la dégradation des infrastructures, etc. et finalement la diminution de la qualité de vie pour eux et pour les autres, s’ils émigrent à l’étranger. La question démographique doit être prise très au sérieux, mais en évitant de dramatiser à outrance. En dépit des menaces de toutes natures, ni la solution écologique, ni la solution à la surpopulation ne peuvent se mettre en place du jour au lendemain et encore moins par oukase.

Il faut noter d’ailleurs que le problème n’est pas seulement, voire pas prioritairement, celui de la disponibilité alimentaire dont on peut discuter l’urgence, mais celui de la qualité de vie. Michel Sourrouille en est parfaitement conscient et le souligne à la suite de Claude Levi-Strauss et de bien d’autres. En particulier, plus les hommes sont nombreux, moins il reste de place pour les autres espèces. Même si certains disciples d’Arne Naess, sont devenus les prophètes d’un anti-spécisme délirant, l’écologie profonde délivre sur ce point un message fort. Il est raisonnable de laisser aux autres (animaux et végétaux) source de la biodiversité une juste place. Mais cela n’est pas du Malthus. Pour la capacité de charge alimentaire qui est sa préoccupation centrale, les spécialistes soulignent que jusqu’à maintenant le problème ne vient pas tant d’une insuffisance de la production, que du mode de répartition. Selon les statistiques, le gaspillage incroyable des riches pourrait nourrir à suffisance tous les affamés. Techniquement, si l’on en croit, l’agronome, Marc Dufumier, et l’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Olivier du Schutter, l’agriculture biologique et la permaculture permettraient de nourrir les 10 ou 12 Milliards d’individus attendus pour la fin du siècle, ce que ne pourrait faire l’agriculture productiviste basée sur le pétrole.

Toutefois, on aura beau faire et beau dire, si ce n’est aujourd’hui ou demain, Malthus finira toujours par avoir raison après-demain. La vérité de bon sens qu’il a très habilement formulé dans son modèle opposant la progression arithmétique de la production agricole à la progression géométrique de la population « naturelle » s’imposera nécessairement. Ce principe simple, voir simpliste, est incontournable, en dépit de toutes les faiblesses sur lesquelles il repose et de toutes les critiques qui lui ont été adressés, vérifiant par là la boutade de Paul Valéry : « tout ce qui est simple est faux, mais ce qui n’est pas simple est inutilisable… ».

Le dossier « Malthus » ne sera pas clos par cet essai de Michel Sourrouille, et ne le sera sans doute jamais, mais ce dernier contribue à éclairer le lecteur de bonne foi sur le problème, en particulier dans l’optique de la nécessaire décroissance. »

Serge Latouche

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Féminisme, birth control et surpopulation

Né en Angleterre au XIXe siècle, le combat néo-malthusien (Birth Control (BC) – contrôle des naissances) est mené surtout par des féministes. La Hollande possède sa Ligue néo-malthusienne dès 1882. Aux Etats-Unis Margaret Sanger fonde en 1914 la revue La femme rebelle prônant l’émancipation de la femme et le contrôle des naissances. En 1916 elle ouvre la première clinique de BC des USA. La Ligue américaine de BC est fondée en 1921. Quels sont leurs principes directeurs ? Il faut que les enfants soient : 1° conçus dans l’amour ; 2° naissent d’une mère qui les désire ; 3° soient engendrés dans des conditions qui leur assurent les meilleures chances de santé et d’éducation. Pour atteindre ces buts, il est nécessaire que chaque femme possède la liberté de restreindre le nombre des naissances, sauf lorsque les conditions de vie sont satisfaisantes. Ces ligues ont pour objet : 1° de répandre l’idée que la paternité et la maternité doivent être volontaires et que seuls les gens aptes devraient être autorisés à avoir des enfants ; 2° de lutter pour faire admettre officiellement le “birth-control”, en provoquant l’abolition des lois qui s’opposent à sa diffusion. En Angleterre le mouvement est conduit par Marie Stopes qui fonde en 1921 les Cliniques maternelles pour un BC constructif ; une multitude d’autres suivront, comme les Centres de bien-être féminin fondés par la Ligue malthusienne d’Annie Besant. En U.R.S.S., le néo-malthusianisme reçoit un encouragement officiel en 1923. En 1926 la Chambre des Lords autorise l’enseignement du BC. L’église d’Angleterre (anglicane) avait déjà parlé en sa faveur en 1923. L’union des diverses associations prend le nom d’Association de Planning Familial en 1939. En Italie en revanche, la loi de 1926 interdit toute propagande. En Suisse les cantons catholiques s’y opposent, mais les cantons protestants l’admettent. En Belgique une loi de 1922 la réprime, et en France la loi du 31 juillet 1920 l’interdit totalement.

Après 1945, la préoccupation première est d’endiguer l’“explosion démographique”. En 1948, William Vogt, directeur de la commission pour la reconstitution des sols de l’ONU, lance un cri d’alarme dans son livre La faim du monde. Il prédit une catastrophe si un plan n’est pas mis en œuvre. Son axiome fondamental est que l’élévation du niveau de vie ne peut se faire que par réduction de la population. Vogt estime que le développement démographique est dû à la cessation de la sélection naturelle, du fait des découvertes en hygiène et en médecine : « L’homme trouvait à sa portée des moyens de lutter contre une longue suite de maladies, et le plus efficace instrument de limitation des populations commença à disparaître. » En 1952, John D. Rockefeller III fonde le Conseil de la Population. Dans Enrichir la Vie il explique : « À mon avis la stabilisation de la population n’est pas un frein mis au développement de l’humanité, mais tout au contraire un soulagement qui, en multipliant les chances de chacun, rend l’homme libre de conquérir sa dignité naturelle et de développer toutes ses possibilités ». En juin 1965, le président Johnson déclare devant les Nations Unies : « Agissons en tenant compte du fait que moins de 5 dollars investis dans le contrôle de la population, équivaut à 100 dollars investis dans le développement économique ». En 1969, le général Draper  lance la formule qui fera fortune de “croissance zéro” (Zero Population Growth, d’où le nom de zegistes). En 1972 paraissent de nombreux rapports : le Mémoire à usage interne sur le rôle de l’Europe dans un monde en danger de Sicco Mansholt, vice-président de la Communauté Economique Européenne,; le rapport Meadows du Massachussets Institute of Technology (MIT), intitulé « Les limites de la croissance ». René Dumont écrit dans l’Utopie ou la mort : « Il n’est plus possible de s’en remettre à la seule planification familiale car elle se contente d’empêcher la venue au monde des enfants non désirés. La survie de l’humanité ne peut plus être confiée au bon vouloir d’un nombre aussi élevé de procréateurs plus ou moins irresponsables. (…) Des mesures autoritaires de contrôle de la natalité vont donc devenir de plus en plus nécessaires, mais elles ne seront acceptables que si elles commencent par les pays riches et par l’éducation des autres. (…) L’abandon des petites filles dans les familles chinoises pauvres (…) ou au Japon, peuvent être considérés comme comportant une certaine sagesse. (…) En France, en Europe (…) on commencera par supprimer tous les avantages (fiscalité, logements) et surtout les allocations familiales au delà du deuxième enfant. Aux États-Unis, il faudrait aller plus loin, taxer les familles nombreuses de plus en plus lourdement avant d’en arriver à des quotas autoritaires  »

Vingt ans plus tard, le représentant des U.S.A. à la Conférence sur la Population et le Développement du Caire, qui se tient du 5 au 13 septembre 1994, déclarera : « Le Président Clinton est profondément engagé à placer la population au premier rang des priorités internationales de l’Amérique. (…) Le gouvernement des USA croit que la Conférence du Caire manquera à ses devoirs si elle ne développe pas des recommandations et des lignes de conduites concernant l’avortement. Notre position consiste à appuyer le choix reproductif, y compris l’accès à l’avortement. ».

source : https://fsspx.news/fr/eugenisme-hier-et-aujourdhui-9%E2%80%AF-le-courant-neo-malthusien-59160

NB : le plus étonnant c’est que cette étude historique bien documentée provienne de la fsspx (= Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X), une mouvance catholique intégriste.

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Bien trop d’humains sur une petite planète

L’idée d’une surpopulation humaine commence à faire son chemin dans les mentalités. Ainsi ces commentaires sur lemonde.fr à propos d’un article intitulé « Sommes-nous trop nombreux ? » :

jmv56 : La surpopulation est une évidence et c’est ce qui explique les migrations, la faim dans émonde, la détérioration de l’environnement……Il est indispensable que tous les pays régulent leur population pour leur propre sécurité et celle du monde

Camtaoij : Je ne comprends pas qu’on se pose encore la question de savoir si oui ou non nous sommes trop nombreux. Nous épuisons notre planète à grande vitesse. La France n’est pratiquement qu’un immense champ qu’on recouvre de pesticides. Même les forêts ne sont que des champs de bois. Avec 1 milliard d’humains, la Terre ne serait pas dépeuplée, vide ou triste : elle serait simplement à son niveau des années 1800. Il y aurait alors de la place pour tous, sans devoir s’agglutiner dans de minuscules appartements, dans d’immenses tours. On pourrait produire de façon durable tout ce dont on a besoin. Il y aurait aussi de la place pour la nature, pour que des écosystèmes aujourd’hui complètement anthropisés se reconstruisent et retrouvent leurs équilibres. Alors oui, la planète peut sans doute nourrir 10 milliards de personnes. Mais pour cela il faut finir de la transformer en immense usine d’êtres humains. Qui veut vraiment de ça ?

Ritalu : Sommes-nous capables d’assurer une vie décente aux 8 milliards d’humains? NON alors arrêtons avec le slogan biblique « croissez et multipliez vous ». Maintenant la question est de savoir quels politiciens veulent vraiment une vie décente pour chacun quand 1% de la population détourne 15% de la production pour autrefois construire des cathédrales et pour vivre aujourd’hui dans une opulence à vomir.

Francis.C : Il faut être clair : si les ressources de la planète ne sont pas encore épuisées (même si on s’en rapproche), c’est parce que la majorité des humains est très pauvre et donc consomme peu. Pas de quoi se réjouir, quelle que soit la façon dont on envisage le problème. Quand axu modèles démographiques qui ne prennent pas en compte le fait que la croissance (population et/ou niveau de vie) sera sous contrainte biophysique, ils ne valent pas grand chose.

SyM : Plus les ressources énergétiques d’une population sont abondantes, plus elle croît, et vice versa. Donc pour l’humanité, quand on aura tout épuisé, et c’est bien enclenché puisque la quantité de pétrole disponible atteint son pic et que les autres ressources naturelles s’épuisent à une vitesse de plus en plus folle, la population s’effondrera. Dans quelles conditions ? C’est à cette question abyssale que les écologistes essayent de sensibiliser, car ils ont trop peur de connaître la réponse… Et oui, l’écologie c’est aussi une science.

Grand Enfant : Quand l’humain est entouré de beaucoup d’araignées, il dit qu’il y a trop d’araignées. On peut remplacer araignées par moustiques, mouches, lapins, sangliers, méduses, etc. Mais non, les humains ne sont pas nombreux, eux dont la biomasse, associée à leurs animaux domestiques, dépasse, que dis-je, écrase celles de tous les autres mammifères sauvages (il n’en était pas ainsi il y a 10000 ans). L’humain est cause de disparitions d’espèces, de diminution d’espaces sauvages, de pollution des cours d’eau et des terres, de raréfaction de réchauffement climatique. Un élève de CM2 comprend très bien pourquoi une population divisée par 10 polluera son environnement 10 fois moins, toutes choses étant égales par ailleurs. Une population limitée (volontairement), c’est un niveau de vie préservé.

jean-claude meyer : Cela est une évidence que la population d’êtres humains est bien trop élevée. Des études montrent que nous sommes déjà 3 milliards de trop. Cela entraîne une pauvreté grandissante et surtout la mise à sac de la planète, déjà affectée par le réchauffement climatique. Les batailles pour l’eau ont déjà commencé, celles pour la nourriture vont crescendo.

mon pseudo : Petit rappel, il n’existe aucun modèle démographique stable, soit la population explose, soit elle chute. Quand une population de nénuphars double tous les jours dans sa mare, la régulation change bien avant le dernier jour, car faute de place ou de nourriture la croissance exponentielle s’effondre. Ainsi va la nature, une période de croissance, une de décroissance, c’est cyclique. Les Cassandre n’ont pas tort, lorsque quelque élément vital commencera à manquer la population humaine baissera nécessairement.

Arbacèles : Pour faire simple, si nous mettons le monde entier au niveau de vie de la France, nous consommerions 2,7 fois la capacité de renouvellement de notre planète… nous sommes donc (suivant ces paramètres) 2,7 fois trop nombreux.

Lllk : Vous avez raison Arbacèles, mais avec deux degrés de plus, la capacité de ‘renouvellement’ de la Terre sera sûrement affectée et il est fort probable que le facteur 2,7 soit sous estimé !

Félix 86 : C’est une évidence. Ça ne sert pas à grand chose de réduire nos émissions de gaz à effet de serre si la population continue d’augmenter à ce rythme. Plus 100 millions d’humains chaque année, c’est comme vouloir arrêter la marée montante avec une serpillière !

Pour en savoir plus il suffit de lire la rubrique démographie sur notre blog biosphere.

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Gisèle Halimi, maternité n’est pas obligée

Le dernier message de Gisèle Halimi, morte à 93 ans le 28 juillet : « Je ne crois pas en une « nature » féminine pas plus qu’en une « nature » masculine. Je ne crois pas en « l’éternel féminin », cette aimable plaisanterie inventée par des machistes pour mieux nous circonscrire. Les théories essentialistes ne sont pas ma tasse de thé. J’ajoute : refusez l’injonction millénaire de faire à tout prix des enfants. Elle est insupportable et réduit les femmes à un ventre. Dépossédées de tout pouvoir, elles n’ont longtemps eu droit qu’à ce destin : perpétuer l’humanité. Et malheur aux femmes stériles (qu’on ne se privait pas de répudier) ou au choix de la « nullipare » : il était incompréhensible, sinon répréhensible. La « mère » était souveraine. La littérature, les conventions sociales, la publicité, les lois en ont créé un stéréotype, que l’on assoit sur un trône, auréolé de son abnégation et de son oubli d’elle-même. On méprise la femme, mais on vénère la mère, dont l’enfant devient l’ornement.

J’ai moi-même enfanté. Par trois fois. Ce n’était ni par conformisme ni par besoin de substitut. Mais par curiosité. Une curiosité insatiable, trait fondamental de mon caractère. Une curiosité féministe : je voulais savoir ce que grossesse et accouchement provoqueraient dans mon corps et dans ma vie de femme. Aurais-je encore envie de lire des nuits entières ? De faire l’amour ? D’écouter de la musique ? Pourrais-je travailler, plaider, interférer avec les autres ? Porter et mettre au monde un enfant me semblait l’ultime expérience de mon destin biologique. Il fallait que je le vive plutôt que de le lire pour le théoriser. Et puis je l’avoue, je désirais une fille. Chaque fois. De toute mon âme. C’eût été si intéressant ! Quel défi pour une féministe ! Élever une fille dans un monde régi et pensé par les hommes. L’éveiller à ses dons, lui révéler sa force et lui donner confiance. Incarner la femme libre qu’elle aurait été plus tard. Lui offrir en somme tout ce dont ma mère Fritna m’avait privée. Fritna qui roucoulait : « Mon fils, mon fils ! » mais me refusait toute étreinte et le moindre baiser…

Eh bien j’affirme que la maternité ne doit pas être l’unique horizon. Et que l’instinct maternel est un immense bobard à jeter aux poubelles de l’histoire. Je n’y ai jamais cru. La vie n’a fait que confirmer mes intuitions. Alors j’insiste : soyez libres ! La maternité n’est ni un devoir ni l’unique moyen d’accomplissement d’une femme. Elle mérite réflexion, considération, sans aucune autocensure : pourquoi faire un enfant ? Sauver le monde ? Se reproduire ? Laisser une trace ? Ce doit être une décision prise en liberté, et en responsabilité, hors pressions bibliques ou conditionnement social. Un engagement réfléchi et lucide. »*

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

8 mars 2020, Écoféminisme et question démographique

29 décembre 2018, Faire moins d’enfants, c’est le geste écolo primordial

28 février 2018, Nullipares, childfree, les personnes sans enfants

22 décembre 2017, Le tabou de la contraception en France et en Afrique

29 décembre 2016, Féminisme, sensibilité écologique et refus de maternité

28 octobre 2016, Je regrette vraiment d`avoir eu un enfant

31 mai 2014, Démographie et Ecologie, un sujet extrêmement tabou

20 février 2014, Est-ce vraiment rétrograde que d’accepter sa stérilité ?

30 octobre 2013, Surpopulation, la faute aux machos et autres sexistes

8 mars 2012, sombrer dans le chaos par surpopulite aiguë

16 mai 2010, liberté contraceptive ou planification ?

29 juin 2008, accepter sa stérilité

* extraits du dernier livre de Gisèle Halimi, « Une farouche liberté », reproduits par LE MONDE papier du 13.08.2020

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Pas de soutien aux familles nombreuses !

Le soutien à la natalité en France a d’abord résulté d’initiatives privées, telles que les « sursalaires » versés dans des entreprises de type paternaliste à la fin du XIXe siècle dans un contexte de concurrence démographique exacerbée entre les nations européennes : le nombre de soldats fait les force des armées ! L’effort de la Nation en faveur de la natalité a été formalisé en 1932 dans la loi « Landry » qui généralise le principe des sursalaires familiaux pour tous les salariés de l’industrie et du commerce ayant au moins deux enfants. Ce natalisme politique est complété par un décret-loi du 12 novembre 1938 créant des allocations familiales indépendantes des salaires ou des entreprises. Cette politique du nombre, intensifiée sous le gouvernement de Vichy, s’est traduite par l’intégration de la politique familiale au sein de la Sécurité sociale dans l’ordonnance du 4 octobre 1945. Il s’agit aujourd’hui d’une politique visant une redistribution horizontale des ménages sans enfants vers des familles avec enfants, même les familles aisée sont aidées ! Dans le débat public, gauche et droite confondus, nulle remise en cause de cette pratique expansionniste. On se contente de se demander s’il faut supprimer les allocations familiales pour les foyers les plus aisés et donner davantage aux familles modestes ! Mais quand on a un faible niveau de revenu, on n’a pas besoin de faire des enfants, prévision de leur avenir oblige. Ainsi parlerait un malthusien. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, inverse les données : « Quand on a un niveau de revenu élevé, on n’a pas forcément besoin des allocations familiales ».

Le système pro-fécondité a été réformé sous le quinquennat de François Hollande ; il a mis un terme à l’universalité totale qui prévalait jusqu’alors en abaissant les allocations des plus aisés. Ainsi, depuis 2015, les allocations familiales, qui sont versées seulement à partir de la naissance du deuxième enfant, sont modulées en fonction des revenus du ménage.

Mais à l’heure de la surpopulation généralisée, peut-on accepter en France que les childless soutiennent les mères pondeuses ? Dans la récente proposition de loi de la députée Nathalie Elimas sur la réforme des Allocations familiales, il y a certes une allocation « pour le premier enfant », mais malheureusement un maintien du système progressif actuel (plus on a d’enfants, plus on gagne) avec la volonté affichée d’augmenter la natalité « pour absorber les coûts sociaux et de santé des plus âgés ». Comme si les jeunes et les chômeurs n’étaient pas eux aussi des personnes à charge. La France reste résolument nataliste dans ses politiques publiques… et notons que Madame Elimas est maintenant Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et des Sports, chargée de l’Éducation prioritaire. Comment penser malthusien ?

Le MEI (Mouvement des écologistes indépendants) s’est prononcé pour une réorientation des allocations familiales. Voici en résumé leurs positions : « La poursuite d’une politique volontariste en faveur de la natalité peut être mise en cause du triple point de vue écologique, moral et économique. Écologique d’abord, car la planète ne supporte plus nos effectifs… Problème moral ensuite, les allocations familiales sont d’abord des prélèvements qui touchent ceux qui, par leur relative retenue démographique se comportent de la façon la plus responsable et la plus écologique… Économique enfin, car quelle est la logique de ce soutien inconditionnel à la natalité ? On nous dit souvent qu’il faut préserver l’avenir. C’est une triste plaisanterie… Peut-on sérieusement compter sur une société qui, pour notamment financer les retraites, exigerait que chaque génération soit plus nombreuse que la précédente ? … On ne financera pas les retraites avec les chômeurs… » Le MEI propose une allocation de 100 euros dès le premier enfant (au lieu de 0 actuellement) et de garder le même montant quel que soit le nombre d’enfants. Nous pensons de notre côté que l’Etat n’a pas à intervenir financièrement dans le  choix du nombre d’enfants par les familles : il ne donne rien. Par contre la formation des enfants (et des parents) doit porter aussi sur la capacité de charge de la planète : à chaque couple d’en tirer les conséquences et d’assumer ses propres choix.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

16 juillet 2020, Abandon du natalisme et politique migratoire

21 mars 2018, Supprimer le quotient familial, une très bonne idée !

19 octobre 2017, Pour une politique familiale sans allocations natalistes

23 octobre 2014, La politique familiale entre natalisme et malthusianisme

13 mars 2013, une politique familiale sans allocations familiales ?

12 janvier 2012, à la place du quotient familial, un permis de procréer

19 avril 2008, rien aux familles, pas d’allocations familiales !

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Les êtres humains sont-ils trop nombreux ?

Bruno Tertrais est un illusionniste qui veut en finir avec le catastrophisme des écolos. Son copain Alain Frachon, éditorialiste au MONDE, soutient son dernier ouvrage, « Le Choc démographique », qui n’apporte absolument rien à la compréhension de la rupture écologique en cours : «  En 2050, la transition démographique sera en voie d’achèvement, au niveau juste nécessaire au remplacement des générations… L’humanité entre « dans l’âge adulte »». Les commentateurs sur lemonde.fr taillent en pièce cette idée d’une arrivée miraculeuse à une démographie « juste nécessaire » :

PierreC21 : L’article réussit l’exploit de ne pas aborder une seule seconde la question de la soutenabilité pour la planète d’une population d’environ 10 Mds d’habitants aspirant tous au même niveau de vie que l’Occident. Indépendamment de la trajectoire démographique, les écologistes font simplement remarquer à juste titre que les ressources naturelles sont déjà extraordinairement sous tension avec « seulement » 7,7 Mds d’êtres humains. Le Monde devrait laisser de telles questions à ses spécialistes du sujet plutôt qu’à M. Frachon, qui ne le maîtrise manifestement, et semble laisser entendre que le problème de la surpopulation va se résoudre de lui-même…

Michel SOURROUILLE : L’année de ma naissance en 1947, la population mondiale était de 2,3 milliards, de façon développée 2 300 000 000 personnes. Ce chiffre me semble déjà vertigineux. Mais si je vivais centenaire, les statistiques pour 2047 de l’ONU prévoient 9,3 milliards d’êtres humains, soit une multiplication par 4 au cours de mon existence. Insupportable. Comment nourrir suffisamment et loger décemment 7 milliards de personnes de plus au cours d’un seul siècle ? N’importe lequel d’entre nous devrait être terrifié par l’ampleur de cette marée humaine. Arrêtons de faire trop de gosses, devenons malthusiens ! Malheureusement les politiciens en France et ailleurs veulent toujours plus de chair à canon pour affirmer leur « puissance », les chefs d’entreprise veulent de la main d’œuvre surnuméraire pour baisser les salaires, et même certains écologistes se veulent anti-malthusiens !! Alors une décroissance volontaire de la population mondiale, je n’y crois pas du tout !!!

Coolektif : Chacun doit donc dire, « oui, je suis trop nombreux!.. ». Se compter dans ce surnombre démographique est la moindre des choses. Pourquoi ce sont « LES AUTRES » qui seraient trop nombreux ? Question bien embarrassante !

Iphigenie : Un rapport de l’ONU nous explique qu’il va y avoir 500 millions de personne en plus dans le Sahel dans les 30 prochaines années. Les rapports du GIEC, qui émanent de l’ONU, nous expliquent que le semi-désert du Sahel va se transformer en désert total dans les 30 prochaines années. Tant qu’on fait des rapports dans son coin en ne regardant qu’une variable, c’est inutile et idiot

Ced5999 : C’est comique de dire que la « bombe démographique » n’a pas lieu …. Alors que si la planète se porte aussi mal actuellement c’est justement à cause d’un accroissement de la population massif qui n’a jamais eu lieu dans toute l’histoire humaine. Cet accroissement est tellement spectaculaire et rapide qu’il engendre toute une série de phénomènes de dégradation de notre environnement qui n’auraient pas eu lieu si l’on était pas presque 8 milliards d’habitants actuellement. Et la recherche de modernité et de confort a laquelle aspire n’importe quel humain sur cette planète entraîne une dégradation de l’environnement sans doute irréversible pour des milliers d’années. Mais c’est sans doute plus simple de dire que tout va se réguler tout seul …

Bobby Videau : Je crois que ce sujet a été réglé depuis un moment : il faut de la croissance économique dans les pays les plus pauvres afin qu’ils améliorent leur niveau de vie et accèdent aux services de base (éducation, santé), ce qui conduira à une baisse du taux de fécondité et à une stabilisation de leur population. En revanche il faut de la décroissance économique dans les pays riches (Europe, USA, Canada, Australie, Japon, une partie de la Chine…) afin de limiter la catastrophe écologique en cours. Ca c’est dans un monde idéal, mais dans la réalité je doute que cela se passe de cette manière.

Lustukru : La nature échoue, pour le moment, à mettre fin à l’existence de cette engeance maléfique qui n’a d’autre but que la destruction ou l’esclavage de toute autre espèce vivante. L’humain est un virus mortel pour toute forme de vie, on souhaite, pour le reste de la Galaxie, qu’il reste confiné sur sa planète pour finir par s’auto-dévorer.

-Alazon- : L’idéal de l’écologiste c’est une nature sans hommes, ou à l’extrême limite avec quelques chasseurs-cueilleurs.

He jean Passe : Personne ne parviendra à faire croire aux terriens qu’à 9 ou 10 milliards ils vivront mieux qu’à 2 ou 4 milliards d’humains. Les seuls pays où l’on vit bien sont ceux (tels les pays scandinaves) où la population et sa densité sont faibles. On sait que l’humanité consomme plus de ressources que la planète ne peut en régénérer et produire. Notre avenir ressemblera soit à « soleil vert » soit, au mieux, à celui d’humains vivant dans un environnement appauvri et dégradé, condamnés à vivre par écran interposé avec un revenu minimum en attendant de laisser un peu de place aux suivants. La démographie est une bombe qui est devenue désormais quasi incontrôlable, les religieux et les marxistes en sont responsables.

ParisGapExpress : Bien que discrédité par la plupart des économistes qui ne savent penser qu’en termes de ressources infinies, Malthus avait raison.

gbouvier : Cet article me laisse perplexe. Dans un autre domaine (le « climat », par exemple), si quelques chercheurs se permettaient d’aller contre le courant ultramajoritaire, ils seraient disqualifiés voire ostracisés. On parle ici d’une poignée de démographo-sceptiques, inventant les hypothèses ad hoc pour qu’une stabilisation de la population mondiale se produise assez vite. Alors que la communauté des démographes s’accorde pour estimer un ralentissement de la croissance, mais doute d’une stabilisation à horizon 2100. Il semble que l’on a décidé une fois pour toutes que Malthus est méchant (voire de droite). Il s’en suit un aveuglement idéologique inquiétant quant aux conséquences néfastes de la surpopulation. On y ajoute le couplet bien pensant des vertus de l’immigration (hors sujet, les migrations déplacent les gens, sans effet sur le total) et celui du dynamisme de l’Afrique (la repentance ?) qui va enfin se concrétiser (ça se dit depuis 50 ans …) pour aboutir à ce gloubi-boulga

le sceptique : A. Frachon n’est probablement pas familier de ces débats. Une croissance démographique jusqu’à 9-10 milliards d’humains, couplée à une croissance économique permettant de converger vers le niveau de vie de l’Occidental moyen, c’est à peu près la réalisation (et non réfutation) du cauchemar des nombre d’écologistes. En fait, il y a une écologie des limites physique affirmant « on ne s’en sortira pas » (celle-là peut éventuellement être mise en défaut par l’innovation depuis Malthus) et il y a une écologie de protection de la nature affirmant « on s’en sortira peut-être mais au prix d’une dégradation du climat et du vivant actuels, qui va imprimer sa marque pendant des millions d’années sur Terre ». Or, la seconde prédiction est probablement vraie, en fait elle est déjà un constat.

César Bistruk : Cet article de Frachon pose problème en des termes inappropriés, et donc apporte de mauvaises réponses. La population supportable par la planète est celle ramenant le jour de l' »Earth Overshoot Day » au 31 déc., moyennant des conditions modernes de vie comparables à celles de la classe moyenne européenne, admettons. Cette population idéale, la cible, doit déterminer les politiques démographiques. À la louche, elle semble être bien inférieure à la moitié de la population humaine actuelle. En 2019, ce jour du dépassement tombait en juillet.

Pour en savoir plus il suffit de lire la rubrique démographie sur notre blog biosphere.++++

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Mourir de faim, un choix volontaire

690 millions de personnes, soit 8,9 % de la population mondiale, sont sous-alimentées selon les données de 2019. C’est le constat du Rapport annuel sur « L’état de la sécurité alimentaire dans le monde » (baptisé rapport SOFI). En élargissant à la notion plus vaste d’insécurité alimentaire, qui désigne les difficultés d’accéder de façon régulière à une nourriture saine, équilibrée et nutritive, les Nations unies calculent que 2 milliards de personnes, soit plus d’un quart de la population, étaient touchées en 2019. L’émaciation, caractérisée par un faible poids par rapport à la taille de l’enfant, touche notamment 340 millions d’enfants, soit 6,9 % des enfants de moins 5 ans. Maximo Torero, économiste en chef à la FAO, mentionne l’aide aux populations vulnérables et des mesures de régulation de l’industrie agroalimentaire, il ne dit rien sur l’analyse malthusienne qui montre que famine et surpopulation sont intiment liées. Heureusement les commentateurs sur lemonde.fr compensent cet oubli trop fréquent :

lecteur assidu : Le titre du MONDE devrait être «  la natalité continue à progresser dans le monde » au lieu de « La faim dans le monde en progression lente mais continue » … Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.

Hum : La surnatalité est le problème.

Jean Pense Pamoins : Cher Hum, vous avez raison, « surnatalité = dépassement des capacités d’éducation = Ignorance = saccages des ressources comme déforestation et perte de la terre nourricière. Ignorance = prévalence des coutumes et des religions. Ignorance = rôle traditionnel des femmes soumises aux hommes = surnatalité. » La boucle est bouclée.

FOJ : Trop d’humains et des ressources limitées, mais chute, parler démographie est toujours tabou… Avec le réchauffement climatique, la montée des eaux qui l’accompagne et le pic du pétrole que nous avons déjà passé, croire que le problème de la faim dans le monde va se résorber est au mieux naïf. L’explosion démographique est la cause de tous nos maux. Quand le pétrole sera rare la nature se chargera de réduire drastiquement la population humaine à notre place. De toute façon nous autres humains sommes tellement irrationnels sur toutes ces questions qu’il ne fait aucun doute que le pire est à venir.

Paris13 : Je n’ai jamais compris pourquoi des gens mal nourris, vivant dans des conditions précaires et insalubres, faisaient autant d’enfants dont, bien sûr, la vie sera aussi, sinon plus, difficile que celle de leurs géniteurs ??

Georges : La malnutrition vient souvent d une trop forte population : rappelons que la Chine a réussi à contrôler sa population alors que connaissant des famines, ce que l’Afrique peut entreprendre aussi. Rétrospectivement, la générosité européenne et US d’aider l’Afrique en vaccinant sa population ne l’aura peut être pas aidé, entraînant une surpopulation et un saccage de ses ressources naturelles. Aider des pays sous développés est parfois contre productif pour eux, il me semble.

Rabino : Cette idée de l’ONU qui doit intervenir et aider les pays pauvres est néfaste et dépassée. C’est à chaque pays et à chaque État de s’organiser pour équilibrer production et consommation selon les habitudes alimentaires et les possibilités du terrain. Là où les ressources ne sont pas suffisantes pratiquer un contrôle des naissances rigoureux. C’est irresponsable de laisser une démographie

galopa : LA PLANÈTE NE PRODUIT PAS ASSEZ OU LE TIERS-MONDE ENFANTE TROP ? Les pauvres ont beau défricher l’Amazonie ou l’Asie à grande vitesse et pratiquer l’agriculture la plus intensive, il n’y a pas assez de tomates. Faisons des lâchers de préservatifs sur le TIERS-MONDE.

Éric42600 : Pas terrible votre réponse, Galopa. Les comportements humains ne sont pas différents de ceux des animaux : ont fait davantage d’enfants en situation d’insécurité alimentaire afin qu’au moins un ou deux arrivent à l’âge adulte. Quant aux lâcher de préservatifs on vous attend avec impatience dans les campagnes africaines.

In varietate concordia : « Je voudrais rassurer les peuples qui meurent de faim dans le monde : ici, on mange pour vous. » – Coluche

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9,7 milliards, la population mondiale en 2064

Selon une étude publiée par la revue médicale The Lancet, la population mondiale pourrait atteindre son pic en 2064, à 9,7 milliards d’individus, et entamer alors un déclin pour redescendre à 8,8 milliards de Terriens à la fin du siècle. Les chercheurs anticipent une baisse globale du nombre de naissances par femme, en raison d’un meilleur accès aux moyens de contraception et d’un niveau d’éducation des filles plus élevé, qui retarderait l’âge de la première naissance. Selon le démographe Gilles Pison, le scénario de convergence des pays vers un taux de fécondité plus bas que celui estimé par l’ONU reste « une hypothèse spéculative ». Ces données diffèrent des projections effectuées tous les deux ans par les Nations unies (ONU) qui prédisent un pic de la population mondiale à la fin du siècle (à 10,8 milliards), mais n’ont jusqu’alors pas anticipé de décrue au cours du XXIe siècle.

Les experts de l’ONU s’appuient sur l’évolution passée des indicateurs de mortalité et de fécondité. L’équipe de l’IHME a anticipé que les décisions politiques, notamment en matière d’éducation et de santé, pouvaient influer la fécondité. Les commentateurs sur lemonde.fr mettent en pièces cette étude de sociologie prédictive :

ROBIN C. : Toutes les projections démographiques effectuées ces dernières décennies se sont trompées en surestimant la baisse de la natalité et donc en sous-estimant la croissance de la population.

Thymie : Bien peur que ce soit une chimère. Les mesures souhaitables sont connues (émancipation des filles et femmes dans les pays à explosion démographique, avec accès à contraception, voire IVG, partage moins mauvais de la richesse mondiale). Mais la nature humaine a horreur de la raison à long terme, et préfère la jouissance à court terme, depuis… Adam et Eve.

Nawak : Peut-on sérieusement croire que dans les pays du Sahel ou en Égypte les politiques mettent à disposition des femmes des moyens de contraception alors que l’augmentation de leur population est justement un objectif politique ?

François Sibeins : comment croire qu’un pays comme l’Italie ou l’Espagne perdrait la moitié de ses habitants d’ici 2100 ? Idem la Chine?

Nicéphore Phocas : Passer d’un indicateur de fécondité de 7 enfants par femme à moins de 2 au Niger, je demande à voir (enfin non, je ne serai plus là pour vérifier)

Gotgot : L’Inde au 3ème rang mondial pour le PIB/habitant ? Je pense que le « /habitant » est de trop, sachant qu’aujourd’hui ils ne sont pas au 7ème rang /habitant, mais loin, très loin de là…

Le Dingue : On parle de décroissance après un pic alors que le chiffre mentionné à l’issue de cette décroissance est supérieur à celui d’aujourd’hui. Bonjour le problème.

Démographie Responsable : De toute façon, la planète est déjà largement surpeuplée et les 8,8 milliards annoncés par cette étude pour 2100, c’est évidemment encore beaucoup trop pour une planète qui ne peut en accueillir correctement qu’à peine la moitié.

Olivier75 : Avec le réchauffement climatique que nous n’endiguerons pas, ça va baisser plus vite et plus tôt (malnutrition, maladie)…

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Abandon du natalisme et politique migratoire

Abandon du natalisme : La France ne manque pas d’habitants, bien au contraire. La politique nataliste menée depuis la Libération n’a aujourd’hui d’autre finalité que d’accompagner la logique de croissance du système économique, en dopant la consommation et en équilibrant la pyramide des âges de façon à financer les retraites. Elle aggrave notre empreinte écologique et rend la vie quotidienne de chacun plus difficile. Nul ne sait vraiment aujourd’hui combien d’habitants pourraient être nourris par la seule production agricole du territoire national, avec une agriculture sans pétrole, sans engrais azotés et sans pesticides, soucieuse de la condition animale et de la biodiversité, dans un pays où 99 % de la population n’a pas de formation agricole, où les terres arables sont abîmées par la pratique de l’agriculture intensive et où il ne subsiste que 15 000 chevaux de trait. En revanche, il ressort des données de l’ONG Global Footprint Network que la France a une empreinte écologique 1,85 fois égale à sa bio-capacité, ce qui veut dire qu’à son niveau actuel de consommation, la population française utilise des ressources naturelles et produit des déchets pour une valeur supérieure de 85 % à la capacité physique du territoire à produire des ressources renouvelables et à absorber des déchets. Pour que l’empreinte écologique du pays ne dépasse pas sa bio-capacité, c’est-à-dire qu’elle respecte les capacités de renouvellement des ressources naturelles du territoire, il faudrait :

  • soit diviser le niveau de la consommation moyenne par 1,85 ce qui donnerait un smic brut mensuel de 822 € (4) à population et à répartition des revenus inchangées ;
  • soit réduire la population dans une proportion de 1,85 ce qui correspondrait à une France de 36,2 millions d’habitants (5) à consommation moyenne inchangée ;
  • soit encore réduire la consommation et la population dans une proportion cumulée de 1,85.

Régulation de l’immigration : Avec plus de 255 000 nouveaux titres de séjour délivrés en 2018 et au moins 100 000 entrées irrégulières sur le territoire national (6), l’immigration de personnes non communautaires représente, très loin devant le solde positif des naissances sur les décès, le principal facteur de l’augmentation de la population globale. Une politique de décroissance démographique ne peut ignorer l’incidence majeure des phénomènes migratoires. Elle doit comporter un volet de réduction de l’immigration légale dans ses deux composantes principales : l’accueil des étudiants étrangers et le regroupement familial. Concernant l’immigration clandestine, l’action préventive visant à empêcher l’entrée illégale des étrangers sur le territoire doit être privilégiée par rapport aux mesures ostentatoires mais coûteuses et peu efficaces de reconduites à la frontière. Propositrions

– Supprimer les allocations familiales au-delà du deuxième enfant.

– Reculer de trois ans l’âge légal du départ à la retraite pour répondre au déséquilibre financier résultant du vieillissement de la population.

– Réduire l’immigration légale en limitant les conditions de délivrance des titres de séjour, en matière d’accueil des étudiants étrangers et de regroupement familial.

– Réduire l’immigration illégale, d’une part en révisant les accords de Schengen, d’autre part en renforçant les capacités de Frontex et de la police aux frontières.

– Stabiliser la population française en dessous de 70 millions d’habitants vers 2030 et amorcer ensuite sa diminution.

(Extrait d’un texte proposé comme base de réflexion programmatique aux journées d’été de 2019 du Mouvement Écologiste Indépendant. Il n’engage que son auteur, Gilles Lacan (10/08/2019))

notes (4) En pouvoir d’achat mensuel, l’équivalent du smic en 1973 (avec la semaine de 40 heures).

(5) Soit 35 millions d’habitants en métropole, correspondant à la population française en 1842.

(6) La grande majorité des personnes entrées irrégulièrement forment une demande d’asile, ce qui permet d’en connaître approximativement le nombre.

source : http://economiedurable.over-blog.com/2020/06/pour-une-ecologie-de-la-resilience-6.html

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