écologie appliquée

Dans quelle mesure la croissance est-elle souhaitable au sein des pays développés ?

Analyse du sujet et annonce du plan : Ce sujet du bac 2012 (Amérique du Nord) tranche avec les sujets précédents basés sur l’innovation, la compétitivité ou le progrès technique comme éléments essentiels de la croissance. D’ailleurs en métropole, le sujet de dissertation reste dans la lignée croissanciste : « Comment l’accumulation du capital peut-elle être source de croissance économique » !!! Mais ne gâchons pas notre plaisir, pour la première fois la croissance est remise en question, même si nous sommes encore loin de l’idée de décroissance.

L’expression « dans quelle mesure » nous incite au plan nuancé « oui, mais, ou « non, cependant ». De plus ce sujet ne remet pas en question la croissance dans les pays en voie de développement, ce qui veut dire implicitement que les pays développés sont arrivés au summum de la croissance possible, laissant aux autres le soin de rattraper leur retard de développement. Le terme « souhaitable » pose problème ; en effet, il est de l’ordre subjectif du désir, et laisse donc une grande latitude d’interprétation. Il n’est donc pas question de s’appesantir sur l’idée d’une croissance nécessaire et suffisante, le sujet nous amène même à nous interroger sur une croissance qui s’apparenterait de plus en plus à l’heure actuelle à une religion. Enfin une ambiguïté terrible pèse sur l’interprétation de ce sujet, il n’est pas question de croissance économique, mais d’une indéfinissable « croissance ». Le sujet ne porte donc pas essentiellement sur la croissance du PIB puisque nous pouvons aborder aussi bien la croissance des services non marchands par exemple, ou la croissance du bonheur ! C’est pourquoi l’expression « développement », plus neutre que croissance, aurait-elle été mieux en phase avec un sujet formulé de façon très vague, ce qui rend son traitement difficile. Nous choisissons un plan du type « Non… cependant ».

Pour résoudre la problématique complexe de la croissance, nous aborderons dans un premier temps l’idée que la croissance économique dans un monde fini est devenue une absurdité pourtant relayée par des politiques comme François Hollande, dont le programme est principalement basé sur la volonté de croissance. C’est une erreur d’autant plus grave que nous savons déjà que le niveau de vie moyen des Français, s’il était généralisé, nécessiterait trois ou quatre planètes… que nous n’avons pas ! L’échec en cours de Rio + 20 marque la tragique évolution de nos mentalités qui préfère une croissance aveugle à un développement en harmonie avec les possibilités de la biosphère.

Dans une deuxième partie, nous aborderons l’idée de croissance différenciée : il y a des choses qu’il est souhaitable de voir s’améliorer et d’autres au contraire que nous devrions abandonner. Dans un pays développé, il est par exemple inutile d’accumuler les biens marchands au détriment du bonheur et des conditions de travail. Par contre, il serait préférable de valoriser les liens interpersonnels plutôt que les biens marchands (« plus de liens, moins de biens ») ou même de développer des pratiques comme l’art du silence et de la méditation.

Locavore, l’art de cuisiner dans le futur

Les locavores mangent local. Tout ce qui n’a pas été produit, préparé et emballé dans un rayon de 160 km (ou 30, ou 200) est interdit de séjour dans les assiettes de ceux qui adoptent la façon de manger locavore.  Le New Oxford American dictionary a fait de locavore son mot de l’année 2007. Ce sera le mot d’ordre du XXIe siècle. Pour économiser l’énergie et conforter la sécurité alimentaire, il faudra produire et consommer le plus possible localement sa nourriture. Mais le locavore que nous deviendrons tous de gré ou de force après le choc pétrolier n’aura pas la vie facile. Manger local, ce sera souvent faire vache maigre, avec de préférence un régime très végétarien. Une compensation cependant, manger quelque chose de local nous permet de rencontrer de vraies personnes, et pas seulement des liens abstraits car simplement monétisés. C’est par exemple la tentative des AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne) en France ou ailleurs, qui associe étroitement un producteur local et ses clients.

Le rôle des médias est essentiel dans l’inversion des interactions spéculaires, c’est-à-dire notre condamnation du consumérisme en imitant d’autres modèles. Prenons le programme télévisons du 4 au 10 juin 2012 : Cinq familles deviennent locavores dans « 200 km à la ronde » sur France 5, tous les jeudis à 20h35 à partir du 7 juin. Voici le témoignage de Didier Guillot : « On nous a vidé le frigo. Il ne nous restait qu’une bouteille d’huile d’olive d’un ami de Lézignan et un bocal de cornichons et de piments de mon père. Pas de café, pas de chocolat, pas de corn flakes, pas de sucre… Le premier matin, nous avons cueilli trois fraises au jardin et fait une tisane de romarin. Et après, nous avons filé au marché de Bérat faire des courses locales. Puis, tout s’est mis en place petit à petit. Nous avons trait des vaches, ramassé du miel, fait réduire de l’eau de mer pour avoir du sel, aidé un vigneron à Montauban, fait un concours de pizzas à Lézat et rencontré plein de producteurs locaux qu’on ne soupçonnait pas. Nous avons partagé un repas « locavore » au restaurant avec 55 convives… »

Etre locavore, c’est remplacer le temps passé à travailler pour courir les grands magasins par un temps plus long consacré à la cuisine, en épluchant les légumes ou cultivant son potager. Nous avons tout à y gagner…

4/4) Croiiiiiiiiiiiiissance, l’Afrique est mal partie

Le premier rapport sur l’empreinte écologique de l’Afrique a été présenté à Arusha, en Tanzanie*. L’empreinte écologique se mesure en surfaces de terre et en eau nécessaires pour couvrir les besoins d’un individu ou d’une activité mais aussi pour absorber les déchets générés. Elle est à rapporter à la biocapacité qui, à l’inverse, évalue les surfaces disponibles. En quarante ans, cette biocapacité a fondu de 40 % et le rapport prévoit que, par la seule croissance démographique, la pression exercée sur les écosystèmes va doubler d’ici à 2040. L’agriculture et la destruction des forêts sont les principales causes de cette dégradation Si chaque Africain consomme en moyenne deux fois moins de « capital naturel » que la moyenne mondiale par habitant, la dégradation de l’environnement met en péril les efforts de lutte contre la pauvreté en faveur d’une population qui continue de croître très rapidement. Sur les 45 pays pour lesquels des données sont disponibles, 25 consomment davantage de ressources naturelles que leur « biocapacité ». Ils étaient 7 en 1961.

Jim Leape, le directeur général du WWF plaide devant une aéropage de banquiers et de ministres des finances : « Il est de notre responsabilité de protéger nos écosystèmes… avoir de l’eau, des sols, préserver ses forêts, c’est aussi important que construire des routes ou des hôpitaux…Nos sociétés dépendent de ces infrastructures vertes. » A la question de savoir si la République démocratique du Congo (RDC) devait renoncer à exploiter le pétrole qui se trouve probablement dans le sous-sol du parc national des Virunga, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, Jim Leape a répondu « oui » sans hésiter.

L’assemblée est restée perplexe ; les financiers sont allergiques à la parole écolo. La RDC, aussi étendue que l’Europe, est un des pays les plus pauvres du continent. On utilisera ce prétexte pour accaparer ses richesses au profit des plus riches. Pauvres de tous les pays, révoltez-vous, refusez la civilisation minière et sa croissance qui ne profite qu’aux riches !

* LE MONDE | 02.06.2012, L’Afrique confrontée à ses limites écologiques

8/8) un journaliste de l’écologie, Hervé KEMPF

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Né en 1957, c’est le choc de la catastrophe de Tchernobyl qui pousse Herve KEMPF à se consacrer aux questions écologiques. Après avoir fondé Reporterre, le magazine de l’environnement en 1989, travaille à l’émission télévisée Sauve qui Veut (France 2) au sein de l’Agence Capa (1991-1992). Il est membre de JNE (Journalistes-Ecrivains pour la nature et l’écologie). Depuis 1998, il joue au journal LE MONDE un rôle dans la montée médiatique de l’écologisme. La rubrique Planète est un véritable service comptant plus de dix journalistes, un cas unique en France.

Depuis 1998, Hervé a écrit dans LE MONDE bien plus de 1250 articles. Il assure actuellement une chronique hebdomadaire sur l’écologie souvent percutante. Ses livres constituent des analyses de fond.

2003 La guerre secrète des OGM  

2007 Comment les riches détruisent la planète

2009 Pour sauver la planète, sortez du capitalisme

son site : reporterre, le site de l’écologie

7/8) un fondateur de l’écologie politique, Yves COCHET

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Né en 1946, le passé d’Yves COCHET ne le prédisposait pas à être écolo. Sa thèse de troisième cycle de mathématiques était intitulée Sur l’algébricité des classes de certaines congruences définies sur le monoïde libre ! Mais dans les années 1970 il participe aux luttes antinucléaires et s’engage dans des associations environnementalistes bretonnes. En 1973, il entre aux Amis de la Terre, dont il fonde le groupe rennais en 1977. Il participe ensuite activement à la présidentielle de 1981 et fait partie des fondateurs des Verts en 1984.

C’est un des rares députés vraiment actif ; Yves multiplie les conférences sur l’effondrement probable de notre civilisation, il a écrit de nombreux bouquins ; c’est un lanceur d’alerte efficace.

2003 Sauver la terre avec Agnès SINAI

2005 Pétrole apocalypse

2009 antimanuel d’écologie (à lire absolument)

6/8) un vétéran de l’écologisme, Alain HERVE

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Né en 1932, Alain HERVE fonde les Amis de la Terre en 1970. Il dirige le hors-série du Nouvel Observateur en 1972 : « La dernière chance de la Terre ». À partir de 1973, il dirige le mensuel écologique Le Sauvage. Lors de la candidature de René Dumont à la Présidence de la République en 1974, il est responsable du bureau de presse. Il a relancé Le Sauvage sur Internet. Il a écrit de nombreux livres et de nombreux articles.

Alain a connu personnellement Pierre Samuel, Teddy Goldsmith ou André Gorz… C’est en 2012 un survivant de la grande époque de l’écologisme, encore actif mais toujours modeste. Il est membre de JNE (Journalistes-Ecrivains pour la nature et l’écologie).

1973 périodique, Le Sauvage

2010 Le paradis sur Terre

2012, Merci la Terre, nous sommes tous écologistes

son site : LE SAUVAGE

5/8) un écolo qui milite sur Internet, Michel Sourrouille

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Né en 1947, Michel SOURROUILLE, appartient à cette génération écolo des années 1970 sensibilisée par le rapport du Club de Rome et par le premier sommet de la Terre à Stockholm en 1972. Il a voté lors de la présidentielle 1974 pour le seul projet politique cohérent, celui de René Dumont. Depuis, il a fait tout son possible, que ce soit au travers de son métier de professeur de sciences économiques et sociales ou ailleurs pour que ses contemporains comprennent l’urgence écologique : passage aux Verts, au pôle écologique du PS, à la formation avec EELV…

Michel tient un blog biosphere et anime un réseau de documentation des écologistes dont cet exemplaire de Biosphere-Info sur les contemporains de l’écologisme est un élément. Il est devenu récemment journaliste-écrivain pour la nature et l’écologie (JNE).

son  autobiographie numérique, mémoires d’un écolo

son BLOG  biosphere de commentaire de l’actualité

son SITE biosphere de documentation des écologistes activistes

4/8) notre empreinte écologique selon WACKERNAGEL

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Après sa thèse à Vancouver, Mathis WACKERNAGEL a commencé à travailler avec William REES sur la notion de capacité de charge d’un écosystème. Au lieu de se demander combien de personnes peuvent vivre sur un territoire, ils ont inversé la question en se demandant combien chaque personne utilise de nature, puis de comparer le résultat avec la disponibilité de la nature. Ils avaient inventé l’empreinte écologique.

Depuis deux siècles, la science et la pensée occidentales se fondent sur le dualisme cartésien. Ce dualisme, qui considère l’homme comme un élément distinct et séparé de son environnement, influe de façon importante sur notre comportement envers le reste de la « réalité » physique… au point d’en oublier cette réalité !

1996 Notre empreinte écologique de Mathis WACKERNAGEL et William REES (écosociété, 1999)

3/8) nouveau principe philosophique avec Hans JONAS

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Hans JONAS (1903-1993) est un philosophe allemand. Son livre « le principe responsabilité » est édité pour la première fois en 1979, juste au moment du deuxième choc pétrolier. Le pouvoir énorme qui est conféré à l’homme par la technoscience constitue un problème auquel doit répondre une nouvelle forme de responsabilité. Cette « responsabilité » interdirait à l’homme d’entreprendre aucune action qui pourrait mettre en danger soit l’existence des générations futures, soit la qualité de l’existence future sur terre :

« Un héritage dégradé dégradera nos héritiers. En dernière instance, la question n’est pas de savoir combien l’homme sera encore à même de faire, mais celle de savoir ce que la Nature peut supporter. Aussi avons-nous trouvé un principe qui interdit certaines expériences dont la technologie est capable : comme jamais l’existence ou l’essence de l’homme ne doivent être mis en péril par les paris de l’agir, il faut dans toute décision  accorder la préférence aux pronostics de malheur sur les pronostics de salut. »

1979 Le principe responsabilité de Hans JONAS (éditions du  Cerf, 1990)

2/8) GEORGESCU-ROEGEN, l’entropie contre l’économie

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Mathématicien et économiste hétérodoxe roumain, les travaux de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN 1906-1994) ont abouti au concept de décroissance. L’analyse de Nicholas complète l’explication par l’innovation des cycles économiques de Joseph Aloïs Schumpeter. Loin de dire comme Keynes « qu’à long terme nous serons tous morts», Nicholas se préoccupe au contraire de la survie d’une humanité qui n’échappera jamais à la plus économique des lois de la physique : l’entropie, la dégradation de l’énergie, par exemple le fait que les combustibilité fossiles une fois brûlés ne sont plus du tout utilisables par  les générations futures.

Il convient d’expliquer au public cette double difficulté : un épuisement plus lent des ressources signifie moins de  confort exosomatique, et un plus grand contrôle de la pollution requiert proportionnellement une plus grande consommation de ressources.

1979 La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN (Sang de la terre)

1/8) l’invention de l’écologie profonde avec Arne Naess

Ceci est un extrait du bimensuel Biosphere-Info auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un message à biosphere@ouvaton.org

Philosophe et militant, le Norvégien Arne NAESS (1912-2009) aura marqué l’histoire de l’écologisme. Il devient en 1939 le plus jeune professeur en philosophie. Il développe au début des années 1970 sa notion d’écologie profonde. L’écologie profonde s’oppose à l’écologie superficielle, qui essaye de réparer les dégâts faits à la nature mais sans remettre en question la vision utilitariste et dominatrice de l’Homme « à l’image de Dieu ». Arne postule que « L’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre a une valeur intrinsèque ». Or « les interventions humaines dans le monde non-humain sont excessives et détériorent rapidement la biosphère ». C’est pourquoi cet épanouissement « est compatible avec une baisse substantielle de la population humaine ». En définitive, « Le changement idéologique consiste surtout à apprécier la qualité de vie plutôt que de s’en tenir à un haut niveau de vie. »

Certains pensent là qu’il s’agit d’une écologie radicale, mais Arne se place dans la droite ligne de Gandhi et de sa pratique de la non-violence.

1976 Ecologie, communauté et style de vie d’Arne NAESS (MF, 2008)

1992 Entretien avec David Rothenberg (Wildproject, 2009)

tout savoir sur Arne Naess

L’avenir de l’écologie avec le gouvernement Hollande

Qu’il est loin le pacte écologique de Nicolas Hulot et le concept de vice-premier ministre accepté par les  candidats à la présidentielle en 2007. Pourtant, à son arrivée à l’Elysée, Nicolas Sarkozy avait nommé Alain Juppé ministre d’Etat et numéro deux du gouvernement à la tête d’un grand ministère de l’environnement qui regroupait transports, énergie…  Un signe fort donné à l’écologie. Mais ce quinquennat s’est terminé, depuis le départ de Nathalie Kosciusko-Morizet le 22 février, sans ministre de l’écologie : symptôme clair de l’abandon de la carte écolo dans la campagne présidentielle. Même le candidat à la succession, Françoise Hollande, n’a jamais véritablement parlé d’écologie. Une fois au pouvoir, il a nommé Nicole Bricq ministre de l’écologie, à la grande surprise de l’intéressée, spécialiste des finances. Listons le positif et le négatif de ce gouvernement Hollande en matière écologique.

Le PS montre qu’il est capable de ne pas sous-traiter l’écologie à un autre parti que lui-même. La nomination d’une socialiste de toujours, Nicole Bricq, témoigne du fait que l’écologie devient une chose importante au sein du PS. Et la ministre devrait avoir plus de poids qu’un écolo installé sur un strapontin. Nicole, issue de la commission des finances du palais de Luxembourg, est aussi plus à même d’articuler les contraintes budgétaires et la politique environnementale du pays. Nicole a enfin une sensibilité écolo : conseillère technique dans le cabinet de Ségolène Royal, ministre de l’environnement en 1992-1993, elle est la seule sénatrice à rejoindre le pôle écologique lors du congrès du PS en 2008. Elle est aussi montée en première ligne sur la question des gaz et huiles de schiste.

Nicole Bricq hérite d’un périmètre assez large, « écologie, développement durable et énergie ». Il n’est pas possible d’envisager une transition écologique sans une transition énergétique réfléchie. Elle a aussi sous sa responsabilité le ministre délégué aux Transports. Il est toutefois dommage que ce périmètre élargi n’inclue pas le logement ; une « solide articulation » va être nécessaire avec la ministre en charge de l’égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot (EELV). Preuve tangible de cette improbable géographie ministérielle, Benoist Apparu, ancien ministre délégué au logement, a dû jongler entre les deux cérémonies de passation de pouvoir des deux nouvelles ministres.

Mais la nécessaire coopération avec un membre issu directement de la mouvance écolo peut s’avérer bénéfique. Cécile Duflot est urbaniste de profession, titulaire d’un DEA de géographie, donc professionnellement préparée à sa tâche. Elle a la responsabilité d’un pôle ministériel majeur, au carrefour des crises écologiques, économiques et sociales avec des enjeux considérables pour la vie quotidienne. La transition énergétique dépend d’un plan ambitieux d’économie d’énergie et le bâti – notamment résidentiel – représente le principal gisement de ces économies. Le Président avait d’ailleurs annoncé un vaste programme de rénovation de 600 000 logements. Il est également primordial de repenser l’aménagement du territoire, pour lutter contre l’étalement urbain afin de minimiser les besoins de mobilité, pour réduire le trafic routier et la consommation de carburant.

Le négatif du gouvernement Hollande en matière d’écologie tient à une expression : le syndrome croissanciste. François base son quinquennat sur une volonté de croissance globale alors que n’importe quel écolo amateur sait de source sûre qu’une croissance dans un monde finie est impossible quand on a dépassé la capacité d’accueil de l’écosystème, situation actuelle (cf. le jour du dépassement). Il y aura un grand débat public sur l’avenir de l’énergie en France, débat promis par le candidat Hollande. Mais dans un pays dominé de longue date, par le lobby nucléaire, y compris au sein du PS, le débat ne peut que tourner court. Entre les socialistes (Nicole Bricq), pro-nucléaire, et les écologistes, antinucléaire (Cécile Duflot), le dialogue est d’avance biaisé. C’est le verrou énergétique qui brisera la croissance et le nucléaire n’est qu’un pis aller, avec de l’uranium pour seulement quelques dizaines d’année.

Le président Hollande embrigade le vert Pascal CANFIN à ses côtés en tant que Ministre délégué en charge du développement. Or il est impossible que le Sud accède au niveau de développement de notre société, la généralisation du niveau de vie français nécessitant 3 ou 4 planètes supplémentaires, ce qui est impossible. Il est vrai que Pascal, conseiller économique d’Eva Joly pendant la campagne présidentielle, avait lui aussi défendu un « projet de budget alternatif », qualifié de « New Deal écologique et social » : il est contre une politique d’austérité alors qu’il nous faudrait une politique de rigueur pour moins consommer et pour moins polluer. Pascal est proche du courant de pensée économique keynésien, favorable à une relance dont on sait historiquement qu’elle ne peut aboutir qu’à la stagflation, mélange de stagnation économique (chômage) et d’inflation.

Cerise sur le gâteau, Montebourg, habitué des journées d’été du pôle écologique du PS et chantre de la « démondialisation »  se retrouve à la tête d’un ministère improbable, pour le « redressement productif ». Il faut, dit-il, une« reconquête » des emplois industriels. Arnaud ne sait pas encore que ce sont les entreprises qui créent les emplois, pas l’Etat. La Confédération générale des PME (CGPME) s’est d’ailleurs étonnée que le « redressement productif » de la France, qui passe selon elle par celui de la balance commerciale, soit confié à Arnaud Montebourg, adepte du protectionnisme.

Enfin Stéphane Le Foll, nommé « ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire » témoigne clairement de la dérive productiviste de ce gouvernement. Car qui dit « agroalimentaire » dit agro-business. Jamais encore le mot « agroalimentaire » n’avait été utilisé pour le Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture, de la Pêche, du Développement rural !

Il nous semble que pour l’instant le négatif l’emporte sur le positif quant au traitement de l’urgence écologique par le gouvernement Hollande. La social-démocratie croit encore que c’est la croissance économique qui pourra résoudre les problèmes sociaux. Nous espérons aux soubresauts de la planète pour faite entendre raison à ceux qui pensent que nous pouvons indéfiniment ignorer les limites de la biosphère.

BIOSPHERE-INFO, pour s’abonner gratuitement

Ce blog édite un bimensuel auquel vous pouvez vous abonner gratuitement. Il suffit d’envoyer votre adresse électronique à biosphere@ouvaton.org

Le numéro du 16 mai 2012 traite des contemporains de l’écologisme. Qui représente le mieux aujourd’hui l’écologisme ? Le choix est difficile, nos contemporains adeptes de l’écologisme entre 1974 et nos jours deviennent de plus en plus nombreux. Nous avons donc privilégié avec ce BIOSPHERE-INFO quatre personnes qui ont fait avancer la cause théorique de l’écologisme et quatre autres qui essayent grâce à leur activisme de diffuser la pensée écolo.

Ce numéro fait suite à deux numéros précédents :

–          les Historiques de l’écologisme (1960-1974)

–          les Précurseurs de l’écologisme (1798-1960)

Que chacun fasse sa part dans la diffusion de notre parole commune d’écolos. Merci.

MH Aubert, ministre de l’écologie de François Hollande

Marie-Hélène Aubert, transfuge des Verts depuis 2008, sera certainement la prochaine sous-ministre de l’écologie, sous l’autorité du 1er ministre en charge de la transition écologique. En effet elle a animé le pôle « environnement, développement durable, énergie » de l’équipe de campagne du présidentiable Hollande. De plus elle vient de présenter au MONDE* le projet écologique du président Hollande. Le PS voudra montrer qu’il est capable de ne pas « sous-traiter » l’écologie à un autre parti que lui-même.

Marie-Hélène Aubert sera-t-elle dans son ministère une écologiste sincère ? Oui, mais il s’agira d’écologie superficielle. Une preuve ? Marie-Hélène a fondé l’AEI (Association pour une agriculture écologiquement intensive) avec l’entreprise Terrena. Ce groupe agroalimentaire approvisionne ses adhérents en fertilisants, nutrition animale… et commercialise l’équivalent de 2,9 milliards d’euros de produits auprès de la grande distribution. Nous pensons que Marie-Hélène se fourvoie ainsi dans la compromission, elle soutient le greenwashing de Terrena qui présente l’AEI ainsi : « L’AEI intègrera progressivement de nouvelles technologies pour produire plus et nourrir ainsi une population mondiale en augmentation permanente. Nouvelles technologies ? 57% des adhérents de Terrena ne rejettent pas le principe des OGM sur leurs exploitations. Tiens donc ! Nourrir le monde ? Cela va à l’encontre de la souveraineté alimentaire des peuples au profit des intérêts de l’agrobusiness.

Comme les tenants de notre système productiviste, Marie-Hélène Aubert cultive l’oxymore, le rapprochement de choses incompatibles, agriculture écologique ET intensive. C’est en fait l’écologie productive au sens du sinistre Claude Allègre, productive et scientifique selon Michel Griffon pour qui l’agriculture biologique ne peut nourrir le monde entier. Autant dire que les paysans du Tiers Monde ne sont pas concernés par l’agriculture telle que pensée par Marie-Hélène Aubert, l’AEI et François Hollande.

Quant au projet de transition écologique présenté au MONDE* par Marie-Hélène Aubert, c’est le blabla habituel sur une urgence écologique qu’on dénie : « Nous devons prendre le temps », « en débattre », « organiser une conférence », « fixer un agenda », « impossible de traiter tous les sujets à la fois », « il ne s’agit pas de grever les finances de l’Etat », etc. A la fin du quinquennat, rien de sérieux n’aura été fait, sauf choc pétrolier salutaire. Nous prendrons alors sur la tête une brouette de catastrophes dont Marie-Hélène, au fond d’elle-même, a bien conscience, mais qu’elle n’a jamais eu le courage de nous annoncer. L’écologie politique, si elle ne veut pas rester superficielle, doit marquer une rupture avec les projets félicistes (« en votant pour nous, ça ira mieux demain »).

* LE MONDE | 08.05.2012 « La transition écologique aura sa feuille de route précise

désarroi des écolos devant l’inertie Hollande-Sarko

Les présidentiables Sarkozy et Hollande ignorent complètement les dangers écologiques qui s’amoncellent, pic pétrolier, réchauffement climatique, stress hydrique, etc. Le désarroi des écologistes devant cette inertie politique est grand. Face au déni  socio-politique des contraintes planétaires, l’Ecologiste de mars 2012 expose deux types de réactions opposées, le repli sur soi ou le militantisme.

Paul Kingsnorth* : « J’avoue avoir abandonné certaines compagnes environnementales. L’acceptation de l’inévitable n’est-elle pas de simple bon sens ? Les tendances qui mènent au désastre ne vont pas disparaître même si nous travaillons dur. Mon projet Dark Moutain ne se propose pas d’arrêter le changement climatique ou de civiliser le capitalisme. Nous refusons de résoudre les problèmes écologiques par la politique ou la science. Nous avons lancé un site Internet. Notre manifeste de décivilisation d’une vingtaine de pages évoque la fin de la croissance, l’effondrement de nos modes de vie. C’est un appel aux artistes pour briser le mythe de notre séparation de la Nature, pour raconter de nouvelles histoires, de nouveaux mythes. Nous créons le lieu où explorer ce qui se passe quand les certitudes s’évanouissent. Notre livre-anthologie explore les limites de notre civilisation de tous points de vue. Mais cette anthologie ne définit pas les étapes qui vont suivre. En tant que mouvement créatif, il n’est pas de notre ressort de proposer des plans tout faits. L’idée que nous pouvons trouver une solution à tout problème est une idée progressiste, elle fait partie du récit de notre civilisation que nous remettons en question. Et s’il n’y avait pas de solutions ? »

Jakob von Uexkull** : « Je me demandais comment j’allais pouvoir changer les choses. La question qui me hantait était la suivante : Pourquoi vivons-nous avec des problèmes… que nous savons résoudre ? Au temps  d’Alfred Nobel, la question environnementale ne se posait pas encore. La question sociale était au cœur de ses préoccupations : aider ceux qui apportent les plus grands bienfaits à l’humanité. Je me suis dit que  cela valait la peine d’établir un prix alternatif. En 1980, les deux premiers récipiendaires incarnaient la raison d’être du prix : la combinaison de l’idéal et de l’action concrète : Steven Gaskin, à l’initiative de l’un des premiers écovillages aux Etats-Unis et Hassan Fathy, qui a réhabilité l’architecture pour les pauvres, une architecture qui n’oublie pas ce que des millénaires nous ont légué. Cinq ans plus tard, le prix alternatif avait le soutien de tous les partis suédois et la cérémonie d’attribution  a pu se dérouler au Parlement. »

Conclusion de Biosphere : pourquoi opposer deux ou plusieurs modèles de perfection écolo, il n’y en a pas. Au-delà de nos différences de choix de vie, le tempérament écolo cultive l’union des contraires liée au sentiment d’interdépendance. C’est là l’essentiel, que chacun suive sa voie du moment que nous allions vers des relations apaisées avec la biosphère..

* Quelle insurrection culturelle pour voir le monde autrement ? p.52

** L’environnement a son prix Nobel, p.13

Maurice Tubiana : arrêtons d’avoir peur !

Maurice Tubiana est né en 1920, il n’aime pas les écolos, trop vieux pour cela. A 91 ans, Maurice Tubiana croit encore qu’il possède une vision juste de la réalité contemporaine. Mais dans son dernier livre, « Arrêtons d’avoir peur ! », il ne fait que reprendre les tartes à la crème de l’écoloscepticisme déjà étalées dans des livres aux titres redondants : « Le fanatisme de l’apocalypse » de Pascal Bruckner, « L’apocalypse n’est pas pour demain » de Bruno Tertrais, « Les prêcheurs de l’apocalypse » de Jean de Kervasdouén, etc. Comme tous ces prêcheurs du « dormez braves gens, dormez », Maurice Tubiana aime les insecticides, les OGM, la radioactivité, l’énergie nucléaire, les ondes électromagnétiques… Dans le chapitre sur les OGM, les intentions sont claires : « Les écologistes annoncent aux Européens le pire si l’on cultive des OGM. Or demain les transgéniques pourraient contribuer à nourrir les 7 milliards d’êtres humains ». Rappelons que Tubiana n’est ni un spécialiste des OGM, ni d’ailleurs des insecticides ou des OEM, c’est un simple cancérologue qui a adoré la notoriété médiatique, le lobby nucléaire et les fauteuils administratifs.

Attardons-nous sur un passage de son livre : « Il faut déchiffrer la stratégie de Greenpeace (contre les OGM), celle de la deep ecology, ou écologie profonde. Cette écologie proclame l’harmonie avec la nature considérée comme une divinité. Altérer cette harmonie par des manipulations génétiques est donc blasphématoire. Le refus obsessionnel de la moindre modification des espèces naturelles devient ainsi un élément essentiel du combat écolo. » Rien ne vient étayer dans le texte de Tubiana cet amalgame entre Greenpeace et écologie profonde. Il reprend les veilles analyses qu’il avait tenues en 1999 dans son livre L’éducation et la vie. Il ne faisait alors que relayer les élucubrations de Luc Ferry qui rangeait explicitement en 1992 Greenpeace parmi les organisations issues de l’écologie profonde dans son pamphlet Le Nouvel Ordre écologique. Ni Tubiana, ni Ferry ne savent que l’écologie profonde est une philosophie définie par Arne Naess. Ni Tubiana, ni Ferry ne savent que Greenpeace n’a pas adopté cette référence philosophique. Leur méthode est la même, dénonciation mensongère et amalgame.

Qu’Arne Naess ait été  le premier secrétaire de la branche norvégienne de Greenpeace lors de sa fondation en 1988 ne transforme pas cette association en thuriféraire de l’écologie profonde ! Que le philosophe norvégien soit un spécialiste internationalement reconnu de Spinoza et de Gandhi et Greenpeace l’adepte des méthodes non violentes ne veut pas dire qu’il faut assimiler les deux ! Cette philosophie de l’écologie profonde est brandie à la manière d’un épouvantail. La question est de savoir pourquoi. La réponse est évidente. Dans les faits, l’écologie profonde sert à nier l’existence de la crise écologique alors que la dégradation des écosystèmes s’est accélérée. Maurice Tubiana a écrit un livre tout juste bon à aboutir dans les invendus…

Rio + 20, écoblanchiment des entreprises

Il semble que Rio +20 prenne le chemin déjà parcouru par Rio +10, à Johannesburg en septembre 2002, où se sont créés de véritables « partenariats » entre l’industrie et les ONG, l’industrie et les gouvernements et l’industrie et les organismes des Nations Unies. Poussant à davantage de collaboration entre le public et le privé, Kofi Annan avait alors déclaré : « Si nous ne le faisons pas, nous risquons que les gouvernements passent des lois et posent des limites qui ne sont pas indispensables. »

Dans moins de deux mois, du 20 au 22 Juin 2011, le prochain sommet de la terre se tiendra à Rio de Janeiro. Or on constate un degré préoccupant d’accaparement par des multinationales. En effet le PNUE (programme des Nations unies pour l’environnement) a travaillé en étroite collaboration avec les représentants de l’industrie mondiale. Le PNUE nous promet une « Économie verte » comme amélioration du « développement durable ». L’idée est que les gouvernements cessent les subventions préjudiciables à l’environnement (aux combustibles fossiles, à la pêche industrielle, etc.) et utilisent ces fonds pour investir dans des technologies nouvelles, libérant ainsi des investissements massifs pour permettre de passer à l’Économie verte. Janez Potocnik, le Commissaire européen à l’Environnement déclare : « Nous devons passer d’une protection de l’environnement contre les entreprises, à une protection de l’environnement grâce aux entreprises. » Le nucléaire et les OGM sans être explicitement approuvés, sont considérés comme compatibles avec l’approche du rapport. De nombreuses entreprises multinationales ont désormais de cinq à dix partenariats avec chacune des agences onusiennes, par exemple :

– Shell et le PNUE sur la biodiversité ;

– Coca-Cola et le PNUD [Programme des Nations unies pour le développement] sur la protection des ressources en eau ;

– Nestle et le PNUD sur l’autonomisation des communautés rurales ;

– BASF, Coca-Cola et ONU-Habitat sur l’urbanisation durable.

Les organisations non gouvernementales (ONG) critiquent cette approche qui met l’accent sur la croissance économique, sur la technologie et sur les approches axées sur le marché. Car les nouvelles technologies promues sont controversées, comme l’incinération de la biomasse, la biologie synthétique, les nanotechnologies, etc. Pour le PNUE, assigner à la nature un prix serait la meilleure façon de la protéger ! Malgré l’échec cuisant du marché du carbone, il s’agit d’évaluer monétairement les services rendus par la nature : filtrage de l’eau, capture du carbone… pour créer un marché de crédits de biodiversité négociables que l’on pourra compenser, échanger ou vendre. Pour les ONG cette marchandisation et cette privatisation de la nature compromettent la protection des biens communs par les communautés et les États. Ce rapport du PNUE est la manifestation d’une croyance aux marchés d’autant plus stupéfiante qu’elle survient juste après la crise financière. Comme si les échecs chroniques de la déréglementation et des approches basées sur le marché n’avaient jamais eu lieu.

Critiquer la coopération croissante entre l’ONU et l’industrie devrait être une priorité dans la perspective de Rio +20.

Source : Le Sauvage

Biosphere-Info, les classiques de l’écologisme

Certains auteurs ont marqué notre époque et leurs livres devraient être connus de tous. Ce sont les historiques de l’écologisme (1960-1974) : Jacques Ellul, Rachel Carson, Jean Dorst, Bertrand de Jouvenel, Bernard Charbonneau, Paul Ehrlich, Philippe Saint Marc, Pierre Fournier, Jean Baudrillard, Ivan Illich, René Dumont. Ci-joint un récapitulatif avec liens Internet vers des résumés de leur pensée.

Ce dossier complète notre dossier récapitulatif sur les précurseurs de l’écologisme (1798-1956). En effet, certains auteurs antérieurs ont compris que notre société s’engageait sur la mauvaise voie : Robert Malthus, Thorstein Veblen, Albert Howard, Aldo Leopold, Fairfield Osborn, Lewis Mumford.

Vous avez là deux exemples de notre dossiers bimensuel, Biosphere-Info. Si vous voulez vous abonner, nous écrire, rien à payer. La parole des écolos doit circuler le plus possible pour préparer l’avenir, merci …

Le gouvernement Hollande sans ministre de l’écologie !

Pas de place pour l’écologie dans le prochain gouvernement socialiste ! Avant même le premier tour, LE MONDE du 15-16 avril compose le futur gouvernement : 1er ministre, Bercy, Défense… ou Culture, nulle mention d’un ministère de l’écologie !

Bien oublié le « Pacte écologique » de 2007 qui prévoyait un vice-premier ministre en charge du développement durable. Bien oublié la nomination par Sarkozy d’Alain Juppé, ministre d’Etat (le seul du gouvernement) en charge de l’écologie. Alain Juppé, numéro 2 du gouvernement, obtenait en 2007 un périmètre ministériel considérablement élargi, énergie, transports, aménagement du territoire…

Mais nous nous rappelons encore la députée PS Aurélie Filippetti, transfuge des Verts, qui  affirmait que « L’avenir de l’écologie, c’est le PS ». Ah Ah Ah !

shifting baseline, les guerres du climat (3/3)

L’expression shifting baselines se retrouve chez le psychosociologue Harald Welzer :

« L’implacable brutalité avec laquelle les premiers pays industrialisés s’efforcèrent d’assouvir leur fringale de matières premières, de territoires et de puissance, rien n’en montre plus les traces aujourd’hui dans les pays occidentaux. Le souvenir de l’exploitation, de l’esclavage et de la destruction a été gommé par une amnésie démocratique, comme si les Etats de l’Occident avaient toujours été tels qu’ils sont à présent, alors que leur richesse et leur prépondérance se sont bâties sur une histoire meurtrière. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre  compte : c’est le phénomène des shifting baselines.

C’est pourquoi les générations présentes  conçoivent tout au plus vaguement et abstraitement que non seulement le monde cultivé et bâti des générations précédentes était différent, mais que l’était aussi l’environnement qu’ils croient naturel. Les changements rapides dans la perception de l’environnement expliquent pourquoi la plupart des gens assistent au déclin de la biodiversité sans s’émouvoir outre mesure ; dans leur perception quotidienne, peu de choses changent en effet. Dans une étude sur les lieux de pêche, alors que les vieux se souvenaient qu’autrefois l’on n’avait pas besoin de s’éloigner de la côte pour faire bonne pêche, les jeunes n’avaient même plus l’idée qu’on ait jamais pu pêcher là, et aucun d’entre eux ne pensait que ces zones côtières avaient été victimes de la surpêche. Autrement dit, dans leur cadre référentiel, il n’y avait tout simplement pas de poisson près des côtes. En tant que membre d’une société dont les normes changent, on ne remarque pas que ses propres normes sont soumises à ce changement, parce qu’on se maintient constamment en accord avec ceux qui vous entourent. On peut parler à ce propos de shifting baselines ou de lignes de références fluctuantes.

A la lumière de l’histoire, il est hautement probable que les êtres humains qui menacent les  besoins de prospérité des gens bien établis recevront le statut de superflus et mourront en grand nombre ; que ce soit par manque d’eau et de nourriture, que ce soit par une guerre aux frontières, par des guerres civiles ou par des confits entre Etats. Quand des hommes interprètent des problèmes comme menaçants leur propre existence, ils tendent à prendre des solutions radicales, telles qu’ils n’y avaient jamais pensé avant. »

In « Les guerres du climat » d’Harald Welzer (Gallimard, 2009)