écologie appliquée

shifting baseline, les guerres du climat (3/3)

L’expression shifting baselines se retrouve chez le psychosociologue Harald Welzer :

« L’implacable brutalité avec laquelle les premiers pays industrialisés s’efforcèrent d’assouvir leur fringale de matières premières, de territoires et de puissance, rien n’en montre plus les traces aujourd’hui dans les pays occidentaux. Le souvenir de l’exploitation, de l’esclavage et de la destruction a été gommé par une amnésie démocratique, comme si les Etats de l’Occident avaient toujours été tels qu’ils sont à présent, alors que leur richesse et leur prépondérance se sont bâties sur une histoire meurtrière. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre  compte : c’est le phénomène des shifting baselines.

C’est pourquoi les générations présentes  conçoivent tout au plus vaguement et abstraitement que non seulement le monde cultivé et bâti des générations précédentes était différent, mais que l’était aussi l’environnement qu’ils croient naturel. Les changements rapides dans la perception de l’environnement expliquent pourquoi la plupart des gens assistent au déclin de la biodiversité sans s’émouvoir outre mesure ; dans leur perception quotidienne, peu de choses changent en effet. Dans une étude sur les lieux de pêche, alors que les vieux se souvenaient qu’autrefois l’on n’avait pas besoin de s’éloigner de la côte pour faire bonne pêche, les jeunes n’avaient même plus l’idée qu’on ait jamais pu pêcher là, et aucun d’entre eux ne pensait que ces zones côtières avaient été victimes de la surpêche. Autrement dit, dans leur cadre référentiel, il n’y avait tout simplement pas de poisson près des côtes. En tant que membre d’une société dont les normes changent, on ne remarque pas que ses propres normes sont soumises à ce changement, parce qu’on se maintient constamment en accord avec ceux qui vous entourent. On peut parler à ce propos de shifting baselines ou de lignes de références fluctuantes.

A la lumière de l’histoire, il est hautement probable que les êtres humains qui menacent les  besoins de prospérité des gens bien établis recevront le statut de superflus et mourront en grand nombre ; que ce soit par manque d’eau et de nourriture, que ce soit par une guerre aux frontières, par des guerres civiles ou par des confits entre Etats. Quand des hommes interprètent des problèmes comme menaçants leur propre existence, ils tendent à prendre des solutions radicales, telles qu’ils n’y avaient jamais pensé avant. »

In « Les guerres du climat » d’Harald Welzer (Gallimard, 2009)

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Les précurseurs de l’écologisme (1798-1956)

Certains auteurs ont compris que notre société s’engageait sur la mauvaise voie : Malthus, Veblen, Howard, Leopold, Osborn, Mumford. Ci-dessous un récapitulatif avec liens Internet vers ces auteurs.

1798 Essai sur le principe de population de Robert Malthus (Flammarion, 1992)

Cet Essai est la première interprétation « écologiste » de notre société : Malthus compare l’existence des humains et le fondement de sa survie, les nourritures terrestres. Il considère que la Terre constitue un espace clos, il précède ainsi le Club de Rome et ses courbes exponentielles. Sa problématique reste actuelle : « Si l’on cherchait à prévoir quels seront les progrès futurs de la société, il s’offrirait naturellement deux questions à examiner :

1. Quelles sont les causes qui ont arrêté jusqu’ici les progrès des hommes, ou l’accroissement de leur bonheur ?

2. Quelle est la probabilité d’écarter ces causes qui font obstacle à nos progrès ? »

Sa conclusion est intemporelle : « Le principe de population, de période en période, l’emporte tellement sur le principe productif des subsistances que, pour que la population existante trouve des aliments qui lui soient proportionnés, il faut qu’à chaque instant une loi supérieure fasse obstacle à ses progrès. »

1899 Théorie de la classe de loisirs de Thorstein Veblen (Gallimard 2007)

Ce livre est un élément fondateur de la compréhension des sociétés modernes. Au lieu de cultiver l’esprit collectif où l’essentiel consiste à faire comme tout le monde, il s’agit de se différencier, soit pour affirmer son pouvoir, soit pour faire preuve d’une illusoire vanité. Hervé Kempf* présente clairement la portée écologique  de Thorstein Veblen :

« La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle, donc le revenu, de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas. »

* Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007)

1940 Testament agricole (pour une agriculture naturelle) de Sir Albert Howard (éditions Dangles, 2010)

Sir Albert Howard prévoit déjà les méfaits de l’agriculture productiviste de l’après-guerre : « Notre mère, la terre, qui se voit spoliée de ses droits à la fertilisation, se révolte. La perte de fertilité s’annonce par le danger croissant de l’érosion des sols. L’érosion est probablement, à l’heure actuelle, la maladie la plus importante, une étape de la stérilité du sol. L’érosion du sol n’est rien d’autre que le signe visible de l’échec complet de la politique agricole. La cause de cet échec, c’est en nous-mêmes qu’il faut la chercher. Les chasseurs de profit peuvent travailler impunément jusqu’à ce que la fertilité de la terre, le capital du pays, commence à disparaître d’une façon alarmante. »

Les thèses de l’agriculture biologique se situent aujourd’hui dans la droite ligne du Testament agricole.

1946 Almanach d’un comté des sables d’Aldo LEOPOLD (Flammarion, 2000)

Publié en 1949 à titre posthume, Aldo Leopold a pour la première fois dans cet « Almanach » considéré que le problème écologique était aussi un problème éthique :

« Il n’existe pas à ce jour d’éthique chargée de définir les relations de l’homme à la terre, ni aux animaux, ni aux plantes qui vivent dessus. Une éthique (écologiquement parlant) est une limite imposée à la liberté d’agir dans la lutte pour l’existence. Il faut valoriser une éthique de la terre et montrer sa conviction quant à la responsabilité individuelle face à la santé de la terre, c’est-à-dire sa capacité à se renouveler elle-même. L’écologie, c’est cet effort pour comprendre et respecter cette capacité. »

Pour lui, toute créature est membre de la communauté biotique, et comme la stabilité de celle-ci dépend de son intégrité, elle doit avoir le droit d’exister.

1948 La planète au pillage de Fairfield Osborn (Actes  sud, 2008)

Sa présentation du livre est prémonitoire :

« L’humanité risque de consommer sa ruine par sa lutte incessante et universelle contre la nature plus que par n’importe quelles guerres » et la dédicace parfaite, « à tous ceux que l’avenir inquiète ». Juste après Hiroshima, il est quasiment le premier à prendre conscience d’une catastrophe écologique en marche.

Il ne pouvait avoir l’idée du pic pétrolier et du réchauffement climatique, il consacre donc surtout son analyse à l’appauvrissement des sols. Mais certaines de ces analyses ont été reprises de multiples fois, par exemple : « Aujourd’hui les villes en ruine de l’Ancien empire maya témoignent avec éloquence que jadis il y a eu là les centres d’une population nombreuse et florissante. Cet épisode des Mayas nous apparaît comme un avertissement, auquel par malheur personne ne prend garde ».

1956 Les transformations de l’homme de Lewis Mumford (Encyclopédie des nuisances, 2008)

Lewis Mumford nous présente à la fois une critique de la civilisation technicienne comme Ellul et une nouvelle éthique comme Aldo Leopold :

«  Déjà en Amérique, de par sa sujétion à l’automobile, l’homme a commencé à perdre l’usage de ses jambes. Les mères américaines sont désormais encouragées par de nombreux médecins à ne pas allaiter leurs nouveau-nés. Le destin final de l’homme posthistorique est de se transformer en un homoncule artificiel dans une capsule autopropulsée, voyageant à la vitesse maximale et ayant éliminé toute forme spontanée de vie de l’esprit. »

« La nature n’est plus qu’un stock de matériaux inertes, à décomposer, à resynthétiser et à remplacer par un équivalent fabriqué mécaniquement… Mais la nature est un processus qui se déroule à la fois dans le cosmos et en l’homme :  comme l’expose Lao-tseu, c’est la Voie. Seuls les primitifs et les ignorants, les nobles sauvages et les petits enfants sont assez proche de la Voie pour vivre dans la plénitude de leur nature. »

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biosphere@ouvaton.org

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A quoi servent les économistes ? A rien !

C’est la reine d’Angleterre qui s’étonnait « Pourquoi personne n’avait-il prévu (cette) crise ? ». Pourtant les médias accordent une importance démesurée à l’avis des experts es économie, c’est-à-dire à une vision théorique, éthérée, des réalités. LE MONDE s’interroge enfin, après leur avoir donné beaucoup la parole, sur la validité de ces analystes : « Le procès d’une profession chahutée par la crise. »*

Ce n’est pas tellement les liens des économistes avec les intérêts financiers qui est à mettre en cause, contrairement à ce qui se passe pour les scientifiques stipendiés directement par les entreprises pour fabriquer le doute à propos des menaces écologiques. Le problème avec l’économie, c’est qu’il ne s’agit pas de sciences économiques, mais plutôt comme on le disait autrefois d’économie politique. L’économie organise la circulation des richesses dans une société selon des modalités propres à chaque culture, économies non monétaires ou financiarisées, économies planifiées ou décentralisées, économies réglementées ou dérégulées, etc. C’est une politique, un choix non contraint imposé par une oligarchie ou géré plus ou moins démocratiquement. C’est affaire de représentation sociologique sur « ce qui doit être ». Hier on était keynésien et interventionniste, depuis le tournant des années 1980 le libéralisme prime, c’est-à-dire la croyance aux vertus du marché libre et concurrentiel. Mais à chaque fois on forge une pensée unique, « orthodoxe », on fabrique un conformisme de caste : actuellement les revues spécialisées n’acceptent plus d’articles de philosophie économique, il faut glorifier la croissance dans un monde fini : économiste, médias et politiques tiennent le même discours. C’est ce qu’Epstein qualifie de biais cognitif, un schéma de pensée erroné mais validé car l’erreur est partagée par ses pairs. Ce qui fait que les experts orthodoxes pensent vraiment ce qu’ils disent !

Que nous dit l’histoire ? Depuis l’analyse de Keynes en 1936, on ne jurait que par la relance économique et le déficit budgétaire. Mais la recette pour sortir de la crise de 1929 a été appliquée de façon si constante que nous avons abouti dans les années 1970 à une inflation à deux chiffres conjuguée à un chômage structurel (stagflation). Alors les libéraux ont profité de l’échec keynésien pour dévaloriser le rôle de l’Etat. Le problème, c’est que nous revenions ainsi aux  recettes appliquées avant 1929 et qui avaient abouti à des crises à répétition. Nous ne nous sommes pas aperçus de cette erreur renouvelée car la croissance à crédit restait en réalité keynésienne et empêchait la récession… jusqu’à la crise financière qui a surpris tous les « experts » ! Alors Roger Guesnerie s’interroge : « On peut espérer disposer un jour d’une théorie renouvelée ». Même l’orthodoxe Guesnerie doute ! Il ne sait pas que cette nouvelle  conception de l’économie adaptée à la situation présente existe déjà, c’est la bio-économie, ou économie biophysique, c’est-à-dire l’écologie. Il faut prendre en compte le fait que la circulation des richesses fabriquées dans une société n’soit que la sous-partie des richesses globales que nous offre la biosphère. Yves Cochet précise : « Depuis deux siècles, l’abondance et le faible prix de l’énergie nous ont permis d’ignorer la nature. Cette profusion énergétique seule a été capable d’engendrer d’énormes richesses au XXe siècle pour une part dérisoire de nos salaires et de notre temps. » Même le libéral Guesnerie a évoqué un jour l’idée de distribuer un quota d’émissions de gaz à effet de serre entre les pays en proportion de leur population.

Nous savons ce que les économistes doivent penser, mais eux commencent juste à se poser des questions.

* LE MONDE économie du 3 avril 2012, Dogmatisme, conflits d’intérêts, la science économique suspectée

 

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LE MONDE soutient les écolosceptiques

LEMONDE.FR* fait de la publicité pour les écolosceptiques, c’est-à-dire les menteurs qui pratiquent la désinformation, l’amalgame et qui n’arrivent même plus à discerner où sont les véritable ennemis du peuple. Voici le texte en résumé et notre commentaire des différents témoignages.

– Les Français n’ont malheureusement plus les moyens de traduire en actes leurs convictions profondes. Les actes écolo-citoyens, peuvent-ils passer avant la nécessité de se déplacer pour aller travailler (de plus en plus loin), de se chauffer ?

biosphere : La France d’aujourd’hui est au plus haut sommet historique de sa richesse. Presque chaque foyer a au moins une voiture. C’est l’inégale répartition des richesses qu’il faut condamner, pas les actes écolo-citoyens.

A trop vouloir, sans répit, « bourrer » la tête des gens avec l’écologie, c’est l’inverse qui se produit : un rejet ! Entre les fanatiques de l’écologie et les profiteurs qui vous font payer au prix fort de soi-disant produits bio, les consommateurs font leurs comptes : trop cher, surtout en temps de crise !

biosphere : Les termes « fanatiques » et « profiteurs du bio » montre une tentative de dénigrement sans preuve. Pourquoi ne pas dire que c’est la publicité omniprésente qui bourre la tête des gens et que le profit est le moteur du système capitaliste libéral, alors que l’esprit coopératif est celui de l’écologie…

– Je crois le « changement climatique » nettement moins prononcé et anthropique qu’on nous le dit. Ce qui fait que l’urgence clamée à tous vents me paraît dangereuse. « L’écologie » d’aujourd’hui est un phénomène de bobos citadins qui ignorent bien souvent ce qu’est « la nature » !

biosphere : Le terme « je crois » est significatif d’une méconnaissance du travail des climatologues qui ne doutent plus du réchauffement climatique depuis des années déjà. L’écologie n’est pas le domaine réservé des bobos puisque tout le monde est concerné par les perturbations climatiques ou par notre éloignement programmée de la nature par l’urbanisation.

– L’empressement des gouvernants à multiplier les taxes « dites écologiques » est particulièrement suspect. Ces taxes seraient-elles plus « politiquement correctes » que d’autres ? Faudrait-il que les Occidentaux s’ajoutent encore des handicaps pour produire (comme la fameuse et unilatérale « taxe carbone ») alors que les Chinois auraient un permis illimité de polluer ?

biosphere : Pourquoi dire le contraire de la réalité ? les gouvernants français se refusent aux taxes écologiques, l’idée de taxe carbone a été abandonné par Sarko, et on aurait bien du mal à discerner une autre taxe écolo qui pénalise le peuple. Quant aux distorsions du commerce international, la solution serait des taxes aux frontières, ce que ne veut pas notre interlocuteur !

– Je ne crois pas au développement durable. Je ne crois pas à l’influence de l’homme sur son environnement. Il est hors de question pour moi de ne pas vivre comme je l’entends, avec les progrès technologiques que nous connaissons. Moi j’ai une autre option : gardons le même rythme de vie, mais diminuons le nombre de personnes sur la planète ! Après tout, le résultat sera le même, et nous vivrons tous sans nous restreindre !

biosphere : Ce témoignage, comme d’autres, mélange le domaine écologique et l’oxymore « développement durable », ce qui empêche la clarté de l’analyse. Passons sur l’égoïsme qui transparaît dans ce texte, analysons la solution malthusienne de maîtrise de la fécondité. Bien sûr que cette maîtrise est nécessaire, mais elle n’empêche nullement d’agir sur le niveau de vie des catégories favorisées qui dépensent plus que ce que la planète peut nous donner.

– Dans les 50 prochaines années, moi, je ne serai plus là. Le développement durable, c’est l’enjeu des plus jeunes qui vont devoir se débrouiller avec la situation qu’on leur laisse et je leur souhaite bonne chance. On verra si leurs portables et leurs Facebook les sauvent du cataclysme annoncé, ils feraient mieux de se mettre au travail !

biosphere : il est vrai que les générations futures n’ont pas la parole aujourd’hui. Mais si elles l’avaient, il est sût qu’elles briseraient leur portable sur la tête de cet interlocuteur. Car la situation qu’on va laisser à nos successeurs, plus de pétrole mais le réchauffement climatique, plus de poissons mais la surpopulation… est signe de méchanceté absolue envers nos descendants.

– Si le développement durable n’a plus le vent en poupe, c’est parce que les Français ont compris que les seules choses que veulent développer les écologistes, ce sont l’étatisme et la pression fiscale.

biosphere : les « écologistes » sont multiples, mais l’idée générale n’est pas celle de Mélenchon d’une planification écologique par l’Etat, mais au contraire une valorisation des communautés locales, cherchant par elles-mêmes la voie de leur salut.

– Je suis écolosceptique et contre le développement durable dans la mesure ou l’on privilégie l’approche individuelle et l’aspect « greenwashing » de la chose. Le coût du tri des ordure ménagères devrait être pris en charge à 100 % par les entreprises, comme dans d’autres pays, ce qui est loin d’être le cas en France.

biosphere : la situation en gestation est si dramatique (choc pétrolier, perte de biodiversité, stress hydriques…) que nous ne pouvons actuellement opposer action individuelle, action des entreprises et action de l’Etat. Tout doit être fait simultanément. Si les citoyens ne deviennent pas écolo-compatibles, ni les entreprises ni l’Etat ne bougeront et réciproquement.

* http://lemonde.fr/vous/article/2012/04/03/je-ne-crois-pas-au-developpement-durable_1679774_3238.html

remarque : La dixième Semaine du développement durable se tient du 1er au 7 avril alors que s’est installé en France un véritable « écolo-scepticisme ». Le phénomène est en progression. 45 % des 4 500 Français sondés en juin 2011 par l’Ipsos trouvent « qu’on en fait trop sur le réchauffement climatique ». Cette proportion d’ » écolo-sceptiques « , estime Ipsos, n’était que d’un tiers en 2008.

Cette statistique est vraiment inquiétante, elle prouve que les médias, y compris LE MONDE , n’ont pas fait leur travail de formation des citoyens.

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Schmallenberg : sécurité alimentaire contre libre-échange

Les journalistes donnent des faits et se gardent bien de juger. Ainsi Laurence Girard* : « Depuis le mardi 20 mars, plus aucun bétail vivant d’origine européenne ne doit franchir les frontières de la Russie… Cette interdiction a provoqué, le même jour, une vive réaction de la Commission européenne, qui a jugé cette décision « disproportionnée » et « injustifiée »…. Moscou a motivé sa décision en invoquant la propagation du virus de Schmallenberg en Europe…. Les éleveurs sont confrontés au même triste spectacle : la naissance d’animaux mort-nés ou déformés… La contamination des bêtes se ferait par piqûre de moucherons ou de moustiques. »

Le lecteur est obligé de se poser ses propres questions, Pourquoi exporter du bétail vivant ? Le lecteur est obligé d’essayer d’y répondre : Il vaudrait mieux relocaliser complètement l’élevage, ne pas transporter bêtes et viandes d’un bout à l’autre de la planète et diminuer son alimentation carnée pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent le ministère de l’agriculture français qui a tenu à mettre en garde « ses partenaires commerciaux à l’export que les barrières aux échanges restent injustifiées » n’a pas raison. De même la Russie, qui s’apprête à faire son entrée cet été dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est dans son tort. Le libre-échange au niveau alimentaire est une aberration qui empêche la souveraineté et la sécurité alimentaire sur notre planète dévastée par le libéralisme économique. Les journalistes devraient en tenir compte et aménager leurs articles en ce sens. Sinon, cette « neutralité » journalistique empêche l’évolution des mentalités, c’est toujours l’idéologie des plus forts qui continue de régner.

Les journalistes du MONDE, sauf exception comme Hervé Kempf, font preuve d’une ignorance dommageable de l’urgence écologique. Nous conseillons à Laurence Girard de lire Le retour des paysans de Silvia Pérez-Vitoria :  « En 1986, l’agriculture entre dans les accords du GATT avec l’Uruguay Round. La suprématie de la marchandise sur l’aliment est actée dans des textes internationaux. Le seul intérêt est le développement du commerce et les profits des transactionnaires (firmes agro-exportatrices, sociétés de transports, assurances, banques). Cela ne favorise ni l’alimentation de la population, ni l’activité du paysan local, ni les économies d’énergie. Le protectionnisme est une condition incontournable de l’autonomie. Via Campesina demande le retrait de l’agriculture de l’OMC (organisation mondiale du commerce), ou plutôt le retrait de l’OMC de l’agriculture. Pour Via Campesina, mouvement mondial de petits paysans fondé officiellement en 1993 à Mons en Belgique, la souveraineté alimentaire est définie comme « le droit de chaque nation de maintenir et d’élaborer sa propre capacité à produire son alimentation de base dans le respect de la diversité culturelle et productive ». »

* LE MONDE | 21.03.2012, La progression du virus de Schmallenberg se confirme en Europe

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L’armée française s’intéresse enfin à la catastrophe

Même si mon cœur va aux objecteurs de conscience, j’ai toujours pensé que l’armée dans les temps modernes allait voir son statut changer radicalement. Que ce soit dans l’ex-Yougoslavie, en Côte d’Ivoire ou ailleurs, l’armée française est déjà devenue une force d’interposition, un gage de paix, pour ainsi dire une gendarmerie internationale. Au niveau interne, l’armée va bientôt devenir la « spécialiste du chaos »*. En effet, alors que les militaires ont de plus en plus de mal à se trouver des adversaires définissables dans un monde contemporain où la souveraineté nationale est internationalement reconnue et protégée, la montée des périls écologiques offre de nouvelles perspectives. C’est entre autres le climat qui devient « le nouvel ennemi de l’armée française »*.

Je n’entre pas dans le cœur de cet article d’Hervé Kempf qui pose bien les problèmes, à commencer par le fait que l’armée est plutôt climato-sceptique. Je vais m’attarder sur le fait que l’armée française, donc notre appareil politique, est encore en retard de plusieurs guerres : la guerre du climat, la guerre du pétrole, la guerre de l’eau, etc. Contre les guerres que nous menons contre la Terre, notre force de dissuasion apparaît pour ce qu’elle est, ridicule. Un rapport confidentiel du Pentagone sur le changement climatique date déjà d’octobre 2003. Comme l’administration américaine avait étouffé ce document, son existence ne fut divulguée que par des indiscrétions en février 2004. Le rapport concluait : « Nous ne prétendons pas prédire la manière dont le changement climatique va se produire. Notre intention est de rendre parlants les effets que celui-ci pourrait avoir sur la société si nous n’y sommes pas préparés. Les sociétés les plus combatives sont celles qui survivent ». Il était aussi symptomatique que le prix Nobel de la paix ait été décerné le 12 octobre 2007 au groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le comité cherchait ainsi à « attirer l’attention sur les processus et les  décisions qui paraissent nécessaires pour protéger le futur climat du monde, et ainsi réduire la menace qui pèse sur la sécurité de l’humanité ». Il était significatif qu’Harald Welzer ait pu écrire en 2009 tout un livre sur les guerres du climat.

Comme l’insécurité écologique est principalement rattachée à la problématique énergétique et pétrolière, des rapports militaires de la Bundeswehr ou du Pentagone se préoccupent vraiment de l’insécurité qui suivra le pic pétrolier (voir le blog De Matthieu Auzanneau). Fin mars 2010, le Pentagone publiait un rapport envisageant “une crise énergétique sévère” d’ici à 2015. Si elle advient, cette crise fera des dégâts colossaux, souligne l’état-major interarmées US. Le rapport du Pentagone table sur un déficit de production face à la demande qui atteindrait en 2015 l’équivalent de la production de l’Arabie Saoudite ! Il est clair que les armées seront les seules à pouvoir gérer le chaos qui s’annonce. Puisse cela se faire dans la concertation internationale…

* LE MONDE du 15 mars 2012, Le climat, nouvel ennemi de l’armée française

(Les militaires commencent à intégrer les multiples conséquences du réchauffement dans leurs réflexions)

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2/4) Jean-Pierre Dupuy, faire comme si le pire était inévitable

Tous les discours médiatisés ont un point commun : la croissance va revenir, on va s’en tirer, le cours ordinaire des choses reprendra à terme. C’est là l’illusion qui expose au danger. Car si rien ne change, nous savons que nous allons à la catastrophe.

En conclusion de son film Une vérité qui dérange (2006), Al Gore pose un problème philosophique considérable : « Les générations futures auront vraisemblablement à se poser la question suivante, « A quoi donc pouvaient bien penser nos parents, Pourquoi ne se sont-ils pas réveillés alors qu’ils pouvaient encore le faire ?  » Cette question qu’ils nous posent, c’est maintenant que nous devons l’entendre. »

Les catastrophes naturelles et les catastrophes morales, de plus en plus, seront indiscernables. Il est encore temps de faire que jamais il ne pourra être dit par nos descendants : « Trop tard ! » Un trop tard qui signifierait qu’ils se trouvent dans une situation où aucune vie humaine digne de ce nom n’est possible. C’est l’avenir qui donne sens au passé.

in Où va le monde ? Une décennie (2012-2022) au devant des catastrophes

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le programme d’Eva Joly et l’état d’urgence

La candidate de l’écologie Eva Joly a présenté samedi 11 février son projet pour l’élection présidentielle. Tout de suite un commentateur s’exclame : « Tout cela n’est pas crédible parce que les réalités économiques et financières sont niées. » Un peu léger quand on sait que notre société thermo-industrielle nie complètement la réalité écologique, épuisement des ressources fossiles, réchauffement climatique, stress hydrique, etc. Comme l’analyse Jean-Marc Jancovici, « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. » Soyons plus précis. Si Eva Joly reprend l’idée d’une transition écologique*, on ne peut pas dire que les remèdes préconisés sont à la mesure de l’urgence : « 160 000 logements sociaux, moratoire sur les augmentations de loyer, économie verte créatrice d’un million d’emplois, retraite à 60 ans sans décote, augmentation de 50 % de tous les minima sociaux… » Eva Joly fait surtout du social, pas tellement de l’écologie. Quel devrait être son programme ?

Ce programme serait conforme à ce qu’on peut attendre d’un état de guerre. Il y a un exemple historique. Après Pearl Harbour, le président Roosevelt annonce le 6 janvier 1942 un arrêt de la production de voitures qui durera jusqu’à la fin 1944. La vente de véhicules à usage privé a été interdite, ainsi que la conduite de loisir. La construction de maisons et d’autoroutes a été stoppée. Les gens se sont rapidement mis à recycler tout ce qui pouvait l’être, avant de se lancer dans l’autoproduction alimentaire dans les « jardins de la victoire ». Aujourd’hui ce n’est pas la guerre entre humains, mais entre les humains et la planète. Voici une version moderne du plan Roosevelt adaptée à l’état d’urgence écologique :

1) sur l’alimentation : inutile de parler  de souveraineté alimentaire tant que la nourriture sera issue de l’agroalimentaire mondialisé. Au-delà des objectifs nationaux d’une agriculture bio, le gouvernement soutiendra toutes les tentatives décentralisées d’autonomie agricole, circuits courts, AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), jardins partagés, reconstitution des ceintures maraîchères… Le régime excessivement carné sera modifié. Le lundi végétarien sera imposé dans la restauration collective. La taxe carbone, une des principales mesures mises en place dans le premier budget de notre quinquennat, portera aussi sur les émissions de gaz à effet de serre de l’élevage.

Nous allons promouvoir dans chaque commune et dans chaque territoire la constitution de communautés de résilience. Il s’agit de constituer au niveau local un plan de descente énergétique qui permette de résister aux chocs provoqués par les jumeaux de l’hydrocarbure, le pic pétrolier et le réchauffement climatique. Il s’agit de promouvoir la transition entre une époque d’énergie non renouvelable gaspillée en moins de deux siècles seulement et une période durable où les seules énergies utilisées seront renouvelables.

2) sur les déplacements : inutile de parler de transports en commun tant que la voiture individuelle est généralisée. Notre objectif est d’éradiquer la voiture dans les dix ans qui viennent. Nous promulguerons des mesures progressives qui incitera homo mobilis à changer rapidement de comportement. Dans un premier temps, obligation de ne fabriquer et vendre que des voitures de petite cylindrée. La vitesse de circulation baissera de 10 km/h fin 2012, puis par tranche similaire les années suivantes. La circulation « seul au volant » sera interdite, le covoiturage devenant une pratique généralisée.

Il est bien évident que les quads, bateaux de plaisance à moteurs et autres gadgets motorisés seront interdits de circulation avant 2015. Le moyen idéal de déplacements est la marche et le vélo, la rame et la voile.

3) sur l’habitat : inutile de parler de logements sociaux tant que l’emploi n’est pas fourni en même temps. La population doit apprendre à partager l’espace et l’emploi. Dès le débat du quinquennat, aucun étalement urbain ne sera toléré. Nous devrons nous habituer à des logements moins grands et plus faciles à chauffer. Les grands appartements seront divisés, les résidences secondaires réquisitionnées.

Notre crise économique est structurelle, cachée à l’heure actuelle par le surendettement qui a permis une surconsommation. Une politique de vérité doit dire qu’une grande partie des emplois sont inutiles, parasitaires, voués à disparaître dès l’apparition d’une récession durable. Le nombre d’heures de travail sera revu à la baisse entreprises par entreprises. Il faudra accepter de gagner moins, le niveau de vie moyen en France est largement au-dessus des possibilités de la planète. Les métiers de proximité, la paysannerie et l’artisanat seront les piliers de la société de demain. Etc., etc.

Les Khmers verts au pouvoir ? Non, notre programme est conforme à l’état d’urgence que les écolosceptiques en général et les climatosceptiques en particulier ont préparé par leurs agissements, niant la réalité de la crise écologique. Notre programme explicite clairement une réalité incontournable : nous avons dépassé les limites de la planète et nous avons formaté la population à oublier le sens des limites. La taxe carbone généralisée sera un moyen de retrouver la vérité des prix. La suppression immédiate de toute publicité permettra de redéfinir la réalité de nos besoins. Nous voulons la sécurité, pas le chaos. Nous voulons une société de citoyens heureux de prendre leur responsabilité. Nos mots d’ordre sont conviviaux, « moins de biens, plus de liens », « moins vite mais plus ludique », « moins loin car le bonheur est dans le près »… Nous n’avons besoin que d’une chose, votre enthousiasme pour notre programme, pour un programme qui sera le vôtre…

* http://election-presidentielle-2012/article/2012/02/11/la-liste-des-propositions-d-eva-joly_1642142_1471069.html#ens_id=1318702

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Devenir activiste avec Greenpeace

Greenpeace reste profondément discrète sur son fonctionnement. Les  » activistes  » font parler d’eux mais ne parlent jamais d’eux. Pourtant six d’entre eux ont accepté de raconter* leur engagement, à visage découvert. Ils se félicitent d’avoir démontré la vulnérabilité de la centrale de Nogent-sur-Seine. Ils racontent : « Quand on t’appelle pour te demander si tu peux te libérer quatre ou cinq jours, tu ne sais pas où se passera l’action et même quelle en sera la durée exacte ». A l’origine de l’engagement, il y a un sens très développé de la désobéissance civile et beaucoup de courage. Les activistes sont formés pour participer à des opérations de confrontation non violente. La priorité pour Greenpeace est de pouvoir poser une image sur ce qu’elle veut dénoncer. L’exploit physique des grimpeurs, capables de s’accrocher en quelques minutes sur une façade de ministère, à un pont ou à une grue de chantier, impressionne toujours. Protester n’intéresse pas Greenpeace, l’organisation a une culture du résultat.

Résister à la pression, rester zen, c’est ce qu’apprennent les futurs activistes. 80 % de cette formation porte sur la non-violence lors du stage de base, le Basic Action Training, le  » BAT « . Les personnes doivent être prêtes à endurer des situations de stress, physique et psychologique. Les militantes ont vite fait de se faire cracher dessus, traiter de « pétasse », de « salope », tu es formée pour sourire, ne pas répondre. Pas toujours facile, mais c’est la condition pour devenir activiste. Alice Daguzé, activiste parisienne, a sa méthode.  » Quand tu as un policier en face de toi, si tu t’adresses à son uniforme, c’est l’uniforme qui te répondra, explique-t-elle. Il faut parler à l’homme.

Les têtes brûlées ne sont pas les bienvenues. Chaque initiative est minutieusement préparée avec des repérages, des briefings durant lesquels sont présentés le contexte politique de la campagne, l’action elle-même et ses conséquences judiciaires éventuelles. Se taire pendant la garde à vue, connaître le numéro de l’avocat, n’est pas le propre des militants de Greenpeace. Tout militant confronté actif sait cela. Quand les militants partent pour participer à une action, les voyages sont payés en espèces, les puces des téléphones sont retirées, ils ne doivent pas être tracés. L’adrénaline et l’intensité de chaque action créent de la complicité. Les activistes forment une grande famille, une communauté contente de se retrouver et de se mobiliser. Océan, déforestation, nucléaire, transition énergétique, pollution, chacun puise dans l’une des nombreuses campagnes de Greenpeace sa motivation. Et tous se souviennent de moments forts, se félicitant et s’étonnant parfois de leur réussite.

Aujourd’hui, le problème pour Greenpeace est de renouveler le vivier de ceux engagés dans les opérations. La multinationale militante compte quelque 2 500 salariés dans le monde, 70 en France. Le nombre de cotisants, supporteurs ou adhérents atteint quelque 3 millions, dont 170 000 en France. Les militants réguliers sont quelque 25 000 à 50 000 dans le monde, dont 1 000 à 1 500 activistes. En France, ils ne sont que 500 militants répartis dans 25 groupes locaux. Et les activistes français seraient moins de 100. Ce nombre limité explique aussi le recours fréquent aux groupes étrangers, grimpeurs ou plongeurs… Greenpeace a besoin de toi !

* MONDE Magazine, 21 janvier 2012

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beaucoup de « DE » contre les « SUR »

Qu’on le veille ou non, il faudra bien un jour sortir du sarkozysme : culte de la croissance, toujours plus de bagnoles, toujours plus d’avions, toujours plus de yachts, travailler toujours plus pour gagner toujours moins. Mais l’utopie socialiste d’une promesse de prospérité partagée est aussi derrière nous car il existe une contradiction fondamentale entre le sens des limites inhérent à l’écologie et le goût du « progrès » sans limites de François Hollande et de la gauche en général. La démesure de l’économie à la mode libérale ou socialiste n’entraîne que surconsommation, surgaspillage, surpollution, surpopulation, surproduction, etc. Dans un contexte de pénurie globale des ressources naturelles, l’avenir n’est plus dans l’expansion, mais dans son inverse. A la croissance économique doit donc succéder la DEcroissance conviviale, à l’effet rebond l’effet DEbond, à la mondialisation la DEmondialisation, à la pollution des sols et des esprits la DEpollution, au populationnisme la DEpopulation, à l’urbanisation la DEsurbanisation, à la voiture pour tous le DEvoiturage. N’oublions pas la DEmilitarisation !

Le discours de la classe politique est comme à son habitude en complet décalage avec ce qu’il faudrait vraiment. Un programme politique pour 2012 devrait combattre âprement les inégalités intra- et internationales tout en prêchant ardemment la sobriété et le rationnement, particulièrement dans les sociétés riches. Beaucoup de « DE » contre les « SUR »…

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le syndicalisme est-il écolo ?

Il n’y a pas convergence entre les revendications syndicales et les urgences écologiques. Car le syndicalisme est le plus sûr allié du productivisme. Le « développement des forces productives » fut central dans le programme du mouvement ouvrier. Les rapports de production restent à la fois le problème et la solution. Le conflit entre travail et capital, entre travailleurs et capitalistes, fait oublier le facteur nature (l’écologie). C’est pourquoi le vieux dogme de la croissance pour la croissance comme seul horizon à la lutte du mouvement social est en crise. La perspective écologique se place au contraire à une échelle plus systémique. Le rapport fondamental n’est plus celui des rapports de production, mais celui du rapport à l’environnement ; la question écologique devient un impératif collectif. La biosphère surplombe l’humanité, réduite à une  espèce parmi d’autres se partageant un même écosystème. Pour reprendre la phraséologie marxiste, les infrastructures (conditions et rapports de production) sont englobées par la nature. Les « responsabilités environnementales » de l’entreprise doivent être placées sur le même plan que la liberté syndicale.

Le syndicalisme ne peut plus seulement  privilégier la défense des intérêts immédiats des salariés en faisant l’impasse sur les conséquences de la fin programmée des ressources naturelles et des biens communs. D’ailleurs la CGT revendique d’avoir « investi » le terrain du « Développement Durable ». La CFDT milite notamment pour un développement durable « socialement équitable ». La prise de conscience de la nécessité de la convergence entre l’écologie et le monde du travail a commencé :Via campesina, représentée par la Confédération paysanne en France, réunit des millions de paysans à travers le monde qui se mobilisent contre les OGM, pour une agriculture durable et non polluante. Plusieurs confédérations comme la CUT Brésilienne, la Cosatu d’Afrique du Sud, les Commissions ouvrières espagnoles ou la CGT ont constitué la Fondation internationale du Travail pour le Développement durable. Une alliance Blue-Green, cols verts/cols bleus a vu le jour aux Etats Unis et au Canada, regroupant les associations environnementales et les organisations syndicales pour une nouvelle politique énergétique et pour lutter contre le réchauffement climatique.

Face à l’urgence de la crise climatique et énergétique et à la brutalité de la crise économique et sociale, les écosyndicalistes appellent leurs organisations et le monde du travail à relever le défi écologique. Seule la transformation écologique de l’économie et de la société permettra d’avancer de combattre efficacement le chômage et d’améliorer les conditions de vie et de travail. Nous ne protègerons pas les travailleurs si l’économie tout entière n’est pas réorientée vers un autre mode de production, un autre système de transport, un autre aménagement du territoire, une autre agriculture. La pollution industrielle ne s’arrête pas à la sortie de l’usine… Nous subissons tous les jours dans nos quartiers les conséquences de cette irresponsabilité sociale et environnementale : gestion des déchets, eaux usées, air pollué, bruit, urbanisme, transport… Les organisations de salariés et de paysans doivent au côté des organisations environnementales. Pour les militants écosyndicalistes, les combats pour la justice sociale et la justice environnementale sont indissociables. Il est fondamental qu’il y ait convergence entre les revendications syndicales et les urgences écologiques.

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quarante années de perdues, 1972-2012

1972, il y a quarante ans. Quarante années de perdues alors qu’on connaissait déjà à l’époque les dangers de type écologique qui menaçaient notre société dite moderne. Jugez-en par vous-même :

15 Juin 1972, je découpe un entrefilet dans un journal local (Sud-Ouest) à propos d’une conférence des Nations unies sur l’environnement qui se tient à Stockholm : certains pays veulent condamner la France. La veille en effet une campagne d’essais de la bombe H française était lancée sur un atoll polynésien. L’annonce de cette conférence avait laissé le président Pompidou de marbre ; la France se fout complètement des problèmes écologiques. Le prix des carburants flambera en octobre 1973 suite à la guerre du Kippour : le premier choc pétrolier.

15 juin 1972, un article sur le cri d’alarme de Sicco Mansholt, président de la commission du Marché commun : « La race humaine, menacée par la pollution, l’accroissement démographique et la consommation désordonnée de l’énergie, doit modifier son comportement, si elle veut tout simplement ne pas disparaître… La grande crise devrait culminer autour de l’an 2020. » Cette déclaration se base sur l’enquête effectuée par le Massachusetts Institut of Technologie (le rapport du club de Rome sur les limites de la croissance), publié en juillet 1971. La planète est déjà peuplée de 3,7 milliards de personnes. Que faut-il faire ? Mansholt répond : « Il faut réduire notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance, celle de la culture, du bonheur, du bien-être. C’est pourquoi j’ai proposé de substituer au PNB « l’Utilité nationale brute » ou, comme on le dit plus poétiquement en français, le Bonheur national brut. »

15 juin 1972, un autre article où s’exprime Philippe Saint Marc : « Nous sommes dans un train qui roule à 150 km/h vers un pont coupé. Le monde court à la catastrophe écologique s’il ne procède pas rapidement à une réorientation fondamentale de la croissance économique. »

La solution ? 15 juin 1972, article sur le mode de vie des Amish. Totalement autonomes, ils vivent en micro-autarcie : « Qui sont donc ces Amish auxquels la Cour suprême américaine vient de donner officiellement le droit, en plein âge nucléaire, de continuer à vivre en un temps révolu et de le perpétuer à travers leurs enfants ? Pas un moteur dans ces fermes. Pas un tracteur, pas une automobile. Ni radio, ni télévision, ni téléphone, ni réfrigérateur, ni aspirateur, ni d’ailleurs d’électricité, de gaz ou d’eau courante. Seule source d’énergie en vue, un occasionnel moulin à vent. » Samuel Beiler, un Amish : « Nous ne sommes pas contre l’instruction. Nous sommes contre celle qu’on donne dans vos écoles… Jamais de mémoire d’homme un Amish ne comparut devant un tribunal pour un délit autre que le refus d’envoyer ses enfants à l’école. » Pour la Cour suprême, l’Etat du Wisconsin n’a pas prouvé que l’éducation d’une high school était indispensable pour faire un bon citoyen. Les attendus : « Une façon de vivre qui nous paraît étrange mais qui n’interfère pas avec les droits ou intérêts d’autrui ne saurait être condamnée parce qu’elle est différente, et rien ne nous permet de présumer que la majorité actuelle a raisons de vivre comme elle vit et que les Amish ont tort de mener leur vie comme ils la mènent… » L’Amish était en 1972 un objecteur de croissance, il le reste aujourd’hui.

2012, nouvelle année, bonne année ? Tous nos spécialistes (économistes, politiciens, journalistes…) ne jurent encore que par la croissance. Rob Hopkins* est un des rares à proposer un autre modèle. Il avait visité en 1990 la vallée des Hunzas, dans le nord du Pakistan : « J’avais affaire à une société qui vivait à l’intérieur de ses limites et qui avait développé des moyens d’un raffinement effarant pour y parvenir. Tous les déchets étaient soigneusement compostés et retournaient à la terre. Les terrasses construites sur les flancs des montagnes étaient irriguées avec une précision stupéfiante. Il y avait des abricotiers partout, de même que des cerisiers, des pommiers et d’autres arbres fruitiers. Des pommes de terre, de l’orge, du blé et d’autres légumes poussaient sous ces arbres et autour. Les gens avaient l’air de toujours avoir le temps de s’arrêter et passer du temps avec les enfants qui couraient pieds nus à travers champs. Hunza est tout simplement l’endroit le plus beau, le plus tranquille, le plus heureux et béni d’abondance que j’aie jamais visité, auparavant et depuis lors. »

Il s’agissait d’un territoire de résilience, une aptitude à fonctionner indéfiniment à l’intérieur de ses limites, et de prospérer pour avoir su y parvenir. Pour faire face aux chocs écologiques qui nous attendent, Amish et Hunzas nous montrent déjà les caractéristiques principales d’une communauté de transition.

* Manuel de Transition (de la dépendance au pétrole à la résilience locale) de Rob Hopkins (édition écosociété, 2010)

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Achetez local plutôt que national !

Sur Le Monde ou son appendice Internet, les articles s’enchaînent. « Achetez français », le slogan communiste aux lendemains du second choc pétrolier de 1979 :

– Le « made in France », nouveau cheval de bataille des politiques ;

– Un nouveau label « origine France garantie » pour l’artisanat et l’industrie ;

– Sarkozy vante le « produire français » dans une usine de skis Rossignol ;

– « Produire français » un refrain entonné par tous les candidats à la présidentielle.

Pourtant, pendant des années, les gouvernements de gauche comme de droite n’ont rien fait pour empêcher les délocalisations. Ils n’avaient d’yeux que pour le libre-échange et la mondialisation. Rappelons que lors des primaires socialistes il y a peu, le concept de démondialisation a été brocardé par tout l’éventail politique. D’ailleurs, on ne peut sérieusement « acheter français » que si on change les règles du jeu international, que si l’OMC (organisation mondiale du commerce) est remise en cause, que si nos militaires s’habillent français sans succomber aux pièges des appels d’offre, etc. Si nos politiques étaient sincères, il s’agirait là d’une révolution, d’un virage à 180°, du passage du libéralisme échevelé à un protectionnisme non tempéré.

Mais les politiques n’irons pas à l’encontre de nos comportements de consommateurs insatiables. Nous avons été habitués par le matraquage publicitaire à acheter moins cher, donc des produits importés de pays à bas salaires. Nous avons été habitués au choix sans limite entre produits identiques. Nous avons été habitués aux gigantesques étalages des grandes surfaces scintillants de tous leurs feux. Nous sommes aliénés, nos achetons n’importe quoi pourvu que ce soit à la mode. C’est toute une éducation qu’il faut reprendre à 180° ! Donc nos candidats à la présidentielle nous mentent, ils ont toujours été au service de la mondialisation libérale et de nos envies, rien ne changera s’ils sont élus.

De toute façon « acheter français » est un mauvais slogan. Il nous faut « acheter local », acheter les produits fabriqués à proximité, soutenir les maraîchers locaux avec les AMAP par exemple, faire réparer auprès de l’artisanat local plutôt que jeter, mettre en place un système d’échange local, pourquoi pas fabriquer soi-même… La relocalisation ne consiste pas à obéir aux slogans d’extrême droite vantant la préférence nationale, il s’agit de mettre en place des communautés de transition à l’échelle de la ville ou de la commune pour faire face à la descente énergétique qui s’annonce. Car n’oublions pas qu’il n’y a pas que l’emploi comme contrainte, il y a aussi le pic pétrolier et le réchauffement climatique. Bientôt les yaourts ne pourront plus faire des centaines de kilomètres pour arriver jusqu’à nous. Mais cela, nos politiques ne nous l’expliquent pas…

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N’offrez pas de cadeaux à Noël

Fuyez les dépenses superflues qui épuisent les ressources naturelles et se transforment en déchets plus ou moins recyclables : n’offrez  pas de cadeaux à Noël. Nos enfants sont les petites victimes du marketing qui transforme le père Noël en fournisseur d’un bon de commande validé par l’industrie du jouet. Crise ou pas, l’infantilisation des masses jeunes et adultes se poursuit à chaque Noël. Les petits français ne savent même pas que le Christ dont Noël est la fête est né dans la plus pauvre des conditions. Le véritable message de Noël est celui du partage, certainement pas cette outrance des marchands du Temple qui nous proposent leurs gadgets plus ou moins chinois. Réagissez ! Ecoutez le message délivré en janvier 1973 par le mensuel La Gueule ouverte :

« Le Père Noël est le camelot immonde des marchands de rêve et d’illusion, véritables pirates des aspirations enfantines, colporteurs mercantiles de l’idéologie du flic, du fric, du flingue… Face à la grisaille géométrique des cités-clapiers, bidonvilles de la croissance, face aux arbres rachitiques, aux peuples lessivés, essorés, contraints, s’étale la merde plaquée or-synthétique, la chimie vicieuse des monceaux de jouets. Les jeux sollicitent de plus en plus de consommation électrique. Allez, tenez, on va fantasmer un peu : bientôt pour construire des centrales nucléaires, l’EDF s’adressera à nos gosses et leur proclamera la nécessité de l’atome pour fournir de l’électricité à leurs jouets !

Quelles sont les tendances d’enfants ouverts vers un milieu naturel ? Ils courent, ils jouent dans les flaques, se roulent dans la boue, ou tentent de percer les mystères de « papa-maman ». Ils vivent, pensent, créent, se contentent de quelques bouts de bois. Recouvrir ces apprentissages fondamentaux par une montagne de plastique animé par des piles électriques est le but criminel de notre société : n’offrez  pas de cadeaux à Noël.

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survivre à l’apocalypse, les survivalistes

Le problème de l’article d’Isabelle Talès* sur l’apocalypse « prévue pour le 21 décembre 2012 », c’est qu’il lorgne du côté de Pascal Bruckner, « Le fanatisme de l’apocalypse » : le chaos sur Terre ne peut arriver, c’est la position de la science, il faut être  dingo pour croire à l’apocalypse ! Or l’échec de Durban sur le réchauffement climatique et l’insouciance totale des politiques autant que des consommateurs  (qui ne savent même pas que nous avons dépassé le pic pétrolier) nous préparent de jolis feux d’artifice qui ressembleront à si méprendre à des catastrophes… pour ne pas dire apocalypse !

Par contre Isabelle Talès envisage en passant les « survivalistes qui se préparent chaque jour au pire ». Mais elle ne sait pas par rapport à quoi, où est le pire ! Elle se contente de dénigrer leurs boîtes de conserves en stock et leurs arbalètes. Nous conseillons à  Isabelle Talès de lire le dossier «  Survivre aux survivalistes » (mensuel La Décroissance – septembre 2008) : « Aux Etats-Unis, les survivalistes se donnent comme père fondateur Kurt Saxon, qui édite depuis 1974 une revue « le survivant ». Il s’agit de présenter des techniques de survie, mais aussi de combat dans la perspective de l’après-pétrole. Il ne s’agit pas tant de se préparer à survivre dans un monde devenu hostile que face à des humains devenus hostiles. Le survivaliste s’inquiète des futures pulsions de ses congénères plus que des possibilités de garder la terre fertile. Ce mouvement compte des milliers de membres, surtout aux Etats-Unis, qui réapprennent les techniques de la terre, la ferronnerie, l’artisanat d’antan. Selon eux, l’entrée dans l’ère du pétrole rare et cher va se concrétiser par une grande famine, par une relocalisation très brutale et par le retour à un âge de fer où seuls les plus organisés survivront. »

Rappelons que la méthode des Towns Transition, initiée pour la première fois à Totnes en Angleterre, réfute l’attitude individualiste des survivalistes. Lisez Rob Hopkins et son manuel de transition… et agissez pour éviter l’apocalypse !

* LE MONDE du 13 décembre 2011, « En attendant l’apocalypse » |Chronique télé |

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Achetez français, achetez local

Il y a à peine dix ans, la Chine a accédé au statut de membre à part entière de l’OMC, le 11 décembre 2001*. Comme le nombre fait la force, la Chine est devenu l’atelier du monde. Tout bénéf pour nous, leurs produits sont moins chers. Catastrophique pour notre économie, la France connaît la désindustrialisation et le chômage. Le slogan nationaliste fait donc un retour en force : « Achetez français »**. Car chacun peut se rendre compte que nous avons délocalisé nos industries, nos chercheurs, nos emplois et provoqué pollution et exploitation dans les pays à bas salaires. Ce retour du protectionnisme est déjà utilisé par les firmes multinationales, ainsi cette pub de Coca-Cola***. LE MONDE parle même de tentation cocardière**** et fait un lien avec les slogans de l’extrême droite et le rêve du retour au franc. Le libre-échange est condamné, la démondialisation est en marche.

En fait la relocalisation ne doit pas être simplement conçue dans une optique franco-française ou même européo-centrique. Nous devons tendre le plus possible à l’achat local dans sa communauté proche. La hausse du pétrole et de l’énergie dans les années à venir va s’accompagner nécessairement d’une fragilité grandissante de la grande distribution, ce qui va donner plus de poids à la relocalisation de l’économie. La sécurité des approvisionnements poussera davantage les autorités à encourager l’autonomie en matière de nourriture et de consommation. Le retour au franc n’est qu’un aspect de cette problématique.

De nombreux instruments peuvent en effet inciter les consommateurs à l’achat local : bons d’achat avec réduction, cartes de crédit et de fidélité locales, systèmes de troc et systèmes monétaires locaux… L’argent public ne devrait être attribué qu’aux entreprises locales. Chaque euro et chaque heure utilisée pour attirer et retenir une entreprise extérieure sont perdus pour la cause locale et les avantages qu’elle présente en matière de prospérité. Comme les entreprises locales ont tendance à donner la priorité à la main-d’œuvre, au foncier et aux capitaux locaux ainsi qu’à fournir biens et services pour les marchés eux aussi locaux, c’est décisif pour la stabilité sociale. Un entrepreneur local y réfléchira à deux fois avant de continuer à polluer, ces concitoyens pouvant dénoncer très rapidement ses « externalités négatives ». De plus, du fait que les entreprises locales sont plus enclines à utiliser des matériaux locaux et à vendre sur des marchés locaux, leur activité nécessite moins de transport, consomme moins d’énergie et rejette moins de gaz à effet de serre. Enfin une entreprise locale induit un facteur multiplicateur plus élevé sur le plan économique qu’une entreprise similaire mais délocalisée : les revenus d’une entreprise locale sont distribué sur place, puis une grande partie de cet argent est redistribuée à nouveau au niveau local, etc.

De cette économie relocalisée naîtront des associations entre entreprises vertes et écolo-sceptiques, entre partisans du libéralisme et adversaires de la mondialisation. Là réside la caractéristique la plus séduisante de l’économie locale et sa contribution la plus pérenne : ancrer la culture de l’autonomie territoriale dans un fonctionnement profondément démocratique. C’est l’enjeu de la transition vers des communautés de résilience. Lisez le livre de Rob Hopkins sur la question.

* LE MONDE du 10 décembre 2011, Pékin a bien profité de son adhésion à l’OMC

** LE MONDE du 10 décembre 2011, Acheter français est devenu un geste citoyen

Cet article mélange achat français et « french touch hors des frontières ». C’est incompatible, on ne peut vouloir consommer local et exporter des produits inutiles comme une  tablette tactile, produire local et équiper de chaises françaises les parcs new-yorkais !

*** LE MONDE du 10 décembre 2011, Chez Coca-Cola, nous fabriquons plus de 90 % de nos boissons en France

**** LE MONDE du 10 décembre 2011, La tentation cocardière

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réduisons la surface de nos logements

La transition énergétique que rend nécessaire la fin des énergies fossiles ne sera pas facile. Deux obstacles principaux s’opposent en effet aux indispensables économies d’énergie dans l’habitat, la pression du confort et la taille des logements.

La première expérience d’écoquartier français a été lancée en 2003. Une enquête récente met en lumière des surconsommations de chauffage. En effet la culture de basse consommation n’a pas été intégrée. On ne respecte pas en hiver la norme de chauffage préconisée, soit 19 °C. Sous la pression des habitants, les gestionnaires augmentent la température des chaudières. Là où les thermostats ont été bridés, certains habitants ont même acheté des chauffages d’appoint ! Comme le dit l’article*, « Faire entendre à des gens habitués à vivre avec 23 ou 24 °C qu’ils doivent se chauffer à moins, c’est compliqué ». La température de confort est donc une variable plus subjective qu’objective. Mieux isoler thermiquement les maisons ne sert à rien si cela ne s’accompagne pas d’une sensibilité citoyenne écologisée. D’ailleurs en Allemagne, les objectifs énergétiques au sein des écoquartiers sont placés plus bas encore et ils sont parfaitement respectés.

Quant à la superficie des logements, prenons l’exemple des Etats-Unis**. Après la Seconde Guerre mondiale, les soldats démobilisés et leurs familles emménageaient dans des logements de 90 mètres carrés. Dans les années 1970, la taille moyenne des maisons était de 150 m2. Aujourd’hui elle est de 233. En 2007, Laura Turner a achevé l’équipement de son modeste EcoManor de 575 m2 à Atlanta. Cette maison a été la première à recevoir la norme environnementale LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). Avec 27 panneaux solaires sur le toit, la récupération complète des eaux de pluie, de la géothermie partout, une isolation en mousse de soja et des portes en aggloméré de paille de blé, la baraque consomme de 80 à 90 % de moins d’énergie qu’une maison de la même taille dans la région. Mais une grande maison où vivent peu de personnes ne peut se revendiquer d’un mode de vie durable. Les plus grosses économies d’énergie dans l’habitat sont à chercher d’abord dans la superficie.  La meilleure façon de s’afficher comme un citoyen responsable vis-à-vis de l’environnement est donc de choisir une petite maison, qui consommera automatiquement moins de tout. En plus, il faut savoir garder son pull même dans la maison…

* LE MONDE du 10 novembre 2011, Les ratés du premier écoquartier français.

** AMERICAN ECOLO d’Hélène Crié-Wiesner (éditions delachaux et niestlé, 2011)

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Pierre Fournier décrit LE MONDE

LE MONDE tire à 500 000 exemplaires. Il a la réputation d’être fiable et objectif, réputation héritée des années Beuve-Méry. Le journaliste et dessinateur Pierre Fournier* donne sa sentence : « J’ai pas la télé mais je feuillette deux quotidiens : LE MONDE pour être au courant et un autre pour prendre LE MONDE en flagrant délit de mensonge par dosage ou par omission. Il n’est qu’à constater la soi disant objectivité avec laquelle LE MONDE rend désormais compte des affaires de pollution ; la part qu’il donne aux informations « scientifique » bien orientées ; la multiplication des libres-opinions qui, sur ce sujet-là, vont toujours comme par hasard, dans le bon sens. » Selon Pierre Fournier, les réticences du MONDE à adopter un point de vue critique sur les questions de pollution s’expliqueraient par son scientisme de toujours », mais aussi, et surtout, parce qu’il n’est pas aussi indépendant qu’il le prétend. En effet, « la vraie indépendance d’un journal ce n’est pas l’indépendance politique », mais celle qu’il exerce à l’égard de ses annonceurs ; or « le parti du MONDE, c’est comme celui des autres, celui de ses petites annonces ». Sur le talc Morhange, Fournier commente un article « dont la technique a consisté, cette fois encore, à noyer les poins importants de l’affaire sous l’abondance des informations de détail ». Conclusion : « Evidemment, LE MONDE est pourri. Mais Charlie hebdo l’est aussi. Je le suis aussi. Nous le sommes tous, car tout l’est, dans cette société pourrissante et pourrisseuse. »

Comme vous le savez peut-être, Pierre Fournier, un précurseur de l’écologie, est mort en février 1973. Les critiques adressées ci-dessus au MONDE sont de 1972. Mais la situation a-t-elle  changé depuis ? LE MONDE est-il libéré de la pression  indirecte des publicitaires ? LE MONDE prend-il ses distances avec la phraséologie officielle en matière d’écologie ? Il y a bien Hervé Kempf qui fait bien son boulot de journaliste dédié à l’environnement. Mais un autre journaliste Jean-Michel Bezat**, « recommande  chaudement la lecture du dernier essai de Pascal Bruckner, Le Fanatisme de l’apocalypse. A l’« écologie de divagation », portée par les « Robespierre à la bougie » qui « excellent à empêcher plus qu’à proposer », Bruckner préfère une « écologie de raison » qui ne sacralise pas Gaïa, la déesse Terre, et ne tourne pas le dos au progrès scientifique. »

Pierre Fournier, l’anti-Bruckner par excellence, avait répliquer par avance dans Charlie Hebdo du 12 février 1973 : « L’avenir ? Vous croyez pas si bien dire. L’avenir, il est déjà en train, pauvres cons, de vous revenir sur la tronche contrairement à tous vos minables calculs, il s’écroulera comme le dollar, soutenu dans la panique par les banques européennes, avec l’empire américain vacillant sur le ras-le-bol de ses citoyens déboussolés, avec l’empire japonais, noyé dans sa propre merde, entraînant dans sa chute l’empire chinois à peine éclos, mais pas mal vérolé. Vous verrez, vous verrez. »

Avec quelques nuances, l’avenir décrit par Pierre est là, la crise des subprimes, la crise de l’endettement des Etats, Fukushima, La Chine qui aide l’Europe alors qu’elle-même croule sous la pollution et l’explosion des inégalités…

* Pierre Fournier, précurseur de l’écologie (éditions Les Cahiers dessinés, 2011)

** LE MONDE du 8 octobre 2011, le gaz et la bougie (chronique Pertes et profits)

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épandage du lisier et désertification des océans

Un décret sur l’épandage du lisier soulève la colère des écologistes*. La limite maximale de déjections animales déversées chaque année dans les champs s’élèvera à 170 kg d’azote par hectare de « surface agricole utile », alors que la référence précédente était la « surface potentiellement épandable ». La différence entre les deux modes de calcul reviendrait à autoriser le versement d’un surcroît d’azote de 20 % : en bref, il s’agit d’un coup de pouce supplémentaire à l’élevage intensif, grosses fermes industrielles pourtant à l’origine de la prolifération d’algues vertes sur le littoral de la Bretagne. Les gouvernements se trompent depuis des années, ils favorisent le productivisme des grandes unités au lieu de valoriser l’artisanat de proximité. Il en est ainsi sur terre comme sur mer.

Il vous faut lire d’urgence Plus un poisson d’ici 30 ans ? (surpêche et désertification des océans) de Stephan Beaucher. « De même que les agriculteurs, les pêcheurs sont devenus les sous-traitants de l’industrie agroalimentaire. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la petite pêche côtière était totalement absente des plans de reconstruction qui s’adressaient à des bateaux de plus de trente mètres détenus par des sociétés. La France métropolitaine, qui comptait 59 000 marins pêcheurs en 1950, n’en avait plus que 18 000 en 2008. Encore ne s’agit-il que de la partie apparente du déclin : on estime qu’à dix emplois embarqués correspondent une dizaine d’emplois à terre. Et la responsabilité revient  aux pouvoirs politiques qui ont été trop libéraux en matière d’autorisation de captures, trop laxistes quant à la répression des infractions et trop tardifs dans leur prise de conscience de la gravité de la situation. En France, la politique publique de la pêche n’a jamais été pensée sur le long terme, n’a jamais répondu à une stratégie autre que le maintien de la paix sociale dans les ports. Un certain nombre de bateaux, quand ils quittent le port, ne partent plus pêcher des poissons mais des subventions.

On pourrait disserter longtemps sur la gravité relative de la faillite d’une banque, d’une part, et de la perspective d’océans vides de poissons, de l’autre. Dans les deux cas, on se situe dans un contexte de risque systémique majeur. Mais le premier est perçu au quart de tour par les autorités, le second est assimilé à des fantasmes d’écolo voulant se faire peur ! Or, pour un tiers de l’humanité, la mer constitue l’unique source de protéines animales. Ce sont les circuits courts qui sont vertueux. Pêcher un poisson pour qu’il soit consommé à l’autre bout du monde est un schéma archaïque. »

* LE MONDE du 13 octobre 2011, un décret sur l’épandage du lisier soulève la colère des écologistes

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5/5) LE MONDE et l’écologie… peut mieux faire

Nous avons reflété dans nos articles précédents le point de vue des journalistes Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf, successivement en charge de la rubrique environnement au journal LE MONDE de 1974 à nos jours. Ils en ont témoigné, l’écologie a pris de l’importance dans ce quotidien de référence. Mais comme il faut préserver les convenances et les recettes publicitaires, LE MONDE cultive encore la croissance, le tout automobile et les néfastes futilités. J’avais écrit en 2007 au chroniqueur Eric Le Boucher : « Vous restez un fervent adepte de la croissance économique… » J’ai reçu cette réponse : « La croissance est la seule façon de résoudre le problème social et elle peut être propre. » J’ai obtenu un jour cette réponse de Nadine Avelange, à l’époque responsable du Courrier des lecteurs : « Cher lecteur, notre situation financière ne nous autorise pas à refuser des publicités pour des voitures. Bien cordialement ». Un blog invité du MONDE, qui nous avertit du pic pétrolier, fait pourtant de la publicité pour les voyages en avion ! La crise écologique qui nous menace ne sera bien traitée médiatiquement que dans la mesure où les contraintes réelles ou imaginaires de l’économie ne pèseront plus sur le contenu des articles des  journalistes.

La déformation de l’information tient aussi à la présentation systématique des différents points de vue, ce qui entraîne l’incapacité du lecteur à juger du fond. Par exemple, l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR avait été accordée le 3 juin 2011 par le ministre de l’agriculture. L’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) a alors adressé aux ministres concernés un courrier soulignant que « cet insecticide systémique (le Cruiser), utilisé en enrobage de semences de colza et véhiculé par la sève jusque dans les fleurs, est composé de trois substances actives d’une extrême toxicité pour les abeilles » (LE MONDE du 30 juillet 2011). Mais dans le même numéro, le danger est récusé par Syngenta, qui affirme qu’il n’existe « pas de risques pour les populations d’abeilles ». Déjà, dans l’édition du MONDE du 24 juillet, sous le titre Le fabricant de l’insecticide Cruiser contre-attaque, il n’y avait qu’un simple entrefilet qui ne prouvait rien : « Syngenta a affirmé qu’il allait « combattre toute allégation » contre l’insecticide Cruiser OSR, car il « ne comporte pas de risques pour les populations d’abeilles ». Le Conseil d’Etat, statuant en référé le vendredi 29 juillet, s’appuie sur un point de droit purement formel sans trancher sur le fond pour rejeter la requête de l’UNAF. A suivre ces infos du MONDE, le lecteur ne peut qu’en conclure que l’enjeu écologique est bien trop compliqué pour être pris en considération. Syngenta va pouvoir continuer à commercialiser son insecticide.

Il existe enfin une contradiction flagrante entre journalistes qui peuvent se contredire dans un même numéro. Dans LE MONDE du 29 juillet 2011, Stéphane Foucart s’intéresse à l’état de la planète : « Tandis que les uns fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, les autres craignent, avec raison, celui qui vient. Les effets négatifs du système technique commencent à en concurrencer les effets bénéfiques car ses dimensions sont désormais telles qu’elles se heurtent aux limites physiques de la terre. Arrivé au sommet des courbes, on peut voir le déclin se profiler. De manière croissante, les services rendus au système technique par la biosphère s’érodent sous l’effet du même système technique. » Mais Jean-Philippe Rémy appelle de ses vœux une voiture made in Africa : « Vite, il faut rouler africain ». Il s’attache ainsi à une conception dépassée de l’économie qui repose sur la production manufacturière et les « retombées bénéfiques de l’exploitation des ressources naturelles ». Jean-Philippe Rémy contemple l’évolution passée des courbes, Stéphane Foucart l’évolution prévisible.

Sortons du MONDE papier. Si on consulte les blogs des journalistes du MONDE début septembre 2011, deux seulement sont intitulés « Planète » pour 44 au total, mais trois sont consacrés au sport ! Pour les blogs « invités par la rédaction », 7 sur 34 sont consacrés au sport, 2 à la gastronomie et un seul à notre Planète. Sur les 35 blogs des abonnés « sélectionnés », 5 Planète dont 3 qui ne traitent pas directement d’écologie (humanitaire, lutte contre le SIDA, droits de l’homme). Le thème des rapports entre l’homme et son environnement naturel représente à peine 4 % des blogs du MONDE et sans doute beaucoup moins globalement sur lemonde.fr. Dans LE MONDE et ailleurs, l’urgence écologique ne relève pas encore d’une conception globale et systémique. Pas encore… Car la dimension et l’ampleur des problèmes environnementaux devraient bientôt transformer les journalistes ordinaires en militants des vérités qui nous sont dissimulées. L’analyse journalistique deviendra alors un commentaire (im)pertinent, la société se transformera.

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