écologie appliquée

Fitoussi et Bofinger, des loufoques dangereux

Jean-Paul Fitoussi a une idée loufoque et dangereuse, il voudrait que les banques centrales relève la cible de hausse des prix (2 %, c’est pas assez). Il estime que la doctrine dominante se trompe en prétendant que la bonne santé de l’économie a pour condition la stabilité des prix. Il veut réduire artificiellement la dette de l’Etat qui se dévaloriserait grâce à l’inflation. Il veut relancer l’économie par une pratique keynésienne de gonflement monétaire. Mais il pénalise ainsi tous les titulaires de revenus fixes, saborde le pouvoir d’achat qui est diminué de la hausse des prix, soutient des endettements publics qui sont déjà trop élevés et prépare pour l’avenir une hausse des taux d’intérêt accompagnée d’une chute brutale de l’activité. Jean-Paul Fitoussi a donc « une idée loufoque et dangereuse » selon l’Allemand Peter Bofinger (LeMonde du 24 février).

Pour nous qui analysons jour après jour l’état de la biosphère sur ce blog, nous renvoyons dos à dos les doctrinaires keynésiens (Fitoussi) qui votent pour l’inflation et les dogmatiques monétaristes (Bofinger) qui optent pour la stabilité des prix. Nous savons qu’historiquement le go (la relance) a été suivi obligatoirement par un stop (hausse des taux d’intérêt) et réciproquement. Ce sont deux politiques reliées à la vulgate libérale sans autre objectif commun que de vouloir soutenir la croissance économique à n’importe quel prix. Or c’est de la religion de la croissance que nos sociétés doivent sortir si elles veulent s’en sortir face aux blocages écologiques (fin programmée des énergies fossiles, perte de biodiversité, réchauffement climatique, etc.) qui nous menacent. Nous trouvons dangereux la conception keynésienne de relance inflationniste qui avait été décrite en 1936 pour faire face à une crise conjoncturelle (et non structurelle). Nous trouvons un peu moins dangereux les économistes orthodoxes qui sont pour le désendettement réel des Etats et la stabilité des prix, mais nous savons que la désinflation depuis les années 1980 n’a été possible que par les importations massives en provenance des pays à bas salaires, le  chantage à la baisse des salaires contre le maintien de l’emploi et le fait que les énergies fossiles soient restées à un niveau ridiculement bas.

Les économistes de toutes obédiences ont complètement oublié que ce sont les richesses de la nature qui font les richesses des humains. Ils ont oublié que la rareté croissante entraînera inéluctablement un jour ou l’autre une explosion des prix et la catastrophe sociale. Fitoussi, Bofinger et tant d’autres ne nous préparent nullement un avenir meilleur. Pourtant ils pérorent sur la « révision doctrinale » à longueur de colonnes dans nos médias…

l’origine de la crise écologique

La conception de la nature développée par nos sociétés occidentales est à l’origine de la crise écologique. C’est ce qu’affirme un ouvrage collectif (Crise écologique, crise des valeurs) cité par LeMonde du 21-22 février. Cette analyse nous paraît justifiée ; elle est déjà ancienne, mais les élites françaises sont assez réactionnaire en matière d’écologie. Quelques points de vue prémonitoires:

1946, Almanach d’un comté des sables d’Aldo LEOPOLD : « Il n’existe pas à ce jour d’éthique chargée de définir les relations de l’homme à la terre, ni aux animaux, ni aux plantes qui vivent dessus. Une éthique (écologiquement parlant) est une limite imposée à la liberté d’agir dans la lutte pour l’existence. Il faut valoriser une éthique de la terre et montrer sa conviction quant à la responsabilité individuelle face à la santé de la terre, c’est-à-dire sa capacité à se renouveler elle-même. L’écologie, c’est cet effort pour comprendre et respecter cette capacité. La relation à la terre est actuellement une relation de propriété comportant des droits, mais pas de devoirs. D’ailleurs pour l’homme des villes, il n’y a plus de relation vitale à la terre. Lâchez-le une journée dans la nature, si l’endroit n’est pas un terrain de golfe ou un « site pittoresque », il s’ennuiera profondément. »

1948, La planète au pillage Fairfield OSBORN : « La terre aujourd’hui appartient à l’homme et par là se trouve posé le problème de savoir quelles obligations peuvent accompagner cette possession sans limites. La propriété privée des ressources naturelles d’un pays ne se justifie sur le plan moral que si ces ressources sont exploitées par leur propriétaire de façon conforme à l’intérêt général de la nation. Il n’y a rien de révolutionnaire dans l’idée que les ressources renouvelables appartiennent en réalité à toute la nation et que l’usage fait de la terre doit être partie intégrante d’un plan d’ensemble bien coordonné. les cours d’économie politique, travaux publics, sociologie, etc. prendraient une vie nouvelle si l’on y faisait figurer des considérations bien comprises sur les relations de l’homme avec le milieu physique dans lequel il est appelé à vivre. Une seule solution est possible : l’homme doit  reconnaître la nécessité où il se trouve de collaborer avec la nature. »

1955, Tristes tropiques de Claude LEVI-STRAUSS: « Comme l’autorité de l’homme sur la nature restait (jusqu’à présent) très réduite, il se trouvait protégé – et dans une certaine mesure affranchi – par le coussin amortisseur de ses rêves. Au fur et à mesure que ceux-ci se transformaient en connaissance, la puissance de l’homme s’est accrue Mais cette puissance dont nous tirons tant d’orgueil, qu’est-elle en vérité ? Rousseau avait sans doute raison de croire qu’il eût mieux valu que l’humanité tint « un juste milieu entre l’indolence de l’état primitif et la pétulante activité de notre amour-propre » ; que cet état était « le meilleur à l’homme » et que, pour l’en sortir, il a fallu « quelque funeste hasard » où l’on peut reconnaître l’avènement de la civilisation mécanique. A mieux connaître les autres sociétés, nous gagnons un moyen de nous détacher de la nôtre, non point que celle-ci soit absolument ou seule mauvaise, mais parce que c’est la seule dont nous devrions nous affranchir. »

une société sans école

Au cours du XXe siècle a été découverte une nouvelle raison de l’éducation universelle et obligatoire ; l’école a été définie comme nécessaire pour le travail. L’éducation pour tous est maintenant devenu un slogan porté par les Nations unies. Il va à l’encontre d’une société sans école prôné par Ivan Illich. Précisons d’abord que toutes les tentatives pour promouvoir le développement à la mode occidentale sont sans avenir. Déjà les objectifs du Millenium sont confrontés à des budgets nationaux en berne et des aides internationales en baisse (LeMonde du 7-8 février). Ensuite l’éducation « universelle » prépare à une société qui est en train de faire faillite : les emplois dans le secteur industriel et tertiaire vont plus ou moins brutalement s’effondrer définitivement. La mobilité géographique et professionnelle que prépare la scolarisation universelle deviendra impossible à celui qui sortira du système éducatif trop tôt.
Illich critique la fonction même de l’école : « Les sociétés attachées à la scolarisation universelle et obligatoire insistent sur une entreprise frustrante et toujours plus insidieuse qui multiple les ratés et les infirmes. L’institution tenue pour sacrée légitime un monde où la grande majorité des individus sont stigmatisés comme recalés tandis qu’une minorité seulement sortent de ces institutions avec en poche un diplôme qui certifie leur appartenance à une super-race qui a le droit de gouverner. L’apprentissage est vu comme le fruit d’un enseignement par des maîtres professionnels et comme un curriculum, littéralement une course. La scolarisation fait office de portier à l’entrée des boulots ; or le marché du travail disparaît. Une petite anecdote éclairera mon propos. Il y a vingt ans, quand j’écrivais les essais réunis dans Une société sans école, j’ai appris avec stupéfaction que la direction sanitaire de la ville de New York excluait les boueux qui n’avaient pas leur baccalauréat !
L’obsession de notre société qui oblige les enfants des bas quartiers (et du Tiers-monde) à fréquenter les écoles des bas quartiers est une cruauté absurde. »
Source documentaire : La perte des sens (recueil de textes d’Ivan ILLICH)

démocratie et réalisme climatique

Un quartette d’autonomistes reconnaît: « Les économistes sont soumis à des incitations variées qui peuvent les détourner d’un diagnostic objectif de la réalité. » Obama reconnaît que l’objectif de créer un marché d’émissions n’est pas réaliste dans le contexte politique actuel (LeMonde du 6 février). Le « réalisme » est donc mis à toutes les sauces. La question fondamentale reste posée : « Dans un système démocratique, qui doit en définitive avoir raison ? »

Un des plus féroces contempteurs de ce blog affirme: « Il n’est en rien question de décider du haut d’une autorité. » Nous sommes d’accord sur ce point, la décision démocratique repose sur le débat libre et informé qui seul peut entraîner une décision collective. Cela ne veut pas dire qu’on arrive ainsi à la vérité, la réalité est toujours socialement construite, donc relative. Le problème de toute société, c’est qu’elle formate ses membres (les économistes, les politiques, les entrepreneurs, etc.) à penser d’une certaine façon, donc à se tromper soi-même. Par exemple la contrainte culturelle d’Obama lui fait déclarer la prépondérance du peuple américain : « Investir pour une énergie propre est toujours positif pour notre économie ». Le reste n’a plus d’importance, l’idée d’un marché des quotas carbone peut être abandonné même si ce sont les États-Unis qui en avaient fait la promotion avant même les délibérations de Kyoto. Or les intérêts du peuple américain, qui reposent largement sur une énergie fossile importée, sont indissociables du reste du monde.

Le réalisme démocratique ne peut côtoyer le vrai que si l’ensemble des citoyens du monde apprennent à penser de façon globale, prenant en compte l’ensemble des composants de la biosphère actuelle comme des évolutions à long terme (ce qu’on appele les acteurs-absents). En termes clairs l’Américain moyen doit aussi considérer le sort du Burkinabé et préparer l’avenir de ses arrière arrière petits-enfants. Si nous ne raisonnons pas ainsi, ce n’est pas d’une démocratie qu’il s’agit, mais de l’expression d’un égoïsme territorial voué à l’échec un jour ou l’autre. Le réalisme ne peut être de courte vue et une démocratie qui repose sur le court terme est vouée à l’échec, c’est-à-dire à la négation de la démocratie par l’apparition d’un totalitarisme qui se dira « écologique » et fera croire à une énergie « propre » et des emplois « verts ». Une démocratie véritable ne peut être réalisée et viable qu’à l’échelle locale, c’est-à-dire par la relocalisation, des outils à l’échelle humaine et une énergie basée sur le renouvelable, à commencer par notre force physique.

enseigner l’écologie ou les SES ?

Les critiques sont récurrentes, les sciences économiques et sociales (SES) en lycée sont mal considérées par les pouvoirs en place. C’est une matière transversale qui peut aussi bien considérer la responsabilité du capitalisme mondialisé dans le chômage de masse que la dévalorisation des diplômes suite à une démocratisation mal pensée. Les professeurs peuvent être traités de marxistes, de macroéconomistes ou d’adeptes du marché. On a envisagé de supprimer la matière, de réduire ses horaires, de l’intégrer à l’histoire-géo, ou aux techniques de gestion, jusqu’à présent en vain. Les nouveaux programmes de seconde imposés par le sarkozysme donnent lieu aujourd’hui à une manifestation (LeMonde du 30 janvier).

Mais l’essentiel n’est pas là. Autant les SES ont été à l’origine une matière qui permettait aux élèves de s’affronter au monde moderne et d’en discuter les bases, autant c’est devenu une discipline comme les autres, avec ses recettes et ses habitudes. C’est en Terminale une approche centrée sur la croissance, nous sommes loin des origines de la matière au moment du premier choc pétrolier où on doutait fortement de la durabilité de la croissance. Les professeurs enseignent dorénavant l’économie et la sociologie, de manière séparée de préférence. Ils ignorent superbement l’écologie et n’ont plus tellement d’approche critique à propos des limites absolues rencontrées par la civilisation thermo-industrielle.

Sinon leur association de profs réclamerait bien plus que de discourir en seconde sur la discrimination face à l’embauche ou sur le relativisme de nos comportements, elle exigerait d’enseigner l’écologie, c’est-à-dire un discours sur notre maison biosphère, qui engloberait les relations sociales et ferait de l’économie un simple instrument au service du bonheur de l’espèce homo sapiens sur une planète respectée.

notre avenir, c’est Haïti

Pour le monde occidentalisé, le désastre haïtien est un spectacle à la télé. Pour les journalistes du Monde, c’est un supplément du 28 janvier qui porte toujours un regard extérieur du type « le grand défi sera de rompre avec les échecs du passé ». Prêtons plutôt attention au début de l’analyse de Jared Diamond citée par Laurence Caramel : « Pour toute personne qui veut comprendre les problèmes du monde contemporain… » Haïti préfigure en effet notre destin collectif si nous ne faisons pas suffisamment attention aux menaces environnementales. Et cet aspect n’est pas traité par le dossier du Monde ! Comme d’habitude, Haïti est considéré comme un cas à part qui regarde d’abord les Haïtiens eux-mêmes. Pourtant le chapitre 11 du livre Effondrement, comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, est clair : sur la même île, la République dominicaine est presque le paradis alors qu’Haïti était déjà un enfer bien avant le tremblement de terre.

En République dominicaine, Balaguer confia la responsabilité de la protection des forêts à l’armée en déclarant les coupes de bois « crimes contre la sûreté de l’Etat ». En Haïti, on a laissé la forêt tropicale grignotée par des millions de petits paysans en quête d’un lopin de terre pour survivre. La croissance démographique en République dominicaine est de 1,6 %, mais de 3 % en Haïti. La richesse agricole en Haïti s’était faite aux dépens de son capital en forêts et en sols, à l’image de la déforestation et de la désertification mondiale d’aujourd’hui. L’élite haïtienne s’est identifiée à la France et à son mode de vie plutôt qu’à la défense de son environnement ; aujourd’hui nous assistons à la mondialisation du modèle de vie occidental.

Pour Jared Diamond, l’histoire comparée de ces deux peuples de même origine est un antidote au « déterminisme environnemental ». Faisons en sorte que l’avenir de l’humanité ne soit pas semblable au destin (voulu) d’Haïti, choisissons partout des dirigeants qui donnent la priorité à la question écologique, base de la survie de nos sociétés…

où sont les traîtres ?

Quelqu’un qui quitte les Verts pour adhérer au parti socialiste est-il un traître ? Quelqu’une qui préfère militer à l’UMP est-elle traître à l’écologie ? Les Verts français se disaient à l’origine « ni droite-ni gauche ». En 1980, une multitude de mouvements citoyens donne naissance aux Verts allemands, un « parti antipartis ». Mais de 1997 à 2002, les Verts français ont participé au gouvernement avec le parti socialiste (la gauche plurielle). Mais de 1998 à 2005, les Verts allemands ont participé au gouvernement avec les sociaux-démocrates. Cela n’empêche pas des ministres de droite comme Serge Lepeltier, NKM ou Chantal Jouanno d’être vraiment des écologistes. Et le maire Vert de Tübingen prône une alliance au niveau fédéral entre son parti et les chrétiens-démocrates  (LeMonde du 27 janvier). L’UMP Nathalie Kosciusko-Morizet  peut même écrire dans son livre : « Nous avons besoin aujourd’hui d’entendre les prophètes, y compris les prophètes de malheur. L’écologie se nourrit de prophéties. Il faut discerner dans les ténèbres le risque de se retrouver, bientôt, perdus et défaits au milieu d’une planète devenue malade et hostile. »

Ce ne sont pas les différents régimes de propriété des moyens de production qui déterminent les modalités d’exploitation de la nature mais bien la mentalité de ceux qui prennent des décisions importantes. C’est avec sagacité qu’André Gorz avait subsumé l’économie contemporaine capitaliste et socialiste sous un concept plus large, l’industrialisme (le productivisme). La vieille séparation entre droite et gauche s’effrite, les anti-capitalistes peuvent être de farouches productivistes.

Il y a des traîtres à l’écologie qui composent actuellement la majeure partie du parti socialiste comme du parti de Sarkozy. L’avenir séparera ceux qui ont conscience des limites de la biosphère et ceux qui n’ont aucune conscience.

syndicats-patronat, même combat

Syndicats-patronat, même combat, anti-écolo. Après un Grenelle-débat il y a deux ans et demain, le parlement a voté le Grenelle I, catalogue de bonnes intentions. Maintenant on repousse à plus tard la mise en musique par un Grenelle II (le moment de légiférer sur les vraies solutions). Car quand on est un élu, il ne faut jamais prendre des décisions qui fâchent avant un rendez-vous électoral ; on verra, après les régionales, peut-être… La démocratie telle qu’elle est instituée est l’ennemi des prises de responsabilité en matière écologique et Borloo  vient de s’expliquer sans rire sur ce retard du Grenelle : « En dictature, ce serait plus simple ! » (LeMonde du 23 janvier)

Le problème de nos démocraties, c’est que les personnes qui sont  nos représentants raisonnent à court terme puisque la population raisonne à  court  terme. L’écologie peut amoindrir la compétitivité, le patronat est donc contre l’écologie. Les salariés sont confrontés à une  crise de l’emploi, l’écologie peut attendre. Que le grand hamster soit menacé de disparition par la construction d’une autoroute n’a aucune importance, place aux vrais problèmes ! Pourtant l’emploi et la compétitivité ne vont pas peser beaucoup quand le réchauffement climatique pèsera financièrement autant que le rapport Stern le prévoyait (c’est-à-dire comme la crise de 1929). Pourtant l’emploi et la compétitivité ne vont pas peser bien lourd quand le temps de l’énergie bon marché sera révolu (le pic pétrolier, c’est en ce moment-même). Ce n’est pas très « sexy » de tenir ce blog biosphere, et souvent nous aimerions écrire autre chose que ce que nous écrivons. Mais la réalité de bientôt ne sera pas du tout sexy, et il faut savoir affronter la réalité en face.

L’éditorial du Monde estime qu’après le « magie » du Grenelle », le  « retour au réel » est revenu. Mais le Grenelle préparait le réel de bientôt-demain, et attendre de réagir aux menaces écologiques, c’est faire en sorte que la réalité de demain soit encore plus sinistre que tout ce qu’on pourrait imaginer. La dictature ? Les inégalités ? Les conflits armés ? L’épuisement total de la biosphère ? Tout cela en même temps ?

tout a une fin

La culture occidentale centrée sur le développement nie cette évidence : même les civilisations sont mortelles. Toute chose naît, grandit et dégénère pour mourir à la fin. L’enfant voit le jour pour mourir un jour, comme les autres animaux, les plantes, la terre, le soleil. Mais le jeunisme incite à effacer les rides et à cacher les fins de vie ; le progrès technique loue les nouvelles inventions, mais oublie toutes les techniques obsolètes et les friches industrielles ; la croissance économique se veut sans fin sur une planète finie. La culture occidentale célèbre le développement, le culte du toujours plus, et nous obtenons un trop plein, une démesure : Suractivité, surdéveloppement, surproduction, surabondance, surpêche, surpâturage, surconsommation, suremballage, surendettement, surmédicalisation… Or, après l’exubérance de la vie, il y a le déclin. Après la consommation de masse, il y a les pénuries. Tout à une fin. Image anxiogène ?

            L’émission Globalmag, désormais diffusée du lundi au jeudi sur Arte, veut raconter de belles histoires, aborder l’écologie de manière positive avec lucidité sans être sinistre et cul-pa-bi-li-sant. C’est là un refus manifeste de la réalité à venir. La fin du pétrole accompagnera la fin de la civilisation thermo-industrielle, la fête est finie. Mais ce n’est pas de la morosité de reconnaître que les temps vont être durs, c’est de la lucidité, du réalisme, une attitude responsable. Puisqu’il y a une incompatibilité entre les croyances actuelles en une croissance sans fin et les limites biophysiques de l’économie, alors soyons heureux de vivre autrement, plus simplement. Nous allons mourir un jour ? La belle affaire ! Faisons de notre vie un amour de la vie toujours renouvelé, un amour de notre planète si belle dans le soleil couchant. Faisons vite tant qu’il est encore temps. La vie est si courte !

démocratie Internet et écologie

Sharp nous a écrit : «  RIEN, ABSOLUMENT RIEN, ne doit entraver la liberté individuelle et la démocratie. A partir du moment ou on trouve des justification a ces entraves, ça s’appelle du fascisme. Pente sur laquelle ce blog glisse un peu plus tous les jours… »

Notre analyse : La démocratie est une avancée extraordinaire de l’époque contemporaine. Un décision résulte du libre débat entre les citoyens, le pouvoir à la base remplace les arguments d’autorité qui conditionnaient les gens au nom d’une religion ou d’un dictateur. Il faut pourtant attendre en France la loi de 1881 pour mettre un terme à la censure a priori. Aujourd’hui, Internet est un vecteur formidable de la démocratie. Tout le monde peut créer son blog ou commenter les discours et événements. Les moteurs de recherche mettent à notre disposition toutes les réponses à telle ou telle question qu’on peut se poser. RIEN, ABSOLUMENT RIEN, ne devrait donc entraver la liberté individuelle et la démocratie.

En vérité, l’idée d’un discours sans aucun contrainte n’est pas soutenable. Le web, c’est aussi le coma éthylique assuré ! On l’appelle la Toile, et c’en est une. Toile d’araignée et labyrinthe. Le propre du Web correspond au refus de statuer, de théoriser, de hiérarchiser les informations. Internet est le scandale d’une mémoire sans filtrage, où l’on ne distingue plus l’erreur de la vérité. Nous risquons alors le risque d’une incommunicabilité complète. Au final, cela produit aussi l’impossibilité d’un choix politique, l’incapacité à décider quoi que ce soit. Le filtrage sur Internet est donc un gros problème. Car ce qui importe dans une démocratie, c’est le résultat  du débat, arriver à un savoir partagé par tous, élaborer une culture qui relie. Ce qui forme une culture n’est pas la conservation de tous les discours, mais le filtrage. C’est pourquoi les organes de presse et les maisons d’édition pratiquent une forme d’autocensure, journalistes et comités de lecture trient informations et écrits, ce qu’il faut dire et ce qu’on ne peut pas exprimer publiquement. Un blog est contrôlé par ses modérateurs qui peuvent modifier ou supprimer un commentaire. Le blog lui-même peut être interdit par les modérateurs lemonde.fr. Le site de débat sur l’identité nationale censure à peu près 25 % des messages qui sont envoyés.

Alors, comment déterminer, dans un monde libre d’information, ce qui mérite d’être montré au public ? Sur quels critères conférer ou ôter à un discours sa visibilité ? Ce blog, centré sur l’écologie, ne fait pas mystère de ses choix : privilégier ce qui fait avancer la cause écologique, pour le bien de notre planète, pour le bien des générations futures. En gardant clairement à l’esprit la difficulté de déterminer comment rechercher ensemble la voie du bonheur. Certains commentateurs de ce blog devraient prendre garde à la pente glissante qui les mène à dénaturer l’idée de fascisme en simplifiant à l’extrême la complexité de la réalité. En Suisse, la démocratie référendaire est devenue un canal d’expression des peurs : halte aux minarets !

Les arguments de Claude Allègre en débat

Nous avons (sur ce blog ou ailleurs) été souvent confrontés à l’interrogation de citoyens qui avaient vu (ou lu) Allègre: « Il paraît crédible, je ne sais plus quoi penser, où est la vérité ? »  Claude Allègre a en effet les faveurs des médias, écrit des livres aussi souvent qu’il respire, s’impose un peu partout. Claude Allègre est donc quelqu’un de foncièrement dangereux car il participe d’une manipulation de l’opinion publique par la négation du réchauffement anthropique, le culte du progrès technique, le dénigrement de l’écologie véritable, la désinformation scientifique. Quel est son discours ? Que peut-on répondre ?

8/14) Claude Allègre contre les conférences internationales

Allègre) : Kyoto a été l’exemple de cette attitude incantatoire autant qu’inefficace : dix ans après, les émissions de CO2 ont augmenté de 50 % ! Et Copenhague s’annonce comme devant être du même tabac ! Croit-on qu’avec un tintamarre diplomatique ou médiatique l’Inde et la Chine vont abandonner leur développement fondé sur le charbon ?

Biosphere : Claude, pour une fois, je suis entièrement d’accord avec toi, les palabres diplomatiques de la mise en œuvre du protocole de Kyoto n’aboutissent pas à une action à la hauteur des enjeux. L’échec de Copenhague en est la démonstration finale.Mais il ne suffit pas de constater, il faut se mettre au service de ceux qui oeuvrent pour changer nos modes de vie qui utilisent pétrole et charbon à profusion. Or tu te contentes de dénigrer. Ce n’est pas très « productif ». Je peine à savoir avec toi ce qu’il faudrait faire pour lutter contre le réchauffement climatique, à part ta croyance absolue dans de possibles innovations techniques.

9/14) Claude Allègre pour techniciser la planète entière

Allègre : La solution, n’est-elle pas dans l’innovation ? Ne faut-il pas d’abord développer les technologies de capture et de stockage du CO2, les voitures électriques, hybrides ou à hydrogène et les technologies alternatives pour le chauffage comme le photovoltaïque, la géothermie et l’isolement ? Mais là encore en étant conscient des problèmes sachant par exemple que dans l’état actuel des choses les réserves mondiales d’indium, métal indispensable à la technologie photovoltaïque, sont inférieures à dix ans !

Biosphere : Tu rabâches, Claude, tu rabâches. Toujours ton antienne sur l’innovation qui va sauver (peut-être). Une attitude responsable serait de présenter des solutions à nos problèmes créés par la technique en utilisant les techniques actuelles. Comme on ne peut pas le faire, il faut se résoudre à prendre les problèmes à leur racine, et critiquer les techniques qui nous mènent au désastre. Il ne faut pas rêver de voitures électriques, il faudrait condamner résolument l’utilisation de véhicules personnels, procès de déplacement qui n’a aucun avenir durable. Le fordisme a réussi, il couvre nos territoires d’autoroutes, il n’entraîne pas plus de bonheur et détraque les équilibres naturels. Mais le pic pétrolier est pour bientôt, il n’y a pas que l’indium qui viendra à manquer.

10/14) Claude Allègre contre le nouvel ordre écologique

Allègre : Je ne veux pas comme le dit Marcel Gauchet que « l’amour de la nature dissimule la haine des hommes ». Et tant pis si ce n’est pas à la mode, si je me réclame de la philosophie des Lumières et si, comme Luc Ferry, je refuse le Nouvel Ordre écologique.

Biosphere : Luc Ferry est bien plus  nuancé que tu ne veux le dire. Il avoue en fin de livre que le « nouvel ordre écologique » pose de vraies questions : « Personne ne fera croire à l’opinion publique que l’écologisme, si radical soit-il, est plus dangereux que les dizaines de Tchernobyl qui nous menacent. Et l’on pourra disserter tant qu’on voudra sur l’inanité des thèses anti-modernes agités par les nouveaux intégristes, il n’en reste pas moins insensé d’adopter aujourd’hui encore l’attitude libérale du « laisser faire, laisser passer ». Il faut, écrivait-il aussi, admettre que les écosystèmes sont mieux agencés par eux-mêmes alors que la plupart des constructions humaines s’avèrent le plus souvent si fâcheuses qu’elles requièrent la plus grande prudence. Il faudrait donc élaborer une théorie des devoirs envers la nature. Comme tu le vois, Claude, ta copie sur l’écologie « non productive » est vraiment trop superficielle et mérite qu’on t’enlève ton statut de scientifique pour revêtir celui d’intégriste de la croissance. La preuve, ta capacité à faire parler de toi dans les médias montre bien que tu as les faveurs d’un système thermo-industriel qui est en train de saccager notre planète.  Le journal Libération n’est plus tellement cet instrument de libération de l’homme qu’il voulait être à ses débuts.

11/14) Claude Allègre pour le négationnisme climatique

Dans la rubrique Vu&commenté du Monde du 20 mai 2008, le faux écolo Claude Allègre ne croyait pas à un réchauffement climatique d’origine anthropique. Il parlait même d’une escroquerie scientifique menée par des centaines de spécialistes du climat dans le cadre du GIEC.

Pourquoi donc LeMonde a-t-il donné tant de fois la parole à cet égocentrique cultivant une notoriété malfaisante grâce à ses jugements personnels à l’emporte-pièce ? Pourquoi LeMonde a-t-il cultivé un sensationnalisme inutile ? Il est donc évident que si un ancien ministre, scientifique de formation, peut se permettre encore un négationnisme climatique, c’est qu’il se sent soutenu à la fois par des scientifiques dévoyés par l’appât du gain ou de l’esbroufe, et par des médias au service d’une société tout entière vouée au dieu Hydrocarbure. Dans ce contexte, quel politique aurait le courage de prôner la taxe carbone généralisée sans exonérations ni exemptions ?

12/14) Claude Allègre confond la météorologie et la climatologie

Claude Allègre : « Dès lors qu’on est incapable de prédire le temps de façon sérieuse au-delà de quatre jours, anticiper le climat à un siècle de distance est une fumisterie. » (Le Figaro magazine, 28 novembre 2009).

Stéphane Foucart sur la question Peut-on prédire le climat quand on ne sait pas prévoir la météo au-delà de quelques jours ? : « La météorologie s’intéresse à des phénomènes chaotiques, dont l’évolution au-delà de quelques jours est par essence imprévisible. Elle tente de décrire l’évolution du temps à partir d’une connaissance fine des conditions atmosphériques en cours, que les modèles numériques prolongent. La climatologie est une science statistique. Elle s’appuie sur les bases de données de la météorologie et se nourrit des moyennes des mesures physiques, dans l’espace et dans le temps. Mais elle se nourrit d’autres disciplines, comme la glaciologie, l’océanographie, l’astronomie, pour reconstituer les climats du passé et tester ses modèles numériques. Ceux-ci peuvent ensuite simuler l’avenir, en fonction de la variation de la concentration des gaz à effet de serre. Pour prendre une image, la trajectoire de chacun des jets d’un pommeau de douche est difficile à prévoir (météo), mais on peut prédire quand la baignoire débordera (climatologie). » (LeMonde du 6-7 décembre 2009)

 

13/14) Claude Allègre ignore le CNES

Claude Allègre va encore râler, lui qui est à classer parmi les négationnistes (négateurs) du réchauffement. En effet, depuis environ un siècle et demi que les températures sont régulièrement relevées, aucun décennie ne s’est révélée plus chaude que 2000-2009. Et l’année 2010 pourrait battre tous les records malgré un soleil en faible activité (LeMonde du 29 décembre). Pourtant Allègre se permettait de dire dans le Figaro magazine du 28 novembre que les climatologues, gens « scientifiquement pas sérieux », se consacrent à la modélisation « sans aucune considération pour l’observation » et qu’« il faudrait un grand plan spatial pour améliorer nos connaissances sur l’atmosphère et l’océan, car il n’y a plus de grandes missions sur le climat depuis vingt ans ».

Un démenti cinglant lui ait apporté par Jacques Blamont, conseiller du président du CNES (centre national d’études spatiales) dans le Figaro magazine du 24 décembre : « De nombreux instruments portés par des satellites fournissent quotidiennement les bases de la discussion en cours sur le climat. La constellation de cinq satellites A-Train (2004) étudie les nuages et les aérosols ; les glaces polaires sont connues grâce aux images de EOS, Envist et DMSP, et aux mesures de gravité de Grace et Goce ; le niveau des mers par Topex-Posédion, Jason I et II ; les variations spatio-temporelles des émissions des gaz par Iasi, OCO et Gosat ; la salinité de la surface océanique par Smos, lancé il y a peu. Le cycle de l’eau sous les tropiques sera étudié par Megha, et j’en oublie. A partir des données recueillies s’élaborent des modèles qui tentent de traduire la complexité des phénomènes. Contrairement à ce qu’affirme l’ex-ministre (qui, lorsqu’il était au gouvernement, a diminué les crédits du CNES deux années de suite), la communauté scientifique et ses agences spatiales assurent aujourd’hui le programme mondial de recherches climatiques qu’exige la situation. Il est constitué d’une quantité de missions, déjà fort coûteuses, loin de l’idée d’une « grande mission », bonne pour les tréteaux médiatiques. »

 14/14) Claude Allègre et la fuite en avant technologique

En novembre 2007, lors du lancement d’un fonds d’investissement dédié aux valeurs d’environnement, Claude Allègre prit la parole. Il s’insurgea contre le concept de décroissance, « cette idée qui me paraît horrible, à savoir : nous nous sommes goinfrés, et par conséquent nos enfants doivent vivre dans la frugalité, ils devront se serrer la ceinture ». Non, proclama-t-il, « il faut que l’écologie soit le moteur de la croissance ». Et de lâcher la clé de l’idéologie dominante : « La bonne voie est : tout  ce qui ne rentre pas dans l’économie ne rentre pas dans la marche de la société. » Ensuite il lista les problèmes environnementaux : « Il y a des sécheresses épouvantables, des inondations. La technologie existe, on sait fabriquer des aquifères artificiels, récurer les fleuves, les désensabler… Le prix de l’énergie va se stabiliser grâce aux huiles lourdes et aux sables bitumineux. Le CO2 ? On a la technologie, la séquestration du gaz carbonique. La biodiversité ? Naturellement, la solution, dans ce domaine, c’est les OGM, il n’y a pas d’autre solution. »

Claude Allègre a dit autrefois des choses intelligents, il a même été un bon scientifique. Mais ses capacités scientifiques n’ont pas résisté à l’exposition médiatique. Il soutient ouvertement et de façon active un capitalisme qui cherche à détourner l’attention du public, de plus en plus conscient du désastre écologique imminent, en dénigrant autrui et en faisant croire que la technologie pourrait surmonter tous les obstacles.

 

Sarkozy et la langue de bois

Nous ne voyons pas pourquoi un Président de la république se forcerait aux vœux télévisés quand il n’a rien à dire. Lors de ses premiers vœux de nouvel an en décembre 2007, Sarko avait tenté de lancer un débat sur la « politique de civilisation ». Il n’a jamais réussi à lui donner un contenu. Pourtant les crises financières et écologiques à répétition qui ont déjà commencé nous obligent au changement de civilisation. Les recettes sont déjà connues :

– le facteur nature doit devenir la catégorie essentielle de la pensée sociale ; ce sont les possibilités de la planète qui conditionnent l’activité humaine ;

– nous devons comprendre que l’humanité sans la nature ne serait plus humaine. Opposer l’amour des hommes et l’amour de la nature serait une erreur, l’espèce humaine n’étant qu’un élément de la nature ;

– tous les revenus doivent être encadrés par des normes minimales ET maximales, par exemple le RMA ou revenu maximal admissible ;

– les membres de la classe dominante doivent s’engager à pratiquer la simplicité volontaire pour une sobriété heureuse ;

– à l’opposé de la croyance en une mégapolisation du monde, littéralement hors-sol, on doit réhabiliter la notion du territoire comme unité vivante de la nature et de la culture ;

– l’Etat central doit abandonner la plupart de ses prérogatives au profit des entités territoriales ; des systèmes de partage équitable doivent été mis en place à l’échelle locale ;

– l’approche fiscale de la fécondité est remplacée par la formation des jeunes et des adultes en matière de capacité de charge de la planète, ce qui entraîne la baisse volontaire de la natalité ;

– le complexe agroalimentaire va faire faillite. Pour atténuer les conséquences néfastes sur la production agricole, la population occidentalisée doit diminuer sa consommation de viande et se rapprocher de la terre ;

– l’innovation doit se recentrer sur les besoins fondamentaux de l’humanité (alimentation, santé, lien social) ; nous devons abandonner nos moyens techniques disproportionnés (pesticides, OGM , nanotechnologies, géo-ingénierie…) ;

– le slogan du XXe siècle, « plus vite, plus loin, plus souvent et moins cher » doit devenir « moins vite, moins loin, moins souvent et beaucoup plus cher » ;

– les décideurs doivent prendre conscience que « l’ensemble du peuple » ne se réduit pas aux générations actuelles d’un pays déterminé. Chaque membre d’une instance délibérative doit se faire l’avocat des acteurs-absents, à savoir les habitants des autres territoires, les générations futures, mais aussi les non-humains (la biodiversité).

Mais que fait donc Sarkozy face à l’urgence socio-écologique? Il tente d’adopter un style, en fait ce n’est qu’un verbatim en langue de bois (LeMonde du 2 janvier 2009) :

– nous allons relever le défi de l’environnement ;

– il nous reste encore bien du travail ;

– il va nous falloir faire reculer le chômage ;

– nous réformerons notre justice ; 

– nous devons rester unis.

le vrai bilan de Copenhague

Quelques mots suite au fiasco de Copenhague.

Désolé, ils ne sont pas très sexy !

– Le patronat d’un grand pays industrialisé fêtait au champagne au Bella Center, vendredi soir, l’échec de la convention de Copenhague.

– Sarkozy, Obama, Hu Jintao, Manmohan Singh sont absolument d’accord pour que la production de choses inutiles augmente encore, encore, encore.

– Il n’existe aucun accord puisque les 192 nations réunies à Copenhague n’ont fait que prendre acte d’un texte sans l’approuver. Il n’y a aucun accord puisqu’il n’y a aucun engagement.

– Il est désormais clair qu’il n’est plus possible de faire confiance aux politiques, devenus des hommes d’affaires et non des responsables politiques. Le  court terme et les visions géostratégiques l’emportent sur le fondamental : notre survie.

– Chacun doit éviter que ce fiasco se transforme en succès pour les climato-sceptiques, les pétroliers et autres lobbies – dont la cupidité, l’esprit de rentier, et pour certains le simple ego, l’emportent sur tout, y compris leur simple intérêt d’être humain.

– Notre niveau de vie repose sur l’échange entre nos réacteurs nucléaires et leurs jouets, leurs ordinateurs, leurs vêtements, leurs objets programmés pour la benne.

– Ce que les politiques n’ont pas été capables de faire, les consommateurs, s’ils le décidaient pourraient le faire, par exemple en boycottant les produits chinois.

– La viande mobilise 70 % des terres arables et l’élevage est responsable de 18 % des émissions totales de gaz à  effet de serre.

– Si la tendance se poursuit, on peut s’attendre à avoir une concurrence entre l’alimentation animale et humaine.– La viande est un signe extérieur de richesse.

– Manger moins de viande, c’est bon pour la planète.

– L’interprofession bovine a vite riposté à ce feu nourri de critiques.

– Non, on ne fait pas un monde juste avec de beaux sentiments.

Source : LeMonde du 23 décembre, peu avant le gaspillage démentiel provoqué par les « fêtes » de Noël.

Droit à la croissance, crime contre la Biogée

La Chine est satisfaite de l’échec de Copenhague, le droit au développement des pays en développement est ainsi respecté. Les Chinois sont en effet très fiers de pouvoir imiter le modèle illusoire basé sur l’automobile et le pétrole ; leurs sociétés (BAIC, CNPC, Sinopec…) font désormais concurrence aux multinationales occidentales. Les villes chinoises sont censées accueillir bientôt des millions de nouveaux citadins grâce à l’assouplissement du hukou, le permis de résidence : on souhaite relancer l’économie en accroissant la demande intérieure. Comme Sarko, les Chinois ne parlent qu’en termes de croissance soi-disant verte. Pourtant nous savons que la Chine est devenue le premier pays pollueur de la planète. Nous savons que la croissance économique a déjà dépassé les limites de notre globe. Nous savons que, suite aux non-résultat de la conférence de Copenhague, la température globale pourrait atteindre 3°C d’ici à 2050.

 Le philosophe Michel Serres souligne que l’échec de Copenhague était écrit d’avance car on avait oublié d’inviter un partenaire essentiel, composé d’air, de feu, d’eau et d’êtres vivants, la Biogée (pour dire en un seul mot la Vie et  la Terre). C’est pourtant un pays dont nous sommes tous issus, mais qui n’a pas ni ambassadeur ni langue diplomatique. Le philosophe ajoute : « Le jeu institutionnel de demain doit se jouer à trois : nous ne pourrons plus rien faire sans tenir compte de la Biogée. » C’est ce que s’efforce de faire ce blog biosphere, défendre les intérêts de la Biogée. Mais le vacarme des croissancistes empêche toute réflexion philosophique sur l’avenir de notre civilisation thermo-industrielle. Il empêche aussi que nous écoutions un autre acteur important, absent à Copenhague, les générations futures.

NB : Toutes les informations de ce post sont dans LeMonde du 22 décembre et son supplément économique.

des économistes inconséquents

La pensée économique dominante avait complètement oublié l’analyse des interactions entre le capital naturel et la création de richesses par l’homme ; on ne considérait que les deux facteurs de production, capital physique et travail. Kirk Hamilton propose de prendre en compte trois dimensions : le capital naturel, calculé comme la valeur actualisée des rentes issues de l’exploitation des ressources naturelles, évaluée aux prix internationaux et aux coûts locaux ; le capital produit, qui inclut les machines, les infrastructures, le patrimoine urbain ; enfin, le capital dit « intangible », qui comprend le capital humain à travers l’éducation, mais aussi la qualité des institutions et de la gouvernance. Il ne s’agit là que d’une méthode anthropocentrique qui veut ignorer l’importance fondamentale de la nature, extérieure à l’homme mais exploitée par l’homme.

            A de rares exceptions près comme l’agriculture (« Le capital humain d’un agriculteur, son savoir-faire pour cultiver la terre, ne peut s’exprimer qu’avec de la terre à sa disposition »), Hamilton considère que les facteurs ne sont pas complémentaires, mais substituables : « Les recettes de l’exploitation d’une ressource épuisable peuvent être utilisées pour accumuler d’autres formes de capital, par exemple à travers l’investissement physique ou le soutien à l’éducation. On peut transformer des ressources non durables en développement durable. La « malédiction des ressources naturelles » provient en partie de l’incapacité à opérer cette substitution et à la tentation permanente de consommer le revenu au lieu de l’investir. » Cette hypothèse de substitution entre facteurs (capital humain, capital manufacturier et capital naturel), dite « soutenabilité faible » est une approche défendue traditionnellement par la Banque mondiale, donc par le rapport d’Hamilton. Elle repose sur une confiance aveugle dans un progrès technique qui pourrait toujours compenser la déperdition irréversible des ressources naturelles non renouvelables. C’est donc une croyance religieuse parmi d’autres.

            Yves Cochet à une analyse complètement différente : « Il faut environ 100 millions d’années pour « produire » du pétrole ; si la nature était une marchande capitaliste, à combien nous offrirait-elle le litre de super ? Contrairement à l’économie « écologique » (ndlr : rectification, économie « environnementaliste »), l’économie biophysique ne cherche pas à quantifier en euros le coût des services fournis par les écosystèmes, elle ne  cherche pas à faire entrer la nature à l’intérieur du cadre de l’économie néoclassique, elle s’efforce de créer un nouveau paradigme. Le travail de la nature possède en effet une valeur si incommensurable avec tout ce que l’on peut chiffrer en euros qu’il paraît absurde de tenter même de le faire. Les économistes officiels répètent à satiété que le coût de l’énergie dans le PIB est d’environ 5 %, et que de cette façon nous n’avons pas à nous inquiéter. A quoi nous rétorquons que si l’on soustrayait ces 5 % de l’économie, les 95 % restants n’existeraient plus. »

 

 

Source documentaire : LeMonde du 15 décembre, Kirk Hamilton calcule « l’autre » richesse des nations

Yves Cochet, Antimanuel d’écologie (Bréal, 2009)

rapport de Kirk Hamilton publié par la Banque mondiale en 2006 (« Where Is the Wealth of Nations »).

définir l’économie

Mon petit Larousse me dit : «  Economie, Art de réduire les dépenses » ou « ce que l’on ne dépense pas ». Ce sens traditionnel a malheureusement  été bien oublié au profit d’une économie de croissance qui a épuisé la biosphère. La revue Regards  croisés sur l’économie s’interroge, Les économistes peuvent-ils sauver la planète ? C’est comme si on demandait à un pyromane de bien vouloir éteindre l’incendie qu’il a allumé. L’économie telle que définie par l’université ne s’occupe que des moyens, et encore, ceux qui permettent d’augmenter à court terme le niveau de vie tout en détériorant le genre de vie. Les modèles économiques ne sont pas en mesure de prévoir les risques de catastrophes environnementales (ou même financières), ils fonctionnent à court terme et selon des recettes éculées. La lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une question d’argent, il nous faut réfléchir sur une nature qui n’est plus un « bien libre » corvéable à merci.

Pour devenir crédible, les « sciences » économiques (anciennement économie politique) doivent se transformer en écologie appliquée, ou économie biophysique, ou bioéconomie. Pour Yves Cochet, l’économie biophysique part de l’hypothèse que l’énergie et les matières requises pour fabriquer biens et services doivent être tout autant prises en compte que les interactions entre humains. Pourquoi, en effet, l’économie actuelle est-elle devenue une science sociale en excluant le monde biophysique ? Parce que, depuis deux siècles, l’abondance et le faible prix de l’énergie nous ont permis d’ignorer la nature. Pour René Passet, les tenants des grandes écoles (néoclassique, keynésienne ou néolibérale), cantonnées dans les limites strictes de la sphère strictement économique, paraissent se situer en deçà des vrais enjeux. René plaide pour un paradigme bioéconomique, un système dans lequel le respect des lois de reproduction de la nature délimite le champ de l’optimisation économique. C’est-à-dire, très exactement le contraire de ce qu’entendent les néolibéraux contemporains comme Gary Becker pour lesquels c’est la gestion de la nature qui doit se plier aux lois de l’économie.

La fable de l’économie telle que l’expose la quasi-totalité des manuels de sciences économiques en fait un système circulaire d’échanges de valeurs entre la sphère des entreprises et la sphère des ménages. C’est un système conceptuellement clos, une sorte de machine intellectuelle réalisant le mouvement perpétuel à l’intérieur d’un grand parc aménagé pour la satisfaction à court terme des plus riches, et pour le plus grand malheur de tous à moyen terme.

Source documentaire, LeMonde du 13-14 décembre, Antimanuel d’écologie d’Yves Cochet et  Ecorev n° 33 (quelques principes d’organisation pour une gouvernance bioéconomique de René Passet)

l’impuissance du PSG

J’espère que tu n’es pas un fanatique du Paris Saint-Germain parce que le foot-spectacle, y’en a rien à cirer. Par contre l’avenir du PSG, parti socialiste groquignolesque, à peine un peu plus connu sous le sigle Parti Socialiste Européen, ça c’est important. Au Congrès de Prague, les socialistes européenne veulent abandonner leur facette PSG et préparer leur résurrection (LeMonde du 9  décembre). Ils prennent de bonnes résolutions, adopter un jour ou l’autre une « déclaration de principes », définir une identité et même préparer un programme commun. Un slogan commence même à faire florès au PSE : « Le social-libéralisme est mort, vive la social-écologie ! »

La moitié du travail est déjà fait, les socialistes français ont adopté en 2008 une Déclaration de principes très écolo : « Le but de l’action socialiste est la sauvegarde de la planète (article 1) ; Aux injustices et aux violences du monde, l’idée socialiste oppose un engagement pour une humanité respectueuse de la nature (article 2) ; Les finalités du socialisme démocratique, l’émancipation humaine, portent pleinement la volonté de préserver notre planète aujourd’hui menacée, de protéger et de renouveler les ressources naturelles, de promouvoir la qualité de l’environnement. Conscients de l’étroite interaction des activités humaine et des écosystèmes, les socialistes inscrivent la prise en compte de la planète au même rang de leurs finalités fondamentales que la promotion du progrès des sociétés humaines et la satisfaction équivalente de leurs besoins. (article 3), etc. » Mais le PSE parlent aussi de « keynésianisme vert continental ». Enfer et abomination !

Un keynésianisme vert, c’est en fait une relance de la croissance économique avec un déficit budgétaire encore plus grand et l’inflation comme résultat final. L’habillage greenwashing ne doit pas faire oublier que toute croissance économique dans un monde fini est vouée à l’échec. D’ailleurs la Déclaration de principes de 2008 était significative : « Les socialistes défendent un modèle de développement durable qui conjugue la croissance, l’innovation technologique, l’impératif écologique, la création d’emplois (article 7) ; Pour les socialistes, l’Union européenne doit avoir pour mission, par ses politiques communes, de favoriser une croissance forte et durable (article 17). » On ne voit plus la différence entre un écolo-socialisme et une relance sarkozyste…

une démocratie élargie aux acteurs-absents

La plupart de nos contemporains vivent au jour le jour, les politiciens, même réunis à Copenhague, ne raisonnent pas beaucoup plus loin que les intérêts immédiats de leurs électeurs, les utopies sont derrière nous et les futurologues ne décrivent l’avenir que sous forme de  catastrophes irréversibles. Comment  donc échapper au court-termisme ?

P.Rosanvallon nous décrit quatre types de mesures ou d’institutions dans LeMonde du 8 décembre. Constitutionaliser, mais c’est déjà fait avec la Charte française de l’environnement (promulguée le 1er mars 2005,  Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement) ; renforcer l’Etat, mais si c’est pour suivre les conseils d’Hans Jonas, on a déjà donné (« La tyrannie communiste paraît mieux capable de réaliser nos buts inconfortables que le complexe capitaliste-démocratique-libéral ») ; mettre en place une « Académie du futur », mais c’est déjà le rôle du CESE (la réforme constitutionnelle de juillet 2008 a ajouté l’environnement aux compétences du Conseil économique et social) ; instituer des forums publics, mais il y a déjà plein de débats publics auxquels personne ne s’intéresse. La démocratie ne  progresse pas en se complexifiant, elle devient au contraire ingérable.           

Rosanvallon décrit pourtant la condition nécessaire pour préparer le long terme : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. C’est lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes en termes d’anticipation que leur vision s’accordera au sentiment d’une existence à l’échelle de l’humanité. » Il faut donc que chaque citoyen en position de décision délibérative se fasse l’avocat des acteurs-absents, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations : milieu naturel, être vivants non humains, générations futures. Il faut d’ailleurs remarquer que la génération actuelle peut se permettre d’utiliser autant de ressources non reproductibles ( et perturber le climat) uniquement parce que les générations à venir sont exclues du marché actuel pour la simple raison qu’elles ne peuvent y être présentes ; sinon le prix s’élèverait déjà à l’infini. Il y a une dictature du présent sur l’avenir. Cela ne pourra changer que quand chacun d’entre nous pourra se projeter dans le temps long et l’espace infini.

discrimination médiatique

La multiplication des réseaux d’information transforme notre réalité en un magma informel en perpétuelle expansion. Il est donc difficile d’aller à l’essentiel : comment s’y retrouver dans une cyber-poubelle aux dimensions de Google ? Bruno Frappat, aux Assises du journalisme en mai 2008, nous rassurait : « N’ayez pas peur ! Tant qu’il y aura des nouvelles, il faudra des gens pour faire le tri, hiérarchiser les événements, en jeter. » Mais la biosphère n’est pas satisfaite de la manière dont les journalistes font leur boulot de tri et de hiérarchisation. Ainsi LeMonde du 4 décembre insiste dès la première page sur « La richissime héritière du groupe l’Oréal, bientôt sous tutelle judiciaire ? » C’est une affaire privée qui ne regarde que les personnes concernées et la justice. Par contre LeMonde ne consacre qu’une simple brève pour « l’irruption de Greenpeace à l’Assemblée nationale ».

Pourtant cette action  d’éclat se comprend à l’occasion du débat parlementaire sur le sommet de Copenhague. Aucune violence aux biens et aux personnes, juste une manifestation de sensibilisation au réchauffement climatique. Des députés UMP crient pourtant au « viol de la démocratie » et réclament même des sanctions contre les députés Mamère et Cochet qui avaient applaudi à la descente en rappel  dans l’hémicycle d’une militante. A gauche aussi, l’action est dénoncée comme inadmissible. Seul Cohn-Bendit reste admiratif devant l’imagination et le sens de l’agenda de Greenpeace. Le billet de Robert Solé sur le « cirque en hémicycle » ne rajoute rien. On ne connaîtra pas la position de fond de Greenpeace.

Finalement, LeMonde est plus intéressé par la lettre manuscrite de Françoise Meyers-Bettencourt adressée à sa « chère maman » que par les crises écologiques et la difficulté pour les écologistes de faire entendre leur voix dans une société de riches. Encore une fois, le quatrième pouvoir a failli à sa tâche de hiérarchisation de l’information.